ARCHIVÉE - Dyane Adam 2001-2002
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Rapport annuel 2001 - 2002
Le tissu social canadien
Un tissu est fait de nombreux fils. Les citoyens et citoyennes de ce pays, qui parlent le français ou l'anglais et ont des racines ethnoculturelles fort diverses, forment un tissu social que l'on appelle le Canada. Le tissu doré au centre symbolise la rencontre de nos deux collectivités linguistiques et la richesse de leur dialogue.
Les personnes qui portent l'épinglette du Commissariat aux langues officielles témoignent de leur engagement à promouvoir les meilleures relations humaines possible entre les composantes francophone et anglophone du tissu social canadien.
Table des matières
AVANT-PROPOS
CHAPITRE 1 : LA DUALITÉ LINGUISTIQUE, UNE VALEUR CANADIENNE
- Langues et identités
- Le développement des communautés minoritaires de langue officielle
- Le Québec au coeur de la francophonie canadienne
- Unir nos voix
- Un projet de société à achever
CHAPITRE 2 : LE LEADERSHIP POLITIQUE ET ADMINISTRATIF
- L'engagement des parlementaires
- Le plan d'action du gouvernement sur les langues officielles
- Le Groupe de référence ministériel sur les langues officielles
- Le Comité mixte permanent des langues officielles
- Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles
- Le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes
- L'engagement de la haute fonction publique
- Le greffier du Conseil privé
- Le Comité des sous-ministres responsable des langues officielles
- Les comités sur les langues officielles des conseils régionaux de hauts fonctionnaires fédéraux
- Conclusion
CHAPITRE 3 : LE COMMISSARIAT AUX LANGUES OFFICIELLES, UN AGENT DE CHANGEMENT
- Rôle d'ombudsman
- Rôle de vérification
- Rôle de liaison
- Rôle de vigie
- Rôle de promotion et d'éducation
- Rôle d'intervention devant les tribunaux
- Conclusion
- Quelques chiffres sur les interventions du Commissariat aux langues officielles en 2001-2002
APERÇU DES PLAINTES
CHAPITRE 4 : LES SERVICES AU PUBLIC
- Mise en oeuvre du rapport Un changement de culture s'impose
- État de la mise en oeuvre
- Accélérer la cadence
- La Politique sur les différents modes de prestation de services :un pas dans la bonne direction... mais combien lent
- Guichet emplois : est-ce enfin le bon système ?
- La télédiffusion des débats parlementaires par l'entremise de la Chaîne d'affaires publiques par câble (CPAC)
- Air Canada : besoin d'une poussée continue
- La nouvelle Agence de sécurité du transport aérien : chapeau!
- L'accès à la justice dans les deux langues officielles : la lumière au bout du tunnel ?
- Quelques initiatives à souligner
- La Loi sur les contraventions : la mise en oeuvre se fait attendre
- Conclusion
CHAPITRE 5 : UNE FONCTION PUBLIQUE QUI REFLÈTE LA DUALITÉ LINGUISTIQUE CANADIENNE
- La modernisation de la gestion des ressources humaines : une occasion à ne pas manquer
- La haute fonction publique donne-t-elle l'exemple ?
- Profil linguistique : une amélioration notable
- Bilinguisme des sous-ministres et des sous-ministres adjoints : nettement moins bien
- Sensibiliser la haute gestion à son rôle à l'égard de la dualité linguistique
- La langue de travail
- État de la situation
- Une plainte qui a mené loin : le Collège de la Garde côtière retrouve son statut bilingue
- La Société canadienne des postes : deux régions, deux approches différentes
- La participation équitable des deux groupes linguistiques
- État de la situation
- La Politique du corps d'officiers bilingue du ministère de la Défense
- La représentation francophone chez les pilotes d'Air Canada
- VIA Rail : Exigences linguistiques de certains postes et politique d'embauche
- Conclusion
CHAPITRE 6 : LA PROMOTION DE LA DUALITÉ LINGUISTIQUE
- Le bilinguisme de la capitale nationale
- Les langues officielles sur Internet
- Suivi de l'étude sur le français sur Internet
- Les sites des ambassades canadiennes, des missions diplomatiques étrangères et d'organisations internationales
- Les langues officielles dans le système sportif canadien
- L'immigration
- Modifications concernant les langues officielles dans la nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés...
- ...et dans les modalités d'application de la loi
- Les États généraux sur la situation et l'avenir de la langue française au Québec
- Conclusion
CHAPITRE 7 : L'ÉPANOUISSEMENT DES COMMUNAUTÉS MINORITAIRES DE LANGUE OFFICIELLE
- La saga de l'Hôpital Montfort : épilogue
- La Commission Romanow sur l'avenir des soins de santé au Canada : le meilleur est-il à venir ?
- L'accès à des soins de santé en anglais au Québec
- Les fusions municipales au Québec
- Un projet de formation à distance pour les communautés anglophones du Québec
- L'Institut français : un espace francophone au sein de l'University of Regina
- La révision de la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest
- La radiodiffusion : accroître l'offre dans les deux langues officielles à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes
- Révision de la Loi sur la radiodiffusion
- Vers un avenir mieux équilibré
- Radio-Canada : pour une Chaîne culturelle pancanadienne
- Conclusion
LES LANGUES OFFICIELLES EN ACTION : UN ÉVENTAIL DE BELLES RÉUSSITES
ANNEXES
Annexe A - Liste des recommandations
Annexe B - Cartes des régions désignées bilingues aux fins de la langue de travail au Québec et en Ontario
AVANT-PROPOS
Chaque année, la Commissaire aux langues officielles présente au Parlement un rapport des activités de son institution pour l'exercice précédent [1]. Ce troisième rapport annuel de la Commissaire Dyane Adam couvre l'exercice clos le 31 mars 2002. Il est assorti de recommandations qui visent à assurer la pleine mise en oeuvre des dispositions de la Loi sur les langues officielles (ci-après, la Loi).
Dans son premier rapport annuel, la Commissaire dénonçait l'indifférence de nos dirigeants face aux langues officielles et elle les pressait d'agir rapidement pour redresser la situation. Dans son deuxième rapport, elle se réjouissait du fait que le train du renouveau des langues officielles avait sifflé : le discours du Trône du gouvernement annonçait sans équivoque son intention d'agir pour reconnaître et promouvoir la dualité linguistique. Cette année, le rapport fait état de certaines mesures adoptées par le gouvernement pour donner suite à son engagement renouvelé. Le train a-t-il enfin quitté la gare ?
La Commissaire étant soucieuse d'orienter sa démarche vers des résultats concrets, durables et mesurables, la plupart des dossiers traités sont présentés de manière à donner un aperçu du contexte et des enjeux en cause, une chronologie des interventions du Commissariat et une description des actions entreprises par l'administration fédérale en vue de résoudre les problèmes décelés (ou de son inaction, le cas échéant).
Les trois premiers chapitres décrivent successivement l'importance de la dualité linguistique comme valeur canadienne; les efforts de promotion de la dualité linguistique qu'ont déployés nos dirigeants politiques et administratifs au cours de la dernière année; l'approche préconisée par la Commissaire pour favoriser l'atteinte des objectifs de la Loi. Les quatrième et cinquième chapitres examinent la façon dont l'administration fédérale s'est acquittée de ses responsabilités linguistiques en matière de services au public, de langue de travail et de participation équitable des deux groupes linguistiques au sein de ses effectifs. Les deux derniers chapitres présentent les activités entreprises par la Commissaire au cours du dernier exercice pour contribuer à la promotion de la dualité linguistique et à l'épanouissement des communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire.
SOMMAIRE
La Loi vise trois objectifs principaux :
- l'égalité du français et de l'anglais au sein du Parlement,du gouvernement du Canada, de l'administration fédérale et des institutions assujetties à la Loi;
- le maintien et l'épanouissement des collectivités de langue officielle au Canada
- l'égalité du français et de l'anglais dans la société canadienne.
Les deux derniers rapports annuels le constataient et il convient de le répéter d'entrée de jeu cette année : un sérieux coup de barre s'impose pour que les objectifs de la Loi se réalisent et pour que les droits linguistiques des Canadiens et des Canadiennes se concrétisent au quotidien par une réelle égalité des chances, où qu'ils se trouvent au pays.
La dualité linguistique est une valeur centrale de l'identité canadienne et,à ce titre,le gouvernement ne doit plus l'escamoter. Les intentions qu'il a exprimées dans son discours du Trône de janvier 2001 ont laissé espérer que des mesures concrètes seraient rapidement instaurées pour assurer la pleine mise en oeuvre de la Loi .Ces espoirs ne se sont malheureusement pas matérialisés au cours du dernier exercice.
Bien que plusieurs initiatives récentes laissent entrevoir une mobilisation certaine de l'appareil fédéral autour des langues officielles, les changements escomptés se font toujours attendre. Les efforts ponctuels consentis par certaines institutions ne semblent pas s'inscrire dans une stratégie globale de promotion de la dualité linguistique. Il est primordial que le plan d'action préparé en ce moment par le président du Conseil privé change cette situation et appuie une action gouvernementale coordonnée pour renforcer la dualité linguistique partout au pays.
Pour que leur rendement soit à la hauteur de leurs promesses, les décideurs doivent exercer un leadership plus engagé qui incite les divers échelons de l'administration fédérale à reconnaître et à promouvoir les langues officielles. Les dirigeants politiques fédéraux doivent chercher à mobiliser non seulement les institutions gouvernementales, mais aussi la totalité des gouvernements provinciaux et territoriaux et, plus généralement, l'ensemble de la collectivité canadienne.
Chapitre 1 : LA DUALITÉ LINGUISTIQUE, UNE VALEUR CANADIENNE
Les grandes valeurs qui sont communes à toutes les Canadiennes et à tous les Canadiens ne sont pas difficiles à énumérer : liberté, démocratie, primauté du droit, égalité, solidarité, respect, tolérance, compassion... Ce sont les assises de notre pays.
Ce sont des vertus civiques encore plus importantes à nos yeux depuis que les attentats terroristes commis aux États-Unis le 11 septembre 2001 nous ont rappelé toute l'importance d'être solidaires dans la défense des droits et libertés. Nous avons codifié bon nombre de ces valeurs dans un document dont nous avons célébré récemment le 20e anniversaire : la Charte canadienne des droits et libertés (ci-après, la Charte). Cet anniversaire a d'ailleurs défrayé très largement la chronique au pays, alors que la plupart des commentateurs soulignaient l'ampleur des transformations inspirées par ce texte fondamental.
Aujourd'hui, la très grande majorité de nos concitoyennes et concitoyens (88 p. 100) estime que, de façon générale, la Charte est une bonne chose [2]. Comme le faisait observer Claude Ryan, « [l]'adoption d'une charte constitutionnelle reflétait [...] une tendance très répandue à travers le monde. De par sa nature même, la Charte avait en outre de quoi plaire aux citoyens ordinaires, dont les droits devenaient l'objet d'une protection renforcée dans leurs rapports avec les autorités publiques [3]. »
L'originalité de la Charte n'est pas seulement d'avoir donné une expression juridique à des droits et des valeurs que nous chérissons, mais encore de les avoir situés dans un contexte social, culturel et linguistique précis, à savoir l'existence de deux grandes communautés linguistiques, entre autres choses. Issue de compromis, la Charte voulait créer pour tous les citoyens et les citoyennes un espace de reconnaissance mutuelle, une maison du peuple où chacun trouverait sa place. La juge Rosalie Abella de la Cour d'appel de l'Ontario décrit ainsi le motif qui a présidé à sa création : « L'enchâssement de la Charte avait pour but à la fois de créer et de représenter des valeurs communes et unificatrices de compassion, de générosité et de tolérance [4]. » [Notre traduction]
La Cour suprême du Canada a souligné, à plusieurs reprises au fil des ans, la place qu'occupent les droits linguistiques parmi nos valeurs fondamentales. Par exemple, dans le Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, la Cour a insisté sur le rôle de la langue dans la construction d'une identité individuelle et collective :
L'importance des droits en matière linguistique est fondée sur le rôle essentiel que joue la langue dans l'existence, le développement et la dignité de l'être humain. C'est par la langue que nous pouvons former des concepts, structurer et ordonner le monde autour de nous. Le langage constitue le pont entre l'isolement et la collectivité, qui permet aux êtres humains de délimiter les droits et obligations qu'ils ont les uns envers les autres et, ainsi, de vivre en société [5].
Le fait de reconnaître dans la Charte l'égalité de statut du français et de l'anglais n'était pas un geste exempt de conséquences pratiques. C'était en fait un engagement qui avait pour objectif de rapprocher les deux grandes communautés linguistiques.
Conscients que leur identité nationale s'articulait de plus en plus autour de leurs deux principales langues, les Canadiens et les Canadiennes espéraient renforcer le tissu social en instaurant l'égalité réelle du français et de l'anglais au Canada.
Pour eux, le moyen le plus sûr de réaliser cette reconstruction était :
-
de consolider le bilinguisme « officiel », c'est-à-dire le bilinguisme parlementaire et juridique de l'État fédéral;
-
d'assurer la prestation bilingue des services fédéraux selon les besoins;
-
de favoriser la création ou la consolidation des institutions scolaires de minorités de langue officielle;
-
d'engager les provinces et les territoires à défendre et à promouvoir les deux langues officielles dans la société canadienne.
La Charte garantit donc spécifiquement le bilinguisme des institutions du Parlement et du gouvernement du Canada et confirme les droits à l'instruction dans la langue de la minorité. De plus, elle ouvre la voie à une plus grande collaboration entre le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires dans le développement des deux communautés linguistiques, voulant favoriser « la progression vers l'égalité [6] » tout en tenant compte des réalités démographiques, sociales et historiques.
Peu de personnes pouvaient prédire, au moment de l'adoption de la Charte, l'ampleur qu'allait prendre l'enseignement de la langue française chez les anglophones du pays. En une génération à peine, l'adaptation linguistique est entrée dans leur vie quotidienne.
En témoigne notamment le progrès du bilinguisme chez les jeunes de 15 à 29 ans, qui atteint maintenant près de 25 p. 100 (Statistique Canada, recensement de 1996). C'est donc dire que, pour un nombre croissant d'anglophones, comme c'était déjà le cas pour bien des francophones, le bilinguisme, ou même le multilinguisme, est devenu une valeur individuelle, voire, pour plusieurs, un élément important de leur identité. C'est aussi pour eux (et pour l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens) un atout économique dans un monde de plus en plus compétitif.
C'est là une nouvelle donne qui, au fil des ans, influencera sans doute considérablement la prestation de services bilingues dans la société canadienne et contribuera à une plus grande valorisation de nos deux langues officielles dans de nombreux secteurs du commerce international.
Dans un pays comme le nôtre, dont la croissance est de plus en plus tributaire de l'immigration, la diversité est non seulement souhaitable, mais nécessaire. Dans de telles circonstances, nous aurons avantage à planifier beaucoup plus soigneusement la manière dont l'immigration peut servir d'outil de développement pour les communautés de langue officielle, notamment celles vivant en situation minoritaire. Il devrait y avoir autant de diversité dans ces communautés que dans la population en général. En fait, nos langues officielles sont rassembleuses; elles sont devenues un facteur d'inclusion.
Le développement des communautés minoritaires de langue officielle
Conscient de l'importance d'assurer la progression vers l'égalité du français et de l'anglais stipulée par la Charte, le gouvernement fédéral, dans la partie VII de la Loi, s'est engagé, d'une part, à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et, d'autre part, à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne.
Cette reconnaissance est fondamentale d'abord parce que les minorités de langue officielle ont des droits historiques : le droit à leur langue, à leurs écoles et aux autres institutions qui sont essentielles à leur expression culturelle. S'il est une chose que la longue saga de l'Hôpital Monfort a permis de confirmer, c'est bien qu'il ne faut pas traiter à la légère l'enracinement des institutions dans les communautés. Les institutions chargées de réaliser la mission de l'éducation visée par l'article 23 de la Charte [7], que la Cour suprême du Canada a qualifiée dès 1990 de « clé de voûte de l'engagement du Canada envers le bilinguisme », sont en voie d'enracinement, bien qu'elles demeurent incomplètes. Plusieurs chefs de file sont en train de se concerter pour relever le défi que nous avons lancé de recruter l'effectif scolaire cible des écoles de langue française en milieu minoritaire [8]. En effet, seule la moitié des enfants nés d'un parent de langue maternelle française est inscrite dans une école de langue française à l'extérieur du Québec. Il s'agit d'une question vitale pour l'avenir de la francophonie canadienne et la Commissaire entend ne ménager aucun effort pour y arriver. Au Québec, le réseau d'écoles de langue anglaise fait pour sa part face à des défis particuliers. Pour que les fils du tissu linguistique du Canada soient renforcés, les communautés minoritaires de langue officielle doivent être en mesure de mener une vie collective dynamique et en constant renouvellement.
En poussant plus loin la réflexion, on arrive vite à comprendre que les communautés minoritaires de langue officielle sont une source d'enrichissement pour tous, non seulement sur le plan culturel mais aussi sur le plan social et économique. En fait, le Canada ne peut que gagner en cohésion si les francophones et les anglophones en situation minoritaire bénéficient de services publics essentiels dans leur propre langue.
Le Québec au coeur de la francophonie canadienne
Depuis longtemps, le gouvernement du Canada et celui du Québec se sont partagé, non sans frictions, la défense de la francophonie au Canada et dans le monde.
Les éléments les plus marquants de cette collaboration sont sans doute la délimitation progressive de leurs rôles respectifs et complémentaires au sein de la francophonie canadienne et internationale ainsi que les accords signés en matière d'immigration et de formation de la main-d'oeuvre. L'avenir nous fera sans doute découvrir d'autres terrains d'entente.
Il importe aussi que les provinces et territoires à majorité anglophone non seulement s'entendent sur la légitimité de la nette prédominance du français au Québec, mais reconnaissent également l'importance de consolider davantage les communautés francophones sur leur propre territoire. Leur contribution active et positive est indispensable au développement de leur province ou territoire, mais elle est vitale aussi à l'établissement de relations harmonieuses entre le Québec et le reste du Canada. Il convient en outre de souligner de façon particulière les efforts constants de la communauté d'expression anglaise du Québec pour jeter des ponts entre nos deux grandes communautés linguistiques.
On voit mal, par ailleurs, comment un tel virage pourrait se réaliser sans une reconnaissance explicite du fait que les Québécois et les Québécoises francophones, même s'ils sont majoritaires dans leur province, font néanmoins partie de la minorité linguistique canadienne et qu'il faut protéger la langue française, même au Québec. C'est une réalité incontournable. Principal foyer de la vie française en Amérique, la société québécoise continuera à avoir besoin d'un appui formel. Compte tenu du contexte nord-américain, l'insécurité linguistique des francophones québécois est bien réelle. Certes, cela ne signifie pas que la communauté anglophone du Québec ne doive pas également être protégée. Il faudrait voir à ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul.
Cependant, on a souvent oublié, au cours des récents débats sur la situation de la langue française au Québec, que le gouvernement du Canada a contribué activement à soutenir le fait français dans cette province. L'appui de la langue française se manifeste sur plusieurs plans. Des organismes tels que Radio-Canada, Téléfilm Canada, TV5, l'Office national du film et le Conseil des Arts du Canada stimulent la vie artistique et culturelle en français, au pays et à l'étranger. De plus, d'importantes ressources sont consacrées au contenu et aux services en français sur Internet et dans les nouvelles technologies. Ces apports contribuent à l'épanouissement de la langue et de la culture françaises.
C'est en partie grâce à cette promotion fédérale que l'originalité de la société québécoise est une idée qui a fait son chemin au pays. La dualité linguistique est une valeur pour les Canadiens et les Canadiennes; c'est une preuve éclatante de notre capacité d'assumer notre diversité, un symbole de notre liberté et de notre ouverture sur le monde, l'illustration quotidienne de notre capacité de dialogue et d'inclusion.
La dualité linguistique du Canada n'est pas simplement la reconnaissance du fait que le Canada possède deux langues officielles parce qu'il est composé de deux grandes communautés linguistiques, chacune marquée par une diversité croissante. C'est la reconnaissance du fait que ces deux communautés sont interdépendantes et qu'elles ne peuvent être pleinement efficaces et productives que dans la mesure où elles sont solidaires et respectueuses l'une de l'autre.
L'identité canadienne réside justement dans cette tension créatrice, dans ce vouloir-vivre ensemble qui doit se reconstruire chaque jour par un dialogue en français et en anglais où chacun a voix au chapitre.
Il faut comprendre que, entre peuples, la reconnaissance est bien plus qu'un processus de négociation et de concessions. Tout bien considéré, elle est un geste d'ouverture qui permet aux parties d'envisager la possibilité de vivre ensemble dans un esprit nouveau. Nous ne nous reconnaissons pas seulement pour ce que nous sommes, nous reconnaissons ce que nous pourrions devenir ensemble. Pour cela, il faut reconnaître ce que nous sommes déjà : un royaume en paix, un lieu où les langues, les cultures et les peuples s'abritent ensemble sous la voûte de la justice. C'est là notre raison d'être, l'exemple que nous donnons au monde, notre vérité sans cesse sur le point de se réaliser.
Michael Ignatieff
La Révolution des droits, Boréal, 2001, p. 124
Si la Commissaire s'est intéressée dès son entrée en fonction aux relations entre les valeurs, les droits fondamentaux et le développement des deux communautés de langue officielle, c'est qu'elle sentait qu'il y avait là les éléments d'une dynamique porteuse d'avenir et que ces éléments permettraient au Canada d'être mieux outillé pour gérer la diversité de la nouvelle société canadienne.
Elle tenait notamment à ce que le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, les associations, le secteur privé de même que tous les citoyens et les citoyennes cherchent davantage à combler ensemble le fossé qui s'était creusé entre les droits linguistiques et les droits sociaux. En fait, l'égalité linguistique n'est rien d'autre qu'une valeur théorique si elle ne favorise pas au quotidien l'égalité des chances et n'assure pas l'épanouissement des communautés francophones et anglophones.
Un projet de société à achever
Par leurs comptes rendus de l'état de l'application de la Loi, les Commissaires rapportent année après année les accrocs de la pratique administrative, les manquements et la faiblesse des engagements gouvernementaux à son égard. L'exercice est aussi légitime que nécessaire, car la vigilance reste la meilleure garantie de la pleine mise en oeuvre de la Loi. Il convient toutefois de souligner que, globalement, plus de trente ans après l'adoption de la Loi et vingt ans après l'adoption de la Charte, les efforts déployés ont abouti à des résultats certes imparfaits, mais importants.
Ces progrès demeurent néanmoins fragiles car, en pratique, nombre d'entre eux sont à la merci de la volonté politique du jour. L'avenir sera tributaire de notre capacité individuelle et collective d'assumer les responsabilités et les défis de la dualité linguistique qui, au-delà du symbole, représente un capital énorme pour l'ensemble du pays et un gage de sa vitalité durable.
Chapitre 2 : LE LEADERSHIP POLITIQUE ET ADMINISTRATIF
En matière de langues officielles, le leadership des parlementaires et des dirigeants des institutions fédérales doit se manifester par un climat de collaboration qui encourage tous et chacun à partager une même vision et à contribuer à l'objectif commun de manière continue. En l'absence d'un tel leadership politique et administratif, il est illusoire de s'attendre à ce que les dirigeants des provinces et des territoires se mobilisent enfin autour du projet des langues officielles.
Les sections qui suivent font état des actions concrètes entreprises au cours du dernier exercice par nos dirigeants politiques et administratifs pour promouvoir la dualité linguistique et atteindre les résultats visés par la Loi.
L'engagement des parlementaires
Le discours du Trône de 2001 attachait aux langues officielles une importance jamais vue depuis quinze ans. Il a été suivi de quelques initiatives qui confirment la volonté de certains leaders fédéraux de faire avancer le dossier des langues officielles. À titre d'exemple, le gouvernement a accepté de financer plusieurs projets visant à appuyer les communautes minoritaires de langue officielle (voir l'encadré). De nombreux parlementaires ont défendu avec vigueur les droits linguistiques de la population canadienne. Plusieurs comités du Sénat et de la Chambre des communes ont accordé une attention particulière à des projets de loi qui touchaient, directement ou indirectement, les langues officielles et les communautés linguistiques.
Quelques investissements opportuns
Au cours de la dernière année, le gouvernement a annoncé l'allocation de nouvelles ressources pour financer plusieurs projets qui appuient les langues officielles, comme la création d'un institut national de la recherche sur les communautés minoritaires de langue officielle à l'Université de Moncton; la traduction des arrêts municipaux au Nouveau-Brunswick; les échanges linguistiques pour les jeunes; un réseau de formation à distance pour la communauté anglophone du Québec, en partenariat avec la province; la conclusion de nouvelles ententes dans le cadre du Partenariat interministériel avec les communautés de langue officielle (le PICLO); la formation linguistique des fonctionnaires de la nouvelle Ville d'Ottawa; de même que des projets d'animation culturelle et communautaire destinés à la jeunesse francophone en milieu minoritaire.
Le plan d'action du gouvernement sur les langues officielles
Depuis avril 2001, la coordination de tous les dossiers relatifs aux langues officielles est regroupée sous la responsabilité du ministre des Affaires intergouvernementales et président du Conseil privé. Ce dernier a le mandat de formuler un nouveau plan d'action pour renforcer le programme des langues officielles et le bilinguisme au pays.
La Commissaire a demandé au ministre de fixer des objectifs précis et de mettre en place des mesures ciblées qui aboutiront à des résultats concrets, durables et mesurables. Elle lui a suggéré de nombreuses pistes d'action, lui laissant le soin de définir les détails et la stratégie de mise en oeuvre des sept priorités qu'elle propose.
PRIORITÉS QUE LA COMMISSAIRE A SUGGÉRÉES AU GOUVERNEMENT POUR SON PLAN D'ACTION SUR LES LANGUES OFFICIELLES |
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Aucun document officiel n'avait été déposé au 31 mars 2002
Recommandation 1
La Commissaire recommande au gouvernement de définir sans plus tarder son plan d'action sur les langues officielles et d'allouer le financement nécessaire à la mise en oeuvre des mesures qui seront prévues.
Le Groupe de référence ministériel sur les langues officielles
Au cours de l'automne 2001, plusieurs membres du Cabinet ont formé un Groupe de référence ministériel pour appuyer la réflexion du gouvernement fédéral sur les langues officielles. La taille de ce groupe s'est considérablement accrue à la suite du remaniement ministériel de janvier 2002, représentant désormais près du tiers du Comité du Cabinet sur l'union sociale. Cette initiative devrait faciliter une approche horizontale pour mettre en oeuvre les initiatives sectorielles suggérées dans le plan d'action sur les langues officielle
Recommandation 2
La Commissaire recommande au premier ministre d'accorder au Groupe de référence ministériel sur les langues officielles un statut de comité permanent pour stimuler le leadership aux plus hauts niveaux et appuyer la mise en oeuvre du plan d'action sur les langues officielles.
Le Comité mixte permanent des langues officielles
Le Comité mixte permanent des langues officielles a été très actif au cours de la dernière année. Il a pris fermement position dans plusieurs dossiers, notamment ceux d'Air Canada et de la télédiffusion des débats parlementaires, et son influence se fait de plus en plus sentir. Entre autres réalisations, le Comité a entendu les témoignages de nombreux porte-parole des communautés minoritaires de langue officielle et présenté un rapport décrivant leurs attentes à l'égard du plan d'action gouvernemental sur les langues officielles [9].
Au printemps 2001, le Comité a étudié le rapport d'enquête de la Commissaire concernant la diffusion des débats de la Chambre dans les deux langues officielles [10]. Le Comité partage les conclusions de la Commissaire et a lui-même déposé un rapport dans lequel il recommande notamment au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) d'obliger les câblodistributeurs à diffuser les débats et les travaux de la Chambre des communes dans les deux langues officielles.
Le Comité s'est également penché sur les problèmes de non-respect de la Loi qui perdurent chez Air Canada. Il a étudié les nombreux rapports du Commissariat qui traitent de la question et invité divers témoins à comparaître devant lui, dont le ministre des Transports, la présidente du Secrétariat du Conseil du Trésor, le président d'Air Canada, des membres des syndicats des employés et employées d'Air Canada ainsi que des représentants du Commissariat aux langues officielles. Le rapport qu'il a déposé en février 2002 [11] contient 16 recommandations s'adressant au président d'Air Canada, au ministre des Transports et à la présidente du Secrétariat du Conseil du Trésor. Le Comité a recommandé notamment au transporteur aérien de s'inspirer du guide rédigé par la Commissaire l'an dernier [12] pour élaborer un plan d'action en vue de respecter ses obligations linguistiques.
Le Comité mixte a aussi examiné la mise en oeuvre de la partie VII de la Loi. Les représentants des communautés minoritaires de langue officielle qui ont comparu devant lui ont déploré l'incidence négligeable de cette partie de la Loi depuis son entrée en vigueur.
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a étudié la portée de l'article 41 de la partie VII de la Loi, dans lequel le gouvernement fédéral s'engage à favoriser le développement et l'épanouissement des communautés minoritaires de langue officielle. Cette disposition équivoque a été au centre de multiples débats depuis son entrée en vigueur en 1988 et il est grand temps d'en clarifier l'interprétation.
La réflexion du Comité a été suscitée par le dépôt du projet de loi S-32, parrainé par le sénateur Jean-Robert Gauthier, qui vise à modifier la Loi afin de renforcer le caractère exécutoire de l'engagement du gouvernement à l'égard des communautés minoritaires de langue officielle. De nombreux intervenants ont pris part aux consultations tenues par le Comité, dont la Commissaire, des experts en droits linguistiques et des porte-parole de groupes sectoriels. La majorité d'entre eux ont souligné la nécessité de dissiper l'ambiguïté qui entoure les responsabilités gouvernementales découlant de l'article 41 de la Loi.
La Commissaire a proposé des modifications législatives qui visent à améliorer l'efficacité des mesures adoptées pour réaliser les objectifs de la partie VII de la Loi. Il est impératif que l'appareil fédéral en adopte une interprétation cohérente et généreuse, car plusieurs institutions fédérales profitent de l'ambiguïté qui entoure cette disposition pour justifier leur inaction à son égard.
Recommandation 3
La Commissaire recommande au gouvernement de préciser la portée juridique de l'engagement prévu à l'article 41 de la Loi sur les langues officielles et de prendre les mesures nécessaires pour s'acquitter efficacement des responsabilités prévues par cette disposition.
Le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des Communes
La Commissaire a également comparu devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration dans le cadre des consultations qu'il a tenues sur la nouvelle loi en matière d'immigration. La Commissaire souhaitait le convaincre d'appuyer certaines modifications à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés afin que les deux groupes linguistiques profitent plus équitablement de l'apport migratoire. La nouvelle loi, qui a reçu la sanction royale en novembre 2001, tient compte des recommandations de la Commissaire et vise à assurer l'épanouissement des communautés anglophones et francophones en situation majoritaire et minoritaire ainsi que la promotion de l'égalité du français et de l'anglais. La Commissaire a aussi fait valoir que le règlement proposé par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration n'accordait pas suffisamment de points aux immigrants qui possèdent une bonne maîtrise de la deuxième langue officielle. Le Comité en a pris bonne note et a suggéré dans ses recommandations au ministère de doubler le nombre de points alloués pour la connaissance de la deuxième langue officielle.
La reconnaissance du leadership administratif
La Commissaire a récemment institué le Prix Leadership du Commissariat aux langues officielles. Chaque année, ce prix rendra hommage à un dirigeant ou à une dirigeante d'une institution fédérale qui s'est démarqué par son leadership pour promouvoir la dualité linguistique et mettre en oeuvre le programme des langues officielles au sein de son institution. Ce prix est symbolisé par une mascotte représentant un chemineau, aux commandes du train des langues officielles, Léon. Les conseils fédéraux des provinces de l'Atlantique en ont fait cadeau à la Commissaire aux langues officielles lors du Symposium de l'Atlantique sur les langues officielles tenu à Charlottetown en octobre 2001 (voir p. 26-27). Le tout premier lauréat du Prix Leadership est le statisticien en chef du Canada, M. Ivan P. Fellegi (voir p.113-114).
L'engagement de la haute fonction publique
Les institutions fédérales jouent un rôle de premier plan dans la réalisation des objectifs de la Loi : c'est à elles qu'incombe la responsabilité de matérialiser l'engagement renouvelé du gouvernement à l'égard des langues officielles. Seul un solide engagement de la haute gestion pourra entraîner une mobilisation de tous les échelons de la fonction publique.
À l'heure actuelle, les langues officielles font partie des objectifs permanents de tous les sous-ministres : en vertu des ententes de rendement qui les lient au greffier du Conseil privé, les sous-ministres sont tous responsables du maintien de normes élevées de prestation de services dans les deux langues officielles et de la création d'un milieu de travail propice à l'utilisation du français et de l'anglais.
Les sous-ministres sont tous tenus de choisir, parmi les priorités stratégiques du gouvernement énoncées par le greffier du Conseil privé, une ou deux priorités clés qu'ils s'engagent à mettre en oeuvre. Depuis deux ans, le greffier a pris un important engagement vis-à-vis des langues officielles en faisant de celles-ci l'une de ses priorités stratégiques. Puisqu'un changement de culture s'opère sur une longue période, les langues officielles devraient continuer à faire partie des priorités du greffier du Conseil privé pour quelques années encore.
Lorsqu'un haut dirigeant tarde à appliquer le programme au sein de son organisation, le Bureau du Conseil privé devrait l'obliger à faire des langues officielles une priorité. Il est essentiel que le greffier définisse des indicateurs de rendement qui lui permettront de vérifier le degré de mise en oeuvre du programme des langues officielles par chaque sous-ministre.
Recommandation 4
La Commissaire recommande au greffier du Conseil privé d'inclure les langues officielles au nombre de ses priorités stratégiques pour une période additionnelle de trois ans et d'en faire une priorité obligatoire pour tous les sous-ministres qui tardent à mettre en oeuvre le programme des langues officielles dans leur institution.
Le Comité des sous-ministres responsable des langues officielles
Le Comité des sous-ministres responsable des langues officielles doit servir de courroie de transmission entre le Groupe de référence ministériel et les ministères fédéraux. Le Comité semble toutefois éprouver des difficultés à passer du stade de la réflexion à celui de la décision et de l'action. Afin de concrétiser son action, le Comité doit collaborer étroitement avec le ministre responsable de la coordination des dossiers touchant les langues officielles pour l'aider à élaborer son plan d'action dans ce domaine.
En 2000, le Comité avait adopté quatre priorités : la santé, la langue de travail, le français sur Internet et la vision des langues officielles. Il n'y a pas eu de gestes visibles par rapport à ces priorités. Pour l'exercice 2002-2003, le Comité annonce qu'il travaillera sur quatre grands axes en ce qui concerne le plan d'action gouvernemental : l'éducation, les communautés et la dualité linguistique, l'appui pour la langue française et la fonction publique. Le Comité se penchera sur les dossier suivants : l'examen des ententes fédérales-provinciales encadrant l'enseignement dans la langue de la minorité et de la langue seconde; l'appui aux industries de la langue afin de permettre une présence plus équitable du français sur Internet; l'évaluation des mécanismes de mise en oeuvre de la partie VII de la Loi.
La Commissaire s'attend à ce que le Comité précise de quelle façon les priorités seront appliquées et leur réalisation mesurée, de sorte que l'action du Comité puisse être véritablement évaluée. Le leadership des sous-ministres sera essentiel à la mise en oeuvre efficace du plan d'action gouvernemental sur les langues officielles.
Les comités sur les langues officielles des conseils régionaux de hauts fonctionnaires fédéraux
Chaque province compte un conseil qui rassemble les plus hauts gestionnaires des institutions fédérales présentes dans leur région. Ces conseils fédéraux se sont tous dotés d'un comité des langues officielles et certains d'entre eux se sont démarqués par leur leadership au cours de la dernière année.
Le rapport annuel précédent déplorait l'absence d'un tel comité au sein du Conseil fédéral du Québec, mais cette lacune a été corrigée depuis. Le nouveau comité formé par le conseil québécois cherchera principalement à faire respecter le droit du personnel à travailler dans la langue de son choix, à augmenter la participation des anglophones au sein de la fonction publique au Québec, à améliorer la qualité des services offerts en anglais et à mieux appuyer le développement des communautés anglophones de la province.
Les comités sur les langues officielles des conseils fédéraux des provinces de l'Atlantique ont organisé un important symposium sur les langues officielles à Charlottetown en octobre 2001 (voir l'encadré ci-contre). L'an dernier, la Commissaire avait recommandé au Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) d'accroître la visibilité du programme des langues officielles au moyen des conseils fédéraux. Le Secrétariat a répondu à l'appel en collaborant activement au symposium et en demandant aux conseils fédéraux participants de mettre en application les conclusions tirées lors de cette rencontre dans leur planification stratégique de la mise en oeuvre de la Loi. Depuis, chacun des quatre comités en Atlantique a préparé un plan pour encadrer l'application de la Loi dans sa province, particulièrement de ses dispositions relatives à la langue de service (partie IV), à l'engagement du gouvernement face aux communautés minoritaires de langue officielle (partie VII) et, dans le cas du Nouveau-Brunswick, à la langue de travail (partie V).
Démonstration éclatante de leadership administratif
Le Symposium de l'Atlantique sur les langues officielles a réuni en octobre 2001 quelque 150 fonctionnaires responsables de la mise en oeuvre du programme des langues officielles en Atlantique. Tenues sous le thème « Bâtir un avenir sur la diversité linguistique, culturelle et régionale », les délibérations ont porté sur les défis et les enjeux de la mise en oeuvre de la Loi en Atlantique, sur les pistes de solutions et sur les pratiques exemplaires qui favorisent l'égalité linguistique et la prestation de services de qualité en français et en anglais.
Le Symposium a enclenché la mobilisation des institutions participantes autour de la dualité linguistique. Les conseils fédéraux des provinces de l'Atlantique, qui ont organisé le forum, ont indiqué leur intention d'assurer les suivis nécessaires pour qu'il mène, à l'échelle régionale, à la prestation de services fédéraux de qualité accrue dans les deux langues officielles. Organisé « par » et « pour » les ministères, l'événement a suscité beaucoup d'intérêt dans la région de l'Atlantique et ailleurs au pays. Démonstration éclatante du leadership administratif dont les langues officielles ont tant besoin, l'initiative devrait être reprise dans d'autres régions du pays.
Pour sa part, le Conseil des hauts fonctionnaires fédéraux de la côte du Pacifique a grandement contribué à la réalisation du projet pilote lancé par le SCT afin d'améliorer la qualité des services fédéraux bilingues en Colombie-Britannique (voir l'encadré à la page suivante). Les membres de son comité sur les langues officielles ont pris part à un bon nombre des 180 visites effectuées dans les points de service fédéraux de la province pour informer les gestionnaires locaux de leurs obligations linguistiques. L'appui du conseil fédéral a largement concouru au succès de ce projet.
Depuis son entrée en fonction en 1999, la Commissaire a incité les dirigeants politiques et administratifs du gouvernement fédéral à passer à l'action afin de revitaliser la dualité linguistique. Ramené à l'essentiel, cela signifiait l'adoption d'une stratégie d'ensemble assortie d'objectifs précis et de résultats mesurables, outre l'octroi d'un financement adéquat. La Commissaire a d'ailleurs proposé sept grandes priorités pour le plan d'action que prépare le gouvernement. Celles-ci n'ont rien de révolutionnaire et tiennent du gros bon sens.
Le gouvernement s'est affairé. Il a inclus les langues officielles dans ses priorités stratégiques; nommé un ministre responsable, le chargeant de réunir les forces vives pour assurer un leadership en matière de langues officielles; formé un groupe de référence ministériel pour appuyer sa réflexion; dégagé de nouvelles ressources pour plusieurs projets d'appui au développement des communautés minoritaires de langue officielle. Les hauts fonctionnaires fédéraux se penchent sur des pistes de solutions. On ne saurait d'ailleurs trop insister sur le rôle d'entraînement des dirigeants et sur la nécessité d'une planification durable et concertée. Tout cela est très bien. La machine bureaucratique, semble-t-il, s'est résolument mise en branle... mais combien lentement.
Une action concertée en Colombie-Britannique
Un projet pilote a été lancé en octobre 2001 dans le but d'améliorer les services offerts en français dans les bureaux désignés bilingues de la Colombie-Britannique. L'initiative est née d'un partenariat entre le SCT, le Commissariat aux langues officielles, le comité des langues officielles du Conseil des hauts fonctionnaires fédéraux de la côte du Pacifique et la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB).
Accompagné d'un membre du comité des langues officielles susnommé ou d'un représentant de la FFCB, un consultant embauché par le SCT a rencontré chaque gestionnaire des quelque 180 points de service bilingues fédéraux de la province.
Ces rencontres ont permis de sensibiliser les gestionnaires à l'importance de respecter leurs obligations linguistiques et de les informer des meilleures pratiques en matière de prestation de services bilingues en Colombie-Britannique. Le projet pilote comprenait également un volet de promotion pour encourager les francophones à utiliser les services fédéraux offerts en français dans cette province. Cette approche axée sur la concertation et l'intervention éducative est un modèle prometteur.
Si la Commissaire insiste tant sur l'urgence d'agir plus vite, c'est que le programme des langues officielles n'est pas simplement un programme gouvernemental de plus. C'est une entreprise collective essentielle, au coeur même des valeurs canadiennes. Il a pour objet non seulement de favoriser une meilleure compréhension au sein de la société canadienne, mais aussi d'assurer un équilibre linguistique, qui soit à la fois juste et dynamique, car c'est le fondement même de l'harmonie et de la stabilité de notre société.
Chapitre 3 : LE COMMISSARIAT AUX LANGUES OFFICIELLES, UN AGENT DE CHANGEMENT
Dès son entrée en fonction en 1999, la Commissaire aux langues officielles s'est donné comme principale mission de devenir un agent de changement pour que les dirigeants politiques et administratifs du pays parachèvent notre édifice linguistique. Des réflexions ont été entreprises au sein du Commissariat en vue de préciser sa mission et d'optimiser son pouvoir d'influence. Trois grandes orientations s'en sont dégagées :
- Enrichir le rôle d'agent de contrôle par une démarche proactive, axée sur la sensibilisation et la prévention. Cette orientation cadre bien avec les conclusions formulées par les parlementaires, fonctionnaires et universitaires participant à une série thématique sur les relations entre les agents parlementaires et la fonction publique [13].
- Mobiliser la fonction publique autour de la dualité linguistique et encourager ses membres à concrétiser, chacun dans sa sphère d'activités, la politique linguistique canadienne.
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Coordonner les interventions du Commissariat afin de travailler sur plusieurs fronts à la fois.
La mission d'agent de changement de la Commissaire se réalise par le truchement de six rôles principaux complémentaires. Les sections qui suivent en décrivent les principaux éléments et sont suivies d'un aperçu des plaintes traitées par le Commissariat au cours du dernier exercice.
La Commissaire reçoit des plaintes, les examine et, s'il y a lieu, fait enquête et émet les recommandations qui s'imposent. Les plaintes sont de puissants outils pour appuyer le rôle d'agent de changement de la Commissaire. En voici un exemple concret, décrit en détail au chapitre 4 :
PLAINTE | Un citoyen est incapable de capter l'ensemble des débats parlementaires télédiffusés dans sa première langue officielle. |
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CHANGEMENT | Modification des règles concernant la radiodiffusion des débats et travaux parlementaires. |
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RÉSULTAT | Un plus grand nombre de Canadiennes et de Canadiens pourront capter les débats télédiffusés de la Chambre des communes dans les deux langues officielles. |
Au cours de l'année, le Commissariat a complété le réexamen de son processus d'enquête pour accroître sa capacité d'amener les institutions à apporter des changements durables aux problèmes soulevés par les plaintes. L'approche préconisée vise à rechercher la ou les sources des problèmes pour ensuite déterminer, avec les gestionnaires des institutions fédérales, les meilleurs moyens de les éliminer. En participant à la recherche de solutions respectant la Loi, mais adaptées à leur situation particulière, les gestionnaires s'engageront plus volontiers à obtenir des résultats durables.
Même si la Commissaire privilégie la sensibilisation et la persuasion, il importe de souligner qu'advenant l'inaction de certaines institutions, elle utilisera des moyens d'intervention plus fermes pour amener ces institutions à modifier leur comportement.
Devant des problèmes complexes, récurrents, ou des situations qui ont des répercussions majeures sur l'état des langues officielles, la Commissaire demande généralement à ses enquêteurs de mener une étude spéciale sur la question. Les études spéciales permettent d'approfondir le problème et de proposer des solutions qui s'attaquent à la racine du problème [14].
Pour être en mesure de rapporter fidèlement au Parlement la situation des langues officielles au sein de l'administration fédérale, la Commissaire se doit de vérifier directement la façon dont les institutions se conforment aux exigences de la Loi, tant dans leur structure que dans leur fonctionnement. La Commissaire entend relancer ce volet de son mandat, qui avait été délaissé en raison d'un manque de ressources, car ces vérifications jouent un rôle préventif important. Elles permettent souvent de découvrir les lacunes à la source, avant qu'elles ne se soient transformées en problèmes systémiques et qu'elles n'engendrent des plaintes.
La relance de la fonction vérification est d'autant plus importante que le contrôle traditionnel exercé par le SCT à l'égard des institutions est de plus en plus limité. D'une part, le gouvernement donne désormais aux ministères une plus grande part de responsabilité en matière de vérification interne. D'autre part, plusieurs programmes ont été dévolus aux provinces et aux territoires, comme ceux sur le développement du marché du travail. En outre, des institutions ont été privatisées (p. ex. Nav Canada, Canadien National), alors que d'autres ont reçu le statut d'employeur distinct (p. ex. l'ADRC). Bien qu'elles demeurent assujetties à la Loi, ces institutions jouissent d'une plus grande autonomie face au SCT. C'est donc un large pan des services offerts à la population sur lequel le gouvernement exerce peu de contrôle quant à l'application de la Loi.
Dans ce nouveau contexte, il est crucial qu'un agent indépendant assure une surveillance suffisante auprès de l'ensemble des institutions assujetties à la Loi sur les langues officielles pour que la population canadienne et ses représentants qui siègent au Parlement puissent savoir dans quelle mesure les droits linguistiques sont respectés. Dans son domaine, la Commissaire doit jouer un rôle de surveillance proactive équivalent à celui du vérificateur général.
La liaison est une activité importante pour le Commissariat, tant à Ottawa que d'un bout à l'autre du pays. Elle s'exerce auprès des institutions, des communautés de langue officielle et des divers ordres de gouvernement. Pour mettre l'accent sur son rôle d'aidant, la Commissaire est appuyée par un groupe d'agents de liaison qui collaborent avec les institutions dans leurs efforts en vue d'améliorer la mise en oeuvre de la Loi. Cette collaboration s'effectue dans un contexte moins contraignant que celui des enquêtes.
Un véritable changement organisationnel nécessite qu'une masse critique de cadres et de membres du personnel partagent les mêmes valeurs et la même vision. C'est dans cette perspective que la Commissaire a rencontré une dizaine de comités de gestion des ministères fédéraux au cours du dernier exercice. Ces discussions ont porté sur :
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les objectifs de la Loi;
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les bienfaits d'un milieu de travail propice à l'usage de deux langues officielles;
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la nécessité de fournir des services bilingues à la population;
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l'importance du leadership administratif en matière de langues officielles.
Les échanges avec les intervenants et les institutions alimentent la réflexion du Commissariat et permettent de mieux comprendre les besoins et les préoccupations des communautés minoritaires et majoritaires, de façon à aboutir à des interventions et à des recommandations pertinentes.
Les lois, les règlements et les politiques gouvernementales encadrent une foule d'aspects de la vie des Canadiens et des Canadiennes. Il est donc impératif qu'ils tiennent compte de la dualité linguistique et des valeurs fondamentales qui s'y rattachent. Le rôle de vigie de la Commissaire consiste à agir de façon préventive en intervenant dès l'étape de l'élaboration des lois, des règlements et des politiques pour s'assurer que les droits linguistiques sont au centre des préoccupations de nos dirigeants. Pendant le dernier exercice, la Commissaire a exercé ses fonctions de vigie dans plusieurs domaines, notamment en matière d'immigration, de sport et de transport. À titre d'exemple dans ce dernier cas, la Commissaire est intervenue auprès de la présidente du Conseil du Trésor et du ministre des Transports, pour qu'ils veillent à ce que la loi à venir au cours de la prochaine année sur les aéroports canadiens assure le respect des droits linguistiques de la population canadienne dans tous les aéroports du pays. Si rien n'est fait dans ce sens, la population de Sudbury, par exemple, dont près du tiers est de langue française, risque de perdre la garantie de pouvoir bénéficier de services bilingues à son aéroport.
| Vigie de la part de la Commissaire aux langues officielles | ![]() | ||
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Élaboration de lois | ![]() | Élaboration de règlements | ![]() | Élaboration de politiques |
![]() | Programmes et services au public | ![]() | ||
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CHANGEMENT |
Rôle de promotion et d'éducation
C'est en se reportant à la mission même de la Commissaire qu'on peut comprendre toute la portée du rôle de promotion et d'éducation qui en découle : « Il incombe à la Commissaire de prendre [...] toutes les mesures visant à assurer la reconnaissance du statut de chacune des langues officielles [...] et notamment la promotion du français et de l'anglais dans la société canadienne. » [15] [C'est nous qui soulignons]. La Commissaire se voit ainsi confier un rôle clair de promotion de la dualité linguistique non seulement au sein de l'administration fédérale, mais aussi dans la société canadienne.
Ce rôle de promotion s'exerce tantôt par d'autres rôles qui reviennent à la Commissaire (p. ex. en faisant de la recherche et en menant des études), tantôt directement par des activités visant à sensibiliser la population aux possibilités et aux avantages de la dualité linguistique (p. ex. en prononçant des allocutions et en participant à des colloques). La Commissaire collabore avec les organismes communautaires et intervient régulièrement auprès des institutions fédérales et des gouvernements provinciaux et territoriaux pour que les langues officielles et les communautés minoritaires de langue officielle reçoivent l'attention qu'elles méritent. À titre d'exemple, la Commissaire a participé aux audiences publiques du Comité spécial sur la révision de la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest (décrites au chapitre 7) pour lui soumettre des suggestions en vue de rendre le régime des langues officielles des Territoires davantage conforme aux exigences de la Charte.
Rôle d'intervention devant les tribunaux
Il arrive que le changement visé ne puisse se faire sans une intervention devant les tribunaux. Le paragraphe 78(3) de la Loi reconnaît à la Commissaire le pouvoir de demander aux tribunaux l'autorisation d'intervenir « dans toute instance judiciaire relative au statut ou à l'usage du français ou de l'anglais ». Au fil des deux dernières décennies, les commissaires qui se sont succédé sont intervenus dans un grand nombre d'affaires mettant en cause l'exercice de droits linguistiques, en particulier le droit à l'instruction dans la langue de la minorité. Au cours de la dernière année, les droits linguistiques ont fait l'objet de quatre jugements importants, dont l'un est décrit ci-dessous et les autres ultérieurement dans ce rapport [16]. La Commissaire est intervenue dans chacune de ces affaires.
Un recours déposé par un citoyen de Moncton a eu des répercussions considérables sur la portée du principe de l'égalité des deux communautés linguistiques au Nouveau-Brunswick (voir ci-contre).
Le gouvernement du Nouveau-Brunswick n'en a pas appelé de la décision et il a annoncé qu'il adopterait des mesures législatives définissant les obligations linguistiques des municipalités tenues d'être bilingues. Le gouvernement canadien a accepté de prendre en charge la moitié des coûts de traduction des arrêtés municipaux.
Les décisions judiciaires ont fait grandement avancer les droits linguistiques des Canadiennes et des Canadiens. Toutefois, comme la Commissaire le faisait remarquer à l'occasion du Colloque sur l'application des droits linguistiques au Canada, tenu à l'Université de Moncton en février 2002, la contestation judiciaire crée souvent un climat d'affrontement qui peut tendre à envenimer les rapports entre les gouvernements et les communautés minoritaires de langue officielle.
Il est généralement plus avantageux pour les parties de trouver des solutions ensemble plutôt que de les voir imposer par les tribunaux. Néanmoins, face à l'indifférence de leurs gouvernements, les communautés minoritaires de langue officielle n'ont malheureusement souvent d'autre choix que de se tourner vers les tribunaux pour faire respecter leurs droits. Cela impose un lourd fardeau à ces communautés, qui doivent sans cesse revendiquer leurs droits constitutionnels, ce qui mine leur confiance à l'égard de leurs gouvernements et de leurs élus. La démocratie en ressort affaiblie. Cette situation ne changera que lorsque les élus feront preuve de leadership en trouvant des solutions durables dans des délais raisonnables pour assurer l'égalité des deux langues officielles dans la société canadienne.
Le travail ne manque pas quand notre mission est de promouvoir le changement en exerçant simultanément six rôles importants et complémentaires. Il faut être attentif à la fois aux doléances des citoyens et des citoyennes ainsi qu'aux exigences quotidiennes de la dualité linguistique. Il faut faire ses recherches, informer, persuader, critiquer, recommander et, au besoin, faire pression et semoncer. Enfin, il faut rappeler régulièrement à la population canadienne tous les avantages que procure la dualité linguistique.
Mais il faut avant tout amener les institutions fédérales à ancrer la dualité linguistique dans leur culture organisationnelle. Il importe de bien faire comprendre l'interdépendance profonde entre les langues officielles et les divers secteurs des activités gouvernementales, que ce soit l'immigration, la santé, les communications, le sport, les moyens de transport ou encore les nouvelles technologies comme Internet. Surtout, il importe de mobiliser les acteurs clés autour de cet objectif de manière à ce qu'ils se sentent engagés et interpellés.
Ce qui est essentiel, c'est d'instaurer un climat de prévoyance, de dialogue et de respect mutuel qui désamorce les antagonismes linguistiques. L'intégration des deux langues officielles équivaut à s'ouvrir à la diversité, à permettre à la différence de s'exprimer. Même s'il faudra parfois recourir aux tribunaux pour faire respecter les droits linguistiques, le mieux sera toujours de prévenir les conflits en cherchant à résoudre les problèmes en amont.
Quelques chiffres sur les interventions du Commissariat aux langues officielles en 2001-2002
Rôle d'ombudsman
- Plus de 1 200 nouvelles plaintes ont été instruites
- 200 recommandations ont été formulées par la suite d'enquêtes
- Quelque 530 demandes de renseignements ont été traitées
- Quelque 15 études et enquêtes spéciales ont été réalisées
Rôle de liaison
- Présentations devant les comités de gestion de 10 institutions fédérales
- Environ 75 rencontres ont eu lieu avec des sous-ministres ou des élus
- Environ 30 associations ont été rencontrées
- Plus de 400 lettres ont été envoyées
Rôle de vigie
- Sept comparutions ont eu lieu devant des comités parlementaires
- Environ 220 analyses, études (publiées ou non) et notes d'information stratégique ont été produites
- Intervention dans 12 dossiers d'envergure tels l'immigration, la portée des droits linguistiques, Internet, la radiodiffusion, l'instruction dans la langue de la minorité et la santé
Rôle de promotion et d'éducation
- Quelque 250 entrevues ont été accordées aux médias
- Quelque 1 800 mentions de la Commissaire et/ou du Commissariat dans les médias nationaux
- 11 communiqués de presse ont été diffusés
- Une vingtaine de lettres ont été publiées dans les journaux
- Quelque 33 allocutions de la part de la Commissaire
- Participation du Commissariat à 12 stands d'information au pays
Rôle d'intervention devant les tribunaux
- Intervention dans trois nouveaux recours devant les tribunaux : Baie d'Urfé (Ville) c. Québec (Procureur général), Quigley et Canada (Chambre des communes), Doucet-Boudreau c. Procureur général de la Nouvelle-Écosse.
- Intervention dans des dossiers d'envergure comme Air Canada, Citoyenneté et Immigration (réglementation), la gestion scolaire, la révision de la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest, le projet de loi concernant l'article 41 de la Loi (projet de loi S-32).
APERÇU DES PLAINTES
Au cours du dernier exercice, la Commissaire a reçu 1 222 plaintes. Plus des trois quarts d'entre elles ont été jugées recevables (figure 1). Des 935 plaintes instruites, 719 concernaient les services au public (77 p. 100). Les autres portaient surtout sur la langue de travail (12 p. 100) et les exigences linguistiques des postes (4 p. 100).
Compte tenu de la concentration des populations, près de 65 p. 100 des plaintes recevables dénonçaient des incidents s'étant produits dans le centre du pays (région de la capitale nationale, Ontario et Québec). En dépit de la taille limitée de la population, plus de 20 p. 100 des plaintes provenaient malgré tout de l'Atlantique. Finalement, plus de 12 p. 100 venaient des provinces de l'Ouest et des territoires (figure 2).
Comme par le passé, la majorité des plaintes recevables ont été déposées par des francophones (87 p. 100). Ces derniers se plaignaient surtout de l'absence de services en français (80 p. 100) et de manquements relatifs à la langue de travail (11 p. 100). Ces deux types de plaintes ont aussi été les plus fréquents chez les anglophones, bien que dans des proportions différentes (57 p. 100 des plaintes déposées par des anglophones se rapportaient aux services au public, 16 p. 100 à la langue de travail et 13 p. 100 aux exigences linguistiques des postes).
À elles seules, 16 institutions ont été ciblées par plus de 70 p. 100 des plaintes recevables (figure 3). Les institutions qui font l'objet du plus grand nombre de plaintes sont généralement celles qui ont davantage de rapports avec le public, que ce soit dans le cadre de leurs opérations courantes -- comme Air Canada, Développement des ressources humaines Canada (DRHC), la Société canadienne des postes et l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) -- ou dans le cadre d'un événement d'envergure particulière -- comme Élections Canada ou Statistique Canada. À cause de la tenue en 2001 du recensement décennal, Statistique Canada fait exceptionnellement partie de ce palmarès cette année.
Profil statistique des plaintes concernant le service au public
D'une année à l'autre, environ le trois quarts des plaintes déposées au Commissariat concernent le service au public (77 p. 100 cette année). On peut répartir la majorité d'entre elles en quatre catégories.
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Plaintes du public voyageur : 22 p. 100 des plaintes. La plupart ont été déposées par des passagers aériens qui rapportent des problèmes dans les services au sol (contrôle de sécurité, comptoir d'enregistrement, annonces préalables à l'embarquement, etc.) et les services à bord des avions. Les services à bord des trains ont suscité peu de plaintes, ce qui laisse entendre que la situation s'est nettement améliorée dans le secteur ferroviaire, surtout dans le triangle Montréal-Toronto-Ottawa. Les services offerts sur ces trajets ont fait l'objet d'un grand nombre de plaintes dans le passé et il semble que les mesures prises par VIA Rail pour corriger les lacunes décelées par la Commissaire aient porté fruit.
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Communications écrites : 19 p. 100 des plaintes. La majorité des plaintes de cette catégorie traite des publications électroniques du gouvernement sur Internet. Bien que la plupart des sites fédéraux soient bilingues au premier abord, plusieurs contiennent des pages mal ou non traduites.
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Communications dans les médias écrits : 16 p. 100 des plaintes. La plupart de ces plaintes reprochent au gouvernement d'avoir omis de publier une communication (publicité, avis, etc.) dans un média de la langue officielle minoritaire alors que ladite communication a paru dans un journal de la langue de la majorité dans une région donnée.
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Communications téléphoniques : 15 p. 100 des plaintes. De plus en plus d'institutions fédérales ont recours à des centres d'appel téléphonique que leur clientèle peut joindre au moyen de numéros sans frais pour obtenir des informations. Il est étonnant de constater que ces regroupements des services de renseignements n'ont pas permis à plusieurs institutions d'offrir un meilleur service au public dans les deux langues officielles.
Quelques exemples illustrant les changements que peuvent apporter les plaintes
Une annonce publiée en français dans un journal de langue anglaise au Yukon
Plainte | Les responsables du bureau de Vancouver de la Société canadienne d'hypothèque et de logement (SCHL) ont placé une annonce dans les deux langues officielles intitulée « AIDE DESTINÉE AUX MÉNAGES À FAIBLE REVENU AU YUKON » - « HELP FOR LOW INCOME HOUSEHOLDS IN THE YUKON » dans le Yukon News, sans équivalent dans L'Aurore boréale qui dessert la population d'expression française du Yukon. |
Intervention | Dès réception de la plainte, le Commissariat a communiqué avec le gestionnaire responsable du bureau de la SCHL à Vancouver afin de discuter de cette situation et d'y trouver une solution appropriée. |
Résultat | Le gestionnaire s'est assuré de faire paraître cette annonce en français dans L'Aurore boréale dans les semaines qui ont suivi et il a de plus pris l'engagement de faire publier ses annonces en français dans L'Aurore boréale à l'avenir. Grâce à la vigilance des citoyens,à cette intervention rapide du Commissariat et à l'engagement réel du gestionnaire, les ménages francophones à faible revenu du Yukon ont pu avoir accès à cette importante information dans leur journal de langue française. |
Une décision administrative cause une inégalité de service
Plainte | Des pêcheurs néo-écossais francophones ont subi un retard dans la livraison de leur permis de pêche pour la saison 2001-2002. |
Intervention | L'enquête du Commissariat a révélé que, pour des raisons de logistique,le ministère des Pêches et Océans avait divisé l'envoi des permis selon le groupe linguistique des pêcheurs et que cette façon de procéder avait causé un retard de livraison pour les francophones. |
Résultat | Pêches et Océans a donné l 'assurance qu'en 2002-2003, les pêcheurs seront regroupés par codes postaux et non selon la préférence linguistique. Les deux groupes linguistiques seront ainsi traités sur un pied d'égalité. |
Une file d'attente bilingue mal identifiée : il suffisait d'y penser
Plainte | Un voyageur s'est présenté au bureau des douanes de l'aéroport international de Halifax et s'est tout naturellement placé dans la file d'attente la plus courte. Il a malheureusement fait le mauvais choix et, à son arrivée devant le douanier, il s'est fait dire qu'il fallait qu'il aille à un autre guichet s'il voulait être servi en français. Pour éviter de se remettre en file, le plaignant a accepté de faire affaire avec le douanier en anglais. |
Intervention | L'enquête du Commissariat a révélé qu'effectivement les services en français ne sont pas disponibles à tous les guichets. Des affiches installées au-dessus des comptoirs identifient ceux où l'inspection est disponible dans les deux langues. |
Résultat | L'ADRC a pris les mesures correctives suivantes. Elle a installé des panneaux d'offre active au début des files d'attente pour que les voyageurs sachent,dès leur entrée dans l'aéroport, quelle file emprunter pour obtenir le service dans leur langue.Si un passager désirant être servi en français se place malgré tout dans la mauvaise file,les inspecteurs le dirigent sans tarder à un comptoir occupé par un douanier bilingue. |
La technologie au service des langues officielles chez Air Canada
Plainte | En juillet 2001, un passager en voyage en Europe désirant joindre Air Canada à Montréal a composé le numéro sans frais inscrit sur sa carte Aéroplan Prestige. Le service en français n'étant pas disponible au moment où le plaignant a téléphoné, l'employé lui a demandé de rappeler plus tard pour être servi en français. |
Intervention | Air Canada reconnaît qu'il est possible qu'à cette époque un appel en français ait été acheminé à un employé unilingue anglophone, car les appels étaient aiguillés selon la disponibilité des agents. La société a mis en place un nouveau système téléphonique dans ses centres d'appel à l'automne 2001. |
Résultat | Désormais,chaque agent, au moment de se brancher sur le réseau,enregistre à l'ordinateur ses capacités linguistiques. Lorsqu'un client téléphone,le système identifie - grâce à son numéro Aéroplan - sa préférence linguistique et achemine l'appel à un agent capable de converser dans la langue du client. |
Profil statistique des plaintes concernant la langue de travail
Douze pour cent de l'ensemble des plaintes traitées par le Commissariat dans la dernière année concernaient la langue de travail de fonctionnaires fédéraux, soit sensiblement le même taux que dans les dernières années. Des francophones étaient à l'origine du dépôt de la majorité de ces plaintes (83 p. 100). Plus de la moitié d'entre elles traitaient de situations ou d'incidents survenus dans la région de la capitale nationale. Un peu plus du quart des plaintes portait sur l'unilinguisme d'outils informatiques (logiciels, courriels, intranet, Internet). Les autres dénonçaient l'unilinguisme d'une formation (20 p. 100), de services centraux (20 p. 100), d'outils de travail (13 p. 100) et de superviseurs (7 p. 100), de même qu'un milieu de travail non propice à l'utilisation des deux langues officielles (8 p. 100) et des réunions se déroulant dans une seule langue (5 p. 100).
L'interprétation simultanée : parfois la seule solution
Plainte | Une vidéoconférence à laquelle une bonne partie du personnel de Formation et Développement Canada de la Commission de la fonction publique (CFP) devait assister s'est presque exclusivement déroulée en français dans la région de la capitale nationale. Bien que la documentation ait été fournie dans les deux langues officielles, la présentation orale a été effectuée presque uniquement en français. |
Intervention | L'enquête a révélé une certaine méconnaissance de ce qui constitue des pratiques adéquates lors de la tenue de réunions regroupant des membres des deux groupes linguistiques. Plus spécifiquement, l'alternance entre les deux langues officielles, quoique très partielle, a été perçue comme une mesure adéquate. Si cette approche est satisfaisante lorsque les participants ont une compréhension suffisante de leur seconde langue officielle, elle n'est pas acceptable quand des membres du personnel unilingues prennent également part aux réunions. |
Résultat | La CFP a pris les mesures correctives qui s'imposaient : 1) elle a rappelé à la gestion de Formation et Développement Canada qu'elle avait la responsabilité de donner l'exemple et 2) elle a rédigé et affiché sur l'intranet des lignes directrices plus précises sur la tenue de réunions dans les régions bilingues. |
Participation équitable
Au chapitre de la participation équitable des deux groupes linguistiques, une vingtaine de plaintes ont dénoncé des injustices subies par l'un des groupes linguistiques au sein d'institutions fédérales. La plupart émanaient de fonctionnaires fédéraux estimant leurs chances d'emploi et d'avancement réduites à cause de leur appartenance à l'un ou l'autre des groupes linguistiques. D'autres provenaient de membres du public insatisfaits du taux de participation de l'un des groupes dans un bureau donné ou dans l'ensemble d'une institution. À cet effet, voir la section sur la représentation francophone chez les pilotes d'Air Canada, p. 75-76.
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[1] Ce nombre inclut aussi 21 plaintes touchant des services dispensés à l'étranger. [2] Ces nombres excluent ceux de la région de la capitale nationale. [3] 301 du côté de l'Ontario et 61 du côté du Québec. |
Ministère/Institution | Fondées | Non fondées | En cours d'instruction | Autres | Total |
---|---|---|---|---|---|
Air Canada | 21 | 7 | 114 | 1 | 143 |
Développement des ressources humaines Canada | 50 | 3 | 41 | - | 94 |
Société canadienne des postes | 50 | 5 | 34 | - | 89 |
Agence des douanes et du revenu du Canada | 26 | 6 | 24 | - | 56 |
Statistique Canada | 24 | 3 | 4 | 2 | 33 |
Travaux publics et Services gouvernementaux Canada | 16 | 4 | 12 | - | 32 |
Défense nationale | 7 | 1 | 22 | - | 30 |
Gendarmerie royale du Canada | 7 | 3 | 19 | - | 29 |
Administration de l'aéroport international d'Ottawa | 9 | 5 | 13 | - | 27 |
Administration de l'aéroport international d'Halifax | 9 | 0 | 17 | - | 26 |
Citoyenneté et Immigration Canada | 16 | 0 | 6 | - | 22 |
Service correctionnel du Canada | 4 | 3 | 13 | - | 20 |
Environnement Canada | 5 | 0 | 11 | 2 | 18 |
Santé Canada | 8 | 5 | 4 | - | 17 |
Industrie Canada | 5 | 5 | 5 | - | 15 |
Patrimoine canadien | 3 | 3 | 9 | - | 15 |
Chapitre 4 : LES SERVICES AU PUBLIC
La prestation des services fédéraux au public dans les deux langues officielles est une composante importante de la dualité linguistique canadienne. La façon de dispenser des services aux citoyens évolue constamment, et il importe donc de suivre la situation de près afin de s'assurer que la dualité linguistique demeure au coeur de la prestation des services
Mise en oeuvre du rapport Un changement de culture s'impose
En 2001, la Commissaire a publié un bilan des suivis effectués entre 1996 et 2000 dans les bureaux fédéraux désignés bilingues aux fins de la langue de service [18]. Il révélait que la situation ne s'était pas améliorée depuis 1994 (dans près de 30 p. 100 des cas, les services n'étaient pas disponibles en français). La Commissaire adresse alors 22 recommandations aux autorités politiques et administratives pour qu'elles veillent à ce que la prestation de services de qualité équivalente en français et en anglais devienne une partie intégrante de la culture organisationnelle des institutions fédérales.
Près d'un an après la publication de ce rapport, un suivi a été effectué pour vérifier la mise en oeuvre des recommandations par le SCT, à qui s'adressait la majorité d'entre elles.
Quatre des 22 recommandations ont déjà été mises en oeuvre, par exemple :
-
Le SCT a pris des mesures concrètes pour augmenter la visibilité du programme des langues officielles par l'entremise des conseils fédéraux et inciter les institutions qui en font partie à partager entre elles leurs pratiques exemplaires.
-
Le SCT a aussi demandé aux institutions de mettre à jour les données dans Burolis, le répertoire des bureaux désignés bilingues.
En outre, 13 des recommandations sont en voie d'être mises en oeuvre, dont les suivantes :
-
Le SCT a mené des exercices de sensibilisation auprès du Comité consultatif des ministères et celui des sociétés d'État sur les langues officielles.
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La Direction des langues officielles du SCT élabore un cadre de surveillance selon lequel les institutions fédérales rendront compte annuellement de la mesure dans laquelle elles ont atteint les objectifs du programme des langues officielles.
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Le SCT a entrepris de revoir ses politiques et de les mettre à jour afin de mettre l'accent sur les valeurs et les principes plutôt que sur les codes.
-
Le SCT élabore une grille d'analyse, accompagnée de normes, afin de permettre aux institutions de déterminer le nombre de postes bilingues requis pour répondre aux besoins réels de services dans les deux langues officielles.
-
Le SCT s'est engagé à veiller à ce que les cadres des institutions fédérales atteignent le niveau CBC dans leur langue seconde à l'échéance de 2003.
Cinq recommandations n'ont pas été mises en oeuvre, notamment :
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La mise sur pied d'un programme de formation à l'intention de tous les gestionnaires pour les sensibiliser aux attitudes et aux valeurs propres à instaurer une culture organisationnelle favorable à la dualité linguistique : bien que des discussions aient été entamées avec le Centre canadien de gestion (CCG), rien de concret n'a été mis sur pied. Il est à noter que le CCG s'est montré ouvert et intéressé; toutefois, son financement dépend du Conseil du Trésor.
-
Les mesures pour assurer la présence de ressources bilingues adéquates dans les bureaux désignés, dont l'utilisation accrue de la dotation impérative : le SCT attend les résultats du projet de modernisation de la fonction publique présentement en cours avant d'affecter des ressources pour la mise en oeuvre de la recommandation.
Même si la mise en oeuvre des recommandations est amorcée, le SCT doit l'accélérer, en collaboration avec les autres institutions visées, le cas échéant. L'affectation de ressources adéquates est essentielle pour permettre au SCT d'assumer pleinement son rôle de surveillance et d'évaluation des organismes fédéraux.
Recommandation 5
La Commissaire recommande au gouvernement d'allouer des ressources adéquates pour que le Secrétariat du Conseil du Trésor puisse assumer pleinement son rôle de surveillance et d'évaluation des organismes fédéraux.
La Politique sur les différents modes de prestation de services : un pas dans la bonne direction... mais combien lent
Cette politique, quoiqu'un peu tardive, contient plusieurs des principes directeurs énoncés dans l'étude de 1998 et, en ce sens, elle peut contribuer à améliorer l'offre de services bilingues, pourvu qu'un suivi adéquat soit assuré. La politique comporte néanmoins des lacunes : elle n'oblige pas les institutions à rendre compte de la mise en oeuvre des principes directeurs et ne prévoit aucune disposition pour garantir les droits linguistiques des fonctionnaires fédéraux lorsqu'un service est transféré. Lors de la privatisation de services, on fera du cas par cas en tenant compte de l'intérêt public. La Commissaire suivra de près la façon dont la politique sera appliquée par les institutions au cours des prochaines années.
Guichet emplois : est-ce enfin le bon système ?
Voilà bientôt vingt ans que le Commissariat aux langues officielles dénonce la piètre qualité des traductions dans les deux langues officielles des offres d'emploi des employeurs du secteur privé affichées par le gouvernement fédéral. Le système de traduction mis en place par Développement des ressources humaines Canada (DRHC) en 1995 a amélioré la situation, sans toutefois parvenir à en corriger toutes les lacunes. À l'instar de son prédécesseur, la Commissaire est intervenue auprès des membres de la haute gestion du ministère pour les sensibiliser à l'importance de fournir des services de qualité comparable dans les deux langues officielles.
Plus récemment, le ministère a mis en place un nouveau système de traduction automatique adapté à son site Guichet emplois. Le nouveau système emploie les signes diacritiques et il est doté de dictionnaires terminologiques que des chercheurs étoffent actuellement. De plus, des traducteurs vérifieront la qualité des traductions produites par ce système, fruit de la collaboration de linguistes, de spécialistes de la traduction automatique et de concepteurs informatiques. Le ministère prévoit abandonner son ancien système de traduction si la qualité des résultats se confirme. La Commissaire continue de suivre la réalisation de ce projet.
Ces deux exemples (la Politique sur les différents modes de prestation de services et Guichet emplois) illustrent bien la difficulté qu'a l'appareil fédéral à agir rapidement lorsque des problèmes sont portés à son attention. On ne peut guère parler de diligence lorsque le gouvernement met sept ans à élaborer une politique.
La télédiffusion des débats parlementaires par l'entremise de la Chaîne d'affaires publiques par câble (CPAC)
Cette affaire montre comment la plainte d'un seul individu déterminé peut servir de catalyseur pour faire évoluer les institutions fédérales et provoquer de grands changements qui ont une incidence réelle dans la vie des Canadiens et des Canadiennes!
La décision du CRTC qui a résulté de la plainte aura pour effet d'augmenter de façon substantielle le nombre de Canadiennes et de Canadiens qui pourront avoir accès aux débats de la Chambre des communes dans les deux langues officielles. Le sain exercice de la démocratie exige que la population puisse entendre les élus fédéraux dans la langue officielle de son choix.
Air Canada : besoin d'une poussée continue
Le dernier rapport annuel a fait amplement état des problèmes systémiques d'Air Canada en matière de langues officielles (voir p. 79 du rapport 2000-2001). La Société a, une fois de plus, été l'institution ciblée par le plus grand nombre de plaintes durant la dernière année et la plupart des plaintes dénonçaient des problèmes récurrents. Le transporteur aérien a néanmoins fait des efforts encourageants au cours des derniers mois afin de se conformer davantage aux exigences de la Loi.
En bout de piste, les plans et les engagements de la Société seront évalués à l'aune de résultats concrets, notamment l'amélioration des services en français déficients depuis beaucoup trop longtemps et de la façon dont les plaintes sont traitées par la Société. Les voyageurs canadiens sont en droit de s'attendre à de meilleurs services dans leur langue de la part du principal transporteur canadien. La Commissaire suivra de très près l'évolution de la situation.
La nouvelle Agence de sécurité du transport aérien : chapeau!
En réaction aux événements tragiques du 11 septembre 2001, le gouvernement fédéral a décidé d'assumer la responsabilité du contrôle des passagers dans les aéroports du pays. Au fil des ans, ces contrôles ont suscité de multiples plaintes de passagers qui auraient voulu subir ces contrôles dans la langue officielle de leur choix. Les responsables du ministère des Transports ont eu l'heureuse initiative de consulter la Commissaire dès les premières étapes de l'élaboration du projet de loi C-49 prévoyant la création de cette « Administration canadienne de la sûreté du transport aérien ».
La Commissaire a fortement encouragé le gouvernement canadien à profiter de l'occasion pour veiller à ce que les contrôles de sécurité des passagers préalables aux embarquements soient dorénavant toujours effectués en français et en anglais. L'attitude proactive du ministère des Transports dans ce dossier devrait contribuer à résoudre les problèmes récurrents dans ce domaine. Le projet de loi C-49 a reçu la sanction royale en mars 2002. La nouvelle agence est une société d'État pleinement assujettie à la Loi.
L'accès à la justice dans les deux langues officielles : la lumière au bout du tunnel ?
« Notre Cour a reconnu que l'égalité réelle est la norme applicable en droit canadien. Quand on instaure le bilinguisme institutionnel dans les tribunaux, il s'agit de l'accès égal à des services de qualité égale pour les membres des collectivités des deux langues officielles au Canada. Le Parlement et les législatures provinciales le savaient quand ils ont réagi à la trilogie [...] et ont reconnu que les dispositions de 1988 seraient promulguées par des mécanismes de transition, accompagnés d'une aide financière qui permettrait de fournir les services institutionnels nécessaires. »
R. c. Beaulac, [1999] 1 R.C.S. 768, à 789-790
Quelques initiatives à souligner
Les gouvernements du Manitoba et de la Saskatchewan ont récemment lancé des initiatives en matière d'accès à la justice qui devraient être une source d'inspiration pour toutes les autres provinces et les territoires du pays. Le gouvernement fédéral doit encourager de telles initiatives et favoriser la mise sur pied de projets-pilotes, comme il l'a fait au Manitoba.
En effet, le gouvernement du Manitoba - en partenariat avec le gouvernement du Canada - a amorcé la mise en oeuvre du modèle de guichet unique en matière de services judiciaires dans les deux langues officielles, comme l'a proposé le juge Chartier dans son rapport sur les services en français au sein du gouvernement manitobain [27]. Un projet en ce sens est en cours à Saint-Pierre-Jolys.
En Saskatchewan, le ministre de la Justice, donnant suite à des recommandations formulées par l'Association des juristes d'expression française de la Saskatchewan (AJEFS), a annoncé sa décision d'élaborer une politique sur les services judiciaires en français. Il a également annoncé son intention d'étudier la recommandation de l'AJEFS et de l'Assemblée communautaire fransaskoise (ACF) de mettre en place une Cour provinciale bilingue itinérante [28]. L'AJEFS et l'ACF collaborent activement avec le ministère de la Justice à l'élaboration et à la mise en oeuvre d'une telle politique. Cette initiative constitue un événement historique et témoigne d'une volonté ferme de la part du gouvernement provincial de permettre aux Fransaskois et aux Fransaskoises d'avoir accès à la justice dans leur langue.
La Loi sur les contraventions : la mise en oeuvre se fait attendre
Adoptée en 1992, la Loi sur les contraventions prévoit une procédure simplifiée de poursuite pour les infractions aux lois et règlements fédéraux. Cette loi permet au contrevenant de payer l'amende sans devoir comparaître devant un tribunal, ce qui lui évite de subir les contrecoups d'une condamnation pour une infraction fédérale (p. ex. casier judiciaire). À la suite d'une modification apportée en 1996, la Loi sur les contraventions prévoit que le ministère de la Justice peut conclure une entente avec un gouvernement provincial, territorial ou municipal afin de permettre à ce dernier d'émettre des contraventions ou de poursuivre des particuliers pour des infractions aux lois et règlements fédéraux.
Le principe d'offrir systématiquement des services dans les deux langues officielles dans les bureaux fédéraux désignés bilingues est acquis depuis longtemps. Malheureusement, plusieurs institutions ont fini par croire que cela allait de soi, qu'il n'y avait pas lieu de se demander (encore moins de vérifier) s'il pouvait y avoir un certain décalage entre la théorie et la pratique. En fait, les études et les suivis du Commissariat en la matière, ainsi que les plaintes reçues, ont confirmé l'existence, dans de nombreux cas, d'un large fossé.
Fort heureusement, le SCT a reconnu la nécessité de prendre un virage. L'important maintenant, c'est de presser la cadence. Cela est vrai d'ailleurs pour tous les problèmes qui ont été signalés dans le présent chapitre. Trop souvent le décorticage des difficultés et l'analyse des solutions de rechange sont devenus un exercice en soi. On finit parfois par oublier que les clients attendent avec une impatience grandissante les améliorations qui s'imposent. Le médecin qui prend trop de temps à poser un diagnostic n'offre pas au patient en temps opportun le traitement dont il a besoin... et son état risque de se détériorer, malgré toute la bonne volonté du monde.
En fait, le thème qui sous-tend le présent rapport est la nécessité de faire diligence. La diligence n'est-elle pas l'une des vertus cardinales du bon administrateur ? Peut-on se targuer d'être un leader si on néglige un élément essentiel des services qu'on offre aux contribuables ?
Chapitre 5 : UNE FONCTION PUBLIQUE QUI REFLÈTE LA DUALITÉ LINGUISTIQUE CANADIENNE
Les langues officielles sont encore souvent greffées artificiellement au fonctionnement de l'État. La dualité linguistique est l'un des principaux traits de la spécificité canadienne et il est essentiel que la fonction publique la reflète et intègre les valeurs qui la sous-tendent. Ce chapitre présente les orientations que la Commissaire a suggérées au SCT pour y parvenir, de même que les dossiers dont elle a traité au cours du dernier exercice concernant la langue de travail et la représentation équitable des deux groupes linguistiques au sein de la fonction publique.
La modernisation de la gestion des ressources humaines : une occasion à ne pas manquer
En avril 2001, le gouvernement fédéral s'est lancé dans un vaste exercice de modernisation de la gestion de ses ressources humaines. La Commissaire a demandé au gouvernement de profiter de cette modernisation pour veiller à ce que les langues officielles y occupent la place centrale qui leur revient. Les propositions qu'elle a soumises à la présidente du Conseil du Trésor comportent cinq objectifs stratégiques.
Recommendation 6
La Commissaire recommande au gouvernement de veiller à ce que les lois et les politiques qui seront adoptées pour donner suite à l'exercice de modernisation de la gestion des ressources humaines contribuent à réaliser les objectifs de la Loi sur les langues officielles.
PROPOSITIONS POUR INTÉGRER LES LANGUES OFFICIELLES À LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES FÉDÉRALES | |
Changer la culture organisationnelle des institutions |
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Accroître l'obligation de rendre compte de la haute gestion fédérale et redéfinir le cadre de gouvernance de la gestion des langues officielles |
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Valoriser le bilinguisme comme compétence de base |
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Réorienter la formation linguistique |
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Mettre l'accent sur le bilinguisme réceptif |
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La haute fonction publique donne-t-elle l'exemple ?
Dans le contexte du changement que doit subir la fonction publique afin que la dualité linguistique fasse partie intégrante de sa culture, le Commissariat a fait une étude sur les caractéristiques essentielles des hauts dirigeants administratifs du pays [30]. Ces caractéristiques sont les suivantes : la représentation équilibrée des deux groupes linguistiques, la compétence linguistique des hauts dirigeants, le degré d'information de ces derniers sur les objectifs et valeurs de la Loi et le régime de reddition des comptes qu'ils sont tenus de respecter (ce dernier élément est abordé p. 66).
Profil linguistique : une amélioration notable
L'étude met en lumière un rééquilibrage de la participation des francophones et des anglophones au sein de la haute fonction publique. Un peu plus de 30 p. 100 des sous-ministres sont francophones comparativement à moins de 16 p. 100 en 2000. Par ailleurs, les francophones et les anglophones représentent 25 p. 100 et 75 p. 100 respectivement des sous-ministres adjoints. Il s'agit d'une belle réussite de la part du gouvernement et la Commissaire l'encourage à maintenir le cap à cet égard.
Bilinguisme des sous-ministres et des sous-ministres adjoints : nettement moins bien
Donnée fort inquiétante, 20 p. 100 des sous-ministres adjoints n'ont pas encore atteint le niveau du bilinguisme exigé par leur fonction, alors que l'échéance fixée pour que les titulaires des postes de direction soient bilingues au niveau CBC est mars 2003. La Commissaire a indiqué clairement que cette échéance ne doit pas être de nouveau repoussée.
Par ailleurs, il n'existe aucune exigence linguistique pour les postes de sous-ministres et de sous-ministres délégués et leur connaissance de la langue seconde n'est pas évaluée de façon formelle. Même si le gouvernement considère que la grande majorité de ces hauts fonctionnaires est bilingue, ceci constitue une anomalie importante. Comme ces personnes occupent les plus hautes charges de la fonction publique et qu'elles ont une influence considérable sur la création d'un milieu propice à l'utilisation des deux langues officielles, elles doivent avoir une bonne maîtrise des deux langues et celle-ci doit être évaluée de façon formelle. Il est paradoxal que le gouvernement exige le bilinguisme pour ses cadres (EX), mais ne le fasse pas pour ceux et celles qui sont à la tête de l'administration fédérale.
Sensibiliser la haute gestion à son rôle à l'égard de la dualité linguistique
L'étude a permis de constater que le Bureau du Conseil privé ne tient aucune séance officielle pour informer les nouveaux sous-ministres et sous-ministres délégués ou autres chefs d'agence de leurs responsabilités à l'égard de la dualité linguistique et des langues officielles. Ces questions revêtent pourtant une grande importance.
Des mesures doivent donc être prises pour mieux informer les nouveaux membres de la haute fonction publique, dès leur entrée en service, des exigences de la Loi, des valeurs qui la sous-tendent et de l'importance du leadership de la haute gestion pour intégrer ces valeurs à la culture organisationnelle d'une institution fédérale. Ceci est particulièrement important dans le cas des nombreux dirigeants d'institutions venant de l'extérieur de la fonction publique qui sont nommés par décret et qui ignorent la culture de la fonction publique et leurs obligations linguistiques.
La partie V de la Loi oblige les institutions fédérales situées dans les régions désignées bilingues à créer un milieu de travail propice à l'usage des deux langues officielles [31]. Cette mesure vise à permettre à tous les citoyens et à toutes les citoyennes, francophones comme anglophones, de participer activement à l'administration de leur État. Il s'agit fondamentalement d'une question de démocratie.
État de la situation
En matière de langue de travail, les progrès sont lents : la fonction publique du Canada est toujours loin de constituer une organisation véritablement bilingue. Si les principaux instruments de travail et les services de ressources humaines sont désormais généralement offerts dans les deux langues officielles, les communications quotidiennes entre collègues ou avec les supérieurs ont encore fortement tendance à se dérouler dans une seule langue. Cette situation apparaît d'autant plus problématique que de nouvelles pratiques (comme la gestion horizontale et l'utilisation généralisée du courriel) transforment l'environnement de travail des fonctionnaires et entraînent un nombre croissant de rencontres et d'échanges informels.
Au cours de la dernière année, le Commissariat a procédé à plusieurs consultations et analyses en vue d'établir des orientations pour accroître l'usage des deux langues officielles au sein de la fonction publique. Bien sûr, deux conditions demeurent indispensables pour y parvenir :
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Assurer la présence d'une masse critique de fonctionnaires des deux groupes linguistiques dans toutes les catégories d'emploi des régions désignées bilingues aux fins de la langue de travail. Les données du SCT démontrent que cette masse critique existe dans toutes les régions désignées bilingues du Canada, sauf celles situées au Québec, où les anglophones sont largement sous-représentés dans les ministères fédéraux.
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Assurer le bilinguisme des superviseurs dans toutes les régions désignées bilingues : la capacité bilingue de cette catégorie de fonctionnaires est loin d'être satisfaisante. À titre d'exemple, plus de 30 p. 100 des gestionnaires des régions bilingues ne respectent pas la norme CBC exigée par leur poste.
Mais aussi :
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Que l'on soit fonctionnaire ou gestionnaire, le choix d'utiliser une langue ou l'autre dans ses activités quotidiennes repose sur divers autres facteurs, souvent complexes. Certains sont personnels, mais de nombreux facteurs institutionnels contribuent à la stagnation observée, notamment : l'absence de leadership soutenu dans un grand nombre d'institutions; des politiques codifiées à l'extrême qui génèrent la perception répandue que les langues officielles constituent un fardeau; le grand nombre de fonctionnaires et de gestionnaires qui connaissent mal ou ignorent leurs droits et leurs obligations en matière de langue de travail; finalement, la prévalence d'un ensemble d'attitudes et de conventions tacites qui nuisent au libre choix de l'une ou l'autre langue.
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En outre, les programmes de formation destinés aux cadres intermédiaires devraient leur suggérer des pratiques qui favorisent une plus grande utilisation des deux langues dans les activités quotidiennes. À ce sujet, le CCG a créé une Table sur la langue de travail [32]. Ses participants élaborent actuellement des moyens concrets que peuvent utiliser les gestionnaires, en particulier les cadres intermédiaires, pour créer un climat plus propice à l'utilisation des deux langues officielles. Les fruits de leur réflexion seront rendus publics au cours de la prochaine année.
Une plainte qui a mené loin : le Collège de la Garde côtière retrouve son statut bilingue
L'exemple du Collège de la Garde côtière, situé à Sydney, en Nouvelle-Écosse, démontre de façon éloquente que le dépôt d'une plainte peut parfois donner lieu à des changements concrets importants au chapitre de la langue de travail. La présence d'une gestion responsable et encline à faire preuve de leadership pour promouvoir la dualité linguistique crée un milieu propice à l'utilisation de la langue de son choix.
Enjeu |
Le Collège de la Garde côtière est un centre de formation d'envergure nationale. L'établissement a été désigné bilingue aux fins de la langue de travail jusqu'en 1995, date à laquelle le Collège est passé de la gouverne du ministère des Transports à celle du ministère des Pêches et Océans. Ce dernier a adopté la politique du Conseil du Trésor qui désigne la région de Sydney comme étant « unilingue anglaise ». |
Interventions |
En 1999-2000, la Commissaire fait enquête sur une plainte alléguant que les élèves officiers et le personnel du Collège ne peuvent plus travailler en français. Elle constate que les francophones sont effectivement victimes de nombreuses inégalités (décrites dans le rapport annuel 2000-2001, p. 114). Elle soumet 17 recommandations en vue de corriger la situation. |
RÉSULTAT |
En 2001, Pêches et Océans accepte de mettre en oeuvre toutes les recommandations, dont celle de redonner au Collège son statut bilingue. Le ministère élabore un plan d'action pour permettre au personnel et aux étudiants de travailler et de recevoir la formation dans la langue de leur choix. |
La Société canadienne des postes : deux régions, deux approches différentes
Des anglophones à l'emploi de la Société canadienne des postes à Montréal ont déposé des plaintes portant sur la langue de travail, la participation équitable et la détermination des exigences linguistiques des postes. Ce phénomène n'est pas nouveau, car le Commissariat a reçu de nombreuses plaintes similaires depuis 1994. Parallèlement, des francophones de la Division des opérations postales à Moncton se sont plaint que le milieu de travail n'était pas propice à l'usage de leur langue.
Enjeu | ||||
La Société canadienne des postes doit s'assurer que le milieu de travail est propice à l'utilisation des deux langues officielles, que tous les membres de son personnel ont des chances égales d'avancement et que les exigences linguistiques des postes sont désignées objectivement. | ||||
![]() | ||||
![]() | ![]() | |||
Interventions | Réactions | |||
| ![]() Société canadienne des postes | |||
MONTRÉAL Les enquêtes du Commissariat faites en 1999 et en 2000 à Montréal révèlent, entre autres, trois problèmes systémiques :
De nouvelles plaintes ont été déposées depuis le dépôt du rapport final d'enquête en octobre 2001. Elles dénoncent encore la désignation linguistique de certains postes et la pénurie de personnel anglophone au sein d'un des bureaux de la région montréalaise. Ces plaintes font aussi état de la discrimination dont seraient victimes certains fonctionnaires ayant porté plainte auprès du Commissariat. L'instruction de ces plaintes est en cours. | ![]() | À l'été 2001, la Société avait commencé à revoir la désignation linguistique de certains postes et à prendre quelques mesures pour augmenter la participation des anglophones parmi leur personnel, sans pour autant avoir amorcé la mise en oeuvre des autres recommandations. | ![]() | RÉSULTAT ATTENDU Que la Société canadienne des postes révise les exigences linguistiques de tous les postes dans la région de Montréal et qu'elle instaure des mesures effectives pour favoriser davantage l'utilisation de l'anglais au travail, la formation des fonctionnaires et des cadres sur leurs droits et obligations en matière de langue, l'élaboration et la mise en oeuvre d'un plan d'action pour embaucher des anglophones. La mise en oeuvre des recommandations devrait créer un milieu de travail propice à l'utilisation des deux langues officielles. Le Commissariat a entrepris un suivi officiel de la mise en oeuvre des recommandations du rapport d'octobre 2001. |
MONCTON | RÉSULTAT | |||
À Moncton, l'enquête complétée en 2001 a révélé que le milieu de travail n'était pas propice à l'utilisation du français. | ![]() | La gestion locale a accepté sans hésiter de mettre en oeuvre les mesures recommandées. |
Alors qu'il s'agit d'une seule et même société, la façon de régler les problèmes varie selon l'engagement et la volonté de la gestion locale. Au vu des plaintes récurrentes déposées par le personnel depuis plusieurs années, il est évident que les gestionnaires de la Société canadienne des postes à Montréal n'ont pas exercé la diligence voulue pour résoudre efficacement les problèmes linguistiques de leur région. Ils semblent désormais sensibilisés à l'importance de redresser la situation. Les actions qu'ils entreprendront au cours du prochain exercice témoigneront du sérieux de leur engagement; c'est au fruit qu'on reconnaît l'arbre. Il aurait pourtant été facile de suivre l'exemple de leurs collègues du Nouveau-Brunswick. À Moncton, les gestionnaires locaux ont fait preuve de leadership et se sont personnellement engagés à favoriser l'accroissement du français en milieu de travail. Ils se sont eux-mêmes occupés de rencontrer l'ensemble du personnel de la division des opérations postales afin de traiter du droit de travailler dans la langue de son choix et des obligations de l'institution à cet égard.
La participation équitable des deux groupes linguistiques
Dans la partie VI de la Loi, le gouvernement s'engage à veiller à ce que les francophones et les anglophones aient des chances égales d'avancement au sein des institutions fédérales et à ce que les effectifs de ces dernières reflètent la présence au Canada des deux collectivités de langue officielle. Bien qu'elle s'applique à l'ensemble du Canada, cette partie est étroitement liée à la partie V sur la langue de travail dans les régions désignées bilingues, car l'utilisation équitable des deux langues officielles dans les milieux de travail fédéraux passe nécessairement par une participation équitable des membres des deux groupes linguistiques.
État de la situation
La participation francophone représente 27 p. 100 des effectifs des organismes assujettis à la Loi, tandis que la participation anglophone se chiffre à 72 p. 100. Les deux groupes linguistiques sont bien représentés dans la majorité des secteurs d'activité, compte tenu des différents mandats et de la situation géographique des diverses institutions concernées.
Tel n'est pas le cas dans la fonction publique fédérale au Québec, où le faible taux de participation anglophone continue de préoccuper la Commissaire. Même si elle a connu une légère augmentation par rapport à l'année précédente, la participation anglophone au Québec (excluant la partie québécoise de la région de la capitale nationale) se situait à 8 p. 100 au 31 mars 2001. La situation varie selon les institutions; toutefois, ce taux est deux fois plus élevé au sein des sociétés d'État assujetties à la Loi mais qui n'ont pas le Conseil du Trésor pour employeur. La Commissaire suivra de près les travaux entrepris par les institutions fédérales et par le Conseil fédéral du Québec en vue d'accroître la participation des anglophones dans la fonction publique fédérale de la province. Il est prioritaire de régler ce dossier dont les enjeux sont capitaux pour le développement de la communauté anglo-québécoise.
La Politique du corps d'officiers bilingue du ministère de la Défense
La Commissaire a été saisie de deux plaintes concernant la Politique du corps d'officiers bilingue des Forces canadiennes qui stipule que le bilinguisme est une exigence de base posée aux officiers de tous les grades.
La première plainte alléguait que le processus de promotion à un grade supérieur découlant de cette politique est discriminatoire envers les membres unilingues des Forces canadiennes. La politique, qui s'applique de façon uniforme à tous les officiers, prévoit que la connaissance de la langue seconde peut valoir jusqu'à 5 p. 100 de la note finale que le Conseil de promotion au mérite des Forces canadiennes attribue lors de l'évaluation des candidatures des officiers.
L'autre plainte portait sur le fait que les Forces canadiennes n'offrent pas aux anglophones suffisamment de programmes de formation en langue seconde et de maintien des connaissances linguistiques.
Enjeu | ||||
Les Forces canadiennes doivent s'assurer que les militaires d'expressions française et anglaise ont des chances égales d'avancement. | ||||
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Interventions | Réactions | |||
| ![]() Forces canadiennes | |||
Processus de promotion La Commissaire a conclu dans son rapport d'enquête de décembre 2001 :
| ![]() | Les Forces canadiennes ont créé un groupe de travail pour examiner les moyens d'accorder au bilinguisme une importance différente selon le grade. Un plan de travail avec échéanciers sera présenté au Commissariat. | RÉSULTAT ATTENDU | Que les Forces canadiennes entament, d'ici septembre 2003, une révision complète des postes d'officier et attribuent à chacun les exigences linguistiques qui sont objectivement nécessaires. |
Accès à la formation linguistique
| RÉSULTAT ATTENDU | Que le ministère de la Défense identifie, d'ici septembre 2003, les postes qui nécessitent l'utilisation immédiate des deux langues officielles et s'assure que ces postes sont confiés à des officiers déjà bilingues au moment d'entrer en fonction. | ||
| ![]() | La Politique du corps d'officiers bilingue a été modifiée en mai 2001. La nouvelle version reconnaît que la formation linguistique doit être une priorité « opérationnelle » et qu'elle doit être offerte plus efficacement. | RÉSULTAT ATTENDU ![]() | Que le ministère de la Défense fournisse, en temps opportun, une formation en langue seconde et un programme de maintien des connaissances linguistiques qui soient efficaces et qui tiennent compte des caractéristiques propres au travail dans les Forces canadiennes. |
Les Forces canadiennes ont pris des mesures positives pour corriger les inégalités que pouvait créer la Politique du corps d'officiers bilingue. Le Commissariat évaluera au cours du prochain exercice financier les résultats de ces mesures pour s'assurer que les objectifs louables de cette politique ne compromettent pas de façon injustifiée les chances d'avancement du personnel militaire de chaque groupe linguistique.
La représentation francophone chez les pilotes d'Air Canada
Selon une plainte déposée par l'Association des gens de l'air du Québec (AGAQ) en janvier 2000, les pilotes francophones seraient sous-représentés au sein d'Air Canada. La Société estime qu'avant l'intégration de Canadien international, les francophones comptaient pour 12,5 p. 100 de ses effectifs de pilotes et elle reconnaît que ce taux a sûrement baissé depuis la restructuration.
Enjeu | ||||
Air Canada doit s'assurer que ses effectifs de pilotes tendent à refléter la présence des francophones et des anglophones dans la société canadienne. | ||||
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Interventions | Réactions | |||
| ![]() Air Canada | |||
L'enquête du Commissariat sur la plainte de l'AGAQ révèle entre autres :
| ![]() | En 2001, Air Canada a réalisé un sondage sur la langue de son personnel (résultats à venir). | RÉSULTAT ATTENDU | Qu'Air Canada fournisse en 2002 les résultats de son sondage en s'assurant que les données sont complètes. |
| ![]() | Air Canada a demandé à Transports Canada de l'aider à dresser un profil linguistique plus précis de son bassin de recrutement. | ![]() RÉSULTAT ATTENDU | Qu'Air Canada dresse un profil plus précis de son bassin de recrutement et prenne les mesures nécessaires, le cas échéant, pour avoir dans ses rangs une participation équitable parmi ses pilotes. |
| RÉSULTAT | Air Canada reconnaît maintenant aux candidats aux postes de pilotes le droit à des entrevues dans la langue officielle de leur choix. | ||
| RÉSULTAT ATTENDU | Qu'Air Canada offre une formation professionnelle en français aux pilotes francophones, d'ici l'automne 2002. Une évaluation complétée en 1993 a conclu qu'une formation professionnelle en français ne comporte aucun risque si on s'assure que les pilotes francophones possèdent aussi les compétences requises en anglais. |
Air Canada a commencé à prendre des mesures pour s'assurer qu'elle a une participation équitable parmi ses pilotes mais elle doit poursuivre activement ses efforts dans ce domaine.
VIA Rail : Exigences linguistiques de certains postes et politique d'embauche
Une enquête a été lancée au cours du printemps 2000 pour examiner le bien-fondé d'une quarantaine de plaintes provenant de membres du personnel de VIA Rail qui travaillent à bord des trains affectés aux routes ferroviaires de l'Ouest canadien.
La majorité des plaintes alléguait que les exigences linguistiques de certains postes à bord de ces trains diminuaient injustement les chances d'emploi et d'avancement du personnel unilingue de la région.
Trois des postes dont les exigences linguistiques sont contestées s'exercent à bord de trains affectés au trajet transcontinental. L'enquête a révélé que les obligations linguistiques de VIA Rail envers les voyageurs justifiaient la dotation impérative de deux des postes bilingues, incluant celui de directeur des services. Compte tenu notamment du taux de bilinguisme important du personnel affecté à ce trajet, nous avons conclu qu'il n'était pas nécessaire de réserver toutes les affectations au troisième poste bilingue (coordonnateur adjoint des services) aux personnes qui satisfont déjà aux exigences linguistiques du poste. VIA Rail a exprimé certaines réserves à l'égard de cette recommandation et la Commissaire surveillera sa mise en oeuvre lors de son suivi.
Un autre point soulevé relativement aux exigences linguistiques des postes avait trait à la dotation impérative des postes bilingues à bord de trains desservant des trajets qui ne sont pas désignés bilingues. L'enquête a révélé que cette pratique d'exiger le bilinguisme dès l'embauche nuisait injustement aux chances d'emploi et d'avancement du personnel unilingue. VIA Rail considère que la dotation impérative de ces postes se justifie pour des raisons de sécurité, d'autant plus qu'il n'y a généralement que deux ou trois employés desservant le public à bord de ces trains. Même lorsque la Loi ne l'oblige pas à offrir des services bilingues, la compagnie ferroviaire a effectivement le droit de désigner des postes bilingues si cette mesure est nécessaire pour assurer la sécurité de ses voyageurs. Dans de tels cas, la compagnie doit toutefois offrir une formation en langue seconde au personnel unilingue qui aspire à ces postes et qui est autrement qualifié. Par ailleurs, VIA Rail a fait valoir au SCT que certains des trajets en cause devraient être désignés bilingues.
Un dernier aspect des plaintes remettait en question la politique de VIA Rail de n'embaucher que des personnes bilingues pour pourvoir les postes de première ligne sur les trains de l'Ouest canadien. Depuis 1986, VIA Rail n'embauche effectivement que des personnes bilingues pour pourvoir aux postes de première ligne partout au Canada. La compagnie considère essentiel d'embaucher des personnes possédant les deux langues de manière à atteindre une capacité bilingue suffisante pour que son personnel puisse en tout temps communiquer avec ses passagers dans les deux langues pour assurer leur sécurité.
Le Commissariat se réjouit des efforts qu'a faits la société pour accroître sa capacité bilingue sur le trajet transcontinental dans l'Ouest canadien. Ces efforts ont d'ailleurs porté fruit. Les enquêteurs ont estimé qu'en moyenne, 72 p. 100 des équipages affectés à la route transcontinentale durant la haute saison sont bilingues. VIA Rail estime que ce taux baisse à 33 p. 100 hors saison, mais les données recueillies lors de l'enquête indiquent plutôt un taux de 53 p. 100.
Bien que la Commissaire reconnaisse que le besoin d'assurer la sécurité des passagers est primordial, elle voudrait que VIA Rail établisse de façon plus claire la capacité bilingue dont elle a besoin pour répondre à cette exigence. Elle voudrait qu'en menant cet exercice VIA Rail tienne compte de la possibilité de déployer son personnel bilingue parmi les équipages de la façon la plus judicieuse possible. VIA Rail souligne que la convention collective avec ses employés et employées l'empêche de répartir comme elle le voudrait son personnel à bord des trains. Comme VIA Rail et son personnel s'apprêtent à entamer une prochaine ronde de négociations, elle pourrait profiter de l'occasion pour faire valoir ses besoins en matière d'affectation du personnel afin de pouvoir répondre aux exigences de la Loi.
En conclusion, la Commissaire voudrait que VIA Rail fasse une analyse plus rigoureuse du niveau de bilinguisme dont elle a besoin pour répondre à ses obligations à l'égard du public voyageur, y compris bien sûr sa sécurité, en accordant l'attention requise au déploiement judicieux de son personnel bilingue. En l'absence d'une telle analyse, il est difficile de porter un jugement objectif sur la politique d'embauche de la société. VIA Rail a indiqué qu'elle allait examiner attentivement les recommandations de la Commissaire et qu'elle avait d'ailleurs commencé à se pencher sur la mise en oeuvre de la plupart d'entre elles. Nous ferons un suivi à cet égard au cours de 2003.
Moderniser la gestion des ressources humaines dans la fonction publique fédérale n'est pas une chose facile, en particulier lorsqu'il s'agit en outre de mieux y intégrer les langues officielles. L'enjeu principal consiste à susciter un engagement plus profond des fonctionnaires envers la dualité linguistique en misant sur les avantages de la présence de deux langues et de deux cultures au sein de leur organisation. Ce respect des droits linguistiques des fonctionnaires fédéraux est un comportement éthique qui est au coeur même de la raison d'être d'une administration fédérale responsable. Des changements fondamentaux sont nécessaires : une plus grande responsabilisation; une meilleure reddition des comptes; une valorisation réelle du bilinguisme comme compétence de base; une formation linguistique plus ciblée; le développement accru du bilinguisme réceptif.
Sur le plan de la langue de travail, les gestionnaires doivent faire preuve de plus de leadership et de plus d'audace. Il faut à la fois mieux former les superviseurs (dont le niveau de bilinguisme laisse, pour plusieurs, encore à désirer) et changer les mentalités et les habitudes linguistiques.
Dans l'ensemble, la situation de la participation équitable est bonne. Toutefois, le déséquilibre dans les taux de participation des anglophones au Québec ne cesse d'inquiéter, surtout que ces taux progressent très lentement.
Chapitre 6 : LA PROMOTION DE LA DUALITÉ LINGUISTIQUE
La promotion de la dualité linguistique se fait sur plusieurs front à la fois, avec plus ou moins de succès selon le cas. Ainsi, on constate des progrès au chapitre du système sportif canadien et de la politique d'immigration, alors que les progrès sont plus lents dans d'autres domaines, notamment lorsqu'il s'agit de la présence du français sur Internet ou du bilinguisme officiel d'Ottawa.
Le bilinguisme de la capitale nationale
Ottawa étant la capitale nationale d'un pays bilingue, il est grand temps que la dualité linguistique canadienne consacrée par la Constitution soit reflétée officiellement au palier municipal. Au surplus, la ville accueille des millions de visiteurs chaque année et près du cinquième de sa population est francophone. La restructuration de la Ville d'Ottawa en 1999 était une occasion privilégiée de redresser la situation. Or, pour que la Ville devienne officiellement bilingue, il faut la coopération du gouvernement provincial, car les municipalités ontariennes n'ont pas le droit de se déclarer bilingues. Le gouvernement provincial doit inclure une clause sur l'égalité du français et de l'anglais à l'hôtel de ville d'Ottawa dans la Loi de 1999 sur la ville d'Ottawa.
Enjeu |
Seul le gouvernement provincial peut officialiser le statut bilingue de la Ville d'Ottawa. |
Interventions |
Dès 2000, la Commissaire a multiplié ses interventions auprès des représentants de la nouvelle Ville et des gouvernements fédéral et provincial, ainsi que des médias, afin de souligner l'importance d'enchâsser une clause linguistique dans la Loi de 1999 sur la ville d'Ottawa. À ce sujet, elle a rencontré également le maire d'Ottawa, M. Robert Chiarelli, et plusieurs conseillers municipaux, ainsi que le président du Comité consultatif municipal des services en français. Le 9 mai 2001, le Conseil municipal d'Ottawa a adopté une politique détaillée sur les langues officielles énonçant que « la Ville d'Ottawa entend accorder les mêmes droits, statuts et privilèges aux deux groupes de langues officielles ». En 2002, du côté fédéral, le ministère du Patrimoine canadien a accordé à la Ville une subvention de 2,5 millions de dollars sur cinq ans pour l'appuyer dans la mise en oeuvre de sa politique. |
RÉSULTAT |
Le gouvernement ontarien n'a pas encore pris les mesures nécessaires pour modifier sa loi, conformément aux demandes répétées de la Ville, du gouvernement fédéral et de la Commissaire, de sorte qu'elle stipule que l'administration de la Ville d'Ottawa et la prestation de services au public se fassent en français et en anglais conformément à la politique de bilinguisme adoptée par le Conseil municipal. |
Les langues officielles sur Internet
Suivi de l'étude sur le français sur Internet
Certains projets ont toutefois vu le jour pour faciliter l'accès de la population à des ressources culturelles qui sont souvent hors de sa portée. Patrimoine canadien a annoncé qu'il investirait plus de 150 millions de dollars pour diffuser les collections fédérales d'intérêt culturel sur Internet dans les deux langues officielles. Le gouvernement fédéral a aussi lancé la Stratégie canadienne sur les contenus numériques, qui prévoit la mise en ligne d'outils de référence, la numérisation de certaines collections et l'expansion du programme Francommunautés d'Industrie Canada.
Les sites des ambassades canadiennes, des missions diplomatiques étrangères et d'organisations internationales
Dans la foulée de son étude spéciale sur le français sur Internet, la Commissaire s'est penchée sur la présence des deux langues officielles sur les sites Internet des ambassades canadiennes à l'étranger, des missions diplomatiques étrangères au pays et de certaines grandes organisations internationales. Les résultats de cette analyse ont été rendu publics au début du printemps 2002 [35].
Si les ambassades canadiennes respectent généralement l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais sur leurs sites Internet, il n'en va pas de même des ambassades étrangères situées au Canada. Plus de la moitié de la quarantaine de sites examinés n'utilisent pas le français et la grande majorité des autres sont largement dominés par l'anglais; ce qui indique que les ambassades étrangères ont tendance à percevoir le Canada comme un pays unilingue anglophone. Quant aux sites d'organisations internationales qui ont le français et l'anglais comme langues officielles ou comme langues de travail, la grande majorité de la trentaine de sites étudiés n'utilisent pas le français et l'anglais de façon équitable.
Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international s'est engagé à intervenir auprès des ambassades étrangères pour leur demander d'accorder une place adéquate aux deux langues officielles du Canada sur leurs sites. De plus, la Commissaire a recommandé au gouvernement fédéral d'inciter les organisations internationales auxquelles il participe à utiliser davantage le français, notamment sur leurs sites Internet. La politique étrangère canadienne se doit de promouvoir les deux langues officielles du pays dans tous les domaines, y compris Internet.
Les langues officielles dans le système sportif canadien
Le français a depuis longtemps de la difficulté à se tailler un statut équivalent à celui de l'anglais dans le système sportif canadien. Une étude faite au début des années 1990 pour le ministre responsable du sport indiquait que les francophones y étaient défavorisés. Une autre étude menée en 1998 par le Sous-comité parlementaire sur l'étude du sport confirmait que les athlètes francophones arrivaient difficilement à obtenir des services dans leur langue. Finalement, une étude de la Commissaire publiée en 2000 révèle que les francophones sont sous-représentés parmi les athlètes de haut niveau et que la plupart des organismes nationaux de sport ne peuvent offrir des services adéquats aux francophones, notamment les activités d'entraînement [36].
Puisque le sport peut être un facteur important de cohésion sociale et que le respect des deux groupes linguistiques en constitue un élément clé, la Commissaire entreprendra au cours de l'été 2002 un suivi de la mise en oeuvre de l'ensemble des recommandations de son étude de 2000.
Les taux de natalité [...] ont chuté, et cette diminution n'est pas encore compensée par une forte immigration. Les grands mouvements sociaux occidentaux (féminisme, écologisme, etc.), et dans certaines communautés la présence de francophones issus d'une récente immigration, participent dorénavant à redéfinir le contour d'une communauté davantage pluraliste. Bref, la modernisation des communautés a fragilisé l'ancien équilibre pour faire place à un espace plus ouvert, plus diversifié, plus malléable.
Thériault, J. Yvon, 1999. Francophonies minoritaires
au Canada : l'état des lieux. Édition d'Acadie, Moncton, N.-B., p. 14
La Commissaire s'intéresse à l'immigration depuis le début de son mandat. Les données du recensement de 2001 le démontrent très clairement : la croissance de la population canadienne repose sur l'immigration. Au cours des cinq dernières années, les immigrants ont contribué à plus de la moitié de l'augmentation de la population canadienne. Or, cette croissance a joué en défaveur de la collectivité francophone du pays
Enjeu | ||
Les francophones ne jouissent pas de leur juste part de l'immigration au Canada puisque le nombre d'immigrants francophones s'installant au sein des communautés francophones est bien en deçà du poids démographique de ces communautés. | ||
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Interventions | ||
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Recommandations à la suite d'une plainte d'immigrants marocains (rôle d'ombudsman) | Étude sur l'immigration (rôle de promotion et d'éducation) | Intervention sur la nouvelle Loi sure l'immigration et la protection des réfugiés et son Règlement auprès de Citoyenneté et Immigration Canada et des parlementaires (rôle de vigie) |
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Changements législatifs et administratifs en matière d'immigration. | ![]() |
Rappelons d'abord qu'au cours de l'exercice 2000-2001, deux candidats francophones à l'immigration, qui se dirigeaient vers Saint-Boniface, au Manitoba, avaient vu leur demande d'immigration rejetée au motif que leur maîtrise de l'anglais était insuffisante. La Commissaire avait mené une enquête et formulé des recommandations. La figure suivante fait le bilan des efforts et des résultats obtenus.
Plainte | ||
L'agent d'immigration a évalué la connaissance de l'anglais sous le facteur « personnalité ». | ||
Enquête | ||
An investigation by the Commissioner | ||
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Recommandations | ||
Les compétences linguistiques devraient être évaluées exclusivement sous le facteur « langue » et il faut une évaluation plus objective des connaissances linguistiques | RÉSULTAT | Les immigrants peuvent désormais se faire évaluer objectivement par un organisme linguistique professionnel. |
Les agents d'immigration devraient être mieux informés des réalités des francophones minoritaires pour être plus en mesure de renseigner les candidats à l'immigration. | RÉSULTAT ![]() | Un module dans le plan de cours des agents d'immigration porte dorénavant sur les communautés minoritaires de langue officielle. |
Le ministère devrait faire plus de promotion des communautés minoritaires de langue officielle à l'étranger afin qu'un plus grand nombre d'immigrants soit attiré vers ces communautés. | RÉSULTAT ![]() | Citoyenneté et Immigration Canada collabore avec les communautés francophones dans le cadre d'un comité directeur pour élaborer des stratégies de promotion, de recrutement et d'intégration. |
Citoyenneté et Immigration Canada a créé un comité directeur en mars 2002 en vue d'accroître l'établissement d'immigrants au sein des communautés francophones. Il réunit principalement des représentants de ces communautés et des hauts fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration Canada. La Commissaire est représentée à titre d'observatrice.
L'étude du Commissariat sur l'incidence de l'immigration sur la dualité linguistique canadienne [38] indique que les communautés francophones du Canada n'ont pas autant profité de l'immigration que les communautés anglophones. De plus, l'étude constate que le gouvernement fédéral n'a adopté pratiquement aucune mesure concrète pour aider les communautés à recruter des immigrants francophones et les intégrer parmi elles. L'étude a également examiné les incidences de l'immigration sur la communauté anglophone du Québec. Au Québec, comme dans les autres provinces, l'immigration est un phénomène urbain. En effet, seulement 18 p. 100 des immigrants anglophones du Québec s'installent à l'extérieur de Montréal. En outre, le taux de rétention des immigrants anglophones du Québec est inquiétant : le quart d'entre eux finissent par déménager dans une autre province.
Modifications concernant les langues officielles dans la nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés...
Au cours de l'hiver 2001, la Commissaire a communiqué avec les responsables du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, avec le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration et avec le premier ministre. Ses interventions ont porté fruit puisque la nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés stipule désormais que l'immigration doit favoriser le développement des deux collectivités linguistiques, y compris les communautés vivant en contexte minoritaire. Elle doit également promouvoir les principes d'égalité du français et de l'anglais au Canada.
...et dans les modalités d'application de la loi
Les modalités d'application et les détails procéduraux de la nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés sont précisés dans la réglementation. Or, le projet de Règlement publié au cours de l'hiver 2002 prévoit une pondération qui ne reflète pas l'importance du bilinguisme au Canada. La Commissaire a indiqué à Citoyenneté et Immigration Canada que le poids accordé à la deuxième langue officielle n'est pas suffisant. Elle lui a recommandé de revoir ce coefficient à la hausse et cette recommandation a été reprise par le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration dans ses propres recommandations au ministère.
La Commissaire constate que Citoyenneté et Immigration Canada fait preuve de plus en plus d'ouverture. La politique d'immigration ne doit pas se fonder uniquement sur des critères économiques. Elle doit aussi contribuer à véritablement renforcer le tissu social et linguistique du Canada en faisant la promotion de la dualité linguistique. La nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et les modifications à son Règlement en sont un premier reflet. La Commissaire s'attend à ce que cette orientation se poursuive dans les activités du comité directeur susmentionné. Il est essentiel d'en arriver à une augmentation importante des immigrants francophones afin que l'immigration contribue au développement des communautés francophones à l'extérieur du Québec. De plus, il faut s'assurer d'une intégration réussie de ces immigrants afin qu'ils contribuent véritablement à l'épanouissement de ces communautés.
La Commissaire recommande au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration d'élaborer des programmes d'appui en vue de mettre en oeuvre les dispositions linguistiques de la nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Ces programmes doivent promouvoir les communautés minoritaires de langue officielle à l'étranger et les aider à améliorer leur capacité d'accueil par des gestes concrets et vérifiables.
Les États généraux sur la situation et l'avenir de la langue française au Québec
Après avoir tenu des audiences publiques aux quatre coins de la province, la Commission des États généraux sur la situation et l'avenir de la langue française au Québec a publié son rapport final en mai 2001. La Commission y propose une série de mesures qui visent à accroître le rayonnement et la promotion de la langue française, notamment pour fournir un meilleur encadrement à l'enseignement du français; veiller à ce que le dispositif d'enseignement de l'anglais langue seconde soit plus efficace; encourager l'apprentissage de l'espagnol ou d'une autre troisième langue. La Commissaire et son personnel ont assisté, à titre d'observateurs, à plusieurs événements organisés dans le cadre de cet ambitieux exercice de consultation publique. La Commissaire a pu constater que la transparence du processus a donné lieu à une série de discussions et de débats ouverts.
Les représentants de la communauté minoritaire anglophone de la province ont accueilli favorablement la plupart des recommandations du rapport qui visent à promouvoir la langue française et l'apprentissage de la langue seconde, car elles se fondent sur une approche incitative plutôt que réglementaire. Plusieurs anglophones craignent toutefois que certaines recommandations mises de l'avant par la Commission ne résultent en une diminution des services de santé en anglais.
Prix de traduction
La Commissaire s'est une fois de plus associée à la Quebec Writers' Federation pour parrainer son Prix de traduction. Ce prix couronne en alternance une traduction vers l'anglais d'un livre de langue française, puis l'année suivante, une traduction vers le français d'un livre de langue anglaise. Le Commissariat est particulièrement heureux de s'associer à un prix qui souligne l'excellence de la traduction vers le français ou l'anglais, car cet art permet de rendre accessible aux membres de l'une des deux grandes communautés linguistiques ce que l'autre a de mieux à offrir en fait de production littéraire, ce qui contribue à jeter des ponts entre les deux communautés en favorisant une meilleure compréhension mutuelle.
Le Prix de traduction 2001 a été décerné à Phyllis Aronoff et à Howard Scott, pour leur ouvrage The Great Peace of Montreal of 1701: French Native Diplomacy in the Seventeenth Century, traduction du livre de Gilles Havard, intitulé La Grande Paix de Montréal de 1701 : les voies de la diplomatie franco-amérindienne.
L'égalité linguistique au Canada est une oeuvre inachevée, chaque province et territoire progressant à son propre rythme. L'important, c'est d'avancer. Malheureusement, le gouvernement de l'Ontario a raté cette année une belle occasion de faire un pas de plus dans la bonne direction. Il a esquivé le débat sur le bilinguisme officiel de la capitale nationale, alors que le Conseil municipal d'Ottawa a adopté une politique de bilinguisme qui l'honore.
Si Internet doit consolider l'image du Canada comme pays bilingue, le gouvernement fédéral doit s'activer tant sur le plan national qu'international pour assurer une plus grande place au français. La progression du français sur Internet offre au Canada une occasion unique d'affirmer l'identité canadienne et de développer l'économie du savoir.
Dans une étude spéciale parue cette année, la Commissaire a souligné toute l'importance de permettre aux collectivités francophones partout au pays de profiter des avantages découlant de l'immigration. Dans un autre ordre d'idées, la Commissaire a insisté sur le respect des langues officielles dans le système sportif canadien.
Dans tous les cas cités, il s'agit en fait de créer les conditions les plus favorables possibles à l'utilisation des deux langues officielles et à la pleine participation des communautés qui les parlent. Il faut construire l'égalité sur le terrain.
Chapitre 7 : L'ÉPANOUISSEMENT DES COMMUNAUTÉS MINORITAIRES DE LANGUE OFFICIELLE
La vitalité des communautés dépend en partie des soins de santé à leur disposition et ce concept a été au coeur des efforts que la Commissaire a déployés cette année en faveur des communautés minoritaires francophones et anglophones. Toujours dans le souci de veiller à ce que l'épanouissement de ces communautés ne soit pas compromis, la Commissaire a également porté son attention sur les dossiers de l'éducation et de la radiodiffusion, ainsi que sur les répercussions des fusions municipales.
La saga de l'Hôpital Montfort : épilogue
La mobilisation phénoménale de la communauté franco-ontarienne pour s'opposer à la réduction des services de santé offerts par le seul hôpital francophone de la province a porté fruit : le 7 décembre 2001, la Cour d'appel de l'Ontario a reconnu que l'Hôpital Montfort est une institution essentielle à la survie de la communauté francophone et qu'en conséquence, une réduction massive des services qu'il assure irait à l'encontre du principe constitutionnel non écrit du respect et de la protection des minorités [39]. La Commissaire s'était prononcée publiquement à maintes reprises en faveur de la sauvegarde de l'institution et était intervenue en Cour d'appel pour l'appuyer dans sa lutte.
1997 | 1998 | 1999 | 2001 | 2002 |
Février : La Commission de restructuration des soins de santé de l'Ontario annonce la fermeture du seul hôpital universitaire de langue française de la province. Par la suite, les directives ont été révisées pour réduire l'étendue des services médicaux. | Juillet : À la suite de discussions infructueuses avec la Commission, S.O.S. Montfort intente un recours devant la Cour divisionnaire de l'Ontario. | Avril : Les pouvoirs de recommandation de la Commission expirent sans qu'il n'y ait eu de changement aux directives recommandant la fermeture; la cause est alors plaidée devant la Cour. Novembre : | Décembre : Jugement unanime en faveur de Montfort. Le procureur général de l'Ontario a 60 jours pour demander à la Cour suprême du Canada la permission d'interjeter appel. | Février : Le ministre de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario, M. Tony Clement, accompagné de ses collègues, MM. John Baird et Brian Coburn, annonce au cours d'une conférence de presse tenue dans le foyer de l'Hôpital Monfort que son gouvernement n'interjetera pas appel. |
Les répercussions de cette grande victoire collective dépasseront les frontières de la province. S'il est encore trop tôt pour mesurer la pleine portée de ce jugement, l'Hôpital Montfort a indiscutablement écrit une page d'histoire. On peut s'attendre à ce que le lien établi par le tribunal entre l'intérêt public et le principe constitutionnel de la protection des minorités empêche les provinces et les territoires d'adopter des mesures qui nuisent de façon flagrante au développement et à l'épanouissement de leur communauté minoritaire de langue officielle. Les provinces et les territoires doivent pleinement tenir compte des besoins des communautés minoritaires de langue officielle au moment de procéder à des restructurations.
La Commission Romanow sur l'avenir des soins de santé au Canada : le meilleur est-il à venir ?
La Commission Romanow sur l'avenir des soins de santé au Canada doit soumettre des recommandations au gouvernement fédéral pour assurer la viabilité du régime de soins de santé du pays et veiller à ce qu'il reflète les valeurs canadiennes du XXIe siècle. Les travaux et les recommandations doivent viser à réduire les écarts au chapitre de la santé et du bien-être entre les divers groupes qui composent la société canadienne, y compris les communautés de langue officielle.
Enjeu |
La dimension linguistique est au coeur du régime de santé canadien, car la communication joue un rôle central dans la prestation de soins de santé de qualité. |
Interventions |
Malheureusement, le rapport d'étape rendu public par la Commission en février 2002 ne fait aucune mention des besoins légitimes des francophones et des anglophones qui vivent en milieu minoritaire. La Commissaire et les représentants des communautés minoritaires de langue officielle du pays sont intervenus auprès de la Commission Romanow pour lui rappeler l'importance de la dimension linguistique des soins de santé et l'inciter à orienter une partie de ses travaux sur cette question. |
RÉSULTAT ATTENDU |
Le rapport final doit absolument recommander la mise en oeuvre de mesures pour améliorer les services de santé offerts aux communautés minoritaires de langue officielle, tant francophones qu'anglophones. Cela rejoint les préoccupations exprimées par les communautés par le truchement de leurs comités consultatifs mis sur pied par Santé Canada. |
Le conflit qui a opposé l'Hôpital Montfort au gouvernement ontarien a mis en évidence l'importance de pouvoir « naître, être soigné et mourir dans sa langue ». La Commissaire compte revenir à la charge en déposant un mémoire lors des audiences de la Commission Romanow prévues au printemps 2002 afin de souligner l'importance de soutenir de front deux valeurs canadiennes indissociables : la santé et la dualité linguistique.
L'accès à des soins de santé en anglais au Québec
La Loi sur les services de santé et les services sociaux (la loi 142) garantit l'accès aux services de santé en langue anglaise partout au Québec. En novembre 2001, le ministre de la Santé et des Services sociaux a annoncé son intention de revoir la politique ministérielle en la matière, et les médias ont rapporté que les changements envisagés par le ministère comprenaient la réduction du nombre de postes bilingues dans le réseau de la santé. Cette nouvelle a entraîné la démission en bloc des membres du comité-conseil provincial sur les services de santé en anglais.
La Commissaire a écrit au ministre québécois de la Santé et au premier ministre de la province pour leur faire part des inquiétudes de la communauté anglophone à ce sujet et leur demander de placer la prestation des services sociaux et de santé en langue anglaise aux premiers rangs de leurs priorités. Les dispositions et les objectifs de la loi 142 ne sont pas incompatibles avec ceux de la Charte de la langue française. La Commissaire exhorte le gouvernement provincial à trouver des solutions qui protégeront les droits des deux communautés linguistiques de la province, majoritaire et minoritaire.
Le nouveau ministre de la Santé et des Services sociaux nommé au cours de l'hiver 2002 a déclaré que la politique ministérielle ne serait pas modifiée, que la disponibilité des services de santé offerts actuellement en anglais serait maintenue et qu'il souhaitait reconstituer le comité démissionnaire en vue de recevoir son avis sur l'application de la loi 142.
Les fusions municipales au Québec
De nombreux Québécois d'expression française et anglaise se sont opposés aux fusions municipales. En février 2001, une vingtaine de municipalités ont déposé devant la Cour supérieure du Québec un recours en injonction au moyen duquel elles espéraient faire invalider la nouvelle loi sur les fusions (la loi 170). Certaines de ces municipalités ont aussi contesté la loi 171, adoptée de façon concomitante à la loi 170, qui modifie la Charte de la langue française de manière à restreindre l'octroi du statut bilingue aux nouvelles municipalités et aux nouveaux arrondissements : ceux d'entre eux qui ne possédaient pas déjà un statut bilingue ne peuvent désormais obtenir ce statut que si une majorité de leurs citoyens et citoyennes sont de langue maternelle anglaise, plutôt que de simplement parler une autre langue que le français, comme c'était le cas auparavant.
La Commissaire a obtenu le statut d'intervenante dans la cause pour contester la validité constitutionnelle des dispositions qui modifient les conditions relatives à l'octroi du statut bilingue, car elle estime que le nouveau critère représente une réduction inconstitutionnelle des droits linguistiques des personnes d'expression anglaise. La Commissaire a appuyé son argument sur le principe de progression énoncé au paragraphe 16(3) de la Charte [40] et sur la règle constitutionnelle selon laquelle les droits linguistiques doivent être interprétés de façon large et en fonction de leur objet. La Commissaire a soutenu que l'engagement des deux paliers gouvernementaux à favoriser la progression vers l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais en vertu du paragraphe 16(3) comporte une obligation de leur part de ne pas adopter de mesures ayant pour effet de réduire, sans une justification appropriée, les droits linguistiques des communautés minoritaires de langue officielle.
La Cour supérieure du Québec et la Cour d'appel du Québec ont toutes deux rejeté les arguments des villes [41]. Le juge de première instance a maintenu que la question d'inconstitutionnalité soulevée par la Commissaire était hypothétique, car toutes les municipalités en cause conservaient leur statut bilingue en devenant des arrondissements bilingues de la nouvelle Ville de Montréal. Il a toutefois reconnu la possibilité d'une violation future de l'article 16 de la Charte si une municipalité se voyait refuser le statut bilingue en vertu du nouveau critère alors qu'elle aurait pu l'obtenir sous l'ancien régime.
Un projet de formation à distance pour les communautés anglophones du Québec
Plusieurs communautés anglophones du Québec sont situées dans des régions éloignées qui disposent de peu de ressources pour répondre aux besoins de leurs membres en matière d'éducation. Fortes de l'appui financier du ministère de l'Éducation du Québec et du ministère du Patrimoine canadien, trois commissions scolaires québécoises de langue anglaise ont lancé un projet qui permettra aux membres de ces communautés isolées d'avoir accès à une formation de qualité et à une gamme de cours beaucoup plus variée que celle offerte à l'échelle locale. Le Distance Education and Community Network (DECN) offre une formation interactive où les participants peuvent poursuivre leur apprentissage de manière autonome, tout en ayant la possibilité de consulter, au besoin, des professeurs situés dans les grands centres qui maîtrisent la technologie utilisée.
La Commissaire a rencontré les membres de la Commission de l'éducation en langue anglaise en mars 2001 et leur a offert son appui pour les aider à mener l'initiative à terme. Elle a demandé au ministère du Patrimoine canadien de s'assurer que la prochaine Entente Canada-Québec fournirait les fonds nécessaires à la bonne marche et à l'élargissement du projet, afin de permettre à l'ensemble de la communauté anglophone du Québec d'en bénéficier.
L'Institut français : un espace francophone au sein de l'University of Regina
Créé en vertu de l'Entente Canada-Saskatchewan de 1988, l'Institut de formation linguistique de l'University of Regina répond aux besoins de formation postsecondaire en français de la population de la Saskatchewan et assure un enseignement du français et d'autres langues vivantes. L'Institut a fait l'objet d'une « étude critique » de ses programmes et de sa structure. Soumise en décembre 2001, la version provisoire du rapport d'étude a suscité de nombreuses critiques de la part des francophones de la province (voir ci-contre).
Enjeu |
Décembre 2001 : Nombre de Fransaskois craignaient que la structure proposée ne s'éloigne du mandat initial de l'Institut, que ce dernier ne jouisse pas d'un plein statut académique et ne soit pas doté de moyens suffisants pour y inclure un volet identitaire et culturel. |
Interventions |
Hiver 2002 : la Commissaire intervient auprès du président de l'université, du ministre des Affaires francophones de la Saskatchewan et du sous-ministre du Patrimoine canadien afin de leur rappeler l'importance de l'Institut pour la communauté fransaskoise. Elle suggère aux parties d'établir une table de concertation avant de compléter la restructuration. |
RÉSULTATS |
Printemps 2002 : le président de l'université a tenu compte de plusieurs des préoccupations de la communauté fransaskoise et de la Commissaire. L'Institut de formation linguistique deviendra l'Institut français et devrait officiellement ouvrir ses portes à l'automne 2002. Il conservera essentiellement le même mandat qu'à l'origine et la vaste majorité des programmes offerts seront maintenus. Des représentants de la communauté fransaskoise participent à un comité de travail mis sur pied pour préciser les modalités administratives du nouvel Institut français. |
Prix du Commissariat aux langues officielles pour la petite enfance
Dans le cadre des Prix de la Francophonie de l'Association canadienne d'éducation de langue française (ACELF), le Commissariat a, pour la première fois en 2002, décerné le Prix du Commissariat aux langues officielles pour la petite enfance. Ce prix veut récompenser les projets éducatifs d'éveil à la langue française à l'intention des enfants d'âge préscolaire.
En cette première année de concours, quatre bourses de 1000 $ ont été remises à des lauréats provenant des quatre régions circonscrites aux fins du concours : l'Atlantique; le Québec; l'Ontario; l'Ouest et le Nord. Le prix national a été remis au lauréat de l'Ontario, la garderie francophone Le Petit Chaperon Rouge, dont le projet Un livre par mois vise à sensibiliser les parents de jeunes enfants à l'importance de la lecture en famille.
La révision de la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest
À l'automne 2001, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a créé un comité parlementaire chargé de lui soumettre des recommandations sur la révision de la Loi sur les langues officielles territoriale. Cette loi, adoptée en 1984, prévoit qu'elle doit être révisée à chaque décennie. L'application actuelle de la loi pose plusieurs problèmes.
La radiodiffusion : accroître l'offre dans les deux langues officielles à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes
Révision de la Loi sur la radiodiffusion
La radiodiffusion demeure un outil privilégié afin de favoriser la présence du français et de l'anglais dans la société canadienne. La venue du numérique, entre autres progrès technologiques, nécessite la révision de la Loi sur la radiodiffusion et le gouvernement a entrepris des audiences publiques sur cette question. Au printemps 2002, la Commissaire a comparu devant le Comité permanent du patrimoine canadien et y a déposé un mémoire recommandant, d'une part, que la loi révisée tienne compte de l'importance d'assurer un financement adéquat au radiodiffuseur public national et aux radiodiffuseurs communautaires et, d'autre part, de mettre en place un réseau national de télévision éducative de langue française. Comment les jeunes Canadiens et Canadiennes pourront-ils développer des habitudes d'écoute en français si la majorité des provinces canadiennes n'offrent pas d'émission de télévision éducative de langue française ?
Vers un avenir mieux équilibré
Radio-Canada : pour une Chaîne culturelle pancanadienne
La Société Radio-Canada s'est adressée au CRTC pour élargir le rayonnement de la Chaîne culturelle radio (la 2e chaîne) au pays.
Enjeu |
Les réseaux nationaux représentent un moyen privilégié pour les Canadiennes et les Canadiens de tisser des liens entre eux. Leur présence partout au pays est précieuse, car ils contribuent à promouvoir notre dualité linguistique et à renforcer notre identité nationale. |
Intervention |
La Commissaire a écrit au CRTC afin de souligner l'importance de rendre la Chaîne culturelle accessible à l'ensemble de la population canadienne. |
RÉSULTAT |
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Ces deux exemples dans le secteur si important des communications illustrent éloquemment le rôle de catalyseur du changement que souhaite jouer le Commissariat.
Ce dernier chapitre a exposé l'évolution en dents de scie d'un certain nombre d'initiatives visant à appuyer les institutions et à renforcer l'identité et le développement des communautés minoritaires de langue officielle. Deux leçons en ressortent d'emblée.
D'abord, quelle que soit la juridiction mise en cause, le souci de protéger les droits des minorités de langue officielle n'est malheureusement pas encore devenu un réflexe. Ceci illustre un manque de leadership et de planification.
La seconde leçon est plus positive. C'est qu'en dépit des obstacles, il est possible de gagner du terrain. L'inconscience des autorités n'est que très rarement une expression d'hostilité. Une fois que les administrateurs ont bien compris les inquiétudes des communautés minoritaires de langue officielle, ils se sont souvent dits prêts à revoir leur copie afin de trouver les aménagements nécessaires.
En tant que conscience linguistique des Canadiennes et des Canadiens, la Commissaire entend, pour sa part, continuer de sonner l'alarme chaque fois que l'épanouissement des communautés de langue officielle est menacée par une politique ou une décision administrative inconsidérée.
CONCLUSION
Les signes d'un grand branle-bas sont de plus en plus visibles. Le ministre des Affaires intergouvernementales et président du Conseil privé a posé les premières traverses, mais le rythme des travaux doit s'accentuer afin que le train puisse accélérer dans la progression vers l'égalité linguistique.
Si de plus en plus, la Commissaire manifeste des signes d'impatience, c'est que les enjeux sont si importants et urgents. Certes, le gouvernement fédéral a donné de nombreuses preuves de son engagement et lancé des initiatives ponctuelles qui méritent d'être louées. Mais la mise en oeuvre d'un plan d'action passe d'abord par l'affirmation d'une vision d'ensemble assortie d'objectifs, d'échéances et d'évaluations de résultats. Sans une approche holistique, le régime d'application de la Loi risque une fois de plus de devenir un chapelet de réformettes sans cohésion ni finalité. Les Canadiens et les Canadiennes, qui de plus en plus font du bilinguisme un credo personnel, méritent mieux.
La dualité linguistique est une de nos valeurs fondamentales. Les principes de cette égalité en marche sont bien établis et reconnus; rappelons que 82 p. 100 des Canadiennes et des Canadiens sont favorables à la politique du bilinguisme, et que 86 p. 100 pensent qu'il est important que leurs enfants apprennent à parler une deuxième langue (les anglophones choisissent le français comme langue seconde pour leurs enfants dans une proportion de 75 p. 100, et les francophones optent pour l'anglais, dans une proportion de 90 p. 100) [44]. Le gouvernement fédéral et certaines provinces se sont montrés audacieux et imaginatifs dans leur volonté de renforcer la protection des deux communautés linguistiques et d'en favoriser le développement. Il est temps de finir le travail. Il est temps d'assurer l'égalité des chances en permettant à tous les citoyens et toutes les citoyennes de contribuer dans la langue officielle de leur choix au développement de la société canadienne.
Il est temps aussi que l'administration fédérale se mette pleinement au diapason des citoyennes et des citoyens. Il faut instaurer un véritable esprit de leadership et de respect en matière de droits linguistiques des individus, en qualité de citoyens et citoyennes ou de fonctionnaires fédéraux. C'est fondamentalement une question d'éthique professionnelle et de dignité.
Le Canada a la volonté et la capacité de créer cet espace linguistique harmonieux, en énonçant une vision qui place l'égalité réelle du français et de l'anglais au coeur du projet social canadien. Bref, il est temps que le gouvernement du Canada remette solidement notre dualité linguistique sur les rails et livre la marchandise.
Les langues officielles en action : un éventail de belles réussites
En matière de langues officielles, le leadership peut s'exercer d'une foule de façons. Cette rubrique met en valeur les initiatives instaurées depuis quelques années par Statistique Canada pour contribuer aux objectifs de la Loi et présente diverses réalisations d'autres organisations destinées à promouvoir la dualité linguistique.
Statistique Canada
Pour l'année 2001-2002, la Commissaire remet son Prix Leadership au statisticien en chef du Canada, M. Ivan P. Fellegi. Ce faisant, la Commissaire rend hommage à Statistique Canada, qui se distingue par l'excellence des services bilingues offerts au public, par un milieu de travail propice à l'usage des deux langues officielles, par la mise en oeuvre de la partie VII de la Loi et, plus généralement, par la gestion du programme des langues officielles.
Au chapitre du service au public, Statistique Canada accorde une très grande priorité au service bilingue dans tous ses bureaux. Toutes les vérifications confirment que l'institution offre d'excellents services dans les deux langues officielles. Statistique Canada n'est pas pour autant à l'abri de plaintes reliées à la Loi, mais l'institution se montre généralement diligente pour régler les problèmes identifiés. Par exemple, les activités liées au recensement de 2001 ont suscité plusieurs plaintes. Afin de corriger rapidement les lacunes décelées, le Commissariat et l'institution ont convenu d'un protocole de transmission de l'information qui a permis de grandement accélérer le traitement des plaintes générées par le recensement.
En ce qui concerne la langue de travail, la majorité des gestionnaires de Statistique Canada sont bilingues : 91 p. 100 des EX situés dans des régions bilingues aux fins de la langue de travail satisfont à la norme CBC. Les postes de cadres intermédiaires sont eux aussi dotés selon le profil CBC. Plusieurs projets ont été créés pour que le milieu de travail soit propice à l'utilisation des deux langues officielles : un atelier pratique sur la langue de travail; un centre de formation linguistique; une banque de terminologie pour appuyer la rédaction en français et en anglais. En outre, un réseau de facilitateurs est chargé de promouvoir le bilinguisme en milieu de travail. Nous tenons à féliciter Statistique Canada de ces initiatives.
Quant à la mise en oeuvre de la partie VII de la Loi, Statistique Canada porte une attention particulière à la collecte de données relatives ou utiles aux communautés minoritaires de langue officielle. Un cédérom a été réalisé sur le profil des communautés minoritaires de langue officielle; Statistique Canada l'a distribué gratuitement aux associations minoritaires du pays. L'institution a récemment ajouté deux questions à son formulaire de recensement afin de déterminer les langues parlées le plus souvent à la maison et les langues utilisées au travail.
Une structure organisationnelle efficace a été établie pour encadrer l'administration du programme des langues officielles. Statistique Canada lui consacre des ressources adéquates et a mis en place des mécanismes pour vérifier son rendement en matière de langues officielles. Son comité de gestion des langues officielles, créé en 1976, oriente le programme des langues officielles afin d'en accroître l'efficacité et la visibilité. Le comité a établi un réseau de coordonnateurs divisionnaires et de sous-comités pour favoriser l'échange et la consultation sur les questions relatives aux langues officielles.
Conseil national de recherches du Canada
Le Conseil national de recherches du Canada (CNRC) a ajouté une boîte à outils sur son site intranet afin d'aider les membres de son personnel qui le souhaitent à mieux communiquer dans les deux langues officielles. Cette boîte à outils contient des guides de style de langue française et de langue anglaise de même qu'un lexique analogique du CNRC et elle offre des liens vers plusieurs autres sites utiles, dont celui du Commissariat, de Termium Plus et du SCT.
Élections Canada
Dans le cadre du nouvel exercice de découpage des circonscriptions électorales fédérales, Élections Canada a convoqué les membres des nouvelles commissions pour les renseigner sur leurs responsabilités, y compris en matière de langues officielles, dans un esprit de prévention par suite de plaintes antérieures. Lors de cette session d'information, la Commissaire a prononcé une allocution devant sensibiliser les commissions à l'importance d'être à l'écoute de la population et de respecter l'évolution historique de la société, des spécificités régionales et des communautés d'intérêts, dont les langues officielles.
Financement agricole Canada
Financement agricole Canada a lancé une campagne pour sensibiliser ses cadres et ses unités d'affaires aux services de traduction. La campagne été mise sur pied notamment dans le but de servir la clientèle interne et externe simultanément dans les deux langues officielles ou dans la langue officielle de son choix.
Industrie Canada
Industrie Canada a mis sur pied un projet-pilote de perfectionnement du français sur son site intranet pour le personnel francophone et anglophone du ministère. Intitulé Le coin linguistique, cet outil d'apprentissage linguistique permet au personnel d'approfondir ses connaissances du français écrit et parlé. Il offre un accès rapide à une foule de services en ligne, d'explications, d'exemples, d'exercices et d'hyperliens. Ce site reçoit en moyenne 1 850 visites par jour.
Patrimoine canadien
Patrimoine canadien a élaboré un plan d'action en matière de langue de travail qui prévoit la mise en place de plusieurs outils visant à créer un milieu de travail propice à l'utilisation des deux langues officielles. Le ministère a également élaboré des lignes directrices novatrices, dont certaines vont au-delà de la politique du Conseil du Trésor. Le ministère a donné beaucoup de visibilité à son plan d'action dès son lancement et son personnel peut consulter tous les documents pertinents sur le site intranet de l'organisation.
Pêches et Océans Canada
Pêches et Océans Canada s'est doté d'un cadre de responsabilité pour sensibiliser ses gestionnaires à la mise en oeuvre du programme des langues officielles. Ce cadre comporte un rapport de surveillance et un guide d'auto-évaluation. Les directeurs généraux régionaux et les sous-ministres adjoints doivent préparer des plans d'action annuels en matière de langues officielles qui comportent des activités mesurables et des échéanciers à respecter. Ces outils permettront au ministère d'évaluer la situation linguistique dans chaque domaine de responsabilité.
Sport Canada et l'Association olympique canadienne
Les deux langues officielles ont été à l'honneur tout au long des derniers Jeux olympiques d'hiver, comme ce fut aussi le cas lors des Championnats du monde d'athlétisme tenus à Edmonton en juillet 2001. L'Association olympique canadienne s'est assurée que la majorité des postes clés de la mission canadienne à Salt Lake City étaient occupés par des personnes bilingues. Sport Canada a fourni un service de traduction pour appuyer le Secrétariat des Jeux et enfin, le Journal Canada, qui décrivait le calendrier des activités du jour et le résultat des dernières épreuves, a été publié simultanément en français et en anglais pendant toute la durée des compétitions. Bref, la situation s'est beaucoup améliorée depuis les Olympiques de Nagano.
Gouvernement du Manitoba
Le Centre de services bilingues tripartite de Saint-Boniface a ouvert ses portes au printemps 2002. Fruit d'une collaboration soutenue entre les gouvernements du Canada et du Manitoba et l'administration de la Ville de Winnipeg, le Centre abrite sous le même toit une trentaine d'employés et d'employées des trois ordres de gouvernement. Une vaste gamme de services et de programmes y sont ainsi offerts dans les deux langues officielles. On prévoit ouvrir prochainement deux autres centres de services bilingues dans d'autres régions de la province.
Ce partenariat entre les divers ordres de gouvernement et la communauté minoritaire de langue officielle mériterait d'être reproduit dans les autres provinces et territoires canadiens, là où la situation s'y prête, pour améliorer
Ministère de la Justice de la Saskatchewan
En 2002, le ministre de la Justice de la Saskatchewan a nommé un autre juge bilingue à la Cour provinciale de la Saskatchewan. Cette mesure s'inscrit dans le cadre des recommandations formulées par l'Association des juristes d'expression française de la Saskatchewan (AJEFS). Par ailleurs, le ministre a annoncé qu'il était prêt à étudier la proposition mise de l'avant par cette association d'établir une Cour provinciale bilingue et itinérante.
Ville de Winnipeg
La ville de Winnipeg compte quelque 30 000 francophones et 11 p. 100 de sa population est bilingue. En 2001, la Ville a décidé d'étoffer sa politique linguistique en lançant un programme d'offre active de services municipaux en français et en anglais dans trois quartiers : Saint-Boniface, Saint-Vital et Saint-Norbert. Certains postes ont été désignés « bilingues » et un conseiller municipal s'est vu confier la responsabilité du programme. La Ville a aussi décidé de participer à un programme de coordination des services fédéraux, provinciaux et municipaux dans les deux langues officielles.
Le leadership de Winnipeg devrait servir de modèle et d'inspiration à toutes les villes soucieuses d'offrir à leur communauté minoritaire de langue officielle des services dans sa langue.
Bell Canada
Au début du printemps 2002, Bell Canada a accédé à la demande de l'ACFO-Toronto et de la Commissaire de rétablir son service d'information (411) en français dans la région de Toronto (ce service avait préalablement été offert à titre d'essai). La décision de l'entreprise mérite d'être soulignée, car Bell Canada est allée encore plus loin et a étendu ce service à l'ensemble de la province.
ANNEXES
Annexe A - Liste des recommandations
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Recommandation 1
La Commissaire recommande au gouvernement de définir sans plus tarder son plan d'action sur les langues officielles et d'allouer le financement nécessaire à la mise en oeuvre des mesures qui seront prévues.
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Recommandation 2
La Commissaire recommande au premier ministre d'accorder au Groupe de référence ministériel sur les langues officielles un statut de comité permanent pour stimuler le leadership aux plus hauts niveaux et appuyer la mise en oeuvre du plan d'action sur les langues officielles.
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Recommandation 3
La Commissaire recommande au gouvernement de préciser la portée juridique de l'engagement prévu à l'article 41 de la Loi sur les langues officielles et de prendre les mesures nécessaires pour s'acquitter efficacement des responsabilités prévues par cette disposition.
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Recommandation 4
La Commissaire recommande au greffier du Conseil privé d'inclure les langues officielles au nombre de ses priorités stratégiques pour une période additionnelle de trois ans et d'en faire une priorité obligatoire pour tous les sous-ministres qui tardent à mettre en oeuvre le programme des langues officielles dans leur institution.
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Recommandation 5
La Commissaire recommande au gouvernement d'allouer des ressources adéquates pour que le Secrétariat du Conseil du Trésor puisse assumer pleinement son rôle de surveillance et d'évaluation des organismes fédéraux.
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Recommandation 6
La Commissaire recommande au gouvernement de veiller à ce que les lois et les politiques qui seront adoptées pour donner suite à l'exercice de modernisation de la gestion des ressources humaines contribuent à réaliser les objectifs de la Loi sur les langues officielles.
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Recommandation 7
La Commissaire recommande au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration d'élaborer des programmes d'appui en vue de mettre en oeuvre les dispositions linguistiques de la nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Ces programmes doivent promouvoir les communautés minoritaires de langue officielle à l'étranger et les aider à améliorer leur capacité d'accueil par des gestes concrets et vérifiables.
Annexe B - Carte des régions désignées bilingues aux fins de la langue de travail au Québec et en Ontario
Les fonctionnaires fédéraux ont le droit de travailler dans la langue officielle de leur choix dans l'ensemble du Nouveau-Brunswick, ainsi que dans certaines parties du Québec et de l'Ontario. Les cartes du Secrétariat du Conseil du Trésor ci-contre permettent de voir quelles sont ces régions du Québec et de l'Ontario désignées bilingues aux fins de la langue de travail. (RCN = région de la capitale nationale) | ![]() |
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NOTES
- Loi sur les langues officielles, L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 31, art. 66.
- Voir « La Charte : ciment de l'unité canadienne ou ferment de discorde ? », Les Cahiers du CRIC, no 5, Centre de recherche et d'information sur le Canada (CRIC), p. 8.
- Claude Ryan, « Les 20 ans de la Charte des droits et libertés : Un bilan favorable », dans Le Devoir, le 14 avril 2002, p. A11.
- Rosalie Silberman Abella, « The Future after Twenty Years under the Charter », présentation livrée le 20 avril à une conférence soulignant le 20e anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés, organisée par l'Association des études canadiennes, p. 1. ["Our constitutional entrenchment of the Charter was designed to both represent and create shared, unifying national values of compassion, generosity and tolerance."]
- Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, [1985] 1 R.S.C. 721, à 744.
- Le paragraphe 16(3) de la Charte se lit comme suit : « La présente charte ne limite pas le pouvoir du Parlement et des législatures de favoriser la progression vers l'égalité de statut ou d'usage du français et l'anglais. »
- L'article 23 de la Charte garantit les droits à l'instruction dans la langue de la minorité linguistique. Les citoyennes et citoyens canadiens dont la langue maternelle est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province ou du territoire où ils résident peuvent faire instruire leurs enfants dans la langue de la minorité.
- Commissariat aux langues officielles, Droits, écoles et communautés en milieu minoritaire (2001). On peut consulter les rapports d'étude du Commissariat ainsi que les rapports annuels de la Commissaire sur notre site Web à http://www.ocol-clo.gc.ca.
- Rapport 8, Les communautés de langue officielle en situation minoritaire nous ont dit...
- Rapport d'enquête concernant la diffusion et la disponibilité des débats et travaux de la Chambre des communes dans les deux langues officielles.
- Rapport 7, Air Canada : Les bonnes intentions ne suffisent pas!.
- Mise en place d'un régime d'application approprié de la Loi sur les langues officielles par la Société Air Canada.
- Cette série thématique, tenue au cours de l'hiver 2002, était organisée par le Centre canadien de gestion (CCG). Une conférence organisée par l'University of Saskatchewan, en novembre 2001, sur le rôle des agents parlementaires avait également fait ressortir des orientations semblables.
- Certaines des plus récentes sont présentées au chapitre 6.
- Loi sur les langues officielles (supra, note 1), art. 56(1).
- Lalonde c. Ontario, voir p. 97-98; Baie d'Urfé c. Québec (Procureur général), voir p. 100-101; Fédération Franco-Ténoise c. Canada, voir p. 103.
- Charlebois c. Ville de Moncton, 2001 NBCA 117.
- Commissariat aux langues officielles, Bilan national des services au public en français et en anglais : Un changement de culture s'impose (2001). Les résultats de cette étude ont été présentés dans le dernier rapport annuel (voir p. 75).
- À titre d'exemple, voir la section sur la Loi sur les contraventions, p. 59-60.
- Voir http://www.tbs-sct.gc.ca/Pubs_pol/opepubs/TB_B4/asd-dmps_f.html. Quigley et Canada (Chambre des communes), Cour fédérale, T-2395-00; audition à Halifax le 5 décembre 2001. La Cour n'avait toujours pas rendu son jugement au 31 mars 2002.
- CRTC Avis public 2001-115 (novembre 2001). Cette décision, qui entrera en vigueur en septembre 2002, vise toutes les entreprises de câblodiffusion par satellite, de même que les câblodistributeurs qui comptent plus de 2 000 abonnés.
- En août 2000, le ministre des Transports a demandé à Mme Debra Ward d'examiner les répercussions de la fusion Air Canada/Canadien international sur la population canadienne. Elle a déjà soumis des rapports provisoires et son rapport final est attendu à la fin de l'été 2002.
- Commissariat aux langues officielles, L'utilisation équitable du français et de l'anglais devant les tribunaux au Canada (1995). Le Commissariat a par la suite réalisé deux autres études : L'utilisation équitable du français et de l'anglais devant les tribunaux fédéraux et devant les tribunaux administratifs fédéraux qui exercent des fonctions quasi judiciaires (1999) et Les obligations des représentants de la Couronne fédérale en matière de langues officielles dans la province du Nouveau-Brunswick (2000).
- L'Ontario a depuis lors adopté des procédures administratives.
- R. c. Beaulac, [1999] 1 R.C.S. 768.
- Chartier, Richard (1998), Avant toute chose, le bon sens : un rapport et des recommandations sur les services en français au sein du gouvernement du Manitoba, Manitoba : Commissaire l'honorable juge Richard Chartier.
- Mémoire relatif à l'établissement d'une Cour provinciale bilingue itinérante en Saskatchewan, AJEFS et ACF, 26 novembre 2001.
- Canada (Commissaire aux langues officielles) c. Canada (Ministère de la Justice), [2001] CFPI 239.
- Commissariat aux langues officielles, Une haute fonction publique qui reflète la dualité linguistique canadienne (2002).
- Les fonctionnaires fédéraux ont le droit de travailler dans la langue officielle de leur choix au Nouveau-Brunswick, dans la région de la capitale nationale et dans certaines autres parties du Québec et de l'Ontario. Voir cartes en annexe.
- Cette table est organisée dans le cadre des recherches-actions du CCG. Ces dernières sont réalisées par des groupes de gestionnaires et d'experts réunis en tables rondes pour réfléchir à certains thèmes et mettre au point des outils pratiques qui viendront appuyer le travail des gestionnaires.
- Commissariat aux langues officielles, Le gouvernement du Canada et le français sur Internet (1999).
- Commissariat aux langues officielles, Le français sur Internet : au cœur de l'identité canadienne et de l'économie du savoir (2002).
- Commissariat aux langues officielles, Les langues officielles sur Internet : les sites de missions diplomatiques et d'organisations internationales (2002).
- Commissariat aux langues officielles, Les langues officielles dans le système sportif canadien (2000).
- http://www.pch.gc.ca/pgm/sc/pol/pcs-csp/index-fra.cfm
. Cette politique adoptée au printemps 2002 est issue d'une vaste consultation de la communauté sportive et des gouvernements territoriaux et provinciaux. Ces derniers ont élaboré, conjointement avec le gouvernement fédéral, des plans d'action pour encadrer la mise en oeuvre de la politique dans leur région.
- Commissariat aux langues officielles, L'immigration et l'épanouissement des communautés de langue officielle au Canada : politiques, démographie et identité (2002).
- Lalonde c. Ontario (Commission de restructuration des services de santé) (2001), 56 R.J.O. (3e) 577.
- Supra, note 6.
- Baie d'Urfé (Ville) c. Québec (Procureur général), [2001] J.Q. no 2954 (C.S.) [2001] J.Q. no 4821 (C.A.) et [2001] J.Q. no 4916 (C.A.).
- La Fédération franco-ténoise est partie à une action à cet effet. Dans un jugement rendu en juillet 2001 (Fédération Franco-Ténoise c. Canada, [2001] 3 C.F. 641 (C.A.)), la Cour d'appel fédérale a déclaré qu'elle n'avait pas juridiction pour entendre la cause. Les demandeurs ont déposé de nouvelles procédures devant la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest.
- CRTC, Vers un avenir mieux équilibré : Rapport sur les services de radiodiffusion de langue française en milieu minoritaire, février 2001.
- CRIC, janvier 2002.