ARCHIVÉE - Chapitre 4 Communautés de langue officielle en situation minoritaire : Investir l’espace public, d’un océan à l’autre

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1.0 L’évolution des communautés de langue officielle en situation minoritaire depuis les années 1960

Les francophones et les anglophones cœxistent étroitement sur le territoire canadien depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle. Dans les années 1960, comme aujourd’hui, les francophones étaient surtout concentrés au Québec, dans les provinces de l’Atlantique et dans l’est de l’Ontario, mais on trouvait aussi des communautés francophones partout au pays. Pour leur part, les anglophones étaient majoritaires dans toutes les provinces canadiennes, sauf au Québec.

1.1 Le cheminement des comunautés francophones à l’extérieur du Québec

Il y a 40 ans, la situation des francophones en milieu minoritaire était difficile. Le français était si absent de l’espace public que les membres de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (Commission B.B.) n’hésitaient pas à reprendre les termes du sociologue Jacques Brazeau, qui écrivait qu’à plusieurs égards, il s’agissait d’une langue « non employée1 ».

Pour les membres de la Commission B.B., cette situation, qui avait pour conséquences le sousdéveloppement des communautés francophones en situation minoritaire et leur assimilation graduelle, devait être corrigée. À leurs yeux, le Canada devait viser une « égalité des chances réelles en vertu de laquelle le fait de parler anglais ou français [ne serait] source, pour l’individu, ni d’avantages ni de désavantages dans sa recherche d’un accès aux institutions qui enveloppent la vie individuelle et collective2 ».

Le gouvernement fédéral a réagi à la publication du Rapport de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme en adoptant la Loi sur les langues officielles en 1969. En 1978, il a ajouté certaines dispositions linguistiques au Code criminel, puis a doté le pays de la Charte canadienne des droits et libertés en 1982.

Les tribunaux ont souvent été appelés à interpréter les garanties linguistiques prévues dans ces textes législatifs, et certains de ces jugements ont grandement contribué à renforcer la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Néanmoins, comme le montrent les modifications à la partie VII de la Loi en 2005, l’heure n’est plus seulement aux stratégies défensives en matière linguistique. Ne cherchant plus uniquement à survivre, les communautés de langue officielle n’ont jamais eu autant le désir de s’épanouir, ni autant de possibilités d’y arriver.

« On parle maintenant de santé en termes de mieux-être, c’est-à-dire qu’on n’en parle plus en termes d’absence de maladie. Ce que j’aime bien, c’est qu’on parle de moins en moins de la vitalité des communautés comme étant l’absence d’assimilation.3 »

– Gratien Allaire, historien, Université Laurentienne, Sudbury

1.2 Le cheminement des communautés anglophones du Québec

Si les communautés francophones en situation minoritaire ont progressivement investi l’espace public à partir de la fin des années 1960, un grand nombre d’Anglo-Québécois ont senti qu’ils n’avaient pas leur place au Québec après l’élection du Parti Québécois et l’adoption de la Charte de la langue française en 1977.

Inévitablement, l’introduction de politiques vigoureuses pour promouvoir le français dans la sphère publique québécoise a profondément modifié les rapports entre la majorité francophone et les communautés anglophones du Québec. Cela dit, certains jugements ont été nécessaires pour assurer que les mesures prises en faveur du français respectent les droits des Anglo-Québécois.

Certains de ces jugements, l’ouverture générale manifestée par la majorité de langue française de même que la forte volonté d’adaptation des centaines de milliers d’Anglo-Québécois résolus à demeurer au Québec ont permis d’instaurer dans cette province un climat favorable à la paix sociale.

Malgré cela, la peur de disparaître continue de subsister des deux côtés. Lors du colloque La revitalisation de la communauté : Tendances et perspectives d’avenir pour les membres des communautés d’expression anglaise du Québec, l’ancien commissaire Goldbloom soulignait que les Anglo-Québécois redoutent toujours que l’affaiblissement de leurs institutions (par exemple, la fermeture de certaines écoles anglaises de Montréal à cause de la diminution des inscriptions ou la disparition d’hôpitaux comme le Sherbrooke Hospital) n’entraîne la dévitalisation de leurs communautés4.

2.0 Le nouvel environnement des communautés de langue officielle

Aujourd’hui, l’avenir des communautés francophones et anglophones en situation minoritaire est prometteur, et cela tient à différents facteurs.

Premièrement, la volonté des communautés francophones en situation minoritaire d’utiliser leur langue dans l’espace public, tout en contribuant, avec la majorité anglophone, à l’essor de leur municipalité ou de leur province, a continué de croître au cours des 40 dernières années. De même, les Anglo- Québécois n’ont jamais cessé de travailler au déve loppement de leurs écoles, de leurs hôpitaux ou de leurs établissements socioculturels, et de participer pleinement à l’évolution de la société québécoise.

Les communautés de langue officielle : Une identité en mutation

L’identité des francophones et des anglophones en situation minoritaire est en pleine évolution. Les membres des communautés de langue officielle ne s’identifient plus strictement à leur groupe linguistique. Par exemple, au Québec, 40 p. 100 des personnes d’expression anglaise s’identifient autant à la majorité francophone qu’à la minorité anglophone, sans pour autant accorder moins d’importance à l’accès aux services fédéraux en anglais5. De plus, les données recueillies par Statistique Canada dans le cadre de l’enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle6 démontrent qu’une bonne proportion des francophones qui ont adopté l’anglais comme langue principale tiennent malgré tout à obtenir certains services en français. Quant aux jeunes francophones et anglophones des communautés de langue officielle, ils affirment de plus en plus qu’ils ont une identité « bilingue » ou « biculturelle ». Ces phénomènes montrent que les comportements linguistiques sont complexes et qu’il est difficile de définir l’identité « anglophone » ou « francophone ».

Deuxièmement, l’importance des compétences linguistiques, de la facilité d’adaptation et des capacités de réseautage des communautés de langue officielle est de plus en plus reconnue à sa juste valeur dans l’environnement mondialisé dans lequel le Canada évolue. Par exemple, au Québec, les dirigeants d’entreprises sont de plus en plus conscients, particulièrement dans des secteurs névralgiques comme les technologies de l’information, l’aérospatiale et les sciences de la vie, que les anglophones sont très bien placés pour faire le pont entre la majorité francophone et les clients et les fournisseurs internationaux7. Quant à l’Agence nationale et internationale du Manitoba, elle fait appel aux ressources de la communauté francomanitobaine pour favoriser le positionnement des entreprises de la province dans des marchés comme le Québec, la France et la Belgique.

Troisièmement, en éliminant les frontières, les technologies de l’information donnent aux commu nautés de langue officielle des possibilités extra ordinaires de collaborer ou de créer des liens avec les citoyens de même langue d’autres provinces ou pays. Par exemple, Internet permet aux étudiants des communautés francophones de consulter en ligne des ressources documentaires en langue française auxquelles ils auraient difficilement eu accès par le passé. De leur côté, les services de télésanté d’établissements comme l’Hôpital de Montréal pour enfants permettent aux anglophones des régions éloignées du Québec de consulter des pédiatres spécialisés sans avoir à se déplacer.

Quatrièmement, la popularité du Canada comme terre d’accueil, l’ouverture des communautés de langue officielle envers les immigrants de même langue et l’accueil de ces derniers par les Canadiens signifient que ces communautés sont aujourd’hui bien placées pour commencer à combattre leur déclin démographique et à s’enrichir grâce à la contribution de personnes venues de l’étranger.

3.0 Une vision des communautés de langue officielle centrée sur leur vitalité

Convaincu du réalisme et de la force d’une vision centrée sur le plein épanouissement des communautés de langue officielle plutôt que sur leur simple survie, le Commissariat a lancé en 2006 un vaste programme de recherche sur la vitalité de ces communautés.

D’abord, il y a eu la publication du document Une vue plus claire : évaluer la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire8, qui dressait l’état des connaissances actuelles sur cette question. Les efforts du commissaire se sont poursuivis en 2007 avec le lancement d’une étude sur la vitalité de trois communautés francophones en milieu urbain, soit celles de Winnipeg, de Sudbury et d’Halifax9.

Le commissaire se réjouit du fait que ces communautés aient poursuivi le travail amorcé dans cette étude. Par exemple, l’Association canadienne-française de l’Ontario du Grand Sudbury et le Réseau de développement économique et d’employabilité de l’Ontario ont mobilisé différents partenaires pour produire les premiers états généraux de la francophonie du Grand Sudbury, en novembre 2008. Rendu possible par le travail de planification réalisé par les participants de huit tables sectorielles et par les efforts d’une équipe de chercheurs chevronnés, ce rassemblement de grande envergure a permis à la communauté francophone de cette région de se doter d’une vision commune. Il a aussi amené les acteurs des secteurs jugés prioritaires à s’engager à prendre part activement à la suite des travaux.

Le commissaire a poursuivi son programme de recherche sur la vitalité des communautés de langue officielle en examinant la situation de trois communautés anglophones du Québec, soit celles des Cantons-de-l’Est, de la Basse-Côte-Nord et de la ville de Québec10.

Les Anglo-Québécois de 16 à 29 ans ont confiance en l’avenir

En 2008, le Quebec Community Groups Network (QCGN) a organisé des consultations et des rencontres qui ont donné à plusieurs centaines de jeunes Anglo-Québécois l’occasion de réfléchir ensemble aux principaux défis de leur communauté.

Les travaux du QCGN révèlent que les Anglo-Québécois de 16 à 29 ans ont une vision positive de leur avenir. Ces jeunes veulent demeurer au Québec et contribuer au développement de la société québécoise, tout en préservant leur identité et leur patrimoine culturels. Ils veulent être bilingues et souhaitent améliorer leurs liens avec les jeunes francophones. Ils tiennent aussi à ce que leur participation à la vie collective se fasse dans le cadre d’une « approche collaborative et inclusive, dirigée par des jeunes11 ».

La publication de cette étude a notamment mené à l’organisation, le 20 juin 2008, d’une rencontre qui a aidé la communauté de pêcheurs de la Basse-Côte-Nord à commencer à définir les défis les plus pressants à relever pour augmenter leur vitalité12.

Enfin, à l’automne 2008, le commissaire a entamé une étude sur la vitalité de trois communautés francophones de l’Ouest, situées en Saskatchewan, en Alberta et en Colombie-Britannique. En 2010, le Commissariat, Patrimoine canadien et l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques publieront une étude sur la vitalité de trois communautés francophones localisées au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut.

4.0 La Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne 2008-2013 : agir pour l’avenir et les comunautés

En juin 2008, le gouvernement du Canada a lancé la Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne 2008-2013 : agir pour l’avenir, dont l’investissement de 1,1 milliard de dollars touche cinq domaines d’action :

  • valoriser la dualité linguistique auprès de la population canadienne ;
  • investir auprès des jeunes ;
  • améliorer l’accès aux services pour les communautés de langue officielle ;
  • tirer partie des avantages économiques ;
  • améliorer la gouvernance.

Le gouvernement a choisi de bâtir sur les acquis. La Feuille de route 2008-2013 reconduit donc plusieurs programmes d’appui aux communautés de langue officielle et comprend un nouveau volet de soutien aux arts et à la culture.

Ce plan présente cependant des lacunes importantes. D’abord, le fait qu’il ne propose pas aux Canadiens une nouvelle vision ambitieuse du développement des communautés de langue officielle est regrettable.

Ensuite, il est déplorable que, même si les sommes annoncées dans la Feuille de route 2008-2013 permettront de poursuivre les activités entreprises, elles ne suffiront pas à relever l’ensemble des nouveaux défis auxquels les communautés devront faire face d’ici 2013.

De plus, la Feuille de route 2008-2013 ne définit pas de cibles précises pour guider les institutions fédérales dans leurs interventions en faveur des communautés de langue officielle. Enfin, le gouvernement insiste sur l’importance pour le Canada de bâtir l’avenir en misant sur la jeunesse, mais il n’alloue pas de fonds spécifiques aux regroupements de jeunes des communautés de langue officielle, pas plus qu’il n’établit clairement si les programmes décrits comprennent une dimension jeunesse.

Le commissaire déplore le fait que le gouvernement ait mis plusieurs mois avant d’annoncer ses premières mesures dans le cadre de la Feuille de route 2008-2013.

Malgré ces quelques annonces récentes, le commissaire considère que ce retard est regrettable et qu’il devrait être comblé aussi vite que possible dans l’intérêt du développement durable des communautés de langue officielle.

5.0 L’analyse de la situation des communautés de langue officielle dans six secteurs d’activités

La situation des francophones et des anglophones en milieu minoritaire varie d’un secteur d’activités à l’autre. Toutefois, pour chacun d’eux, le gouvernement devra adopter des mesures vigoureuses pour concrétiser la vision dynamique que les communautés ont de leur avenir.

Le commissaire énonce une vision pour chacun des secteurs d’activités suivants :

  • Éducation : Non seulement les enfants, les élèves et les étudiants francophones et anglophones en situation minoritaire ont la possibilité d’apprendre dans leur langue dès la petite enfance dans des établissements gérés par leur communauté, mais l’enseignement qu’ils reçoivent est de qualité égale à celui offert dans les établissements de la majorité.

  • Développement économique communautaire : Les communautés de langue officielle en situation minoritaire disposent des infrastructures, des ressources et des outils nécessaires à la mise en œuvre d’initiatives durables de développement économique communautaire et de développement des ressources humaines, qui leur permettent d’accroître leur vitalité et de contribuer à l’essor économique de leur région et de leur province.

  • Justice : Les individus peuvent bénéficier pleinement de leur droit d’utiliser la langue officielle de leur choix que cela soit devant les tribunaux fédéraux, dans le contexte criminel ou dans les affaires civiles devant les cours supérieures de justice de certaines provinces ou territoires.

  • Arts et culture : Les artistes et les organismes culturels et artistiques des communautés de langue officielle en situation minoritaire sont en mesure de contribuer de façon importante et continue à la vitalité culturelle et artistique de leur communauté ; les membres de la communauté ont accès à des activités culturelles et artistiques présentées dans leur langue et issues de leur milieu.

  • Santé : Non seulement les membres des communautés de langue officielle en situation minoritaire ont accès à des soins de santé dans leur langue dans leur région, mais les soins de santé offerts dans l’une ou l’autre des langues officielles sont de qualité égale.

  • Vitalité démographique
    • Immigration francophone en situation minoritaire : Les communautés francophones en situation minoritaire accueillent, intègrent et retiennent un nombre croissant de nouveaux arrivants, qui enrichissent la vitalité de ces communautés en contribuant activement à leur développement.
    • Renouvellement des communautés anglophones du Québec : Riches de leurs nombreuses années d’expérience en matière d’immigration et d’intégration, les communautés anglophones du Québec poursuivent leur travail pour faire en sorte que les nouveaux arrivants d’expression anglaise s’intègrent et contribuent activement au développement de la société québécoise.
5.1 Éducation

La vision du commissaire…

Non seulement les enfants, les élèves et les étudiants francophones et anglophones en situation minoritaire ont la possibilité d’apprendre dans leur langue dès la petite enfance dans des établissements gérés par leur communauté, mais l’enseignement qu’ils reçoivent est de qualité égale à celui offert dans les établissements de la majorité.

Au Canada, comme ailleurs, les établissements scolaires doivent relever de nombreux défis, comme le recrutement d’enseignants qualifiés (surtout dans les régions les plus éloignées), la prise en charge des besoins des élèves en difficulté et l’intégration des technologies dans les classes.

Les écoles des communautés de langue officielle doivent aussi composer avec des défis que les écoles de la majorité n’ont pas à affronter. En effet, ces établissements sont l’une des pierres angulaires de la vitalité des communautés où ils sont implantés, puisque à leur mandat pédagogique s’ajoute généralement une mission à la fois culturelle et communautaire. Cela explique l’importance pour les communautés de gérer elles-mêmes leurs écoles.

Publication d’un rapport important sur les langues officielles dans l’enseignement

En janvier 2009, le Conseil des ministres de l’Éducation (Canada) a publié son Rapport intérimaire pancanadien sur les langues officielles dans l’enseignement de 2005-2006 à 2006-200713. Ce document présente les initiatives que les provinces et les territoires ont lancées, ces dernières années, dans la foulée des plans d’action qu’ils ont élaborés conformément au Protocole des langues officielles dans l’enseignement.

Le Rapport intérimaire décrit certaines initiatives intéressantes. Par exemple, le document Présence de Gabrielle Roy : un outil pédagogique a été distribué dans les écoles de langue française du Manitoba pour favoriser la construction identitaire et culturelle des jeunes francophones. En Ontario, la télévision éducative et culturelle de l’Ontario français (TFO) a spécifiquement produit des émissions de télévision, des sites Web et des contenus de formation en ligne en fonction des programmes d’études ontariens.

Chaque gouvernement provincial et territorial devra néanmoins poursuivre le travail entrepris pour continuer à progresser dans la mise en œuvre de son plan d’action.

En milieu francophone minoritaire, puisque les écoles des communautés ont un rôle important à jouer sur le plan identitaire, les enseignants qui y travaillent doivent recevoir une formation adaptée aux défis spécifiques auxquels ils devront faire face. Malheureusement, un rapport récent de l’Institut canadien de recherche en politiques et adminis tration publiques, intitulé Recrutement, maintien et formation du personnel scolaire dans les communautés francophones et acadienne en milieu minoritaire au Canada14, démontre qu’au Canada, peu de facultés d’éducation de langue française offrent des cours qui permettent aux étudiants en enseignement de se familiariser avec les réalités scolaires propres au contexte minoritaire. Règle générale, les futurs enseignants n’ont pas non plus la possibilité de se familiariser avec les approches pédagogiques les plus susceptibles de donner de bons résultats en milieu francophone minoritaire et de les appliquer en classe. Il faudra donc s’attaquer rapidement aux défi s auxquels font face les enseignants en milieu minoritaire.

Le manque de ressources dont disposent plusieurs conseils scolaires francophones est un autre obstacle qui, dans plusieurs régions du pays, peut mener à un appauvrissement des programmes et des options d’apprentissage offerts aux élèves des écoles de langue française. Pour assurer que ces élèves ont des chances de succès égales, il conviendra de prévoir davantage d’activités et de matériel pédagogique adaptés à leurs besoins particuliers.

Puisque le nombre d’inscriptions a nécessairement une incidence sur les ressources disponibles dans un établis sement d’enseignement et sur la qualité de l’apprentis sage qui y est off ert, il importera aussi de veiller à ce que le nombre d’élèves inscrits dans les écoles des communautés francophones croisse ou, tout au moins, se stabilise.

Pour augmenter ou maintenir les effectifs des écoles francophones en situation minoritaire, il faudra que tous les intervenants redoublent d’efforts pour attirer et retenir les ayants droit15 dans les écoles des communautés francophones.

Dans certains cas, cela signifiera prendre des mesu res pour inciter les parents francophones à inscrire leurs enfants à l’école de langue française. Beaucoup ne le font pas, surtout lors du passage au secondaire. Par exemple, dans la région du Grand Toronto, seulement environ 20 p. 100 des francophones d’âge scolaire fréquentent actuelle ment une école du système francophone16.

Dans d’autres cas, les intervenants devront éviter d’adopter des mesures nuisibles à la vitalité des écoles francophones. Par exemple, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a formulé une directive qui limite l’inscription des ayants-droit aux écoles de la Commission scolaire franco phone de Yellowknife. Ce gouvernement aurait pu au lieu choisir d’agrandir l’établissement scolaire francophone (École Boréale) de Hay River pour y admettre plus d’élèves. Certains conseils scolaires redoutent que d’autres provinces ou territoires adoptent cette pratique limitative17.

Comme le Canada accueille chaque année un grand nombre d’immigrants, il faudra aussi que les écoles des communautés francophones veillent à améliorer leur capacité d’accueil et d’intégration des jeunes nouveaux arrivants. À cet égard, mentionnons que l’Associa tion canadienne d’éducation de langue française a produit un rapport qui explique aux acteurs du milieu de l’éducation comment élaborer des politiques propres à favoriser la diversité culturelle dans les systèmes scolaires.

Le projet de loi 104

En 2002, au Québec, le projet de loi 104 a modifié l’article 73 de la Charte de la langue française, en excluant l’enseignement reçu dans une école anglaise privée non subventionnée du calcul effectué pour déterminer si un enfant a reçu la « majeure partie » de son éducation en anglais et devrait, par conséquent, avoir accès à l’école publique anglo-québécoise.

Ce projet de loi a été critiqué parce qu’il restreint l’accès à une école anglaise déjà durement frappée par le déclin démographique de la population anglo-québécoise. En décembre 2008, la Cour suprême du Canada a entendu les affaires Nguyen18 et Bindra19, portant sur la constitutionnalité du projet de loi 104. Le commissaire est intervenu dans ces affaires parce que l’interprétation retenue par la Cour suprême du Canada, eu égard à la portée du paragraphe 23(2) de la Charte canadienne des droits et libertés20, pourrait avoir des répercussions importantes sur le maintien et l’épanouissement des communautés de langue officielle. Le commissaire a fait valoir que les critères adoptés par les provinces aux fins de la mise en œuvre du paragraphe 23(2) devraient être compatibles avec l’objet et le caractère réparateur de cette disposition, et qu’ils devraient permettre de garantir que les enfants dont les droits sont censés être protégés seront effectivement admis dans les écoles de la minorité linguistique21.

 

Promotion de l’éducation en langue française

En 2008, diff érentes mesures ont été prises pour promouvoir l’éducation en français. Par exemple, la division scolaire franco-manitobaine a entrepris des consultations pour déterminer comment elle pourrait mieux tenir compte des besoins des familles exogames (où l’un des parents n’est pas francophone) sans nuire à la qualité de l’éducation en français22.

Par ailleurs, dans la foulée du Sommet des intervenants et des intervenantes en éducation dans la mise en œuvre de l’article 23 en milieu francophone minoritaire, convoqué par la Fédération nationale des conseils scolaires francophones, les directions générales des conseils scolaires de l’Alberta et différents acteurs du milieu scolaire albertain se sont réunis en avril 2008 lors d’un forum des communicateurs23. Cette rencontre a notamment permis aux participants « d’agencer les initiatives en communication locales de chaque conseil scolaire afin d’étendre leur portée au niveau provincial24 » et, ce faisant, de promouvoir le rayonnement des conseils et des écoles francophones de la province.

Diverses mesures devront également être prises pour revitaliser l’école anglo-québécoise, particulièrement dans les régions du Québec aux prises avec un déclin démographique marqué. En particulier, les acteurs publics devront veiller à rajeunir les infrastructures souvent vieillissantes des commissions scolaires anglophones. Ils devront chercher à améliorer le soutien offert aux élèves anglophones qui connais sent des difficultés d’apprentissage. Ils devront aussi prendre des mesures vigoureuses pour assurer que chaque jeune Anglo-Québécois, à sa sortie de l’école, maîtrise assez bien le français pour dénicher un bon emploi et demeurer dans sa communauté.

Les acteurs publics devront aussi veiller à accélérer la disponibilité des manuels en anglais, dont les enseignants du système anglophone ont besoin pour appliquer la réforme des programmes scolaires que le gouvernement du Québec a entamée en 2000. En octobre 2008, l’Association provinciale des enseignantes et enseignants du Québec (APEQ) rapportait par exemple que, malgré certains progrès, tous les nouveaux manuels de mathématiques dont avaient besoins les élèves anglophones n’étaient toujours pas disponibles, même si la réforme venait d’entrer en vigueur. En outre, l’APEQ annonçait craindre que certains manuels et trousses de ressources requis en cinquième secondaire ne soient pas disponibles à temps pour la rentrée de 2009-2010. Par conséquent, l’APEQ réclamait la mise en œuvre d’« une solution à long terme qui garantit la disponibilité simultanée des manuels en anglais et en français25 ».

Dans ce contexte, il était indiqué que le gouvernement fédéral poursuive, dans la Feuille de route 2008-2013, son appui financier aux programmes provinciaux et territoriaux d’enseignement dans la langue de la minorité.

Cependant, il est regrettable qu’il n’ait pas fait part dans la Feuille de route 2008-2013 de son intention d’agir plus vigoureuse ment pour favoriser l’augmentation, de façon précise, de la proportion d’ayants droit inscrits dans des écoles francophones.

Le fait que le gouvernement fédéral n’ait pas profité du lancement de la Feuille de route 2008-2013 pour annoncer la mise en œuvre de programmes plus ambitieux de soutien à la petite enfance dans les communautés de langue officielle est déplorable. En effet, les enfants qui fréquentent des garderies fonctionnant dans la langue de la majorité ne bénéficient pas des précieuses années de socialisation qui les aideraient à amorcer leur éducation dans une école de langue minoritaire. La vision globale de l’éducation devrait comprendre la petite enfance pour ainsi permettre aux enfants de commencer leur apprentissage plus tôt et de le faire de façon plus cohérente dès le début, et ce, dans un système où ils sont aptes à progresser au lieu d’avoir à s’y adapter.

5.2 Développement économique communautaire

La vision du commissaire…

Les communautés de langue officielle en situation minoritaire disposent des infrastructures, des ressources et des outils nécessaires à la mise en œuvre d’initiatives durables de développement économique communautaire et de développement des ressources humaines, qui leur permettent d’accroître leur vitalité et de contribuer à l’essor économique de leur région et de leur province.

La situation économique des communautés de langue officielle s’est globalement améliorée depuis les années 1960, tout comme celle des provinces et des territoires canadiens. Cependant, le déclin marqué, ces dernières décennies, de certaines des industries qui ont historiquement favorisé le déve loppement des communautés de langue officielle a souvent eu pour effet l’exode d’une partie de leurs forces vives. Par exemple, l’effondrement des secteurs de la pêche et de la forêt a mené de nombreux Acadiens au départ vers d’autres régions ou provinces.

 

La Cour suprême du Canada rend son jugement dans l’affaire Desrochers

Le commissaire est heureux du jugement rendu en février 2009 par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Desrochers (souvent appelée l’affaire CALDECH [Centre d’avancement de leadership et de développement économique communautaire de la Huronie]), dans laquelle il agissait comme coappelant. Le CALDECH a été créé par des Franco-Ontariens pour pallier les lacunes observées dans les services de développement économique communautaire offerts par la Société d’aide au développement des collectivités (SADC) de Simcoe Nord à la population francophone de la région ontarienne de la Huronie.

Selon le jugement de la Cour suprême, le « contenu du principe de l’égalité linguistique en matière de services gouvernementaux n’est pas nécessairement uniforme. Il doit être défini en tenant compte de la nature du service en question et de son objet. Considérons le programme de développement économique communautaire en l’espèce. […] Il est difficile de concevoir comment l’institution fédérale [la SADC] pourrait rendre les services de développement économique communautaire mentionnés dans son programme sans la participation des communautés visées, tant pour ce qui a trait à l’élaboration des programmes qu’à leur mise en œuvre. C’est là la nature même du service offert par l’institution fédérale. Il s’ensuit forcément […] qu’au bout du compte, les communautés pouvaient s’attendre à un contenu distinct qui varierait “largement d’une collectivité à l’autre selon les priorités établies” par les collectivités elles-mêmes26 ».

 

Des projets de développement économique qui donnent des résultats

En février 2009, le commissaire a assisté à la signature d’un important protocole d’entente en vertu duquel le Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE) Canada et la Commission canadienne du tourisme se sont engagés à collaborer à la promotion, à l’échelle internationale, des produits et des destinations touristiques francophones du pays. Fait à noter, ces organismes n’ont pas attendu de signer cet accord pour travailler ensemble à la promotion des communautés francophones en situation minoritaire à l’approche des Jeux olympiques d’hiver de 2010 à Vancouver.

En 2008, l’Entrepreneur Support Network, un réseau créé par le Comité d’employabilité et de développement économique communautaire (CEDEC) du sud-ouest du Québec, a continué son expansion. Ce regroupement, qui soutient les efforts des entrepreneurs anglophones du Québec à chaque stade de développement de leur organisation, a connu cette dernière année une augmentation du nombre de ses membres. Il s’est aussi doté d’une seconde section sur la Rive-Sud de Montréal. Les membres de l’Entrepreneur Support Network s’échangent notamment des services et s’entraident dans la recherche de nouveaux clients. Des entrepreneurs ont consacré plus de 400 heures de bénévolat aux activités du réseau en 2008-2009.

En outre, certains diplômés francophones ou anglophones quittent la communauté de langue officielle dont ils sont issus – ou renoncent à y revenir à la fin de leurs études – parce qu’elle n’est pas en mesure de leur offrir les possibilités d’emploi ou de carrière auxquelles ils s’attendent.

Il importe donc que le gouvernement fédéral ait annoncé dans la Feuille de route 2008-2013 son intention de continuer à appuyer le développement économique communautaire et l’employabilité au sein des communautés de langue officielle en réinjectant de l’argent dans le Fonds d’habilitation. Ce fonds permettra au Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE) – pour la francophonie canadienne – de même qu’à son pendant québécois, la Community Table, de pour suivre leur travail dans des secteurs comme la jeunesse, le tourisme, le développement rural, l’amélioration des capacités communautaires et l’entrepreneuriat.

Heureusement, la Feuille de route 2008-2013 prévoie le financement de nouvelles initiatives par Industrie Canada et les différentes agences de développement économique régionales actives au pays. Les mesures prises par ces institutions devraient favoriser l’acquisition, par les membres des communautés francophones et anglophones, des compétences dont ils auront besoin pour réussir en affaires.

D’ailleurs, le gouvernement canadien annonçait dans la Feuille de route 2008-2013 que l’Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec (DÉC) disposerait de 10,2 millions de dollars pour appuyer les communautés anglophones en matière de développement économique. En même temps, la DÉC fut critiquée pour les changements apportés à sa politique de financement des organismes à but non lucratif à vocation économique. Parmi les organismes touchés, on trouvait le Youth Employment Services de Montréal (YES), le seul organisme à but non lucratif anglophone qui offre des services d’aide aux petites entreprises des communautés anglophones du Québec exclusivement.

Afin de prendre en compte les besoins et les défis des différentes régions du Québec ainsi que la situation économique actuelle, DÉC a annoncé, au mois de mars 2009, une plus grande flexibilité de sa politique de financement des organismes à but non lucratif à vocation économique. DÉC poursuivra notamment le financement de projets en lien avec son mandat et ses objectifs. Le Commissariat accueille favorablement cette nouvelle, mais il suivra la situation de près afin de s’assurer que les communautés anglophones puissent continuer à recevoir les services en entre preneuriat du YES.

Par conséquent, le commissaire espère que le ministre responsable de DÉC reverra rapidement son approche de soutien aux communautés anglophones du Québec. DÉC devrait tenir compte du rôle crucial joué par certains organismes à but non lucratif en matière de développement de l’économie et de la jeunesse des communautés de langue anglaise en situation minoritaire.

Le dynamisme économique des communautés de langue officielle du pays dépendra grandement de leur capacité à offrir à leurs membres (en particulier aux jeunes et aux nouveaux arrivants) la possibilité de décrocher un bon emploi dans leur région, de perfectionner leurs compétences ou d’y démarrer leur propre entreprise. Comme la situation économique et sociale des communautés de langue officielle varie beaucoup d’un endroit à l’autre, selon la conjoncture qui y prévaut ou les infrastructures et les ressources qui y sont disponibles, le gouvernement fédéral devra procéder à des interventions bien adaptées à chaque situation.

Une initiative fructueuse a été la mise sur pied de Place aux jeunes du Québec. Créé au Québec à la fi n des années 1980, le programme Place aux jeunes du Québec vise à « [favoriser] la migration, l’établisse ment et le maintien des jeunes âgés de 18 à 35 ans en région27 ». Pour atteindre ces objectifs, les responsables de Place aux jeunes du Québec conçoivent notamment des activités destinées à accroître le sentiment d’appartenance des jeunes à leur communauté et ils accordent du soutien individuel aux jeunes désirant s’établir ou revenir en région.

En 2005, la qualité des résultats atteints au Québec grâce à Place aux jeunes du Québec a amené le Secrétariat rural d’Agriculture et Agroalimentaire Canada et des partenaires fédéraux à accorder du financement au programme pour la mise en œuvre de projets similaires au sein de communautés bilingues du Manitoba et du Yukon. Pour ce faire, Place aux jeunes du Québec a pu compter sur l’appui et le savoir-faire du Conseil de développe ment économique des municipalités bilingues du Manitoba et du RDÉE du Yukon. Les activités entreprises ont connu le succès escompté, et le programme se poursuit, même si les ententes avec le Secrétariat rural ont pris fin en 200828.

En novembre 2008, Place aux jeunes du Québec s’est associé au RDÉE de Terre-Neuve-et-Labrador pour soutenir cet organisme dans la mise en œuvre de projets visant à contrer l’exode des francophones de la région de Port-au-Port et à y attirer des travailleurs francophones qualifiés29.

5.3 Justice

La vision du commissaire…

Les individus peuvent bénéficier pleinement de leur droit d’utiliser la langue officielle de leur choix que cela soit devant les tribunaux fédéraux, dans le contexte criminel ou dans les affaires civiles devant les cours supérieures de justice de certaines provinces ou territoires.

La situation des communautés de langue officielle en matière de justice s’est améliorée au cours des 40 dernières années, mais tous les problèmes auxquels elles se heurtent dans ce domaine n’ont pas été réglés, loin de là.

On peut cependant se réjouir qu’en 2008, le Code criminel ait été modifié afin de préciser les dispositions relatives aux droits linguistiques des accusés, ainsi que de clarifier et de codifier l’état actuel du droit concernant les dispositions sur la langue du procès. Par exemple, tous les accusés doivent maintenant être avisés de leur droit de subir un procès dans la langue officielle de leur choix. Par le passé, seuls ceux qui n’étaient pas représentés par un avocat disposaient de ce droit.

Cependant, il est déplorable qu’en matière criminelle, les citoyens ne puissent pas toujours exercer leur droit fondamental d’employer la langue officielle de leur choix dans les cours supérieures des provinces et des territoires. Il est aussi regrettable qu’en matière civile, les Canadiens ne puissent pas toujours utiliser le français ou l’anglais dans les cours supérieures des provinces et des territoires qui ont légiféré à cet effet. En eff et, la pénurie de juges bilingues dans les cours supérieures provinciales et territoriales constitue encore, en 2009, un obstacle important à l’exercice de ces droits.

Une situation similaire prévaut dans les tribunaux fédéraux30. En fait, la capacité linguistique de ces tribunaux est parfois si faible que, malgré leurs efforts, ils sont incapables de remplir les obligations linguistiques que leur impose la Loi.

Le commissaire et différents comités de la Chambre des communes et du Sénat ont maintes fois répété que, pour pallier les lacunes linguistiques des cours supérieures de justice du Canada, le processus de nomination des juges devrait impérativement tenir compte des besoins linguistiques à combler dans la région où un poste de magistrat devient vacant, de même que des capacités linguistiques actuelles du tribunal où un remplacement devient nécessaire.

 

Pénurie de juges bilingues en Ontario

En 2008, lors de l’affaire Belende c. Patel, la Cour d’appel de l’Ontario a rappelé l’importance de tenir compte du besoin de juges bilingues dans les régions tenues d’offrir des procès bilingues. La Cour a alors souligné que le droit à un procès bilingue a une nature quasi constitutionnelle en Ontario, mais que la pénurie actuelle de juges bilingues entrave le plein exercice de ce droit.

Le commissaire se réjouit que la Feuille de route 2008-2013 témoigne de l’intention du gouvernement fédéral d’assurer aux Canadiens l’accès à la justice dans la langue de leur choix. Cependant, intensifier les efforts d’amélioration des capacités linguistiques des greffiers, des sténographes, des juges de paix ou des médiateurs canadiens ne représente pas une réponse à la pénurie de juges bilingues.

Dans une veine similaire, on peut se réjouir de la nomination, en décembre 2008, de Th omas Cromwell, un juge bilingue de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse, au poste de juge de la Cour suprême du Canada. Cela dit, rien ne garantit que le processus de sélection utilisé pour combler les prochaines vacances à la Cour suprême du Canada débouchera sur le choix de candidats bilingues. En effet, le gouvernement n’a posé aucun geste en ce sens jusqu’à présent.

Alors que la Loi fête son 40e anniversaire et que les lois fédérales sont rédigées dans les deux langues offi cielles, la connaissance du français et de l’anglais devrait être reconnue comme une compétence essentielle chez les candidats à un poste à la Cour suprême du Canada. À cet égard, un projet de loi a été déposé en mars 2009 visant l’ajout du bilinguisme comme nouvelle condition de nomination des juges à la Cour suprême du Canada.

Le commissaire est satisfait des récentes modifications proposées à la Loi sur la Cour suprême du Canada et à la Loi sur les langues officielles, présentées au Parlement en 2008 (mais mortes au feuilleton), qui visaient à concrétiser cet objectif. L’imposition légale d’une telle exigence démontrerait aux Canadiens l’engagement du gouvernement fédéral envers la dualité linguistique et son désir d’assurer le plein respect des besoins des communautés de langue officielle.

5.4 Arts et culture

La vision du commissaire…

Les artistes et les organismes culturels et artistiques des communautés de langue officielle en situation minoritaire sont en mesure de contribuer de façon importante et continue à la vitalité culturelle et artistique de leur communauté; les membres de la communauté ont accès à des activités culturelles et artistiques présentées dans leur langue et issues de leur milieu.

Les arts et la culture ont de l’importance en soi, mais ils en ont aussi parce qu’ils aident les collectivités à développer « le capital social et la capacité organisationnelle de répondre au changement31 [traduction] ».

En 2008, ce constat a amené le commissaire à recommander, dans son étude intitulée Soutien des institutions fédérales aux arts et à la culture dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire, que le gouvernement du Canada collabore étroitement avec les organismes artistiques et culturels des communautés francophones et anglophones à la formulation d’une vision globale et cohérente des arts et de la culture dans les communautés de langue officielle. Le commissaire suggérait aussi que la Feuille de route 2008-2013 considère un appui des arts et de la culture dans ces communautés.

Le commissaire estime que le gouvernement fédéral a fait un pas dans la bonne direction en ajoutant un volet « arts et culture » dans la Feuille de route 2008-2013. Plus précisément, le gouvernement compte investir 23,5 millions de dollars, d’ici 2013, pour favoriser le développement du secteur des arts et de la culture dans les communautés de langue officielle. À titre d’exemple, le Fonds de développe ment culturel servirait notamment à soutenir l’accessibilité et le rayonnement des produits culturels de ces communautés.

Cependant, le commissaire déplore que le gouvernement du Canada ne se soit pas encore donné de vision globale et cohérente du rôle des arts et de la culture dans les communautés de langue officielle. Il faut espérer que cette lacune sera comblée dans les mois à venir.

En juin 2008, la ministre du Patrimoine canadien, de la Condition féminine et des Langues officielles et ministre de la Francophonie à l’époque, a lancé la Feuille de route 2008-2013. Dans le cadre de cette initiative, la ministre a aussi annoncé que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) devait examiner l’accessibilité et la qualité des services de radiodiffusion offerts aux communautés francophones et anglophones en situation minoritaire. Par la suite, la gouverneure en conseil a promulgué le décret C.P. 2008-1293, demandant au CRTC de faire rapport sur la question avant le 31 mars 2009.

 

La production télévisuelle et la place du français en ondes

En janvier 2009, le commissaire a publié une importante étude intitulée Ombres sur le paysage télévisuel canadien : Place du français sur les ondes et production en contexte minoritaire32. Cette étude présente des enjeux relatifs à la production télévisuelle en milieu minoritaire et de la place occupée par le français dans les émissions jeunesse diffusées au pays. Le commissaire recommande notamment que Patrimoine canadien et ses partenaires, y compris le CRTC, conçoivent une stratégie concertée pour mieux appuyer la production et la diffusion de produits télévisuels par les communautés de langue officielle. Il affi rme aussi que les intervenants fédéraux doivent redoubler d’efforts pour que la production et la diffusion d’émissions télévisuelles servent davantage de levier au développement des communautés de langue officielle, et qu’elles contribuent à la vitalité de la langue française.

Les producteurs anglophones au Québec ont une réalité très différente et des défis spécifiques, puisqu’ils sont exposés à beaucoup de produits nord-américains et subissent la vive concurrence non seulement nationale des maisons de production dans les grands centres comme Toronto et Vancouver, mais aussi internationales.

Le CRTC a tenu des consultations publiques en vue d’obtenir des commentaires sur cette question. Le processus comprenait des observations écrites et une consultation publique durant la semaine du 13 janvier 2009.

Le 16 janvier 2009, le commissaire a profité de ces audiences pour réaffirmer que le CRTC doit veiller à ce que les communautés de langue officielle aient accès à des services de radiodiffusion qui favorisent leur vitalité et leur développement dans leur propre langue et qui reflètent les réalités locales et régionales33.

Certaines décisions prises par le gouvernement fédéral en 2008 sont malheureusement décevantes. En particulier, le gouvernement fédéral a décidé l’an dernier d’effectuer d’importantes coupures (plus de 44 millions de dollars) dans les programmes canadiens de soutien aux arts et à la culture. Le commissaire étudie actuellement une plainte alléguant que le gouvernement du Canada a pris cette décision sans tenir compte des besoins des communautés de langue officielle et des défis auxquels elles sont confrontées. Cette plainte fait aussi état du fait que ces communautés n’auraient pas été consultées au sujet de cette décision, alors qu’en vertu de la partie VII de la Loi, elles auraient dû l’être.

5.5 Santé

La vision du commissaire…

Non seulement les membres des communautés de langue officielle en situation minoritaire ont accès à des soins de santé dans leur langue dans leur région, mais les soins de santé offerts dans l’une ou l’autre des langues officielles sont de qualité égale.

La santé est une question qui préoccupe tout particulièrement les communautés de langue officielle du Canada34. Au cours des 40 dernières années, la persévérance des communautés francophones en situation minoritaire a été un facteur clé dans l’amélioration de l’accès à des soins de santé dans leur langue. Pensons à la lutte mobilisatrice menée par les Franco-Ontariens pour que le seul hôpital francophone communautaire de l’Ontario reste ouvert. La persévérance était une condition nécessaire mais pas une condition suffisante. Pour réussir, il fallait aussi la collaboration d’acteurs publics, dont celle du gouvernement fédéral, et certains jugements importants des tribunaux.

Malgré cela, trop de ces francophones doivent encore se contenter de soins de santé offerts dans la langue de la majorité. Ainsi, l’offre de services en français est inexistante dans plusieurs provinces du pays et, à l’échelle canadienne, six francophones en situation minoritaire sur dix doivent aujourd’hui communiquer en anglais avec leur médecin de famille35.

Au Québec, les réformes successives du système de santé ont entraîné la fermeture de certains établissements anglophones. Cependant, grâce aux efforts persistants de la communauté anglophone, la plupart d’entre eux ont pu être préservés ou transformés en service clinique, comme c’est le cas de l’hôpital Jeffery Hale à Québec. Le vieillissement de la population, notamment parmi les Anglo- Québécois, a toutefois provoqué l’augmentation des besoins en matière de soins de longue durée ou de soins palliatifs. Le manque de services en anglais destinés à cette population vieillissante rend les personnes âgées anglophones encore plus vulnérables. De plus, trois anglophones sur dix doivent toujours se contenter d’être servis en français par leur médecin de famille36.

Des mesures prometteuses ont été prises dans le cadre du Plan d’action pour les langues officielles pour permettre aux communautés francophones d’avoir un meilleur accès à des soins de santé primaires et à des services de promotion de la santé en français, ainsi que pour assurer que les lacunes présentes dans l’offre de soins aux Anglo-Québécois (particulièrement à l’extérieur de Montréal) sont finalement comblées.

Par exemple, les activités du Consortium national de formation en santé ont permis d’augmenter de façon spectaculaire le recrutement d’étudiants intéressés par les professions de la santé en milieu minoritaire francophone. Quant à elle, la Société Santé en français a réussi à bâtir 17 réseaux régionaux et provinciaux de partenaires, qui sont devenus les interlocuteurs des provinces et peuvent donc aider les gouvernements provinciaux à mieux comprendre les besoins particuliers des communautés francophones.

 

La santé en français et les réformes de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick

Deux réformes provinciales récentes en matière de santé démontrent que certains des gains réalisés par les communautés de langue officielle peuvent être fragiles.

En Ontario, le gouvernement voudrait que, dorénavant, les réseaux francophones se contentent de le conseiller quant aux soins de santé en français; la responsabilité de gérer et de coordonner les services offerts en français incomberait au gouvernement. Les Franco-Ontariens soutiennent pour leur part qu’ils doivent contrôler leurs propres institutions pour qu’elles répondent adéquatement à leurs besoins. Pour assurer la prise en compte des besoins de la communauté franco-ontarienne, le commissaire aux services en français de l’Ontario a notamment indiqué, en novembre 2008, que les nouveaux réseaux locaux d’intégration des services de santé « devraient se doter d’un coordonnateur des services en français37 ».

En octobre 2008, au Nouveau-Brunswick, des représentants de la communauté acadienne ont pour leur part déposé un recours judiciaire contre le gouvernement de cette province parce que ce dernier a notamment décidé unilatéralement de regrouper en deux grandes entités, l’une anglophone et l’autre bilingue, les huit régies de la santé qui existaient auparavant dans cette province, dont la Régie Beauséjour, exclusivement francophone.

Au Québec, les activités soutenues grâce au Plan d’action 2003-2008 ont particulièrement servi à accroître la capacité des professionnels de la santé à offrir des soins en anglais. Ce plan a aussi permis d’aider les communautés anglophones à définir et faire connaître ses attentes, ainsi qu’à démarrer des projets en télésanté, un créneau hautement prometteur.

La Feuille de route 2008-2013 prévoit que les sommes allouées pour promouvoir la dualité linguistique dans le secteur de la santé passeront de 119 à 174 millions de dollars sur cinq ans. Cette augmentation est de bon augure, même si ce nouveau montant est inférieur à celui que les communautés de langue officielle auraient souhaité voir investi dans le domaine de la santé.

En effet, les besoins augmenteront au cours des prochaines années. D’une part, il faudra adopter des mesures qui amèneront les professionnels de la santé à s’installer dans les communautés de langue offi cielle et à y demeurer à long terme. D’autre part, le travail de la Société Santé en français a permis, jusqu’à présent, de préparer le terrain. Il s’agira toutefois, dans les prochaines années, de créer de nouveaux services afin de répondre aux besoins des communautés. Or ces initiatives exigeront des sommes plus importantes que le travail préparatoire des dernières années.

Il arrive d’ailleurs que des réformes réalisées pour améliorer l’efficacité des systèmes de santé provinciaux ou territoriaux viennent contrecarrer les progrès accomplis par les communautés de langue officielle (voir l’encadré intitulé « La santé en français et les réformes de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick »).

Par conséquent, le commissaire croit que le gouvernement fédéral devrait veiller à épauler les provinces et les territoires pour assurer que, dans le secteur de la santé, les soins offerts dans l’une ou l’autre des langues officielles sont de qualité égale et que les besoins des communautés sont satisfaits.

Il existe aussi un obstacle de taille qui ralentit considérablement les progrès dans l’instauration des services de santé en français. Il s’agit de l’insuffisance des données sur la santé des francophones en situation minoritaire et sur la capacité des professionnels de la santé à prodiguer des soins en français. Plusieurs enquêtes sur la santé effectuées par Statistique Canada ou par d’autres agences gouvernementales, dont l’Institut canadien d’information sur la santé, ne comprennent pas de variable linguistique, et les bases de données administratives en santé, tant au niveau fédéral que provincial, font abstraction, la plupart de temps, de la dimension linguistique.

Ce manque de données et le peu de connaissances qui en résulte nuisent grandement à la planification des services et entraînent même la sous-utilisation des services disponibles. L’égalité des services com prend le droit d’être pris en compte dans la recherche, dans la planification et dans les politiques. À moins d’avoir accès à de telles données, on ne peut prétendre que les francophones obtiennent un service égal de la part des organismes en question.

5.6 La vitalité démographique

On comprend bien l’importance du renouvellement de la population des communautés de langue officielle et l’intérêt que ces dernières portent à la question de l’immigration, lorsqu’on connaît les répercussions de la décroissance démographique causée notamment par l’exode des jeunes et le vieillissement d’une société.

C’est pourquoi les communautés francophones et anglophones cherchent toutes deux à attirer de nouveaux arrivants dans leurs régions. Cependant, les enjeux liés à la revitalisation des communautés de langue officielle et, par conséquent, les mesures à prendre pour les dynamiser ne sont pas les mêmes du côté francophone que du côté anglophone.

5.6.1. Immigration francophone en situation minoritaire

La vision du commissaire…

Les communautés francophones en situation minoritaire accueillent, intègrent et retiennent un nombre croissant de nouveaux arrivants, qui enrichissent la vitalité de ces communautés en contribuant activement à leur développement.

En 2003, le gouvernement canadien annonçait dans son Plan d’action 2003-2008 son intention de consacrer 9 millions de dollars au démarrage de projets de soutien à l’immigration dans les communautés francophones du pays.

En 2003, le Cadre stratégique pour favoriser l’immigration au sein des communautés francophones en situation minoritaire formulait comme premier objectif du gouvernement fédéral que 4,4 p. 100 des immigrants qui arrivent chaque année au Canada et qui s’installent à l’extérieur du Québec soient d’expression française. En 2006, le Comité directeur Citoyenneté et Immigration Canada – Communautés francophones en situation minoritaire estimait alors qu’atteindre cette cible pourrait prendre une quinzaine d’années.

Les efforts déployés à ce jour pour soutenir l’immigration au sein des communautés francophones ont produit des résultats modestes. Malgré tout, il faut rappeler que chaque pas franchi en direction de l’objectif de 4,4 p. 100 établi dans le Cadre stratégique est important. Ainsi, l’intégration d’une seule famille immigrante au sein d’une petite communauté francophone peut faire une grande différence.

Le commissaire se réjouit qu’en 2008, dans la Feuille de route 2008-2013 du gouvernement fédéral, celui-ci ait annoncé qu’il poursuivrait le travail amorcé en investissant dans la mise en œuvre d’initiatives destinées à encourager l’immigration dans les communautés francophones. On peut notamment saluer le fait que l’Agence de promotion économique du Canada atlantique a reçu 10 millions de dollars sur cinq ans pour attirer davantage d’immigrants francophones au Nouveau-Brunswick.

Le commissaire note cependant que le gouvernement fédéral semble avoir ralenti ses activités en ce sens. Il sera important que le Comité directeur et le Comité de mise en œuvre responsable de l’appli cation du Cadre stratégique poursuivent le travail réalisé auprès des institutions fédérales et provinciales pour assurer l’atteinte des objectifs du Plan stratégique et l’amélioration continue des mesures d’appui mises en œuvre.

En 2008, Citoyenneté et Immigration Canada a apporté des modifications à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui permettent notamment au ministre de sélectionner les immigrants de la catégorie dite économique selon les pénuries dans les divers secteurs du marché du travail. Le commissaire s’inquiète du fait que le Ministère ne semble pas avoir tenu compte des répercussions possibles de ces changements sur les communautés francophones. Citoyenneté et Immigration Canada doit collaborer avec le Comité directeur pour voir à ce que les objectifs de l’un ne viennent pas neutraliser les efforts de l’autre.

En résumé, l’intégration des immigrants aux communautés francophones pose des défis de taille, qui nécessiteront des solutions à la fois vigoureuses et novatrices. Il paraît certes possible d’élargir et de renforcer l’espace francophone grâce à l’immigration, « mais, si des efforts concertés ne sont pas déployés pour ce qui est de l’intégration, on ne pourra pas s’attendre à ce que le simple “recrutement” d’immigrants francophones change la dynamique de la langue dans les communautés francophones38 ».

5.6.2. Renouvellement des communautés anglophones du Québec

La vision du commissaire…

Riches de leurs nombreuses années d’expérience en matière d’immigration et d’intégration, les communautés anglophones du Québec pour suivent leur travail pour faire en sorte que les nouveaux arrivants d’expression anglaise s’intègrent et contribuent activement au développement de la société québécoise.

La question de l’immigration se pose différemment au Québec, puisque les communautés angloquébécoises bénéficient depuis plusieurs décennies déjà de l’apport de nouveaux arrivants. En effet, la proportion de nouveaux arrivants d’expression anglaise qui s’installent dans cette province demeure forte, et le nombre d’immigrants capables de maîtriser cette langue à leur arrivée s’est accru. À Montréal, par exemple, la scène culturelle dynamique de même que le caractère cosmopolite unique de la métropole attirent et retiennent plusieurs jeunes musiciens, artistes et autres de partout ailleurs39.

Bien que la situation varie grandement d’une région à l’autre, certains intervenants anglo-québécois comptent de nombreuses années d’expérience en matière d’intégration des nouveaux arrivants et de gestion de la diversité culturelle.

Au fil des ans, les communautés anglophones ont su tirer profit de cette expérience pour faire en sorte que les nouveaux arrivants d’expression anglaise obtiennent, en matière de recherche d’emploi ou de formation linguistique, toute l’aide dont ils ont besoin pour s’intégrer adéquatement à la société québécoise, tout en préservant des liens d’appartenance privilégiés avec la communauté anglophone.

Il serait bénéfique que les communautés anglophones du Québec puissent partager leur expérience en matière d’immigration et de prise en compte de la diversité, et qu’elles participent activement, par le fait même, aux débats de société menés sur le sujet.

De plus, il serait important que les organismes des communautés anglophones obtiennent les ressources dont ils ont besoin pour continuer de travailler à l’intégration et à l’épanouissement des nouveaux arrivants au Québec.

6.0 Conclusion : Actions vigoureuses requises de la part du gouvernement fédéral

Les communautés de langue officielle ont réalisé d’importants gains ces dernières années, mais le gouvernement fédéral devra veiller à appliquer plus vigoureusement la partie VII de la Loi pour les aider à se développer pleinement dans l’ensemble des secteurs d’activités.

Cela signifie d’abord que les institutions fédérales devront chercher à travailler de manière plus étroite avec les communautés de langue officielle et veiller à ce que l’ensemble de leurs programmes soient revus sous l’angle de la partie VII de la Loi.

Pour mieux soutenir les communautés, les institutions fédérales devraient ensuite collaborer davantage, de façon à ce que les fonds relativement limités dont elles disposent soient utilisés plus efficacement.

 

Des accords de collaboration à revoir

Le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes note dans son rapport intitulé Les accords de collaboration entre Patrimoine canadien et les organismes communautaires – un partenariat en évolution40 que le financement accordé aux communautés de langue officielle en situation minoritaire ne répond plus à leurs « besoins changeants41 » et que le recours à des mécanismes de financement annuel ne leur permet pas de « gérer leur développement avec une vision à plus long terme42 ».

Le gouvernement fédéral et les autres ordres de gouvernement devraient également accentuer les efforts de collaboration entrepris pour favoriser l’épanouissement des communautés de langue officielle. Rappelons à ce sujet qu’à l’occasion de la 13e Conférence ministérielle sur la francophonie canadienne, tenue à Québec en septembre 2008, les ministres provinciaux et territoriaux ont affirmé « leur désir d’accroître leur partenariat avec le [...] gouvernement fédéral en ce qui concerne la mise en œuvre de la Feuille de route [2008-2013]43 ». Le gouvernement du Canada devrait s’assurer de donner suite à cette ouverture.

Dans un contexte où l’atteinte de résultats concrets et la reddition de comptes prennent de plus en plus d’importance, il sera aussi essentiel que les institutions fédérales travaillent de concert avec les communautés afin de choisir et d’élaborer des indicateurs de rendement adaptés et compris par tous.

Finalement, malgré les progrès qu’elles ont réalisés au fil des ans, les communautés de langue officielle doivent trop souvent encore avoir recours aux tribunaux pour faire reconnaître leurs droits linguistiques ou pour en assurer la pleine mise en œuvre. Par conséquent, il est essentiel que le gouvernement du Canada mette très rapidement en place le Programme d’appui aux droits linguistiques, dont il a annoncé la création en juin 2008 et dont la mise en œuvre est prévue d’ici à la fin décembre 2009.

Rappelons que, à la suite de l’abolition du Programme de contestation judiciaire en 2006, le Commissariat aux langues officielles est intervenu en appui à la Fédération des communautés francophones et acadienne devant la Cour fédérale. Une entente hors cour a mené à la création du Programme d’appui aux droits linguistiques. Cette dernière mesure, comme l’ensemble de celles proposées dans la présente section, témoigne de l’engagement du gouvernement fédéral envers les efforts massifs réalisés par les communautés de langue officielle pour occuper l’espace public – un engagement qui, du coup, envoie à ces communautés le message qu’elles ont avantage à préparer l’avenir.

Recommandation

6e recommandation
Le commissaire recommande au ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles de poursuivre sans tarder la mise en œuvre intégrale des engagements pris envers les communautés de langue officielle en situation minoritaire dans la Feuille de route pour ladualité linguistique canadienne 2008-2013 : agir pour l’avenir.

Notes

1. Jacques Brazeau, « Language differences and Occupational Experience », The Canadian Journal of Economics and Political Science, novembre 1958, vol. XXIX, no 4, p. 536.

2. André Laurendeau et A. Davidson Dunton (coprésidents), Rapport de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, « Livre 1 : Introduction générale – Les langues officielles », Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1967a, p. xxxiii.

3. Gratien Allaire, allocution lors du Forum de discussion sur la vitalité des communautés de langue officielle en milieu minoritaire, Ottawa, septembre 2005.

4. Compte-rendu analytique des débats tenus lors du colloque intitulé La revitalisation de la communauté : Tendances et perspectives d’avenir pour les membres des communautés d’expression anglaise du Québec, tenu à l’Université de Montréal du 29 février au 2 mars 2008. Ce compte-rendu a été publié par Intersol le 27 mars 2008.

5. Statistique Canada, Les minorités prennent la parole : résultats de l’Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielleSite du gouvernement, produit no. 91-548-XWF au catalogue de Statistique Canada, Ottawa, décembre 2007. Version en ligne consultée le 31 mars 2009.

6. Statistique Canada, Les minorités prennent la parole : résultats de l’Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielleSite du gouvernement, produit no. 91-548-XWF au catalogue de Statistique Canada, Ottawa, décembre 2007. Version en ligne consultée le 31 mars 2009.

7. David Johnston, « “Cultural shiftSite externe” made English more acceptable », The Gazette, 29 janvier 2009, version en ligne consultée le 31 mars 2009.

8. Commissariat aux langues officielles, Une vue plus claire : évaluer la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire, Ottawa, 2006, version en ligne consultée le 31 mars 2009.

9. Commissariat aux langues officielles, Les indicateurs de vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire 1 : les francophones en milieu urbain, Ottawa, 2007, version en ligne consultée le 31 mars 2009.

10. Commissariat aux langues officielles, Les indicateurs de vitalité des communautés de  langue officielle en situation minoritaire 2 : trois communautés anglophones du Québec, Ottawa, 2008, version en ligne consultée le 31 mars 2009.

11. Quebec Community Groups Network, La jeunesse d’expression anglaise souhaite contribuer pleinement au développement de la société québécoiseSite externe, communiqué de presse, Montréal, 2009, version en ligne consultée le 31 mars 2009.

12. Les leaders de la communauté anglophone de la Basse-Côte-Nord estiment notamment que la relève connaît mal les possibilités offertes par la région, un problème que des activités de sensibilisation et de promotion permettraient de corriger. Ils croient aussi que la création de camps et de programmes d’été aiderait les jeunes à acquérir les habiletés qui leur permettraient de tirer le maximum de ce que la région peut leur offrir.

13. Conseil des ministres de l’Éducation (Canada), Rapport intérimaire pancanadien sur les langues officielles dans l’enseignement de 2005-2006 à 2006-2007Site externe, Toronto, 2008, version en ligne consultée le 31 mars 2009.

14. Daniel Bourgeois, Recrutement, maintien et formation du personnel scolaire dans les communautés francophones et acadienne en milieu minoritaire au Canada, Moncton, Institut canadien de recherche en politiques et administration publiques, 2008.

15. Voir la définition d’« ayant droit » au chapitre 1, note en bas de page 27.

16. Analyse interne du ministère de l’Éducation de l’Ontario, basée sur les données de recensement de 2001 et sur les effectifs scolaires.

17. Voir notamment Radio-Canada, Le Conseil des écoles fransaskoises veut se doter d’une politique plus claire en ce qui a trait à l’admission des non-ayants-droitSite externe, 2008, version en ligne consultée le 31 mars 2009.

18. Québec (Ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport) c. Nguyen, no de dossier 32229, appel entendu par la Cour Suprême du Canada le 15 décembre 2008.

19. Québec (Ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport) c. Bindra, no de dossier 32319, appel entendu par la Cour Suprême du Canada le 15 décembre 2008.

20. Le paragraphe 23(2) de la Charte canadienne des droits et libertés prévoit que « [l]es citoyens canadiens dont un enfant a reçu ou reçoit son instruction, au niveau primaire ou secondaire, en français ou en anglais au Canada ont le droit de faire instruire tous leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de cette instruction ».

21. Commissaire aux langues officielles, Mémoire de l’intervenant : Le commissaire aux langues officielles du Canada, mémoire présenté à la Cour suprême du Canada, no de dossier 32229, 2008, version en ligne consultée le 31 mars 2009.

22. Radio-Canada, La Division scolaire franco-manitobaine cherche des moyens de mieux intégrer dans ses activités les parents anglophonesSite externe, Sympatico / MSN Nouvelles, 9 janvier 2009, version en ligne consultée le 31 mars 2009.

23. Fédération nationale des conseils scolaires francophones, « Forum tenu en Alberta », Bulletin d’informations de la FNCSFSite externe, vol. 5, no 1, octobre 2008, p. 4, version en ligne consultée le 31 mars 2009.

24. Ibid.

25. Association provinciale des enseignantes et enseignants du Québec, L’Association provinciale des enseignantes et enseignants du Québec envoie une lettre ouverte à la ministre de l’Education Michelle Courchesne concernant les manuels scolairesSite externe, communiqué de presse, Montréal, 1er octobre 2008, version en ligne consultée le 31 mars 2009.

26. Desrochers c. Canada (Industrie), 2009, CSC 8, au paragr. 51 et 53.

27. Place aux jeunes du Québec, Mission et objectifsSite externe, version en ligne consultée le 31 mars 2009.

28. Place aux jeunes du Québec, Rapport annuel 2007-2008Site externe, Québec, 2008, p. 18, version en ligne consultée le 31 mars 2009.

29. Place aux jeunes du Québec, Une communauté rurale de Terre-Neuve-et-Labrador s’inspire de Place aux jeunes pour contrer l’exode des jeunesSite externe, communiqué de presse, Québec, 26 novembre 2008, version en ligne consultée le 31 mars 2009.

30. Par exemple la Cour fédérale du Canada, la Cour canadienne de l’impôt, le Tribunal canadien des droits de la personne ou la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.

31. Charles Landry, The Creative City: A toolkit for urban innovators, Londres, Earthscan Publications Ltd., 2000, pp. 9-11.

32. Commissariat aux langues officielles, Ombres sur le paysage télévisuel canadien : Place du français sur les ondes et production en contexte minoritaire, Ottawa, 2009, version en ligne consultée le 31 mars 2009.

33. Commissaire aux langues officielles, Examen des services de radiodiffusion de langues anglaise et française dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire, notes pour une comparution dans le cadre de l’audience publique du CRTC, Ottawa, 16 janvier 2009, version en ligne consultée le 31 mars 2009.

34. Dans peu de secteurs est-il aussi important pour une personne de recevoir des services dans sa langue que dans celui de la santé. En effet, en utilisant la langue du patient pour le soigner, les professionnels de la santé contribuent à son bien-être, tout comme ils augmentent la probabilité que les soins rendus le soient efficacement. À ce sujet, voir notamment Elizabeth Jacobs, « The Need for More Research on Language Barriers in Health Care: A Proposed Research Agenda », Milbank QuarterlySite externe, version en ligne consultée le 31 mars 2009.

35. Jean-Pierre Corbeil, Claude Grenier et Sylvie Lafrenière, Les minorités prennent la parole : résultats de l’Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle, Ottawa, Statistiques Canada, 2006, p. 131.

36. Ibid.

37. Lettre du commissaire aux services en français de l’Ontario adressée le 12 novembre 2008 au ministre de la Santé et des Soins de longue durée de l’OntarioSite externe, version en ligne consultée le 31 mars 2009.

38. Carsten Quell, « Recherches sur la nouvelle diversité des communautés francophones en situation minoritaire », Thèmes canadiens / Canadian Issues, printemps 2008, p. 9.

39. David Johnston, « “Cultural shiftSite externe” made English more acceptable », The Gazette, 29 janvier 2009, version en ligne consultée le 31 mars 2009.

40. Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, Les accords de collaboration entre Patrimoine canadien et les organismes communautaires – un partenariat en évolutionSite du gouvernement, Ottawa, 2008, version en ligne consultée le 31 mars 2009.

41. Ibid., p. 13.

42. Ibid., p. 15.

43. Secrétariat des conférences intergouvernementales canadiennes, Un partenariat accru recherché en matière de francophonie canadienneSite du gouvernement, communiqué de presse, Ottawa, 18 septembre 2008, version en ligne consultée le 31 mars 2009.



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