ARCHIVÉE - 2. La gouvernance des minorités de langue officielle au Canada
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2.1 Les minorités de langue officielle
Les minorités de langue officielle ne représentent qu’une faible proportion de la population canadienne, bien qu’elles soient présentes dans toutes les provinces et qu’elles soient même parfois majoritaires dans leurs milieux respectifs. Quel que soit leur poids démographique, la question du statut de ces minorités a toujours été intimement liée à celle de l’avenir du pays.
L’annexe 1 propose un survol de la situation démographique, économique et constitutionnelle des minorités de langue officielle au Canada. Nous avons jugé utile de présenter quelques tableaux sur le sujet afin de donner un meilleur aperçu de la situation des acteurs principalement touchés par la nouvelle gouvernance linguistique.
Notons, en particulier, combien la situation des minorités de langue officielle diffère d'une province à l’autre (voir le tableau 1 en annexe). La majorité des francophones hors Québec vit sur l’axe Moncton (N.-B.) - Windsor (Ont.) à proximité du Québec, alors qu’ailleurs, l’on retrouve des communautés très faibles numériquement, bénéficiant souvent de peu de protection juridique à lexception des mesures adoptées par le gouvernement fédéral (voir le tableau 5).
Les tableaux 2 et 3 montrent qu’au Québec, la minorité anglophone est la seule dont le pourcentage de personnes ayant la langue minoritaire comme langue d’usage est plus élevé que le nombre de personnes ayant la langue minoritaire comme langue maternelle, alors qu’ailleurs au pays, les francophones vivent la situation inverse. Cela rend la situation des francophones beaucoup plus difficile, exigeant une action gouvernementale bien intégrée et coordonnée afin de palier à leur faiblesse numérique.
Par ailleurs, dans les régions comme l’Estrie, la Gaspésie, le Nord ou l’Ouest du Québec, l’existence des communautés anglophones apparaît de plus en plus remise en question en raison de l’exode rural, de la baisse du taux de natalité et du vieillissement de la population.
2.2 La gouvernance des minorités de langue officielle
En 1988, lors de l’adoption de la nouvelle Loi sur les langues officielles, plus conforme à l’esprit de la Charte canadienne des droits et libertés de 1982, le gouvernement fédéral y a ajouté une nouvelle partie. Il s’agit de la partie VII engageant le gouvernement à voir davantage à l’épanouissement et au développement des minorités de langue officielle. L’article 41 de la partie VII de la nouvelle Loi stipule que :
- [l]e gouvernement fédéral s’engage à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu’à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne.
L’article 42 énonce que : « [l]e ministre du Patrimoine canadien, en consultation avec les autres ministres fédéraux, suscite et encourage la coordination et la mise en œuvre par les institutions fédérales de cet engagement ».
Il n’est pas énoncé dans le texte de la Loi si l’engagement du gouvernement canadien est impératif ou indicatif. Les récents jugements de la Cour suprême dans les affaires Beaulac et Summerside ont cependant indiqué la nécessité d’interpréter les droits linguistiques « comme un instrument essentiel dans le maintien et la protection des collectivités de langue officielle là où ils s’appliquent »1. Sans se prononcer directement sur l’obligation des gouvernements à voir à l’épanouissement et au développement des minorités, les interprétations larges et généreuses de la Cour suprême cherchent à aller dans ce sens.
Ce n’est qu'en 1994 que les articles 41 et 42 ont commencé à être appliqués. Ils ont conféré de nouvelles responsabilités aux différents ministères, en particulier au ministère du Patrimoine canadien, et ont suscité la mise en place de nouvelles structures consultatives et de partenariats entre le gouvernement fédéral et les minorités de langue officielle.
2.3 L’infrastructure institutionnelle soutenant la gouvernance des minorités de langue officielle
Au fur et à mesure que le gouvernement fédéral a revu ses façons de faire et qu’il a procédé à la mise en œuvre des articles 41 et 42 de la Loi, il s’est doté d’une infrastructure institutionnelle de plus en plus complexe. La figure 1, un peu plus loin, donne un aperçu de quelques instances d’appui à la gouvernance des minorités de langue officielle dans les domaines de l’épanouissement et du développement. Certaines sont caractérisées par des formes de gouvernance horizontale qui font davantage participer ces minorités au processus d’aménagement linguistique.
Figure 1 : L’infrastructure institutionnelle en appui à la gouvernance des minorités de langue officielle au Canada : Instance governementales, décisionnelles et consultatives

Parmi les instances, mentionnons que le ministère du Patrimoine canadien et le Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) sont celles où l’on est censé avoir une préoccupation particulière pour la question de l’épanouissement et du développement des minorités de langue officielle. Par ailleurs, au mois d’avril 2001, le gouvernement a confié au ministre des Affaires intergouvernementales la responsabilité de voir à la mise en place d’une nouvelle structure de coordination interministérielle de l’action dans le domaine des langues officielles, incluant celle qui regarde l’épanouissement et le développement. Le gouvernement fédéral a déclaré qu’il souhaite ainsi exercer davantage son « leadership politique en matière de promotion et de respect du bilinguisme et d’application des lois protégeant les minorités anglophones ou francophones partout au Canada » (Buzetti, 2001 : A8). Nous y reviendrons plus loin.
2.3.1 Le ministère du Patrimoine canadien
Le ministère du Patrimoine canadien (PCH) doit voir à l’application coordonnée des articles 41 et 42 de la partie VII de la Loi, portant sur l’engagement du gouvernement fédéral envers l’épanouissement et le développement des minorités de langues officielles. Ainsi, il est devenu le principal responsable de l’appui aux minorités de langue officielle. Il se décrit comme étant « chargé de la coordination de l’engagement fédéral en ce qui a trait à l’appui aux minorités francophone et anglophone, notamment en appuyant les activités de divers organismes oeuvrant dans ces communautés, ou en facilitant l’apport de divers ministères ou organismes fédéraux à ce développement » (PCH, http://www.pch.gc.ca/offlang/politique/ responsables.html).
Le ministère du Patrimoine canadien a pour fonction, entre autres, de conclure des ententes avec les gouvernements provinciaux dans des domaines bien précis comme l’éducation, la gestion scolaire et la santé, afin de favoriser la prestation des services publics aux minorités de langue officielle. Il signe également des ententes avec les minorités de langue officielle en vue de leur développement.
En 1997, il avait pour objectifs, en ce qui a trait au développement des minorités : de les responsabiliser davantage en les incitant à se donner des priorités de développement; d’encourager une « utilisation beaucoup plus rigoureuse et pertinente des ressources » mises à leur disposition; de favoriser une « cohésion et une cohérence beaucoup plus serrées entre les actions qui sont posées par les différentes parties à l’échelle locale » (PCH, 1997 : vii). Ces objectifs sont directement reliés à la signature des ententes Canada-communautés dont nous verrons les détails plus loin.
La figure 2, présente la structure de coordination de l’action dans le domaine de l’épanouissement et du développement des minorités de langue officielle au sein du ministère du Patrimoine canadien. Les projets d’ententes, dont les ententes Canada-communautés, constituent un des cinq types d’activités du Ministère. Les autres sont : le comité d’orientation sur l’article 41, le groupe de travail interministériel sur la recherche dans le domaine des langues officielles, le comité des coordonnateurs nationaux de l’article 41, et le partenariat interministériel avec les communautés de langue officielle.
Figure 2 : La structure de coordination de l’action au sein du ministère du Patrimoine canadien dans le domaine de l’épanouissement et du développement des minorités de langue officielle

a) Le partenariat interministériel avec les communautés de langue officielle
Le partenariat interministériel avec les communautés de langue officielle est un secteur en pleine expansion. Il existe deux types de partenariat possibles, un premier type où la concertation avec les minorités de langue officielle prend place davantage entre le ministère du Patrimoine canadien et les autres ministères afin de favoriser l’intégration des besoins de ces minorités dans le cadre de leurs programmes. Un deuxième type de partenariat a pris naissance avec la signature d’ententes et de protocoles entre les minorités de langue officielle et certains ministères.
Depuis 1998, quatre types d’ententes multilatérales ont été signées entre les différents ministères, organismes publics et les milieux minoritaires :
- une entente de collaboration multipartite sur le développement artistique et culturel des communautés francophones et acadienne du Canada;
- une entente portant sur les maisons d’édition francophones et le théâtre en milieu minoritaire;
- un protocole d’entente national en matière de développement des ressources humaines pour les communautés francophones et acadienne du Canada;
- un protocole d’entente national en matière de développement des ressources humaines pour la communauté anglophone du Québec (voir l’annexe 4).
Mentionnons en particulier la création, en 1996, du Comité national de développement des ressources humaines de la francophonie canadienne et un autre pour la communauté anglophone du Québec. Ces comités sont considérés par certains comme un modèle de collaboration entre le gouvernement fédéral et les communautés minoritaires de langue officielle (voir la structure du comité à l’annexe 2). En 1997, un fonds d’appui de 21 millions, répartis sur trois ans, a été constitué en vue de voir à la mise en œuvre des stratégies de développement des communautés minoritaires de langue officielle. Ce fonds est valable à la fois pour le comité francophone et le comité anglophone.
Ces comités tentent de répondre aux besoins spécifiques des communautés en matière de développement rural, d’économie du savoir, d’intégration de la jeunesse, de développement économique et de tourisme. Ils sont composés d’un nombre égal de représentants des communautés de langue officielle en situation minoritaire et d’organismes fédéraux. Ils sont appuyés par le ministère du Développement des ressources humaines. Ils visent, entre autres, à établir un cadre national de développement économique et d’employabilité; à favoriser la ratification de protocoles d’ententes entre les organismes gouvernementaux intéressés à l’expansion économique et au développement des ressources humaines et, d’autre part, à établir des Regroupements de développement économique et d’employabilité (RDÉE) dans les provinces et territoires; à participer à l’élaboration des stratégies qui inscrivent les communautés francophones et acadienne en particulier dans les grandes tendances économiques et d’employabilité nationales et internationales. Les fonctions de ces comités comprennent la coordination, l’information, la liaison, la recherche et le développement.
Les RDÉE sont des organismes affiliés au Comité national dans les provinces et les territoires. Ces regroupements effectuent un travail de concertation entre les divers groupes de développement économique et d’employabilité. Ils ont pour rôle de définir une stratégie qui favorise le développement de leur communauté, tout en répondant aux objectifs du plan stratégique du Comité national. Ils délèguent un organisme parmi leurs membres pour coordonner, à l’échelle provinciale, les multiples initiatives de développement économique et d’employabilité. Cet organisme délégué assure la liaison avec le Comité national et est admissible au fonds d’appui.
Mentionnons également la création, en 2000, du Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire dans le domaine de la santé et, en 2001, d’un comité équivalent pour les anglophones vivant au Québec (voir la structure du comité à l’annexe 3). Ces comités se composent de membres des communautés minoritaires et de représentants des paliers fédéral et provincial. Ils ont pour mandat de conseiller le ministre fédéral de la Santé sur la façon dont son ministère peut contribuer à l’épanouissement et au développement des communautés francophones et anglophones en situation minoritaire et de donner leur avis sur les initiatives en cours d'élaboration afin d’en optimiser les incidences sur les communautés.
D’autres ministères ont mis sur pied des projets au sein desquels l’on retrouve également des représentants des milieux minoritaires. Ainsi, soulignons la mise sur pied des projets Francocommunautés virtuelles et VolNet par Industrie Canada. Ces projets visaient à brancher davantage les milieux minoritaires francophones sur Internet. Le ministère aurait financé 51 projets partout au pays (SCT, 2000 : 14).
Mentionnons également que Diversification de l’économie de l’Ouest Canada a inclus au sein de la stratégie gouvernementale de développement économique de l’Ouest, la présence d'un organisme francophone par province de l’Ouest (SCT, 2000 : 14).
En 1997, le Commissaire aux langues officielles formulait le souhait qu’« à l’aube du nouveau millénaire, toutes les institutions fédérales sauront répondre aux besoins particuliers des minorités en matière de développement dans le cadre normal de l’exécution de leurs programmes » (Commissaire aux langues officielles, 1998a : 7). Or, dans un récent rapport annuel, la Commissaire écrivait plutôt que « plusieurs institutions gouvernementales restent empreintes d’une attitude au mieux passive, sinon défensive face à leurs obligations » (Commissaire aux langues officielles, 2000 : 8).
De plus, les ententes n’ont pas encore été évaluées que les critiques se font déjà entendre. Certains soulignent l’importance d’accorder un financement adéquat aux ententes, notamment dans le domaine des arts et de la culture où les besoins des minorités sont très importants. D’autres soutiennent que lorsque les ententes donnent lieu à la mise en place de nouvelles structures comme dans le domaine du développement des ressources humaines, cela vient alourdir ou bureaucratiser encore davantage les moyens d’intervention dans le domaine de l’épanouissement et du développement.
Toutefois, les minorités de langue officielle misent beaucoup sur le partenariat interministériel afin d’élargir l’éventail des possibilités de financement pour les activités du milieu minoritaire, de rendre possible une plus grande concertation entre les partenaires et de favoriser leur prise en charge par elles-mêmes (PCH, 1997 : 14).
b) Les ententes sur le développement des minorités de langue officielle avec les gouvernements provinciaux et territoriaux
Le ministère du Patrimoine canadien a signé plusieurs ententes avec les gouvernements provinciaux et territoriaux (voir l’annexe 5).
Depuis 1995, des ententes fédérales-provinciales-territoriales sur la promotion des langues officielles ont été signées afin de faciliter la prestation de services aux minorités de langue officielle dans les domaines de la santé, de l’économie, de la justice, des services sociaux et des loisirs, ainsi que la promotion de la reconnaissance des deux langues officielles et de leur usage. Le contenu des ententes et les moyens de mise en œuvre peuvent varier d’une province à l’autre. Seul le gouvernement de la Colombie-Britannique n’avait pas signé une telle entente avec le gouvernement fédéral.
Il existe un protocole d’entente multilatéral dans le domaine de l’enseignement dans la langue de la minorité et de l’enseignement de la langue seconde. Celui-ci sert à définir le cadre du partenariat fédéral-provincial-territorial en ce qui concerne l’enseignement dans les langues officielles. Les ententes doivent faciliter l’accès à l’éducation dans la langue maternelle pour les minorités et l’apprentissage de la langue seconde pour les majorités. Chaque province ou territoire négocie individuellement son entente avec le ministère du Patrimoine canadien.
Depuis 1998, il existe une entente quinquennale sur le système de gestion scolaire de l’Ontario. Il s’agit d’une entente spéciale entre le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral en vue de financer le parachèvement du système de gestion scolaire de la province.
En 1997, le ministère du Patrimoine canadien signait avec le ministère de la Santé de l’Alberta un accord de coopération visant à améliorer l’accès des francophones de la province à des services de santé en français.
En 1999, le ministère du Développement des ressources humaines (DRHC) signait avec les ministères de l’Éducation ou les responsables de la Formation professionnelle des divers territoires et provinces des ententes sur le développement du marché du travail2. Celles-ci prévoient que DRHC ou les gouvernements provinciaux et territoriaux assurent, soit au moyen d’une gestion conjointe ou au moyen d’un transfert de responsabilité, la conception, la prestation et l’évaluation des mesures actives d’emploi et des fonctions du service national de placement. Les clauses linguistiques diffèrent d’une entente à l’autre (prévoyant, dans certains cas, la consultation des minorités ou la prestation de services dans les deux langues là où la demande est importante). Ces ententes ont fait l’objet d’une étude plus approfondie dans le cadre du rapport Fontaine (1999).
En ce qui a trait au financement général des ententes avec les gouvernements provinciaux, les données du Conseil du Trésor citées entre autres dans le rapport annuel 1998-1999 du Commissaire aux langues officielles révèlent qu’en 1998, les dépenses dans le domaine de la collaboration fédérale-provinciale-territoriale en matière de langues officielles s’élevaient à 167,78 millions de dollars. De ce montant, 134,67 millions ont été alloués aux ententes dans les domaines de l’enseignement dans la langue de la minorité (80,15 millions) et de l’enseignement de la langue seconde (49,17 millions).
Le Québec a reçu le plus de crédits pour l’enseignement dans la langue de la minorité (36,1 millions), suivi de l’Ontario (23 millions) et du Nouveau-Brunswick (10,26 millions). Quant aux crédits destinés à l'enseignement de la langue seconde, l’Ontario a reçu la plus grande part du budget (17,65 millions), suivi du Québec (6,37 millions) et de la Colombie-Britannique (5,72 millions) suivis de près par l’Alberta (4,58 millions).
Une somme de 8,14 millions a été allouée aux ententes dans le domaine des services et de la promotion des langues officielles et 24,97 millions ont été alloués aux mesures spéciales comme la gestion scolaire et l’enseignement postsecondaire.
Bref, l’expérience des ententes fédérales-provinciales-territoriales devrait être étudiée davantage en vue de favoriser une réflexion plus poussée sur la nature et la portée des relations intergouvernementales dans le domaine du développement des minorités de langue officielle.
c) Les ententes Canada-communautés
Il s’agit d’ententes cadre conclues entre le ministère du Patrimoine canadien et les milieux minoritaires, qui définissent un cadre de collaboration en vue de l’épanouissement et du développement de ces derniers. Elles garantissent un financement aux organismes des milieux minoritaires pour une période de cinq ans afin de leur permettre d’établir une programmation et d’effectuer des projets dans un ensemble de domaines comme la culture, l’économie, les communications, le droit, la santé, les droits des femmes et des minorités raciales.
Par les ententes Canada-communautés, le Ministère vise un triple objectif :
- promouvoir la concertation entre les organismes au sein de la communauté afin de favoriser la synergie de leurs actions et la rationalisation de leurs ressources;
- favoriser la participation des divers organismes et ministères fédéraux au développement de la communauté ainsi que la collaboration avec les instances provinciales et municipales;
- favoriser le développement à long terme de la communauté en cherchant notamment à accroître son autonomie financière (PCH, 1997 : 15).
La Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) considère que les ententes Canada-communautés accordent une certaine stabilité financière aux organismes œuvrant en milieu minoritaire. De plus, « [l]a concertation, la définition des priorités de développement et la participation des communautés à tous les processus décisionnels leur permettent une meilleure prise en charge de leur développement ». Toutefois, selon la FCFA, les ententes exigent « un investissement de temps et d’énergie important de la part des organismes porte-parole » (FCFA, 1999-2000, http://www.franco.ca/fcfa/documentation/ index.html). Selon plusieurs, les ententes Canada-communautés n’ont pas toujours constitué une forme efficace de coordination de l’action; pour d’autres, lorsqu’elles ont été efficaces, ce fut en raison d’un concours de circonstances et non par design. Nous y reviendrons.
La première entente Canada-communautés a été signée en 1988 avec la communauté fransaskoise. En 1993, le ministère du Patrimoine canadien amorçait un processus de négociation avec les autres milieux minoritaires. De 1994 à 1996, une première série d’ententes Canada-communautés a été signée; elles ont expiré en 1999. En 1999-2000, une deuxième série d’ententes a été négociée, et elles seront en vigueur jusqu’en 2004-2005.
Le financement des ententes Canada-communautés a varié selon les périodes. Pour 1994 à 1999, il représentait 59 413 155 $ sur cinq ans, soit en moyenne 11 882 631 $ par année pour l’ensemble des milieux minoritaires francophones et anglophones au Canada. Une partie de cette somme était destinée au fonctionnement des organismes provinciaux et nationaux et l’autre à la réalisation de projets de développement (voir l’annexe 6 pour plus de détails selon les provinces et territoires)3.
Pour 1999 à 2004, les sommes destinées aux ententes Canada-communautés s’élèvent à 137 570 000 $. Cela représente une augmentation substantielle de l’ordre de plus de 78 millions sur cinq ans, soit en moyenne, 27 514 000 $ par année à répartir entre les minorités de langue officielle. Par ailleurs, à la différence de l’entente précédente, les communautés privilégient de plus en plus le modèle de l’enveloppe globale, c'est-à-dire une enveloppe à partir de laquelle les fonds pour la programmation et les projets spéciaux sont accordés en bloc, la communauté étant ainsi libre de déterminer leur allocation pour chacun des secteurs (voir l’annexe 7 pour plus de détails selon les provinces et territoires)4. Cette approche favorise un modèle « d’autogestion ». Toutefois, certaines communautés reçoivent des crédits supplémentaires afin d’assurer le bon fonctionnement des mécanismes de concertation au sein des secrétariats de l’entente dans leur province.
Contrairement aux premières ententes, les fonds accordés à l’intérieur des nouvelles ententes sont pluriannuels, c’est-à-dire qu’ils sont identiques pour les cinq années pendant lesquelles l’entente est en vigueur. Ces nouveaux fonds proviennent essentiellement des Programmes d’appui aux langues officielles dont le budget a été augmenté de 70 millions sur trois ans à partir de 1999. Toutefois, cette augmentation suffit à peine à couvrir les coûts de la décroissance financière qu’a connu le secteur des langues officielles au cours des dernières années.
2.3.2 Le Secrétariat du Conseil du Trésor
Entre autres, le mandat du SCT est de voir à l’application des dispositions de la Loi sur les langues officielles au sein des institutions du gouvernement fédéral qui lui sont assujettis. Dans ses documents, il est précisé que celui-ci possède :
- le pouvoir de recommander des principes d’application et des mesures réglementaires au gouverneur en conseil, d’établir des politiques et de donner des instructions, de surveiller et de vérifier l’observation par les institutions fédérales, d’évaluer l’efficacité de leurs programmes, d’informer le public et le personnel des institutions fédérales et de déléguer telle de ses attributions en vertu de cet article aux administrateurs généraux ou autres responsables administratifs d’institutions fédérales. En outre, il doit déposer devant le Parlement un rapport annuel sur l’exécution des programmes en matière de langues officielles au sein des institutions fédérales. Par conséquent, il importe que le Conseil du Trésor reçoive des institutions fédérales des renseignements pertinents et au moment opportun (Secrétariat du Conseil du Trésor, http://www.tbs-sct.gc.ca/pubs pol/hrpubs/OffLang/Intro f.html).
En 1997, le Conseil du Trésor et le ministère du Patrimoine canadien signaient un protocole en vue de la mise en œuvre de l’article 41. L’entente devait servir à encourager les institutions fédérales à tenir compte, dans leur processus global de planification stratégique et d’évaluation, de l’engagement du gouvernement envers l’épanouissement et le développement des minorités de langue officielle. Ainsi, l’entente cherchait à favoriser la concertation interministérielle dans le domaine des langues officielles.
Récemment, le SCT, par l’entremise de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, a aussi contribué financièrement à la mise en place de guichets uniques au Manitoba (St-Boniface, St-Pierre-Jolys) regroupant des services fédéraux, provinciaux et municipaux. « Le guichet unique a pour objectif de permettre à la communauté franco-manitobaine d’avoir un meilleur accès à des services en français » (SCT, 2000 : 14; Commissaire aux langues officielles, 2001 : 27).
D’autres projets de guichet unique ou de Carrefour électronique interactif font également l’objet de discussions au Québec et à l’Île-du-Prince-Édouard. Un projet de guichet unique a aussi été implanté en Saskatchewan à l’automne 2000 (Bellevue et Gravelbourg), permettant de fournir de l’information sur tout ce qui touche l’emploi : intégration et réintégration du marché du travail, formation, service aux entreprises, services et information des programmes ministériels. Ce projet est parrainé par Développement des ressources humaines Canada et le ministère de l’Éducation postsecondaire et de la Formation professionnelle de la province. Il compte aussi sur l’aide de trois partenaires provinciaux pour assurer la prestation des services : le Service fransaskois d’éducation des adultes, le Conseil de la coopération de la Saskatchewan et Willow Bunch Communications.
Dans un étude récente, la Commissaire aux langues officielles a fait des recommandations précises au Secrétariat du Conseil du Trésor en ce qui a trait à la portée de ces nouvelles formes de collaboration sur l’épanouissement et le développement des minorités de langue officielle. Elle proposait de tenir compte des principes directeurs concernant les ententes sur le développement du marché du travail; d’élaborer « un cadre de gestion des modalités de collaboration avec les groupes communautaires pour la prestation de services »; « de mettre en place des mécanismes appropriés de contrôle et d’évaluation de la mise en œuvre de toute nouvelle modalité de collaboration »; d’« en faire état dans leur rapport annuel de gestion soumis au Conseil du Trésor » (Commissaire aux langues officielles, 2001 : 27).
2.3.3 Le ministère des Affaires intergouvernementales
Il est encore trop tôt pour juger de l’efficacité de la nouvelle structure de coordination de l’action que le gouvernement fédéral annonçait au mois d’avril 2001, celle-ci n’ayant pas encore été mise sur pied au moment de la réalisation de la présente étude. En principe, la création d’une telle structure au sein d’une agence centrale comme les Affaires intergouvernementales devrait servir à donner une plus grande cohérence à l’action dans le domaine des langues officielles. Il appert que le ministre des Affaires intergouvernementales présidera un comité référentiel des ministres sur les langues officielles.
Par ailleurs, à moins d’une modification de la Loi sur les langues officielles, les organismes comme le Conseil du Trésor et Patrimoine canadien continueront d’offrir les mêmes services et de voir à leurs responsabilités respectives, décrites dans le texte même de la Loi. L’on est donc en droit de se demander quel rôle le ministère des Affaires intergouvernementales jouera concrètement dans le domaine de l’épanouissement et du développement des minorités de langue officielle.
L’annonce du premier ministre faisait suite aux critiques de la Commissaire aux langues officielles selon lesquelles le gouvernement fédéral « manque d’engagement et de leadership ferme et réel » dans le domaine des langues officielles. Déjà, dans les rapports Fontaine, Savoie et Simard, il était question du besoin d’un leadership intégré « à partir d’une instance centrale investie des pouvoirs politiques et administratifs nécessaires » (Fontaine, 1999 : 58).
Il faudra attendre l’articulation de la nouvelle structure afin de voir si le leadership en matière de langues officielles sera plus responsable, notamment dans les domaines de l’épanouissement et du développement. Reste aussi à voir si une meilleure coordination de l’action sera associée à une gouvernance horizontale qui tient compte des préoccupations de l’ensemble des acteurs non gouvernementaux.
2.3.4 Les autres instances consultatives et décisionnelles
Les figures 1 et 2, sans être exhaustives, montrent qu’un nombre important d’instances gouvernementales, de comités et de programmes gravitent autour de l’application de la Loi et collaborent avec le SCT et le ministère du Patrimoine canadien à cet égard. Sont ainsi concernés par la question de l’épanouissement et du développement des minorités de langue officielle : la Commission de la fonction publique du Canada; la Cour fédérale du Canada; le Bureau du Conseil privé; les ministères de la Justice, du Développement des ressources humaines, de l’Industrie, de la Santé, des Travaux publics et Services gouvernementaux; Diversification de l’économie de l’Ouest Canada; Statistique Canada; Postes Canada; le Comité mixte permanent des langues officielles (créé en 1980); l’Agence de promotion économique du Canada atlantique. Cette dernière procède à des consultations et des rencontres interministérielles avec les communautés francophones de l’Atlantique.
Une étude récente du Commissariat aux langues officielles ajoute à cette liste le Conseil fédéral des hauts fonctionnaires, les directeurs généraux des institutions et les gestionnaires des bureaux désignés bilingues (Commissaire aux langues officielles, 2001 : 10-13).
Mentionnons également l’existence d’un comité central dans le domaine des langues officielles, le Comité des sous-ministres des langues officielles, créé en 1985. Ce dernier a constitué un lieu de convergence et d’intégration de l’action des différents ministères (voir la figure 3). « Ce comité adopte annuellement des priorités intégrées accompagnées d’un plan de mise en œuvre et dégage des objectifs stratégiques en matière de bilinguisme institutionnel, de promotion de la dualité linguistique et de développement des communautés, qui guideront l’ensemble des institutions fédérales » (SCT, 2000 : 8).
Figure 3 : Comité des sous-ministres des langues officielles
MEMBRES
Bureau du Conseil privé
Secrétariat du Conseil du Trésor
Communication Canada
(anc. Bureau d’information du Canada)
Affaires étrangères et Commerce international
Santé Canada
Patrimoine canadien
Commission de la fonction publique
Travaux publics et Services gouvernementaux Canada
Justice Canada
DIRECTION
Sous-ministre aux Affaires intergouvernementales
Source : Secrétariat du Conseil du Trésor. 2000. Les langues officielles. Le vent dans les voiles. Ottawa : Secrétariat du Conseil du Trésor. p. 8 [version modifiée].
Soulignons aussi l’existence d’un Comité interdivisionnaire des langues officielles au SCT, d’un Programme national d’administration de la justice dans les deux langues officielles (PAJLO) et du Commissariat aux langues officielles, ainsi que la présence de Champions des langues officielles dont le rôle est de rehausser la visibilité des langues officielles au sein des institutions fédérales et de s’assurer que les obligations en matière de bilinguisme institutionnel et de développement des communautés sont respectées.
Il est à noter qu’au sein de cette infrastructure institutionnelle, un certain nombre d’instances consultatives ont été directement constituées en partenariat avec le milieu minoritaire.
Ce portrait sommaire de l’infrastructure institutionnelle dans le domaine de l’épanouissement et du développement témoigne certainement d’une plus grande prise en compte des minorités de langue officielle de la part du gouvernement fédéral. Il révèle, pour reprendre le vocabulaire du SCT, l’existence d’un leadership davantage intégré.
2.3.5 Le financement des activités destinées aux minorités de langue officielle : un sommaire
Les données budgétaires les plus récentes dans le domaine des langues officielles ont été consignées dans le rapport annuel 1998-1999 du Commissaire aux langues officielles. Celles-ci comprennent les données concernant les programmes d’appui aux langues officielles, soit la collaboration fédérale-provinciale-territoriale, l’appui aux communautés de langue officielle et promotion et dialogue. Ces dépenses ont été prévues par le ministère du Patrimoine canadien et se chiffrent à 220 340 000 $.
En 1998-1999, le coût des services fédéraux dans les deux langues officielles se chiffrait à 255 200 000 $ et les dépenses totales pour les langues officielles, à environ 500 millions de dollars.
En pourcentage du total des dépenses publiques pour cette période, les langues officielles ne représentent environ que 0,5 % (SCT, 1998 : http://www.tbs-sct.gc.ca/tb/estimate/ ped9899f.html). Qui plus est, le budget consenti aux langues officielles au sein des institutions fédérales a été réduit substantiellement depuis 1990, passant de plus de 300 millions (en dollars courants), le montant le plus élevé à être alloué, à moins de 250 millions en 1998-1999, une somme équivalente au budget de 1984-1985.
Notes
1. Beaulac c. La Reine [1999] 1 R.C.S. 768; voir aussi Arsenault-Cameron c. La Reine [2000] 1 R.C.S. 3.
2. En règle générale, ce sont les ministres de l'Éducation ou responsables de la Formation professionnelle qui ont signé les ententes. Dans certains cas, ce sont les ministres des Affaires intergouvernementales, de la Santé ou même le premier ministre dans le cas du Québec.
3. Nous ne disposons pas des données financières détaillées permettant de préciser les sommes alloués à chaque organisme ou projet dans chaque province et territoire.
4. Nous ne disposons pas des données financières détaillées permettant de préciser les sommes alloués à chaque organisme ou projet dans chaque province et territoire.