ARCHIVÉE - Dyane Adam 2000-2001

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Rapport annuel 2000 - 2001


Le tissu social canadien

Symbole du tissu social canadien

Un tissu est fait de nombreux fils. Les citoyens et citoyennes de ce pays, parlant le français ou l'anglais et ayant des racines ethnoculturelles fort diverses, forment un tissu social que nous appelons le Canada.


Table des matières
Avant-propos

Sommaire

Chapitre 1 : Le leadership en matière de langues officielles

  • 1.1 Le leadership du Commissariat aux langues officielles
    • Cap sur le changement
    • La plainte comme outil de changement
    • Vers des solutions durables
    • Des consultations éclairantes, des priorités communes
    • Pour les jeunes : l'importance d'échanger
    • Sur la scène internationale : promouvoir l'expérience et les compétences du Canada
  • 1.2 Le leadership fédéral en voie de mobilisation
    • L'engagement du gouvernement : les heureux présages du dernier discours du Trône
    • Pour relancer l'application de la Loi
    • Le Comité des sous-ministres des langues officielles
    • Le Réseau des champions ministériels des langues officielles
    • Les conseils régionaux des hauts fonctionnaires fédéraux
    • Le leadership parlementaire
    • Une collaboration fructueuse entre le gouvernement et les communautés
  • 1.3 Le leadership provincial et territorial - quelques initiatives à souligner
  • 1.4 Conclusion

Chapitre 2 : Les transformations gouvernementales

  • 2.1 La dévolution de responsabilités
    • Vers les provinces : les ententes fédérales-provinciales sur le développement du marché du travail
    • Vers les territoires : le règlement des différends à l'Hôpital général de Whitehorse
    • Vers les provinces et les municipalités : la Loi sur les contraventions
    • Vers le secteur communautaire : la prestation de services par les communautés elles-mêmes
  • 2.2 Les privatisations
    • La privatisation des aéroports
  • 2.3 Les fusions municipales
    • En Ontario
    • Au Québec
  • 2.4 Conclusion

Chapitre 3 : Le développement communautaire

  • 3.1 L'engagement (inégal) du gouvernement fédéral
    • Fédération Franco-Ténoise et al. c. Sa Majesté la reine et al.
    • Une réorganisation administrative qui nuirait au développement et à l'épanouissement de la communauté minoritaire
    • La connaissance du français : insuffisant pour immigrer au Canada
    • Le développement des minorités ethnoculturelles francophones
  • 3.2 L'immigration et l'intégration des immigrants
    • Étude sur l'immigration et la dualité linguistique canadienne
    • Une approche holistique
  • 3.3 L'éducation
    • Le recrutement de l'effectif scolaire cible
    • Contestation judiciaire de la Loi sur l'éducation du Nouveau-Brunswick
    • Un palmarès scolaire qui cause des remous au Québec
  • 3.4 Les services de santé
    • Des efforts louables du côté de Santé Canada
    • L'Hôpital Montfort
  • 3.5 Les services municipaux
    • Charlebois c. Ville de Moncton et le Procureur général du Nouveau-Brunswick
  • 3.6 Les services de radiodiffusion
    • La distribution en mode numérique ouvre de nouvelles avenues
    • Les services de radiodiffusion en français à l'extérieur du Québec
    • L'engagement du CRTC à favoriser l'épanouissement des minorités
    • Le droit des Canadiens et des Canadiennes de suivre les débats de la Chambre des communes dans la langue officielle de leur choix
  • 3.7 Conclusion

Chapitre 4 : Études et enquêtes spéciales

  • 4.1 Les études et enquêtes
    • Bilan national des services au public en français et en anglais
      • Un changement de culture s'impose
      • Les principes directeurs qui devraient guider les institutions
    • Le prochain défi d'Air Canada : la fusion linguistique
      • La saga des filiales
      • Les services en vol
      • Les questions syndicales versus les services au sol dans les aéroports
      • Les communications dans la presse écrite
      • La langue de travail et la participation équitable
      • La nécessité de mettre en oeuvre une stratégie appropriée pour qu'Air
          Canada respecte ses obligations
    • Le français dans le sport de haut niveau
    • Les obligations linguistiques des représentants de la Couronne
    • Des services douaniers en français aux postes frontaliers ontariens
  • 4.2 Les suivis
    • Étude sur le gouvernement du Canada et le français sur Internet
    • Étude spéciale sur les services en français offerts par la Gendarmerie royale du Canada au Manitoba
    • Enquête sur le profil linguistique des postes de gendarmes au Nouveau-Brunswick
    • Étude sur les points de contrôle de sûreté préalable à l'embarquement dans les aéroports et les messages de sécurité à bord des avions
  • 4.3 Conclusion 

Chapitre 5 : Les préoccupations des citoyens et des citoyennes

  • 5.1 La Commissaire à l'écoute
    • Profil général des renseignements fournis
    • Interventions dans les médias
    • Participation à diverses activités publiques
    • Profil général des plaintes reçues
  • 5.2 Plaintes relatives à la prestation des services au public
    • L'attitude proactive du Conseil de contrôle des renseignements relatifs aux matières dangereuses
    • Un formateur qui ne maîtrisait pas suffisamment l'anglais
    • Les Jeux de la Francophonie et les Championnats du monde d'athlétisme
    • Les modifications à la Loi électorale du Canada
    • Les élections fédérales de novembre 2000?
    • Nuageux avec possibilité d'éclaircies au ministère de l'Environnement
  • 5.3 Plaintes relatives à la langue de travail des employés fédéraux
    • Des clients qui avaient leur voyage !
    • Quelques écarts chez Mesures Canada
    • Le cap vers l'anglais du Collège de la Garde côtière canadienne
  • 5.4 Plaintes relatives aux exigences linguistiques des postes
    • En Atlantique, on doit pouvoir conseiller en français
    • Des mesures correctives durables au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux
    • Via Rail - les profils dans l'Ouest canadien
  • 5.5 Plaintes relatives à l'égalité des chances d'avancement et d'emploi, et à la participation équitable des deux groupes linguistiques au sein de la fonction publique fédérale
    • La répartition linguistique de la fonction publique fédérale
    • La participation des anglophones au sein de la fonction publique fédérale au Québec
    • Les employés anglo-québécois de la Société canadienne des postes
    • Les chances égales d'emploi au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international
  • 5.6 Conclusion

Le mot de la fin

Annexe

Avant-propos

Le mandat de la Commissaire lui est conféré par la Loi sur les langues officielles (ci-après la Loi). Il lui incombe de :

Prendre, dans le cadre de sa compétence, toutes les mesures visant à assurer la reconnaissance du statut de chacune des langues officielles et à faire respecter l'esprit de la présente loi et l'intention du législateur en ce qui touche l'administration des affaires des institutions fédérales, et notamment la promotion du français et de l'anglais dans la société canadienne. (art. 56)

Tous les ans, la Commissaire aux langues officielles rend compte de ses activités dans un rapport présenté au Parlement. Exceptionnellement cette année, la publication du rapport annuel coïncide avec la publication d'un bilan préparé à l'occasion du 30e anniversaire du Commissariat aux langues officielles, intitulé Nos langues officielles : pour finir un siècle et commencer un millénaire.

Un long chemin a été parcouru depuis la parution du tout premier rapport du premier Commissaire en 1971. Inscrite dans la Charte canadienne des droits et libertés (ci-après la Charte), la dualité linguistique est incontestablement une valeur fondamentale du Canada. Elle se traduit par une panoplie de responsabilités gouvernementales et institutionnelles, de politiques et de programmes. En l'espace de trente ans, d'immenses progrès ont été réalisés. En dépit des controverses que le bilinguisme officiel a parfois provoquées, le paysage linguistique de la société canadienne s'est véritablement transformé. Le nombre de Canadiens et de Canadiennes bilingues a doublé. Les mentalités ont changé elles aussi : les nombreux avantages de la politique canadienne sur les langues officielles sont devenus une source de fierté pour la majorité des citoyens et citoyennes du pays, même chez ceux qui sont unilingues.

Pourtant, même si les droits linguistiques de la population canadienne sont enchâssés dans la Constitution et clairement énoncés dans la Loi sur les langues officielles, les rapports successifs des commissaires ont fait état de nombreuses difficultés dans l'application de la Loi. C'est encore vrai cette année. Certaines institutions fédérales font bien peu de cas des lacunes signalées par le Commissariat aux langues officielles et la légèreté avec laquelle plusieurs d'entre elles accueillent souvent ses recommandations doit cesser. Comme ce rapport le démontrera, la Commissaire entend employer différents moyens pour y parvenir.

Ce 30e rapport annuel s'inscrit dans la foulée du précédent, tant par sa forme que par son contenu. Il traite des dossiers qui ont retenu l'attention de la Commissaire Dyane Adam au cours de l'exercice 2000-2001. Il situe les enjeux, présente les nouveaux développements et décrit les principales interventions de la Commissaire et de son équipe. Un recensement de leurs interventions figure en annexe. Le compte-rendu et les aspects administratifs de l'ensemble des activités du Commissariat sont décrits en détail dans deux rapports distincts : le Rapport sur les plans et les priorités et le Rapport sur le rendement {1}.

Les dossiers les plus significatifs sont présentés sous cinq grands thèmes, abordés tour à tour dans les prochains chapitres : le leadership en matière de langues officielles (chapitre 1); l'impact des transformations gouvernementales sur les droits linguistiques (chapitre 2); le développement des communautés minoritaires (chapitre 3); les études et enquêtes spéciales (chapitre 4); et les préoccupations des citoyens et des citoyennes (chapitre 5).

« L'importance des droits en matière linguistique est fondée sur le rôle essentiel que joue la langue dans l'existence, le développement et la dignité de l'être humain. C'est par le langage que nous pouvons former des concepts, structurer et ordonner le monde autour de nous. Le langage constitue le pont entre l'isolement et la collectivité, qui permet aux êtres humains de délimiter les droits et obligations qu'ils ont les uns envers les autres et, ainsi, de vivre en société. »


(Cour suprême du Canada,
Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, 1985)


Sommaire

C'est avec comme toile de fond le 30e anniversaire du Commissariat aux langues officielles que la Commissaire, Mme Dyane Adam, présente son deuxième rapport annuel couvrant la période du 1er avril 2000 au 31 mars 2001. En plus de rendre compte des principales activités menées par le Commissariat au cours du dernier exercice financier, ce rapport réaffirme l'approche renouvelée et la mission d'agent de changement que s'est donnée la Commissaire Adam dans le domaine des langues officielles.

Si le premier rapport de la Commissaire avait servi à poser un diagnostic et à lancer un cri d'alarme face à l'érosion lente mais cumulative des droits linguistiques, il faut reconnaître que l'appel semble avoir été entendu et compris par le gouvernement fédéral à qui la Commissaire avait reproché un manque flagrant de leadership. Le dernier discours du Trône a en effet signalé le début d'une mobilisation politique attendue qui a également trouvé écho au sein de la haute direction de la fonction publique avec l'annonce du greffier du Conseil privé que les langues officielles constituent l'une de ses cinq priorités stratégiques. Les ingrédients sont maintenant en place pour rectifier le tir et passer à une mise en œuvre efficace de l'ensemble du programme des langues officielles.

Mais, malgré ces signes encourageants, beaucoup reste à faire afin de redresser les torts causés par des années de compressions budgétaires, de restructurations gouvernementales et, plus généralement, par un laisser-aller politique. Aussi, la Commissaire Adam reste-t-elle prudente et aux aguets en attendant que le gouvernement précise ses intentions et dévoile un plan d'action qui comporte des objectifs clairs, un train de mesures ciblées et des mécanismes de concertation. Pour la mise en œuvre de ce plan, le gouvernement doit mobiliser rapidement l'ensemble des intervenants et se doter de ressources adéquates, afin d'atteindre des résultats concrets, durables et mesurables.

Ce plan devrait viser la pleine mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles au sein de toutes les institutions fédérales. Les institutions doivent prendre conscience que la Loi sur les langues officielles s'applique non seulement à leur fonctionnement quotidien, tant sur le plan de la langue de travail que de la langue de service, mais aussi au rôle qu'elles jouent dans la promotion du français et de l'anglais au sein de la société canadienne et dans l'appui au développement des communautés minoritaires de langue officielle. La dualité linguistique se pave peut-être de bonnes intentions mais, chose certaine, elle se cimente par des gestes concrets et des résultats tangibles.

L'heure de la responsabilisation à tous les paliers du gouvernement a sonné. Il importe que le gouvernement se dote rapidement d'une politique qui garantira que les transformations gouvernementales et les transferts de responsabilités ne portent pas atteinte aux droits linguistiques acquis à la population. Son leadership devrait s'intensifier de telle sorte qu'il puisse profiter de ces occasions pour consolider la dualité linguistique au moyen d'une politique axée sur le principe de l'égalité des chances, de l'imputabilité et du respect des droits linguistiques acquis, soutenue par des ressources adéquates. S'il ne le fait pas, il laissera derrière lui non seulement une série d'occasions manquées, mais, pire encore, l'image d'un gouvernement qui ne soutient pas activement l'une des valeurs les plus fondamentales du pays.

Le gouvernement doit également donner l'exemple par une action concertée avec ses homologues provinciaux et territoriaux qui sont aussi appelés à soutenir la progression vers l'égalité du français et de l'anglais dans la société canadienne, ainsi qu'à appuyer le développement des communautés minoritaires de langue officielle. Cette concertation est impérative, car le développement et l'épanouissement des communautés minoritaires de langue officielle dépendent de trop de facteurs, comme l'éducation, l'immigration, les services municipaux, les services de santé et la radiodiffusion, pour que le leadership isolé de quelques institutions puisse leur servir de véritable soutien. Lorsqu'il est dit que le gouvernement doit s'acquitter pleinement de ses responsabilités en vertu de la Loi sur les langues officielles, ceci implique aussi qu'il respecte la Partie VII de la Loi qui statue que le gouvernement doit s'engager à favoriser l'épanouissement des minorités de langue officielle, à appuyer leur développement et à promouvoir la reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne.

La dualité linguistique et le bilinguisme officiel exigent des efforts qui nécessitent d'être soutenus et stimulés par un solide leadership, tant politique que communautaire. Plusieurs communautés minoritaires de langue officielle font ainsi preuve de leadership, resserrant les liens entre elles, élargissant leurs réseaux, s'ouvrant aux immigrants et aux autres communautés qui les entourent. Ce réseautage permet de briser leur isolement et contribue grandement à leur développement social et économique. Il est essentiel et doit continuer à s'étendre et à recevoir un appui ferme.

Les lacunes et les incidents rapportés cette année démontrent encore une fois l'existence de problèmes systémiques dans l'application de la politique canadienne sur les langues officielles. Les études approfondies qui sont entreprises pour en identifier la source et les causes mènent habituellement à la même conclusion : la résistance ou l'indifférence de l'institution visée par les plaintes empêche la mise en place de solutions durables. Une fois de plus, la réponse à ce dilemme se résume en trois mots-clés : leadership, engagement et responsabilité.

Il faut, par la concertation entre le leadership politique et administratif, amener un changement de culture en profondeur au sein des institutions. Le devoir d'offrir des services de qualité équivalente dans les deux langues officielles devra se retrouver au cœur de l'éthique de la fonction publique fédérale. Ce devoir tire sa source dans le respect de la spécificité de toutes les communautés francophones et anglophones, où qu'elles soient au pays. Tous les services offerts, dans les domaines du transport aérien, de la sécurité d'État, du sport de haut niveau et des communications par Internet par exemple, s'ils reflétaient la dualité linguistique, ne pourraient que contribuer à la cohésion nationale.

Dans l'ensemble, ce rapport lance au gouvernement le défi de joindre l'action à la parole et de donner le coup de barre nécessaire afin de renverser les effets de l'érosion cumulative qu'ont connue les droits linguistiques au cours des dernières années. Il enjoint également au gouvernement de respecter non seulement la lettre de la Loi sur les langues officielles, mais aussi son esprit. Si le premier rapport de la Commissaire a poussé l'appareil fédéral à amorcer un virage dans la bonne direction, il importe que ce deuxième rapport l'incite à des actions vigoureuses dans un proche avenir. Le train a sifflé. Voyons maintenant s'il quittera la gare !


Chapitre 1 - Le leadership en matière de langues officielles

Problème : Dans son rapport annuel d'octobre 2000, la Commissaire aux langues officielles a fait le constat d'une situation inacceptable découlant d'un manque flagrant de leadership du gouvernement fédéral dans la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles. Dans le discours du Trône du 30 janvier 2001, le gouvernement a renouvelé son engagement à mobiliser l'appareil fédéral. Il y a plusieurs signes que des réflexions sont en cours au sein de l'administration publique. Cependant, il importe que des actions concrètes et immédiates soient prises pour que cette relance devienne une réalité.

Principe : Le gouvernement fédéral doit montrer sa fierté envers les langues officielles du Canada et être un modèle d'application de la Loi, tant pour les autres paliers de gouvernement que l'ensemble de la société canadienne, afin de démontrer la richesse que nous procure la dualité linguistique comme composante fondamentale du tissu social canadien.

Action : L'engagement du discours du Trône du 30 janvier 2001 devrait être suivi d'un plan d'action qui présente une stratégie claire et des actions ciblées, accompagné de ressources appropriées. Ce plan, doté de mécanismes de concertation, permettra de mobiliser véritablement l'appareil fédéral et de donner un véritable coup de barre en matière de langues officielles.

Mme Dyane Adam a été nommée Commissaire aux langues officielles en 1999. Pour elle, les objectifs de la Loi sur les langues officielles ne seront vraiment atteints que lorsque le français et l'anglais parviendront à une égalité réelle au sein des institutions fédérales et dans l'ensemble de la société canadienne.

La dualité linguistique témoigne d'un engagement d'envergure qui touche non seulement à la promotion de l'égalité des deux langues officielles dans l'ensemble du pays, mais aussi à la qualité des services offerts au public en français et en anglais, à la capacité de travailler dans la langue de son choix dans la fonction publique, à la participation équitable des deux groupes linguistiques dans la fonction publique, au développement communautaire des minorités linguistiques ainsi qu'à l'accès à des services de santé et à des systèmes d'éducation dans les deux langues officielles.

Un tel engagement nécessite la participation pleine et entière de l'ensemble de l'État. Dans son premier rapport annuel publié l'an dernier, la Commissaire a vivement dénoncé les résistances administratives et politiques qui freinent la mise en œuvre de la Loi. Elle a réclamé avec fermeté que le gouvernement fédéral prenne les mesures vigoureuses qui s'imposent.

S'il est nécessaire, le leadership politique ne suffit pas à pousser l'appareil gouvernemental à modifier sa culture organisationnelle. Il ne peut, à lui seul, donner un statut réellement équivalent aux deux langues officielles au sein de notre société. L'effort doit être collectif. Il doit mobiliser les protagonistes de tous les secteurs de la fonction publique fédérale, car c'est à eux que revient l'ultime responsabilité d'atteindre les objectifs de la Loi. Pour que l'égalité des deux langues au sein de notre société devienne tangible, cet objectif doit aussi interpeller les citoyens et les citoyennes de toutes les provinces ainsi que leurs gouvernements. Sans leur appui, les communautés minoritaires éprouveront toujours des difficultés à se développer et à s'épanouir pleinement.

Les paragraphes qui suivent brossent un portrait du leadership assumé au cours du dernier exercice par les principales autorités agissant sur la scène canadienne des langues officielles : le Commissariat aux langues officielles, l'administration fédérale, et les gouvernements provinciaux et territoriaux.

1.1 Le leadership du Commissariat aux langues officielles

 Cap sur le changement

Mme Adam a pris les rênes du Commissariat résolue à son tour à tout mettre en œuvre pour faire respecter la Loi sur les langues officielles. De façon particulière, elle incite l'administration fédérale à prendre le virage requis pour remplir adéquatement ses obligations linguistiques. Elle tente aussi de convaincre les provinces et les territoires de se joindre à la marche vers l'égalité réelle du français et de l'anglais au pays.

La Commissaire continuera d'exercer son rôle traditionnel d'ombudsman avec vigilance, mais elle compte élargir le cadre de ces fonctions de protecteur pour assumer davantage de fonctions d'éducateur. Elle désire mieux informer la population canadienne de ses droits et consolider la place de la dualité linguistique au cœur de l'identité canadienne.

Au cours des derniers mois, la Commissaire et son équipe se sont particulièrement efforcées d'être des « agents de changement ». Cet effort leur a permis de se rallier autour d'une vision et d'une mission communes :

Vision. Nous nous engageons à ce que le Canada consacre l'égalité du français et de l'anglais comme une valeur fondamentale du pays et tire une juste fierté de la vitalité de ses collectivités de langue officielle.

Mission. En tant qu'agent de changement et bureau d'ombudsman, le Commissariat aux langues officielles a comme mission de prendre toutes les mesures voulues pour la réalisation des trois grands objectifs de la Loi sur les langues officielles, soit :

  • l'égalité du français et de l'anglais au sein du Parlement, du gouvernement du Canada, de l'administration fédérale et des institutions assujetties à la Loi;
  • le maintien et l'épanouissement des collectivités de langue officielle au Canada;
  • l'égalité du français et de l'anglais dans la société canadienne.
La plainte comme outil de changement

Lorsqu'une plainte fondée est portée à son attention, la Commissaire ne doit pas se limiter à constater la violation de droits linguistiques. Les enquêtes et la résolution des plaintes doivent aller à la racine même de l'infraction pour que le problème soit réglé de façon définitive. Dans une affaire entendue par les tribunaux, la Cour fédérale d'appel a décrit le rôle de la Commissaire en ces termes :

« La Commissaire se voit reconnaître un pouvoir d'intervention tout à fait inhabituel et le Parlement lui dicte expressément, lorsqu'elle reçoit une plainte, d'aller au fond des choses et de ne pas se contenter d'examiner la légalité technique des choses par l'administration qui a fait l'objet de la plainte{2} ».

Les centaines de plaintes qui sont déposées chaque année peuvent catalyser des changements. Le législateur a conféré à la Commissaire un éventail de pouvoirs pour inciter les institutions fédérales à se conformer aux dispositions de la Loi sur les langues officielles. Le principal outil de la Commissaire demeure la recommandation. Si des manquements perdurent, la Loi prévoit que la Commissaire peut les porter à l'attention du Conseil du Trésor, assurer un suivi, soumettre un rapport au gouverneur en conseil et au Parlement, ou encore intervenir devant la Cour fédérale.

Pour résoudre des problèmes particulièrement complexes, une étude approfondie de leurs causes et de leurs ramifications peut s'avérer judicieuse. La Commissaire entend vouer davantage de ressources à de telles études. Celles-ci permettent d'explorer des avenues novatrices qui aboutissent souvent à des solutions efficaces parce qu'elles visent à résoudre le problème à sa source. Les plus récentes enquêtes et études spéciales de la Commissaire sont résumées au chapitre 4.

Vers des solutions durables

De nombreuses plaintes sont répétitives, à tel point qu'on peut soupçonner certaines institutions d'être aux prises avec des problèmes systémiques qui les empêchent de s'acquitter adéquatement de leurs responsabilités en matière linguistique. Là où le processus usuel échoue, comment persuader les institutions d'adopter des mesures correctives permanentes ?

Face à des plaintes récurrentes, la Commissaire entend consulter les plaignants et les institutions visés, pour discuter avec eux de la possibilité d'utiliser de nouvelles méthodes susceptibles d'apporter des solutions permanentes. L'une des approches proposées pourrait consister à favoriser une plus grande participation des institutions fédérales à la recherche de remèdes, pour qu'elles se responsabilisent davantage à l'égard de la permanence de la solution. Une autre approche qui pourrait être considérée est la facilitation. La Commissaire pourrait songer à y recourir lorsque les voies habituelles se seront avérées sans issue. Si les circonstances s'y prêtent et si le plaignant et l'institution en cause y consentent, un expert en facilitation pourrait être chargé d'aider les parties à s'entendre sur une solution pratique, conforme à la Loi. La Commissaire sera disposée à envisager l'utilisation de toute autre méthode valable qui pourrait être suggérée par les parties intéressées lors des consultations.

Il est entendu que les solutions adoptées dans le cadre d'une participation accrue des institutions, d'une facilitation, ou de toute autre méthode valable, devront être conformes aux exigences de la Loi. Ces nouvelles approches ne porteront jamais préjudice au droit d'un plaignant d'exercer un recours judiciaire s'il en est insatisfait.

Les enquêteurs recevront tous une formation en techniques de négociation. Ce programme leur permettra de perfectionner leur aptitude à obtenir la coopération de leurs interlocuteurs en les incitant à participer activement à la recherche d'une solution durable. Venant appuyer leurs efforts, un groupe d'agents de liaison a été créé pour encourager l'ensemble des institutions fédérales à se soumettre volontairement aux dispositions de la Loi. Ils entameront des discussions avec les institutions pour simplifier le processus de résolution des plaintes. Plus généralement, le groupe élaborera des stratégies pour resserrer la collaboration entre la Commissaire et les institutions.

Des consultations éclairantes, des priorités communes

De février à août 2000, la Commissaire s'est adonnée à un vaste exercice de consultation pancanadien. Des rencontres ont été organisées dans 20 villes de toutes les régions du pays. Plus de 500 personnes y ont participé, rassemblées en 51 groupes s'intéressant aux langues officielles{3}. Les thèmes abordés étaient variés, mais les discussions ont surtout porté sur le rôle des principaux protagonistes (Commissaire aux langues officielles, gouvernements fédéral et provinciaux); les futurs grands enjeux; les voies à emprunter pour améliorer le statut des deux langues officielles; l'enseignement dans la langue de la minorité et l'apprentissage du français et de l'anglais comme langues secondes; et la situation des communautés francophones et anglophones minoritaires au Canada.

Ces consultations ont contribué à façonner une liste de Priorités stratégiques, qui identifie les dossiers phares sur lesquels la Commissaire compte concentrer ses énergies{4} :

  • Le développement communautaire, y compris l'immigration, la santé et les services sociaux.
  • La qualité des services au public canadien.
  • La langue de travail dans la fonction publique fédérale.
  • La dualité linguistique canadienne sur le plan international, y compris Internet.
  • L'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.
  • L'égalité du français et de l'anglais dans la société canadienne, y compris la transformation de l'opinion publique et la question de la capitale nationale.
  • Le régime gouvernemental d'application de la Loi, y compris le renforcement du leadership politique et administratif et la transformation de la culture de la fonction publique fédérale.
  • La jeunesse.

Pour les jeunes : l'importance d'échanger

En novembre 2000, la Commissaire a profité de la tenue du Parlement Jeunesse, à Winnipeg, pour recueillir les opinions de jeunes francophones sur les sujets susmentionnés. Les participants, qui provenaient des provinces et territoires de l'Ouest et du Nord, ont indiqué qu'ils souhaitent vivement préserver et affirmer leur caractère distinct, mais ont ajouté qu'ils se sentent marginalisés. Ils ont besoin de se sentir fiers, inclus, et de tisser des liens entre eux. À cet égard, ils ont noté qu'Internet ne remplacerait jamais les grands rassemblements. Ils estiment qu'il incombe au gouvernement fédéral de promouvoir les deux langues officielles par des programmes concrets qui encouragent les échanges. Selon eux, la majorité anglophone devrait être davantage sensibilisée à la dualité linguistique et à la valeur ajoutée qu'apporte le fait français au Canada.

La Commissaire a également rencontré de jeunes étudiants anglophones de l'Université du Manitoba. Pour eux, la dualité linguistique est une partie intégrante des valeurs canadiennes. Ils considèrent important de connaître le français, ne serait-ce que pour contribuer à l'unité du pays. Ils estiment également que le gouvernement fédéral doit accroître son appui au développement et à l'épanouissement des communautés francophones vivant en situation minoritaire. À leur avis, le gouvernement fédéral devrait investir plus de ressources dans les programmes favorisant l'apprentissage et le maintien du français, tels les programmes d'immersion et d'échanges.

À ce sujet, il convient de souligner que le Programme de bourses d'été de langues fête son 30e anniversaire cette année. Lancé en 1971, ce programme fédéral donne aux jeunes Canadiens et Canadiennes l'occasion d'apprendre le français ou l'anglais langue seconde, ou, dans le cas des minorités francophones, de perfectionner leur langue maternelle. Plus de 190 000 jeunes y ont participé à ce jour. La Commissaire encourage fortement le ministère du Patrimoine canadien à mieux faire connaître ce programme au public, car il apporte une précieuse contribution à la dualité linguistique et à l'unité canadienne.

Sur la scène internationale : promouvoir l'expérience et les compétences du Canada

La Commissaire est également présente au sein de l'Institut international des ombudsmans et de l'Association des ombudsmans et médiateurs de la Francophonie, où elle est chargée de la coordination régionale (Amériques-Antilles).

Avec ses deux langues officielles et sa grande expérience en matière d'aménagement linguistique, le Canada peut jouer un rôle de premier plan à l'étranger dans le domaine de la dualité linguistique. En sa qualité d'ombudsman, la Commissaire a valorisé cette expertise canadienne lors de rencontres internationales au cours de l'exercice 2000-2001. Elle y a prôné l'attachement du Canada aux valeurs démocratiques et au respect de ses communautés de langue officielle.

La Commissaire entend faciliter le développement de telles collaborations internationales afin de permettre au Canada de jouer un rôle à la hauteur de ses compétences, comme il le fait déjà dans le domaine de l'autoroute de l'information. Les possibilités sont nombreuses et variées, car la dualité linguistique est pertinente à plus d'un égard, selon qu'on en souligne le caractère politique, démocratique, légal, économique, social ou culturel. La valeur économique ajoutée de cette « industrie » canadienne des langues officielles ne doit pas être négligée.

Parallèlement, la Commissaire fait valoir le visage francophone du Canada à l'étranger. Elle a ainsi resserré les liens avec certains organismes internationaux francophones, comme la Délégation générale de la langue française et l'Agence universitaire de la Francophonie.

Dans le cadre du Sommet des Amériques, la Commissaire est intervenue auprès des autorités canadiennes afin de promouvoir la place du français au sein de cette zone d'échange économique. Elle a insisté sur l'importance de reconnaître dans les faits la place des deux langues officielles du Canada, particulièrement dans les nouvelles technologies de l'information. L'importance pour le gouvernement de promouvoir la place du français dans la zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) a aussi fait l'objet d'un rapport fort pertinent du Conseil de la langue française du Québec{5}.

1.2 Le leadership fédéral en voie de mobilisation

L'engagement du gouvernement : les heureux présages du dernier discours du Trône

Les élections fédérales de novembre 2000 n'ont pas provoqué de grands débats concernant les langues officielles, les politiciens ayant bien peu discuté des principaux enjeux linguistiques durant la campagne. Si les questions linguistiques sont demeurées largement absentes des débats électoraux, la plate-forme du parti vainqueur contenait toutefois une section sur les langues officielles. On y traitait de promotion, de transformation de la culture organisationnelle et d'immersion française. La période postélectorale a été le théâtre de plusieurs initiatives encourageantes, qui ont culminé avec le discours du Trône du 30 janvier 2001. On y trouve l'énoncé le plus important jamais prononcé depuis quinze ans dans un tel discours :

« La dualité linguistique du Canada est au cœur de notre identité canadienne et constitue un élément clé de notre société dynamique. La protection et la promotion de nos deux langues officielles sont une priorité du gouvernement, d'un océan à l'autre. Le gouvernement renouvellera son engagement à l'égard de communautés minoritaires de langue officielle viables et du renforcement de la culture et de la langue françaises, tout en mobilisant ses efforts pour que tous les Canadiens puissent communiquer avec le gouvernement dans la langue officielle de leur choix. »

Ces paroles doivent absolument donner le ton aux années à venir afin de pousser toutes les institutions fédérales à concrétiser davantage leur engagement en vue d'appuyer activement le développement des minorités linguistiques, de renforcer la culture et la langue françaises, et de promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage des deux langues officielles dans la société canadienne. Malgré les signes encourageants et les bonnes intentions manifestées par le gouvernement, il y a lieu de rester vigilant car ce n'est pas parce que le train siffle qu'il a déjà quitté la gare.

Nous comptons sur vous Monsieur Chrétien

La réalisation des objectifs de la politique canadienne des langues officielles exige une approche concertée de la part des diverses composantes de l'État canadien. Le cadre de gestion de la collaboration intergouvernementale doit être revu pour s'assurer que l'ensemble des gouvernements concertent leurs efforts afin de s'acquitter de leurs responsabilités linguistiques.

Par « responsabilités », nous entendons d'abord l'obligation du gouvernement et du Parlement dans son ensemble de rendre compte du respect et de la mise en œuvre des obligations linguistiques inscrites dans la Constitution, dans la Loi, dans les autres textes législatifs et réglementaires ainsi que dans les politiques. Ces responsabilités comprennent donc le leadership ou l'engagement, une action concertée, la reddition de comptes et la promotion des langues officielles.

Il est évident que ces responsabilités forment un tout et qu'il est difficile de concevoir, par exemple, une reddition de comptes efficace, une coordination articulée ou un programme de communications dynamique sans un leadership engagé. Il importe d'investir chaque membre du cabinet fédéral d'un sens renouvelé de la priorité qu'il faut accorder à la progression vers l'égalité linguistique. Le gouvernement fédéral doit donner l'exemple et soutenir une action concertée des législatures et gouvernements provinciaux, interpellés à œuvrer aussi à la progression vers l'égalité. Il faut pour cela se doter des moyens adéquats.

La notion même de la responsabilité ministérielle repose sur la prémisse d'un contrôle effectif des moyens pour atteindre les finalités prévues par les lois et les politiques. Cela explique en partie aussi la difficulté que les gouvernements éprouvent à gérer des questions horizontales ou thématiques engageant simultanément la responsabilité de plusieurs ministres. À plus forte raison quand, dans un régime fédéral, il s'agit d'orchestrer l'action de plusieurs paliers de gouvernement pour qu'ils s'acquittent efficacement de leurs responsabilités linguistiques. Il importe donc de mettre en place des mécanismes de responsabilisation et de mise en œuvre efficace de l'ensemble des programmes de langues officielles au sein de l'appareil fédéral, et d'assurer aussi, par l'entremise d'un centre de responsabilité fort au Bureau du Conseil privé, une coordination efficace de la collaboration intergouvernementale.

Pour relancer l'application de la Loi

D'emblée, il faut reconnaître l'importance des changements survenus au cours des trente dernières années dans le domaine des langues officielles, soit depuis l'entrée en vigueur de la première Loi en la matière. Cependant, au cours de la dernière décennie, la lutte au déficit, des changements apportés par les transformations gouvernementales, y compris la réorganisation des programmes, les privatisations et les dévolutions de programmes, ainsi que les efforts de simplification des systèmes de responsabilisation ont entraîné une érosion cumulative importante des droits linguistiques. Ces transformations ont eu un impact grave sur les communautés vivant en situation minoritaire car leur développement économique, social, culturel et éducatif n'a pas fait partie des processus décisionnels du gouvernement. Leur situation était déjà trop fragile pour pouvoir supporter un tel délestage des obligations linguistiques de l'État, et le Canada tout entier en est appauvri.

Le gouvernement doit faire le bilan des réalisations et des défis à relever, s'inspirer des travaux de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme et viser la pleine mise en œuvre des droits reconnus dans la Charte canadienne des droits et libertés de 1982 et la Loi sur les langues officielles de 1988. Voici quelques pistes que nous développerons davantage au cours de l'année.

L'orientation stratégique du gouvernement doit miser sur l'égalité des chances, soit celle de l'égalité de statut des communautés francophone et anglophone et le droit de chacune d'elles à des établissements distincts, notamment en matière d'enseignement et de culture. Pour atteindre cet objectif, il faudrait que le gouvernement reconnaisse les inégalités des communautés linguistiques au même titre qu'il a reconnu les inégalités régionales en prévoyant à l'article 36 de la Loi constitutionnelle de 1982 le principe de la péréquation pour remédier à de telles inégalités. En effet, pour se développer et s'épanouir, les communautés de langue officielle ont besoin de lieux, d'espaces, d'institutions dans lesquels elles peuvent exprimer leur culture et leurs particularités.

En ce qui concerne les services au public, il faut que les responsables à tous les niveaux soient tenus de remédier au fait que les Canadiennes et les Canadiens ont, en moyenne, sept chances sur dix d'être servis dans la langue officielle de leur choix et une chance sur cinq de se faire offrir activement un tel choix. Le gouvernement pourrait aussi, entre autres, tirer parti des nouvelles technologies et créer des centres de services intégrés dans la langue de la minorité. Ces centres regrouperaient les services des divers paliers de gouvernement et pourraient rejoindre, grâce aux technologies modernes, les plus petites communautés en s'appuyant sur la présence d'une communauté minoritaire organisée en réseaux.

Pour ce qui est de la langue de travail, on doit mettre davantage l'accent sur les aspects « dynamiques », et notamment psychologiques et comportementaux, plutôt que sur les aspects purement linguistiques de la problématique en recourant à plus d'outils tirés de la panoplie des sciences sociales (sondages, groupes témoins, observations directes, etc.) afin de mieux saisir la réalité quotidienne.

La réalisation des engagements de la Partie VII de la Loi est la responsabilité de l'ensemble des institutions fédérales et chacune d'elles devrait se doter d'un régime d'application et de ressources adéquates à cette fin. Il faudrait aussi repenser l'approche pour adapter à chaque secteur de développement (soit le développement économique, le développement culturel et des communications, le développement social et de la santé et le développement des ressources humaines), et veiller à y intégrer un volet régional ou provincial. À cette fin, les dispositions de l'article 45 de la Loi ouvrent la voie à une vision plus large des consultations et négociations avec les provinces en vue d'assurer la coordination des services fédéraux, provinciaux, municipaux ainsi que ceux liés à l'instruction.

Cette esquisse stratégique part du principe que les langues officielles sont une valeur fondamentale de la société canadienne et que la pleine mise en œuvre de l'ensemble des objectifs de la Loi doit être au cœur des préoccupations des autorités publiques. Un engagement clair et constant du gouvernement fédéral envers ces objectifs doit se traduire par des actions concrètes et visibles dans les activités quotidiennes de l'appareil gouvernemental.

De nombreuses institutions doivent absolument changer leur culture interne et placer les objectifs de la Loi aux tout premiers rangs de leurs priorités. Elles se bornent souvent à accomplir le strict minimum pour s'acquitter de leurs obligations. Un grand remue-ménage est nécessaire pour qu'elles intègrent leurs responsabilités linguistiques à leurs opérations quotidiennes. Beaucoup reste à faire, notamment en regard des résultats peu reluisants du Bilan national des services au public en français et en anglais, rapportés au chapitre 4.

Malgré tout, et bien qu'il soit trop tôt pour poser un jugement définitif, plusieurs signes prometteurs semblent indiquer que l'administration fédérale a amorcé un virage dans la bonne direction. Les paragraphes qui suivent présentent une série d'initiatives dont la Commissaire applaudit les progrès.

Le Comité des sous-ministres des langues officielles

La Commissaire est heureuse de constater que les langues officielles sont l'une des cinq priorités autour desquelles le greffier du Conseil privé a articulé ses objectifs stratégiques pour l'année à venir.

Le greffier avait renouvelé le mandat du Comité des sous-ministres des langues officielles en 1999. La Commissaire a rencontré le Comité en juin 2000 pour discuter de l'importance d'un plus grand leadership dans la mise en œuvre de la Loi, puis en septembre 2000 pour explorer les pistes d'actions concrètes. Au cours du dernier exercice, le Comité a servi de tribune où les mandarins fédéraux ont pu discuter de façon constructive des grands enjeux relatifs aux langues officielles. Plusieurs sous-ministres ont amorcé une réflexion sur le bilan et l'avenir des langues officielles, trente ans après l'adoption de la Loi. Cependant, il importe que tout ce processus de réflexion aboutisse à des actions concrètes dans un proche avenir. Il est urgent que les efforts de concertation horizontale débouchent sur des décisions significatives, des actions et des changements tangibles.

Le Comité a adopté quatre priorités : la santé, la langue de travail, le français sur Internet et la vision des langues officielles. Les dossiers de la santé, du français sur Internet et du renouvellement de la vision gouvernementale ont connu certains progrès au cours du dernier exercice. Nul doute que la langue de travail au sein de la fonction publique est le dossier qui posera le plus grand défi au Comité. Le problème est tel que la Commissaire a entrepris une étude spéciale sur le sujet, dont les premiers résultats et pistes d'action devraient être rendus publics dans les mois à venir.

Le Réseau des champions ministériels des langues officielles

Depuis 1998, un membre de la haute direction de toutes les institutions fédérales agit comme « champion des langues officielles » de son organisation. Directement responsables devant leur sous-ministre, ces cadres supérieurs jouent un rôle capital : ils doivent veiller à ce que leur ministère respectif s'acquitte de ses engagements en matière de langues officielles.

Les membres de ce réseau se réunissent chaque année pour discuter des enjeux de la mise en œuvre de la Loi. Leur dernière rencontre, qui a eu lieu en novembre 2000, leur a permis de discuter de la « vision renouvelée » du programme des langues officielles, de ses forces et de ses faiblesses, et d'identifier les défis qui devront être relevés au cours des cinq prochaines années.

Les ressources ministérielles consacrées à la gestion des langues officielles ont grandement diminué au cours de la dernière décennie. La direction des langues officielles de plusieurs ministères a été réduite à une seule personne, dont le statut hiérarchique est devenu nettement inférieur à ce qu'il a été dans le passé. Leur capacité de veiller à la mise en œuvre des langues officielles dans leur ministère en a été sérieusement compromise. L'arrivée en scène du Réseau des champions est donc encourageante, dans la mesure où le gouvernement fédéral acceptera de lui confier un plus grand rôle dans l'élaboration des politiques et des programmes des institutions fédérales, et de lui donner par le fait même les ressources nécessaires pour assumer ce rôle. Un tel regroupement de cadres supérieurs motivés et soucieux de promouvoir les langues officielles recèle un immense potentiel, dont il faudra savoir tirer profit.

Les conseils régionaux des hauts fonctionnaires fédéraux

Chaque province et chaque territoire compte un conseil de hauts fonctionnaires fédéraux dont le rôle est de favoriser les discussions sur les enjeux régionaux et locaux. La vaste majorité de ces conseils fédéraux se sont dotés de sous-comités de langues officielles qui doivent veiller à la mise en œuvre, à l'échelle locale, des lois sur les langues officielles. Ils agissent également comme agent de liaison avec les membres de la communauté minoritaire de leur région. Outre les représentants locaux du gouvernement fédéral, ces conseils réunissent aussi des fonctionnaires provinciaux et territoriaux responsables des services aux minorités de langues officielles et, souvent, des porte-parole de la communauté minoritaire. Des sous-comités ont déjà été formés dans toutes les provinces, sauf au Québec, où le conseil fédéral tarde toujours à créer le sien. Un tel sous-comité aurait pourtant des défis de taille à relever, comme celui d'examiner davantage le problème chronique qu'est la sous-représentation des anglophones au sein de l'administration fédérale dans la province. Cependant, le Conseil fédéral du Québec, que la Commissaire a rencontré en décembre 2000, a fait preuve de leadership en entamant des discussions avec le greffier du Conseil privé et le Secrétariat du Conseil du Trésor pour trouver des solutions qui inciteront les bureaux-chefs d'Ottawa à mieux respecter le statut de la langue française dans leurs communications avec les fonctionnaires.

Quelques-unes des activités des conseils fédéraux méritent d'êtres soulignées. En Colombie-Britannique, par exemple, le conseil fédéral a mis sur pied un projet-pilote, en collaboration avec le Conseil du Trésor et la communauté francophone, qui vise à améliorer les services en français dans les bureaux fédéraux désignés bilingues de la province. Le conseil fédéral de l'Alberta, en collaboration avec le Bureau d'information du Canada, a, quant à lui, lancé une campagne de promotion des services fédéraux offerts en français dans la province. Au Manitoba, le sous-comité des langues officielles a œuvré à l'établissement de trois centres de services à St-Boniface, St-Pierre et Notre-Dame. En Saskatchewan, le sous-comité a procédé à l'ouverture de deux guichets uniques à Gravelbourg et Bellevue. En Ontario, le conseil a placé le dossier des langues officielles aux premiers rangs de son plan d'action pour l'année 2001. Dans la région de l'Atlantique, le conseil de l'Île-du-Prince-Édouard a organisé plusieurs séances d'information et foires populaires pour discuter de l'engagement fédéral et présenter les programmes susceptibles d'intéresser la communauté francophone.

Les gestionnaires régionaux ont créé, sur le Web, un réseau (GENet) qui facilite les échanges entre leur conseil fédéral, les sous-comités, les groupes de travail, le Secrétariat, les employés des fonctions publiques fédérale, provinciale ou territoriale de leur région et toute personne s'intéressant au conseil et ayant accès à Internet. La Commissaire se réjouit de constater qu'en Ontario, au Québec, au Manitoba, en Saskatchewan et au Nouveau-Brunswick, les utilisateurs ont accès à des sites bilingues. Elle recommande que les autres conseils fédéraux emboîtent le pas et offrent eux aussi le contenu de leurs sites dans les deux langues officielles.

Le leadership parlementaire

À titre d'agent du Parlement, la Commissaire accorde une grande importance à ses relations avec les comités parlementaires et particulièrement avec le Comité mixte permanent des langues officielles. Ces comités constituent des lieux de réflexion favorisant la reddition des comptes, principe qui est au cœur de la démocratie canadienne. Ils influencent les ministères et organismes fédéraux ainsi que l'opinion publique, tant par leurs travaux et les rapports qu'ils produisent que par les témoins appelés à comparaître. Dans une certaine mesure, on peut déterminer l'incidence des dossiers du Commissariat par l'intérêt qu'ils ont suscité chez les parlementaires.

En juin 2000, la Commissaire a comparu devant le Comité sénatorial permanent sur les transports et les communications dans le cadre de l'étude du projet de loi C-26 modifiant d'autres lois, notamment la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada. La Commissaire s'est réjouie non seulement que de nouvelles dispositions aient confirmé l'assujettissement de la société Air Canada à la Loi sur les langues officielles ainsi que son obligation de veiller à ce que ses filiales respectent leurs obligations linguistiques au chapitre du service au public, mais aussi que la Cour fédérale n'ait pas à trancher cette question. Toutefois, elle compte sur la collaboration des parlementaires pour que la Loi soit appliquée dans son intégralité par la Société et ses filiales actuelles et futures (voir le chapitre 4). La Commissaire a aussi comparu en mars 2001 devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration afin de proposer des modifications au projet de loi C-11 (qui vise à modifier la loi actuelle sur l'immigration) dans le but de favoriser, par l'immigration, un ressourcement démographique plus équitable des communautés de langue officielle.

Le Comité mixte permanent des langues officielles revêt une importance particulière en raison de l'article 88 de la Loi qui stipule qu'il est « [...] chargé spécialement de suivre l'application de la présente loi, des règlements et instructions en découlant, ainsi que la mise en œuvre des rapports du commissaire, du président du Conseil du Trésor et du ministre du Patrimoine canadien. » Ce comité s'est réuni à neuf reprises du 1er avril 2000 jusqu'au déclenchement des élections en octobre 2000. Ses travaux ont surtout porté sur la mise en œuvre de la Partie VII de la Loi, qui traite de l'engagement fédéral à l'égard du développement des communautés minoritaires de langue officielle. Le rapport d'étape publié en juin 2000, et qui constituait un suivi du rapport sur le même sujet en 1996, résume les consultations tenues par le Comité auprès de dirigeants fédéraux et de leaders communautaires dans les secteurs culturel, social et économique. Plusieurs témoins ont fait état de leurs préoccupations devant la dévolution de certaines responsabilités fédérales aux provinces, de même que de l'impact des réductions résultant de la lutte au déficit. La Commissaire souhaite vivement que le rapport final du Comité sur la Partie VII s'inscrive dans la foulée du dernier discours du Trône, et qu'il contienne des directives claires qui permettront d'éliminer les ambiguïtés qui subsistent dans l'interprétation et l'application des dispositions contenues dans cette partie importante de la Loi.

Le Comité mixte issu de la nouvelle législature a débuté ses travaux en mars 2001 et s'était réuni à trois reprises jusqu'au 31 mars 2001, date à laquelle se termine la période couverte par le présent rapport. Au moment d'écrire ces lignes, le comité envisageait de procéder à l'étude du rapport annuel de la Commissaire et d'examiner le dossier d'Air Canada, de même que celui de la diffusion dans les deux langues officielles des débats de la Chambre des communes. La Commissaire souhaite maintenir une relation efficace avec le Comité mixte afin que soit donné un suivi durable aux recommandations de ses rapports. Pour ce faire, le Commissariat explorera les avenues pouvant lui permettre d'augmenter sa capacité de liaison parlementaire dans le but de mieux informer et appuyer les parlementaires et leur personnel dans leur suivi des rapports de la Commissaire.

Une collaboration fructueuse entre le gouvernement et les communautés

Le Comité national de développement des ressources humaines de la francophonie canadienne a été créé en 1998 pour rapprocher les communautés francophones vivant en situation minoritaire et les ministères et organismes fédéraux chargés du développement économique et des ressources humaines. Il s'agit d'une innovation qui nous apparaît fort prometteuse. C'est une nouvelle approche de collaboration entre des représentants gouvernementaux et communautaires pour gérer des programmes fédéraux de façon à favoriser le développement et l'épanouissement de la francophonie au Canada. Ce concept inclusif commence non seulement à s'enraciner dans la culture de DRHC, mais semble aussi avoir un effet d'entraînement sur d'autres institutions. Santé Canada a créé un comité semblable en 2000 et Industrie Canada étudie la possibilité d'en instaurer un pour améliorer la gestion de ses programmes.

La Commissaire a accueilli avec enthousiasme l'annonce de la création d'un comité homologue au Québec. Le bureau du Comité national de développement des ressources humaines pour la communauté minoritaire anglophone a été inauguré à Montréal au printemps 2001. Le Comité, auquel siègent des représentants de la communauté anglophone de la province, viendra appuyer le développement de cette minorité qui fait face à des défis importants, surtout dans les régions rurales.

Le programme Développement des collectivités a été créé par Industrie Canada en 1986 pour contribuer à élever les compétences locales nécessaires au développement économique des communautés rurales du pays. La Commissaire souhaite que les organismes fédéraux de développement régional revoient leur programme pour établir un volet qui réponde spécifiquement aux besoins des communautés minoritaires de langue officielle.

En outre, la Commissaire a suivi de près les progrès accomplis par Santé Canada, tant dans sa manière de collaborer avec les communautés minoritaires de langue officielle pour mieux répondre à leurs besoins que dans l'élaboration de plans d'action précis. Le Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire et le Comité consultatif des communautés anglophones en situation minoritaire sont en voie de devenir des modèles de concertation.

Mis sur pied au cours de l'année 2000 par Santé Canada, le Comité francophone fournit une plate-forme nationale où une réflexion a été amorcée en vue d'identifier des avenues de solution pour l'amélioration des services de santé en français. Le ministre fédéral de la Santé a ainsi reconnu l'importance pour les francophones vivant en situation minoritaire d'avoir des services de santé de qualité. Le Comité a demandé la collaboration de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) afin de réaliser une étude, pour le Ministère, sur la situation actuelle des services de santé en français. Le Comité consultatif des communautés anglophones en situation minoritaire a, pour sa part, entamé ses travaux en février 2001 et il s'apprête à établir ses priorités pour l'année en cours.

1.3 Le leadership provincial et territorial - quelques initiatives à souligner

Les autorités provinciales et territoriales ne semblent pas toujours bien saisir la portée de leurs responsabilités à l'égard de la dualité linguistique depuis l'entrée en vigueur, en 1982, de la Charte canadienne des droits et libertés. Il incombe au gouvernement fédéral de veiller à ce que ces instances reconnaissent, lorsqu'elles acceptent une contribution financière des autorités fédérales à un de leurs programmes, qu'elles sont tenues de respecter certaines obligations à l'égard des services qui doivent être offerts à leur minorité de langue officielle. Il serait donc nécessaire d'inclure dans toutes les ententes fédérales-provinciales et fédérales-territoriales les engagements des gouvernements à cet égard, ainsi que des clauses qui s'y rattachent, afin d'assurer un véritable mécanisme de reddition des comptes.

D'heureuses initiatives, survenues au cours de l'année écoulée, sont dignes de mention. À l'Île-du-Prince-Édouard, par exemple, une Loi sur les services en français est entrée en vigueur en mars 2000. Ses dispositions garantissent aux francophones le droit d'utiliser le français dans leurs communications avec l'assemblée législative, le gouvernement et les tribunaux provinciaux. Ce soutien apporté par le gouvernement du premier ministre Pat Binns au développement des communautés francophones et acadienne mérite qu'on lui rende hommage.

La Commissaire se félicite également de la bonne volonté dont le gouvernement du Nunavut a fait montre dans ses discussions avec l'Association francophone du Nunavut pour mettre en place un modèle de prestation des services en français sur l'ensemble du territoire.

Par ailleurs, le gouvernement du Yukon a accordé une subvention pour la construction d'un Centre de la francophonie à Whitehorse. Les Territoires du Nord-Ouest ont eux aussi investi pour appuyer divers projets de développement communautaire. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a créé un centre de responsabilité pour les affaires francophones, une première dans la province. En Ontario, de nouveaux règlements ont été adoptés pour simplifier la procédure en vue d'obtenir des services juridiques en français dans la province. Le gouvernement de Terre-Neuve fait des efforts louables pour offrir des services dans les deux langues officielles. Il consacre beaucoup d'énergie à la formation linguistique de ses employés, particulièrement dans le secteur de la santé. Le gouvernement de la Saskatchewan a, quant à lui, relancé la mission de l'Office des Affaires francophones en nommant un directeur après avoir consulté la communauté.

1.4 Conclusion

La dualité linguistique procure au Canada des avantages économiques, culturels et sociaux bien réels. Elle exige une attention et un appui tout aussi réels, tant individuels que collectifs, que les autorités concernées se doivent d'encourager. Leur leadership jouera toujours un rôle vital en matière de langues officielles. La Loi sur les langues officielles est issue d'une grande démonstration de leadership et son application en exige encore davantage. La Commissaire s'efforce de renouveler son leadership en diversifiant ses interventions et ses méthodes. Le gouvernement fédéral a fait preuve d'un certain laxisme ces dernières années, mais il semble vouloir se ressaisir. Le raffermissement de son engagement est essentiel si on veut espérer un jour réussir à convaincre toutes les provinces et tous les territoires d'en faire autant.

Dans la foulée des bonnes intentions exprimées par le gouvernement dans le dernier discours du Trône, la Commissaire s'attend à des gestes concrets, vigoureux et rapides. Le raffermissement de l'engagement du gouvernement est essentiel pour une pleine mise en œuvre de la Loi au sein de toutes ses institutions et pour persuader les provinces et les territoires de leur emboîter le pas. Il doit donner un solide coup de barre pour mobiliser son lourd appareil et prendre des mesures immédiates afin d'inciter les provinces à respecter leurs obligations linguistiques lorsqu'elles acceptent une contribution fédérale. Le train a sifflé! Attendons maintenant de voir s'il quittera bientôt la gare.

Chapitre 2 - Les transformations gouvernementales

Problème : Les transformations gouvernementales, en particulier les privatisations et la dévolution de certaines responsabilités à d'autres échelons de gouvernement, ont affaibli l'appui de l'administration fédérale au développement des communautés minoritaires de langue officielle, en plus d'avoir nui aux services offerts au public dans les deux langues.

Principe : Les transformations gouvernementales devraient toujours respecter les droits linguistiques de la population et favoriser la progression vers l'égalité du français et de l'anglais partout au Canada.

Action : La Commissaire presse l'administration fédérale de mettre en place une politique qui, dans l'optique des transformations gouvernementales, viserait à préserver pleinement les droits linguistiques et à favoriser le développement des communautés minoritaires de langue officielle.

Soucieux de moderniser et surtout de rationaliser les services publics, les gouvernements ont beaucoup diversifié leurs modes de gestion et de prestation de services. Dévolution de responsabilités (vers les provinces, les territoires, les municipalités, les secteurs communautaire et privé), privatisations et fusions municipales sont autant de transformations qui ont diminué tant la quantité que la qualité des services offerts à la population dans les deux langues officielles{6}.

Pour la Commissaire, le maintien des droits acquis est sacré. Lorsqu'un service gouvernemental - fédéral ou provincial - subit une transformation, l'usager doit toujours conserver son droit d'être servi dans la langue officielle de son choix. Ces transformations doivent certes respecter les droits acquis, mais elles devraient, au surplus, être guidées par l'obligation du gouvernement fédéral de faire progresser les deux langues officielles vers une égalité tangible.

Comme en témoignent les exemples qui suivent, la Commissaire a redoublé d'ardeur au cours du dernier exercice pour lutter contre l'érosion des droits linguistiques qu'entraînent souvent ces transformations gouvernementales.

2.1 La dévolution de responsabilités

Fragilité des acquis

L'administration fédérale transfère trop souvent ses responsabilités à d'autres échelons de gouvernement ou au secteur privé sans veiller à ce que ces derniers respectent tous les droits linguistiques dont bénéficiaient jusque-là les utilisateurs des services transférés.

Vers les provinces : les ententes fédérales-provinciales sur le développement du marché du travail

Entre 1996 et 1997, le ministère du Développement des ressources humaines s'est entendu avec chaque territoire et chaque province, sauf l'Ontario, pour leur transférer la gestion des programmes de formation de la main-d'œuvre. Dans certains cas, les modalités qui encadrent ces transferts sont précisées dans des ententes particulières.

Dans un rapport d'enquête datant de 1997{7}, le Commissaire d'alors a mis en évidence les nombreuses lacunes dont souffrent ces

Peu importe les pressions,
les droits linguistiques doivent être maintenus.

ententes en matière linguistique. Il a adressé plusieurs recommandations aux autorités compétentes des ministères du Patrimoine, du Développement des ressources humaines et du Conseil du Trésor, pour que les droits acquis du public soient respectés. En avril 2001, Mme Adam a avisé ces ministères du suivi qu'elle compte entreprendre pour évaluer la mise en œuvre de ces recommandations.

Les observations de la Commissaire seront consignées dans son prochain rapport annuel. Pour l'instant, il importe de noter que la politique du Conseil du Trésor sur l'ensemble de la question des dévolutions et des transformations se fait toujours attendre malgré les appels répétés de la Commissaire. Le gouvernement doit agir avec beaucoup de diligence dans ce dossier.

Vers les territoires : le règlement des différends à l'Hôpital général de Whitehorse

Au cours des dernières années, le ministère de la Santé a transféré la gestion de plusieurs programmes et services au gouvernement territorial du Yukon. Dans un rapport d'enquête datant de 1999, la Commissaire reprochait à Santé Canada de ne pas avoir inclus une clause de garantie linguistique dans l'accord conclu avec le Yukon pour encadrer le transfert de l'Hôpital général de Whitehorse. Elle a enjoint au ministère et au gouvernement territorial de concevoir un mécanisme efficace pour traiter les plaintes des francophones qui éprouvent des difficultés à recevoir des soins dans leur langue à l'Hôpital général de Whitehorse.

Santé Canada a répondu qu'une telle démarche serait inutile puisque les mécanismes en place permettaient déjà le traitement rapide des litiges. Ne partageant pas cet avis, la Commissaire a convié les représentants du ministère à discuter du règlement des plaintes avec toutes les parties intéressées. Les premières rencontres avec des représentants du ministère du Patrimoine, du gouvernement territorial et de l'Association franco-yukonnaise ont eu lieu au début de l'année 2001. Santé Canada y a exprimé son intention de trouver les moyens pour que les droits linguistiques de la minorité francophone du Yukon soient respectés, ce que le ministère a ensuite confirmé à la Commissaire. Nous suivrons de près les progrès à cet égard.

Vers les provinces et les municipalités : la Loi sur les contraventions

En 1996, le Parlement a modifié sa Loi sur les contraventions pour permettre au gouvernement du Canada d'habiliter, par voie de règlement, une province, un territoire ou une municipalité à engager des poursuites pénales pour des infractions fédérales tout en suivant la procédure pénale spécifique de la province ou du territoire concerné. Depuis que la loi modifiée est entrée en vigueur, le ministère de la Justice a élaboré un projet d'entente générale avec la province de l'Ontario. Il a aussi conclu deux ententes particulières avec les villes de Mississauga et d'Ottawa pour préciser les modalités de traitement des contraventions relatives aux stationnements.

Aucune disposition de la Loi sur les contraventions et de son règlement ni aucune clause du projet d'entente générale conclu avec la province, ne prévoit de garanties linguistiques semblables à celles que contiennent la Partie XVII du Code criminel (pour les aspects judiciaires des poursuites, tels que le droit à un procès dans sa langue, l'obligation pour le procureur de la Couronne de s'exprimer dans la langue de l'accusé, le droit d'être jugé par un juge qui comprend la langue de l'accusé, etc.) et la Partie IV de la Loi sur les langues officielles (pour les services extrajudiciaires, tels que renseignements sur les infractions, correspondances, informations au public, etc.). Quant aux ententes particulières conclues avec les deux municipalités, les clauses linguistiques qu'elles contiennent ne sont pas suffisantes. Ainsi, les accusés ne bénéficient plus que des garanties linguistiques accordées par les provinces - lorsqu'elles existent.

Elles existent en Ontario, mais dans certaines circonstances seulement. Les garanties prévues dans la Loi sur les services en français sont inopérantes hors des régions désignées bilingues. Quant aux droits linguistiques prévus dans la Loi sur les tribunaux judiciaires, ils ne sont pas identiques à tous les droits garantis par le Code criminel. Au surplus, les droits qui sont garantis ne s'appliquent pas aux municipalités, alors qu'en Ontario, celles-ci ont l'autorité de poursuivre pour des infractions fédérales, ayant été habilitées à le faire par le gouvernement provincial.

Dans un rapport d'enquête transmis aux parties en 1997, le Commissaire Goldbloom recommandait au ministère de la Justice de toujours prévoir des garanties linguistiques dans les ententes négociées pour encadrer les transferts de responsabilité judiciaire. Devant le refus du ministère d'y donner suite, la Commissaire a déposé un recours en Cour fédérale avec le consentement de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Des audiences ont eu lieu en janvier et en octobre 2000.

La Commissaire a fait valoir que le gouvernement fédéral ne respectait pas son engagement, prévu dans la Partie VII de la Loi, de favoriser l'épanouissement des communautés minoritaires. L'adoption et l'application des modifications à la Loi sur les contraventions trahissent cet engagement à plusieurs égards, notamment parce qu'elles ne prévoient pas le maintien des droits linguistiques garantis dans le Code criminel et dans la Partie IV de la Loi, parce que leur impact sur les communautés franco-ontariennes n'a pas été considéré, et parce que ces communautés n'ont pas été consultées au préalable.

La Commissaire a également fait valoir au tribunal que le gouvernement fédéral ne respectait pas l'article 25 de la Loi, qui l'oblige de veiller à ce que les services offerts par des tiers agissant pour son compte répondent aux mêmes obligations linguistiques que celles qui lui incombent en matière de prestation de services. La Commissaire a aussi soutenu que le gouvernement devait veiller à ce que les provinces et les municipalités qui intentent des poursuites pour des infractions fédérales respectent ses obligations linguistiques en matière judiciaire (prévues au Code criminel) et extrajudiciaire (prévues à la Partie IV de la Loi) et qu'en ne maintenant pas ces droits linguistiques, le gouvernement fédéral violait l'article 16 de la Charte.

Le jugement, rendu en mars 2001, donne raison à la Commissaire. La Cour a estimé ne pas avoir la compétence requise pour examiner d'éventuels manquements aux obligations prévues à la Partie VII de la Loi sur les langues officielles, mais elle a néanmoins conclu que les mesures prises par le ministère de la Justice pour appliquer la Loi sur les contraventions ne protègent pas adéquatement la totalité des droits linguistiques quasi constitutionnels prévus à la Partie XVII du Code criminel et à la Partie IV de la Loi.

Selon le tribunal, le gouvernement de l'Ontario et les autorités municipales agissent pour le compte du gouvernement du Canada dans la mise en œuvre de la Loi sur les contraventions et sont tenus de respecter les droits linguistiques quasi constitutionnels prévus à la Loi et aux articles 530 et 530.1 du Code criminel. La Cour a également déclaré qu'en ne respectant pas les droits linguistiques prévus à la Loi sur les langues officielles et au Code criminel, le ministère de la Justice violait les articles 16 et 20 de la Charte. La Cour a donc ordonné au ministère de la Justice du Canada de prendre les mesures nécessaires - législatives, réglementaires et autres - pour faire en sorte que les droits linguistiques quasi constitutionnels, reconnus par les articles 530 et 530.1 du Code criminel et la Partie IV de la Loi, soient respectés.

La Commissaire a été heureuse d'apprendre que le ministre de la Justice a décidé de ne pas porter le jugement en appel. Le ministère de la Justice dispose donc d'un délai d'un an à compter de la date du jugement pour se conformer aux ordonnances de la Cour. La Commissaire suivra de très près les mesures qui seront prises par le Ministère afin de s'assurer que les modifications apportées à la Loi sur les contraventions, son règlement et les ententes conclues avec le gouvernement de l'Ontario ou les municipalités garantissent dans les faits la pleine mise en œuvre des droits linguistiques prévus par la Loi sur les langues officielles et le Code criminel. Comme le mentionnait à juste titre le juge Blais, « [...] les justiciables sont en droit de s'attendre à ce que leurs droits linguistiques leur soient garantis au même titre que si l'application de la Loi sur les contraventions était faite par le Procureur général du Canada ».

Il est désormais clairement établi que le gouvernement fédéral ne peut plus se soustraire à ses obligations linguistiques en transférant ou en déléguant ses responsabilités en matière de prestation de services. Ce jugement aura des répercussions importantes à l'échelle du pays car le ministère de la Justice devra revoir toutes les ententes intervenues avec les autorités provinciales afin que les droits linguistiques garantis par la Loi sur les langues officielles et le Code criminel soient clairement mentionnés et respectés. Mais surtout, ce jugement soulève la question fondamentale de savoir si le gouvernement fédéral ne devrait pas revoir toutes les ententes conclues dans le cadre des transformations gouvernementales pour s'assurer que les droits linguistiques de l'ensemble de la population canadienne sont entièrement respectés.

Vers le secteur communautaire : la prestation de services par les communautés elles-mêmes

En 1999, le groupe de travail Fontaine sur les transformations gouvernementales a suggéré à l'administration fédérale d'établir davantage de partenariats avec des organismes communautaires pour leur déléguer la prestation de certains services publics dans la langue officielle de la minorité{8}. La suggestion a été retenue : la plupart des partenariats qui existaient déjà ont été maintenus et plusieurs autres ont vu le jour depuis.

Une étude publiée par la Commissaire en juin 2000{9} recense et analyse la centaine d'arrangements signés jusqu'ici. L'étude constate que la majorité des services qui ont fait l'objet d'un transfert émanent des secteurs du développement économique et de l'employabilité. Les partenariats sont répandus dans l'Ouest et commencent à prendre leur envol en Ontario, mais demeurent rares en Atlantique et au Québec. La Commissaire a recommandé au gouvernement d'instaurer un système de collecte de données qui lui permettra de suivre l'évolution des ententes en vue d'en faire une évaluation globale. Elle lui a aussi suggéré de prévoir des mécanismes de contrôle et d'évaluation dans chaque arrangement individuel.

Les partenariats devraient toujours préserver les droits et les recours prévus dans la Charte et dans la Loi sur les langues officielles. Des mesures doivent garantir que, dans une région donnée, les services transférés sont d'égale qualité à ceux offerts dans l'autre langue officielle. Les arrangements devraient inclure un financement pluriannuel pour assurer une certaine stabilité. Enfin, ils devraient prévoir des dispositions relatives à la réintégration des services au sein des institutions fédérales advenant la fin de l'entente.

2.2 Les privatisations

À l'instar des cas de dévolution de responsabilités cités dans la section précédente, les privatisations de sociétés publiques se font souvent au détriment des droits linguistiques des citoyens et des citoyennes. La privatisation d'Air Canada en est l'exemple le plus flagrant. Les plaintes à l'encontre du transporteur ont été tellement nombreuses depuis sa privatisation que la Commissaire a décidé d'en faire l'objet d'un examen exhaustif dont le contenu est rapporté au chapitre 4.

Un des partenariats sur lesquels a porté l'étude de la Commissaire unit le Centre de ressources de London du ministère du Développement des ressources humaines et l'ACFO de London-Sarnia. Depuis 1997, les deux organisations ont mis en place un système efficace pour guider les usagers francophones vers le Centre d'aide à l'emploi de l'ACFO. Les conseils d'emploi sont fournis conjointement dans ces deux centres. Un représentant des services à la clientèle pour les services en français du Ministère assure la coordination avec le conseiller en emploi de l'ACFO de London-Sarnia.

Tout en soulignant la synergie qui existe entre les deux organisations, la Commissaire a fait remarquer que leur collaboration pourrait avoir une plus grande portée. Cette observation semble avoir été prise en considération puisque les deux parties se sont récemment fixé une série d'objectifs pour accroître la quantité et la qualité des services offerts en français :

  • Améliorer l'offre active de service en français au comptoir et au téléphone.
  • Assurer une meilleure qualité des versions françaises des avis d'emplois vacants et de la télémessagerie.
  • Augmenter la présence francophone au sein du Centre de ressources par l'embauche de nouveaux employés francophones ou bilingues et par une formation linguistique des membres du personnel qui le désirent.
  • Élargir la gamme de services couverts pour inclure des services tels des programmes d'employabilité et de sensibilisation à la carrière, des programmes d'alphabétisation et de formation en informatique.

Même s'il ne corrige pas tous les problèmes, l'arrangement conclu entre le Ministère et l'ACFO de London-Sarnia donne des résultats convaincants, dont la communauté locale se déclare satisfaite. Leur partenariat devrait servir de modèle à toutes les communautés desservies par des centres de ressources humaines. Il pourra également être adapté à d'autres ministères.

La privatisation des aéroports

Depuis une dizaine d'années, le ministère des Transports a cédé, par bail ou par vente, la majorité des aéroports nationaux et régionaux du pays. La Loi relative aux cessions d'aéroports de 1992 stipule que les nouveaux dirigeants des aéroports doivent continuer à se conformer à certaines dispositions de la Loi sur les langues officielles.

Après avoir reçu des plaintes concernant les aéroports de Sudbury, Windsor et Sault Ste. Marie, la Commissaire a lancé une enquête globale sur les incidences linguistiques de la privatisation de tous les aéroports régionaux. Son rapport final a été publié en février 2001. Les enquêtes sur les plaintes individuelles concernant les trois aéroports ontariens se poursuivent toujours.

L'enquête a révélé que le gouvernement fédéral n'avait pas appliqué les dispositions linguistiques prévues par la Loi relative aux cessions d'aéroports lors de la vente des aéroports et que cette abstention avait provoqué l'érosion des droits linguistiques des voyageurs. Les services dans la langue minoritaire devaient être garantis par les clauses linguistiques contenues dans les accords d'exploitation des aéroports où la demande de services dans la langue minoritaire est importante. Le ministère des Transports n'a malheureusement pas créé de mécanisme pour assurer l'application des exigences linguistiques. L'enquête a aussi décelé qu'après l'expiration des accords d'exploitation, d'une durée de dix ans, les aéroports n'auront plus l'obligation de continuer de dispenser leurs services dans la langue officielle de la minorité.

La Commissaire a recommandé à Transports Canada d'adopter des politiques visant à contrôler efficacement les clauses linguistiques des accords d'exploitation. Elle a demandé au Ministère d'assurer la continuité des services à la minorité linguistique au-delà des dix ans prévus dans les accords et de concevoir un programme d'information détaillé à l'intention des administrateurs d'aéroports privatisés à demande importante. Le Ministère a déclaré qu'il ferait ce qui est en son pouvoir pour assurer l'application des clauses linguistiques de ses accords. Il a toutefois indiqué que les aéroports vendus ne font plus partie de ses bureaux ou installations et qu'il n'aurait pas l'autorité d'imposer des exigences linguistiques après l'expiration des accords d'exploitation. Une modification à la Loi relative aux cessions d'aéroports pourrait, selon la Commissaire, remédier à cette lacune.

Transports Canada n'a pas joué activement le rôle de surveillance qui lui revenait pour répondre aux plaintes portées à son attention. Néanmoins, depuis qu'il a pris connaissance du rapport d'enquête de la Commissaire, le Ministère a mis en place une série de mesures pour corriger les problèmes signalés. Ses gestionnaires se sont montrés empressés à résoudre les problèmes immédiats et ils examinent attentivement les options qui s'offrent à eux pour corriger les situations plus complexes. Les mesures correctives adoptées incluent des visites de surveillance des aéroports visés et l'ajout d'un lexique au site Web du Ministère, pour aider les opérateurs des aéroports à rendre leur signalisation bilingue.

2.3 Les fusions municipales

Les provinces s'adonnent de plus en plus au regroupement de villes voisines pour les restructurer en grandes municipalités. En Ontario et au Québec, certaines fusions touchent des villes jusque-là officiellement ou officieusement bilingues en raison de la forte concentration de citoyens et de citoyennes de langue officielle minoritaire sur leur territoire. Nombre d'entre eux sont inquiets de voir ainsi diminué le poids relatif de leur communauté, craignant l'érosion de leurs droits linguistiques à l'échelon municipal.

En Ontario

En décembre 1999, l'Assemblée législative de l'Ontario a adopté la loi 25, qui prévoit la création de deux grandes villes restructurées à Ottawa et à Sudbury. Le gouvernement Harris a refusé, entre autres choses, d'y incorporer une clause déclarant les municipalités officiellement bilingues. Les nouvelles villes d'Ottawa et de Sudbury comptent respectivement près de 20 p. 100 et 33 p. 100 de francophones. Le statut des langues officielles aux deux hôtels de ville a suscité un débat public considérable au cours de la dernière année. Les discussions entourant le caractère bilingue de la capitale nationale ont été particulièrement houleuses.

Au printemps 2000, la Commissaire a sollicité l'appui du premier ministre Jean Chrétien et du ministre des affaires intergouvernementales, Stéphane Dion. Les deux hommes ont promis d'intercéder auprès du gouvernement de l'Ontario pour l'inciter à reconnaître aux deux langues un statut officiel dans la capitale nationale.

La Commissaire a aussi plaidé la cause du bilinguisme municipal auprès des comités de transition des municipalités d'Ottawa et de Sudbury. Le comité de transition d'Ottawa a finalement adopté une politique de langues officielles le 8 mai 2000, qui reconduisait essentiellement les grandes lignes de la politique antérieure de l'ancienne municipalité régionale d'Ottawa-Carleton. Le comité de transition de Sudbury a lui aussi adopté une politique linguistique de services au public pour la ville restructurée le 27 mars 2001. Le conseil municipal récemment élu compte quatre francophones et huit anglophones.

En novembre 2000, la population de la nouvelle Ville d'Ottawa a élu quatre francophones à son nouveau conseil municipal. La cérémonie d'ouverture de la première réunion du conseil s'est déroulée dans les deux langues officielles et le maire s'est déclaré favorable au bilinguisme de sa ville. La Commissaire entend multiplier les efforts afin de persuader les autorités politiques de la nécessité de reconnaître au français et à l'anglais le statut officiel qui leur revient en tant que langues officielles de la capitale du Canada.

Au Québec

L'Assemblée nationale a adopté en décembre 2000 le projet de loi 170 (Loi portant réforme de l'organisation territoriale municipale des régions métropolitaines de Montréal, de Québec et de l'Outaouais). Il prévoit la fusion d'une soixantaine de villes (qui deviendront des « arrondissements ») en cinq grandes municipalités dans les régions de Montréal, Longueuil, Québec, Lévis et Hull. Le projet de loi 171 (Loi modifiant la Charte de la langue française) a aussi été adopté au même moment. Il resserre les critères d'attribution du statut bilingue aux municipalités tels que prévus à l'article 29.1 de la Charte de la langue française. Les municipalités ou les arrondissements qui veulent se voir reconnaître un statut bilingue devront dorénavant compter une majorité de citoyens « de langue maternelle anglaise » sur leur territoire et non plus une majorité de citoyens « parlant une langue autre que le français ».

Avant l'adoption de la loi 170, la Commissaire a intercédé auprès de la ministre des Affaires municipales et ses représentants pour que les droits linguistiques acquis des citoyens et des citoyennes soient maintenus. Bien que la loi 170 prévoit effectivement que les villes détenant le statut de municipalité bilingue feront partie des arrondissement bilingues, il demeure que la modification apportée par la loi 171 à l'article 29.1 de la Charte de la langue française a pour effet de restreindre le droit d'un arrondissement ou d'une municipalité d'obtenir le statut bilingue dont pourrait bénéficier la communauté minoritaire de langue anglaise qui y réside. Selon la Commissaire, une telle limitation des droits de la communauté minoritaire de langue anglaise est incompatible avec le principe de progression vers l'égalité de statut ou d'usage du français et de l'anglais qui est enchâssé au paragraphe 16(3) de la Charte canadienne des droits et libertés.

À la suite de l'adoption de ces deux lois, la Commissaire a poursuivi ses démarches auprès de la ministre et a aussi écrit à la présidente du comité de transition de Montréal afin de leur communiquer ses préoccupations au sujet de l'effet de ces lois sur la communauté anglophone minoritaire. De leur côté, dix-huit municipalités de l'Île de Montréal ainsi que celle de l'Ancienne-Lorette (dans la région de Québec) ont intenté des procédures en vue de contester la validité de la loi 170. Parmi celles-ci, la Ville de Westmount a également contesté la validité de la loi 171. La Commissaire entend suivre attentivement l'évolution de ces dossiers.

2.4 Conclusion

La modernisation et la gestion efficace de l'administration publique sont des objectifs éminemment souhaitables, mais ils ne doivent jamais porter ombrage à la dualité linguistique et aux valeurs qui la sous-tendent et la fortifient. Lorsque des ajustements sont nécessaires, l'État doit tout mettre en œuvre pour veiller à ce que les transformations gouvernementales entreprises par lui ou par d'autres ne portent pas atteinte aux droits linguistiques garantis à la population. Son leadership devrait s'intensifier au point de profiter de ces occasions pour consolider la dualité linguistique. S'il ne le fait pas, il laissera derrière lui non seulement une série d'occasions manquées, mais pire encore, l'image d'un gouvernement qui ne soutient pas activement l'une des valeurs les plus fondamentales du pays.

Le problème n'est pas nouveau, puisqu'il a été signalé pour la première fois en 1998. Malgré les nombreuses recommandations qui lui ont été soumises, le gouvernement fédéral n'a toujours pas mis en place de politique pour éviter de répéter ses erreurs passées. Il est grand temps qu'il le fasse, car comme la Cour fédérale le lui a clairement indiqué, la Constitution lui interdit de se soustraire à ses obligations linguistiques en transférant ou en déléguant ses responsabilités. Il serait déplorable d'avoir encore à recourir aux tribunaux afin de faire respecter ce principe fondamental. Puisqu'il est plus ardu de redresser une situation que de la prévenir, la Commissaire presse instamment l'administration fédérale de mettre en place une politique axée sur le principe de la reddition des comptes qui, dans l'optique des transformations gouvernementales, viserait à préserver pleinement les droits linguistiques et à favoriser le développement des communautés minoritaires de langue officielle.

Une part importante des transformations gouvernementales prend forme par l'entremise d'ententes fédérales-provinciales, signées par centaines à chaque année. Le cadre de gestion des ententes fédérales-provinciales devrait être repensé afin de s'assurer, dorénavant, que le gouvernement fédéral s'acquitte pleinement des responsabilités que lui ont confiés la Loi constitutionnelle de 1982 et la Loi sur les langues officielles de 1988. Le respect des droits linguistiques acquis doit être consigné à cet égard dans toutes les ententes signées par le gouvernement fédéral.


Chapitre 3 - Le développement communautaire

Problème : Les communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire sont confrontées à de multiples obstacles qui nuisent à leur développement et à leur épanouissement.

Principe : Pour pouvoir se développer et s'épanouir pleinement, les communautés minoritaires requièrent davantage de soutien de la part des institutions gouvernementales actives dans les domaines qui peuvent avoir des incidences sur le développement communautaire.

Action : La Commissaire continuera d'intervenir auprès des institutions fédérales afin qu'elles s'acquittent de leurs obligations relatives au développement des communautés et à la reconnaissance du français et de l'anglais, prévues à la Partie VII de la Loi sur les langues officielles. Ses interventions sont variées, s'adressant directement aux élus, aux administrateurs ou à l'opinion publique, ou encore, lorsqu'elle le juge nécessaire, aux tribunaux.

L'année 1988 est une date charnière dans l'édification des droits linguistiques des minorités francophones et anglophones du Canada, car elle marque l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur les langues officielles. Dans la Partie VII de celle-ci, le gouvernement fédéral s'engage à favoriser l'épanouissement des minorités de langue officielle, à appuyer leur développement et à promouvoir la reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne.

Pour les communautés, cet engagement signifiait qu'au moment de planifier leurs programmes, les administrateurs de toutes les institutions fédérales allaient dorénavant devoir s'assurer que des mesures ont été prises pour effectivement favoriser le développement des communautés et la reconnaissance du français et de l'anglais.

Douze ans plus tard, des progrès ont été accomplis par certains ministères fédéraux. Cependant, beaucoup reste à faire pour que les gestionnaires saisissent toutes les ramifications de cet engagement et les incorporent dans leurs activités quotidiennes. Au cours de son mandat, la Commissaire s'attend à ce que chacune des institutions assujetties à la Loi mette en place un régime adéquat pour appliquer l'engagement fédéral envers les communautés linguistiques minoritaires de toutes les provinces et de tous les territoires.

Le développement des communautés linguistiques minoritaires repose certes sur le plein accès aux programmes fédéraux, mais il se nourrit aussi d'une foule d'autres facteurs qui ne relèvent pas toujours directement de l'autorité fédérale. L'éducation est l'exemple classique et fondamental, mais non le seul. Les communautés minoritaires déploient de plus en plus d'efforts pour obtenir un certain contrôle sur divers champs susceptibles d'influencer leur développement : l'éducation postsecondaire, les services à la petite enfance, l'intégration des immigrants de même groupe linguistique, les soins de santé, les services municipaux, le développement économique et la radiodiffusion sont quelques autres exemples significatifs.

Le premier chapitre de ce rapport mentionne quelques initiatives du gouvernement fédéral qui laissent entrevoir un raffermissement de son engagement. Les cas rapportés ci-après viennent rappeler que cet engagement doit être mieux géré. Les sections subséquentes retracent les événements de l'exercice 2000-2001 qui ont marqué divers champs propices au développement communautaire.

3.1 L'engagement (inégal) du gouvernement fédéral

L'État fédéral se voit souvent reprocher de ne pas prendre de Douze ans plus tardmesures concrètes et suffisamment décentralisées pour réellement appuyer le développement des communautés minoritaires. Si l'action du gouvernement fédéral doit véritablement favoriser l'égalité du français et de l'anglais dans la société canadienne et le développement des communautés minoritaires francophones et anglophones, son principal effet doit être, selon la Cour suprême, de « favoriser le maintien et l'épanouissement des collectivités de langue officielle au Canada ». C'est en ces termes que la Cour a énoncé, dans l'arrêt Beaulac{10}, la finalité de l'ensemble de notre régime des droits linguistiques. Ainsi, les institutions fédérales, y compris le Commissariat aux langues officielles, doivent s'assurer que leurs activités contribuent à atteindre cette finalité.

À cet égard, la réalité qu'on doit toujours garder en perspective demeure la même : la communauté anglophone du Québec est minoritaire dans sa province, la communauté francophone du

Les progrès ne sont pas
toujours aussi rapides
qu'on le voudrait...

Québec est minoritaire dans son pays et sur son continent, alors que les communautés francophones et acadienne sont triplement minoritaires. Dans le dossier de l'immigration par exemple, abordé ci-dessous, l'action gouvernementale doit viser le ressourcement démographique équitable de l'ensemble de la francophonie canadienne, en tenant compte du fait que le défi est encore plus important à l'extérieur du Québec.

Dans son dernier rapport annuel, la Commissaire avait enjoint au gouvernement d'inciter fermement ses institutions à s'acquitter des responsabilités qui leur étaient dévolues dans la Partie VII de la Loi. La Commissaire réitère sa demande au gouvernement pour qu'il modifie son interprétation de la portée de la Partie VII, de manière à confirmer son caractère exécutoire afin de réaliser l'objet de la Loi. Le gouvernement fédéral ne pourra pleinement mettre en œuvre les engagements énoncés dans le discours du Trône sans avoir d'abord ajusté son interprétation.

Fédération Franco-Ténoise et al. c. Sa Majesté la reine et al.

L'association francophone des Territoires du Nord-Ouest, en compagnie d'autres demandeurs, a déposé une action en Cour fédérale dans laquelle on allègue que différentes violations aux articles 16, 18 et 20 de la Charte ont été commises par le gouvernement fédéral et le gouvernement territorial (plus précisément la Commissaire et le président de l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest, et la Commissaire aux langues des Territoires). Ils reprochent également au gouvernement du Canada d'avoir abdiqué ses obligations linguistiques en vertu de la Charte et de violer l'engagement prévu à la Partie VII de la Loi sur les langues officielles de favoriser l'épanouissement et le développement de la minorité francophone dans les Territoires du Nord-Ouest.

Jusqu'à maintenant, seule une question préliminaire a été débattue : la compétence de la Cour fédérale pour trancher le litige. Le gouvernement territorial estime qu'il est un palier de gouvernement responsable et distinct et, qu'à ce titre, il ne fait pas partie des représentants la « Couronne » (fédérale) au sens où l'entend l'article 17 de la Loi sur la Cour fédérale. Cette disposition confère à la Cour fédérale la compétence d'entendre des recours contre la Couronne. Les défendeurs ont demandé que l'affaire soit renvoyée devant la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest. La Section de première instance de la Cour fédérale a rejeté l'argument des défendeurs et s'est déclarée compétente pour entendre l'affaire. Cette décision a été portée en appel et la date de l'audience a été fixée au mois de mai 2001.

La Commissaire croit que cette affaire soulève des questions de droits linguistiques importantes pour la communauté francophone des Territoires du Nord-Ouest mais également pour d'autres communautés de langue officielle minoritaires au pays. Elle a donc demandé et obtenu l'autorisation d'intervenir dans cette affaire.

Une réorganisation administrative qui nuirait au développement et à l'épanouissement de la communauté minoritaire

À l'automne 1999, l'Agence canadienne d'inspection des aliments a réorganisé ses bureaux du Nouveau-Brunswick. Le transfert de quatre employés du bureau de Shippagan, situé au nord-est de la province, dans un bureau du sud, a suscité plusieurs protestations. Des citoyens ont notamment allégué que cette décision portait préjudice à l'économie des communautés francophones du nord du Nouveau-Brunswick.

L'enquête a confirmé que la réorganisation administrative ne tenait pas compte de toutes les obligations qui incombent à l'Agence en vertu de la Partie VII de la Loi. La Commissaire a recommandé trois mesures pour corriger la situation. Son personnel a entamé des discussions avec des représentants de l'Agence pour expliquer la portée de leurs obligations liées au développement et à l'épanouissement des communautés minoritaires de langue officielle, et pour explorer les possibilités de les concrétiser. La situation sera réévaluée dans quelques mois, en consultation avec les communautés, pour vérifier si les mesures ont été appliquées de façon satisfaisante.

La connaissance du français : insuffisant pour immigrer au Canada

Les demandes d'immigration de deux candidats francophones d'origine marocaine ont été refusées sous prétexte qu'un demandeur se dirigeant sur St-Boniface, au Manitoba, devrait avoir une bonne maîtrise des deux langues officielles. Considérant que le traitement réservé à ses clients était discriminatoire, l'avocate des candidats a déposé une plainte auprès de la Commissaire.

L'enquête a établi qu'on avait accordé une importance indue à la connaissance linguistique (en l'occurrence la méconnaissance de l'anglais) des deux requérants en évaluant celle-ci à la fois par le biais du facteur 8 du Règlement sur l'immigration de 1978 (Connaissance du français et de l'anglais) et du facteur 9 (Personnalité). Le facteur 9 ne devrait être utilisé que pour évaluer la faculté d'adaptation du requérant (sa motivation, son esprit d'initiative, son ingéniosité et autres qualités semblables). L'approche adoptée par Citoyenneté et Immigration Canada pour évaluer les requérants les a injustement pénalisés. Par ailleurs, lorsqu'elle est pratiquée à grande échelle, une telle approche peut nuire à la vitalité des minorités francophones du Canada et pourrait même être assimilée à une discrimination linguistique, n'encourageant pas les requérants francophones à s'établir à l'extérieur du Québec. La Commissaire a conclu que cette approche était incompatible avec les obligations qui incombent au Ministère en vertu de l'article 41 de la Loi, et plus généralement avec l'esprit de sa Partie VII.

En cours d'enquête, le Ministère a révisé sa décision à l'avantage des deux plaignants. La Commissaire lui a néanmoins adressé plusieurs recommandations. Elle lui demande de revoir la façon dont le facteur 9 est utilisé; de modifier son Guide d'évaluation linguistique interne; de rendre ses tests de langue objectifs et fiables; d'établir un plan de promotion à l'étranger des minorités francophones du Canada; de mettre à la disposition de ses agents d'immigration en poste à l'étranger des documents d'information concernant ces minorités; et d'intégrer l'information relative à ces minorités à la formation que reçoivent ces agents. Ces recommandations doivent toutes être mises en œuvre au cours de l'année 2001.

Le développement des minorités ethnoculturelles francophones

En juin 1999, un organisme représentant des minorités ethnoculturelles francophones de l'Ontario s'est adressé à la Commissaire pour dénoncer le peu d'intérêt manifesté par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration envers le développement de leur communauté.

Après avoir examiné le plan de mise en œuvre de la Partie VII du Ministère, ses politiques ainsi que ses divers programmes de subventions, la Commissaire a relevé que tels qu'ils sont administrés, les programmes d'accueil, d'établissement et d'adaptation des immigrants ne répondent pas aux besoins des minorités raciales francophones. Les services en français offerts aux immigrants francophones étaient généralement de piètre qualité et ne rejoignaient pas adéquatement cette clientèle cible.

La Commissaire a recommandé au Ministère de réviser ses objectifs liés à l'épanouissement des communautés de langue officielle minoritaires. Elle lui a aussi demandé de mieux appuyer les efforts d'intégration des immigrants à l'intérieur d'une communauté minoritaire donnée. La Commissaire assurera un suivi dans quelques mois.

3.2 L'immigration et l'intégration des immigrants

Les deux exemples précédents illustrent comment l'immigration et l'intégration des immigrants peuvent servir d'outil de développement communautaire s'ils sont exploités adéquatement.

Les enjeux sont de taille pour l'équilibre démographique et l'avenir de la dualité linguistique d'un océan à l'autre. L'immigration est devenue la source d'environ 50 p. 100 de la croissance démographique du Canada au cours des quinze dernières années. La francophonie canadienne n'en a pas profité équitablement. Bien que ce phénomène ait prévalu tout au long de l'histoire de notre pays, ses effets ont aujourd'hui de quoi inquiéter à cause de la faiblesse plus récente de la natalité différentielle du groupe francophone.

À l'extérieur du Québec, l'assimilation qui prévaut au sein des communautés minoritaires francophones rend la situation dramatique. Dans cette partie du pays, le pourcentage de personnes nées à l'étranger est cinq fois plus élevé chez les Canadiens et Canadiennes d'expression anglaise que chez ceux d'expression française. Les communautés francophones y sont défavorisées, année après année, à la fois par les transferts linguistiques et l'immigration, au profit de la majorité anglophone. C'est pourtant envers les communautés minoritaires francophones que les obligations du gouvernement du Canada sont les plus importantes.

Le 29 mars 2001, la Commissaire a tenu une journée de consultation sur l'immigration qui a réuni des représentants du gouvernement fédéral et d'organisations communautaires, de même que des experts s'intéressant au sujet. Les participants ont émis de nombreuses recommandations qui sont présentement sous étude. Deux grands constats ont cependant fait l'unanimité :

  • Les communautés de langue officielle ont besoin de l'apport des immigrants qui partagent leur langue pour assurer leur croissance démographique.
  • Une action concertée du gouvernement fédéral et des communautés est nécessaire pour parvenir à attirer et à intégrer ces immigrants au sein des communautés.

Les paragraphes qui suivent décrivent les efforts déployés par la Commissaire pour inciter le gouvernement à adopter une politique nationale d'immigration qui tienne véritablement compte de la dualité linguistique et qui soit plus favorable aux communautés minoritaires.

Étude sur l'immigration et la dualité linguistique canadienne

Malgré l'importance grandissante de l'immigration pour assurer la croissance démographique du Canada, les décideurs n'ont que très rarement évalué l'incidence de l'immigration sur la dualité linguistique canadienne. Au cours de l'été 2000, la Commissaire a donc commandé une étude sur l'incidence de l'immigration sur la vitalité démographique des collectivités de langue officielle au Canada.

Depuis la Confédération, 14 millions de personnes ont immigré au Canada. Avec leurs descendants, elles ont participé au développement économique et social du pays, et ont aidé à définir notre identité collective. Depuis les années 70, le Québec a réussi à recruter des immigrants de langue française, plus de 310 000 d'entre eux s'y étant établis entre 1968 et 1999.

Les résultats intérimaires de l'étude constatent une absence d'efforts pour recruter des immigrants francophones dans les communautés de l'extérieur du Québec. Il semble qu'au cours des quinze dernières années, 3 p. 100 du nombre total d'immigrants étaient francophones. La grande majorité d'entre eux se serait installée au Québec (environ 80 p. 100 contre 16 p. 100 en Ontario), à l'instar de la majorité des immigrants bilingues (qui seraient de moins en moins nombreux : 11,4 p. 100 en 1961, 8 p. 100 en 1996). Les résultats suggèrent aussi que les communautés minoritaires de langue française disposent rarement des ressources et des structures nécessaires pour répondre aux besoins des immigrants. Elles éprouveraient beaucoup de difficultés à intégrer les nouveaux arrivants francophones et à les attirer dans leurs établissements scolaires, communautaires, sociaux et culturels.

Au Québec, l'étude révèle que le nombre total d'immigrants anglophones a diminué ces dernières années. La proportion d'immigrants unilingues anglophones se situerait à près de 20,5 p. 100, ce qui laisse croire que la communauté minoritaire anglophone profite de l'immigration. Sur le plan démographique, le taux de migration apparaît comme le principal problème de la communauté anglophone.

Les résultats définitifs de l'étude devraient être rendus publics au cours du prochain exercice.

Une approche holistique

Le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration reconnaît qu'il ne fait aucun effort direct pour recruter des immigrants francophones à l'étranger{11}. Le Ministère s'est généralement montré sensible aux doléances du Commissariat aux langues officielles, mais les besoins des communautés minoritaires en matière d'immigration sont tels qu'une approche plus complète s'impose. Le gouvernement doit élaborer de nouveaux règlements, politiques et programmes ministériels qui contribueront directement au ressourcement démographique équitable des collectivités de langue officielle au Canada.

En février 2001, la Commissaire a écrit au premier ministre Chrétien pour lui faire part de ses préoccupations et lui demander d'apporter des modifications au projet de loi C-11 (Loi concernant l'immigration au Canada et l'asile conféré aux personnes déplacées, persécutées ou en danger) qui permettront à la francophonie canadienne de profiter équitablement de l'apport migratoire. La Commissaire a demandé que le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration prenne des mesures concrètes de promotion, de sélection et d'intégration des immigrants francophones dans les communautés minoritaires, et a recommandé que des partenariats soient établis avec les gouvernements provinciaux ou directement avec les communautés de langue officielle qui n'ont pas la densité et les ressources requises pour se doter de services d'accueil approprié.

En mars 2001, la Commissaire a présenté devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration un mémoire pour demander des modifications projet de loi C-11. Elle a recommandé qu'on ajoute un nouvel objectif à la Loi sur l'immigration : le renouvellement démographique équitable des collectivités de langue officielle s'appuyant sur le processus de sélection et d'établissement des immigrants et l'intégration de ces derniers. Elle a aussi suggéré l'ajout d'une disposition qui préciserait que la mise en œuvre de la loi devrait avoir pour effet de reconnaître et démontrer l'engagement statutaire du gouvernement fédéral à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement. En dernier lieu, elle a proposé une modification qui chargerait les comités parlementaires d'examiner les règlements relatifs aux articles 1 à 32 de la Loi sur l'immigration avant qu'ils ne soient mis en vigueur, en consultation avec les communautés de langue officielle.

3.3 L'éducation

Le recrutement de l'effectif scolaire cible

Dix ans après que le Commissariat eut publié une étude charnière sur les droits constitutionnels en éducation, la Commissaire publiait une seconde étude réalisée par Angéline Martel, professeure à la Télé-université du Québec. Intitulée Droits, écoles et communautés en milieu minoritaire : 1986-2002 - Analyse pour un aménagement du français par l'éducation, l'étude analyse l'évolution des effectifs des écoles de langue française et les défis d'attirer et recruter l'effectif scolaire cible et de lui assurer une éducation de première qualité.

Rappelons qu'au début des années 60, l'enseignement dans la langue de la minorité n'est reconnu aux paliers élémentaire et secondaire que dans une seule province, le Québec. Depuis 1982, l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits à l'instruction dans la langue de la minorité. À son entrée en vigueur, on ne trouve pas une seule école de langue française dans la moitié des provinces canadiennes. Presque vingt ans plus tard, les gouvernements ont pris d'importantes mesures pour renforcer le réseau des écoles de langue française et confier leur gestion aux représentants des parents. Les systèmes de gestion scolaire par la minorité, mis en place au cours de la dernière décennie, en ont convaincu plusieurs que l'œuvre était achevée.

L'étude démontre que, en dépit des progrès, les inscriptions dans les écoles de langue française plafonnent depuis dix ans à guère plus de la moitié de l'effectif scolaire cible. Cet effectif cible, calculé en fonction d'un des trois critères d'admissibilité de l'article 23, est le suivant : les enfants de 6 à 17 ans qui habitent à l'extérieur du Québec et dont au moins un parent est de langue maternelle française. Qui plus est, le réseau des écoles de langue française perd des élèves, surtout entre la première et la deuxième année, la septième et la neuvième année ainsi qu'entre la dixième et la douzième année.

Or, on ne saurait sous-estimer le rôle indispensable que joue l'école dans la transmission de la langue et de la culture, ni dans le maintien et l'épanouissement des collectivités de langue officielle au Canada. D'ailleurs, la Cour suprême du Canada a établi, dès 1990, que l'article 23 a pour but de remédier, à l'échelle nationale, à l'érosion historique progressive des communautés de langue officielle.

Le défi est donc d'accroître les effectifs de ces écoles pour renforcer la vitalité des communautés francophones vivant en situation minoritaire. Cette étude propose un plan de récupération de l'effectif scolaire cible pour les dix prochaines années. Pour réaliser cet objectif, la Commissaire estime qu'il faudra mobiliser plusieurs intervenants : les dirigeants politiques, les conseils scolaires de langue française, les chefs de file des communautés francophones et acadienne, les professionnels de l'éducation et, surtout, les familles, qui devront être sensibilisées à l'importance de la transmission du français d'une génération à l'autre.

Tous les intervenants devront concerter leurs efforts pour réaliser le but de l'article 23 sans plus tarder, car l'avenir du français au Canada en dépend.

Le Plan d'action national pour les enfants, dans lequel le gouvernement fédéral versera aux provinces 2,2 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années, doit absolument retenir à cet égard une attention prioritaire. Le réseau des conseils scolaires de langue française de l'extérieur du Québec constitue la voie privilégiée pouvant permettre aux gouvernements provinciaux et territoriaux de s'acquitter d'une part importante de leur responsabilité en vertu de l'article 23 de la Charte. En effet, dans bien des cas, l'école de langue française est l'institution communautaire par excellence où regrouper garderies et services parentaux en vue d'assurer l'égalité des chances.

Contestation judiciaire de la Loi sur l'éducation du Nouveau-Brunswick

De nombreux parents francophones du Nouveau-Brunswick ont reproché à la Loi sur l'éducation provinciale de ne pas leur accorder les pleins pouvoirs de gestion scolaire garantis par l'article 23 de la Charte. En janvier 2000, certains d'entre eux ont déposé un recours devant la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick pour demander que la loi soit déclarée invalide (affaire Jean Giroux-Gagné, Claude Nadeau, Claude Snow et les Comités de parents du Nouveau-Brunswick, et al. c. Nouveau-Brunswick). La Commissaire a obtenu la permission d'intervenir dans le litige.

Parallèlement à ce recours, le gouvernement provincial lançait, en février 2000, un avis public qui annonçait son intention de modifier la Loi sur l'éducation et de tenir des audiences publiques. La Commissaire a répondu à l'invitation du gouvernement, lui a signalé les déficiences de la Loi sur l'éducation et lui a fait plusieurs suggestions pour réformer la structure de gouverne de l'éducation au Nouveau-Brunswick. Un Comité spécial sur l'éducation a tenu des audiences publiques sur le sujet. Son rapport final tient compte des commentaires de nombreux intervenants, dont ceux de la Commissaire. La nouvelle structure de gestion qu'il suggère présente des améliorations par rapport à la structure existante, mais contient toujours certaines faiblesses. La Commissaire a écrit au ministre de l'Éducation pour les lui signaler.

Le projet de loi 13 qui modifie la Loi sur l'éducation a été adopté par l'assemblée législative en décembre 2000. La structure de gouverne qu'il met en place s'inspire largement du rapport final du Comité spécial sur l'éducation. Son élément-clé est le Conseil éducatif de district, qui se voit conférer des pouvoirs décisionnels. La nouvelle structure améliore l'ancienne dans la mesure où elle prévoit une représentation directe des parents et leur octroie des pouvoirs accrus en matière de langue et de culture. Par contre, certains pouvoirs relatifs à la langue et à la culture échappent encore aux conseils éducatifs de districts; d'autres demeurent soumis aux règlements et aux politiques provinciales, et un bon nombre de leurs décisions doit obtenir l'approbation préalable du ministre. Enfin, la loi modifiée ne prévoit pas expressément la consultation des parents sur certaines questions importantes.

Les parents n'ont pas l'intention d'abandonner leur recours judiciaire et ont amendé leurs procédures pour tenir compte des modifications législatives. La Commissaire est encore intervenante au litige. Elle compte suivre la situation de près pour évaluer comment la Loi sur l'éducation modifiée sera appliquée et examiner le contenu des règlements qui seront rédigés, de même que la façon dont le ministre exercera ses nombreux pouvoirs discrétionnaires. Elle tiendra compte de ces développements pour décider, dans les prochains mois, de la position qu'elle adoptera dans le litige.

Un palmarès scolaire qui cause des remous au Québec

Le 4 décembre 2000, la Commissaire a écrit au ministre de l'Éducation du Québec, M. François Legault, pour lui communiquer les inquiétudes suscitées, chez de nombreux Anglo-Québécois, par la publication d'une évaluation des écoles secondaires de la province. L'étude ordonnait les établissements selon leur rendement et, dans l'ensemble, les écoles de langue anglaise se sont nettement moins bien classées que les établissements de langue française.

Plusieurs commentateurs anglophones ont jeté le blâme des mauvais résultats de leurs écoles sur de nombreux facteurs, dont entre autres le sous-financement du secteur anglophone, la piètre qualité des traductions du matériel pédagogique conçu en français, et le grand nombre d'établissements de petite taille que leurs commissions scolaires doivent gérer.

En mars 2001, la Commissaire a obtenu des éclaircissements sur la situation de l'enseignement dans les écoles de langue anglaise du Québec ainsi que l'assurance que le ministère de l'Éducation apportait des mesures correctives.

3.4 Les services de santé

Des efforts louables du côté de Santé Canada

La Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) a récemment publié une étude{12}, financée par Santé Canada, qui témoigne de la grande importance que revêtent les soins de première ligne en français pour les communautés francophones. Le ministère de la Santé a mis sur pied un comité national réunissant des fonctionnaires et des représentants francophones. Ce comité s'est réuni à une dizaine de reprises l'an dernier. Un comité semblable a été constitué pour relever les défis auxquels fait face la communauté anglophone du Québec. Il s'est réuni pour la première fois en février 2001.

L'Hôpital Montfort

L'affaire de l'Hôpital Montfort a connu d'importants développements au cours de l'année 2000 alors que le gouvernement de l'Ontario a décidé d'en appeler du jugement de première instance. On se souviendra que, le 29 novembre 1999, la Cour supérieure de l'Ontario donnait raison à l'Hôpital Montfort en s'appuyant sur le principe constitutionnel non écrit de la protection des minorités. La Cour d'appel a accordé la permission d'intervenir au Procureur général du Canada, à l'ACFO, à la FCFA et à la Commissaire aux langues officielles.

Cette affaire permettra à la Cour d'appel de se prononcer sur plusieurs questions essentielles à la progression des droits linguistiques de la communauté franco-ontarienne et de toutes les communautés minoritaires de langue officielle dans le reste du pays. Dans son mémoire, la Commissaire a axé son argumentation sur l'interprétation et l'application du paragraphe 16(3) de la Charte qui indique que « la présente charte ne limite pas le pouvoir du Parlement et des législatures de favoriser la progression vers l'égalité de statut ou d'usage du français et de l'anglais ». Selon la Commissaire, ce principe de progression et le principe constitutionnel non écrit de la protection de la minorité doivent nourrir l'interprétation de cette disposition de sorte que les gouvernements du Canada et des provinces devraient au minimum s'assurer que les mesures qu'ils adoptent n'ont pas pour effet de compromettre ou d'entraîner un recul des droits linguistiques durement acquis par les communautés minoritaires de langue officielle au pays.

L'appel sera entendu au mois de mai 2001.

3.5 Les services municipaux

Charlebois c. Ville de Moncton et le Procureur général du Nouveau-Brunswick

Un citoyen de Moncton a intenté un recours en soutenant que la Ville contrevient à l'article 18 de la Charte canadienne des droits et libertés en adoptant la plupart de ses arrêtés municipaux uniquement en anglais. Le deuxième alinéa de cet article prévoit que les lois, les archives, les comptes rendus et les procès-verbaux de l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick doivent être publiés dans les deux langues officielles.

Le juge de première instance a conclu que l'article 18 de la Charte n'imposait pas aux municipalités l'obligation d'adopter leurs arrêtés municipaux dans les deux langues officielles. La Société des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick (SAANB), l'Association des juristes d'expression française du Nouveau-Brunswick (AJEFNB) et la Commissaire aux langues officielles ont obtenu l'autorisation d'intervenir en appel.

Pour la SAANB et l'AJEFNB, l'engagement du Nouveau-Brunswick envers le bilinguisme et le biculturalisme, qui est enchâssé dans le paragraphe 16(2) et l'article 16.1 de la Charte, influence la portée des obligations constitutionnelles prévues à l'article 18 de la Charte. Partageant cet avis, la Commissaire a également fait valoir que l'adoption de règlements unilingues par la Ville de Moncton, et l'inaction de l'assemblée législative de la province, ignorent le rôle que la Charte confère au gouvernement du Nouveau-Brunswick dans la protection et la promotion du statut, des droits et des privilèges des deux communautés de langue officielle.

L'appel a été entendu en janvier 2001 et l'affaire a été prise en délibéré.

3.6 Les services de radiodiffusion

La distribution en mode numérique ouvre de nouvelles avenues

La radiodiffusion dans les deux langues officielles peut-elle aussi contribuer à l'épanouissement des communautés vivant en situation minoritaire ? La transition du mode analogique au mode numérique est l'occasion idéale d'élargir le territoire couvert par les services de langue française aux quatre coins du Canada.

Si le numérique représente la voie de l'avenir, la majorité des Canadiens et des Canadiennes reçoit encore ses services en mode analogique. La plupart des petits câblodistributeurs (ceux qui ont moins de 2 000 abonnés) n'ont pas les ressources financières requises pour se convertir au numérique. Le gouvernement fédéral devrait fournir l'appui nécessaire pour que les services canadiens de radiodiffusion soient offerts dans les deux langues officielles dans l'ensemble du pays.

Les services de radiodiffusion en français à l'extérieur du Québec

En début d'année, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a remis au gouvernement un rapport sur les services de radiodiffusion de langue française à l'extérieur du Québec{13}. Le rapport suggère, entre autres, de modifier la pratique actuelle de distinguer les marchés canadiens en fonction du nombre de personnes ayant le français pour langue maternelle pour la remplacer par le critère du nombre de « locuteurs » francophones (ceux qui déclarent comprendre le français). Lors de consultations antérieures, la Commissaire avait fait valoir au CRTC que ce nouveau critère reflétait avec plus de justesse le marché potentiel de consommateurs de produits de radiodiffusion en français.

Le CRTC recommande aussi au gouvernement d'obliger tous les câblodistributeurs à diffuser les émissions des réseaux français et anglais de Radio-Canada. Les grands câblodistributeurs (ceux qui ont plus de 2 000 abonnés) qui utilisent une technologie numérique de moindre capacité devraient avoir l'obligation additionnelle d'offrir un service canadien spécialisé dans la langue officielle de la minorité pour chaque dizaine de services (canadiens ou non) offerts dans la langue majoritaire. Le CRTC considère enfin que les câblodistributeurs à grande capacité numérique devraient avoir l'obligation de fournir tous les services canadiens spécialisés de langue française et de langue anglaise, et au moins un service de télévision payante dans la langue officielle minoritaire.

L'engagement du CRTC à favoriser l'épanouissement des minorités

Au cours de l'exercice 2000-2001, le CRTC a rendu quelques décisions allant à l'encontre de l'engagement du gouvernement visant à favoriser l'épanouissement des minorités de langue officielle et à encourager la progression vers l'égalité du français et de l'anglais au sein de la société canadienne.

Rappelons que le CRTC n'a pas acquiescé à la demande de TVOntario de garantir la diffusion de sa chaîne française (TFO) au Québec. La Commissaire déplore tout autant la décision de TVOntario de cesser la diffusion hebdomadaire de TFO sur sa chaîne principale, ce qui en réduit considérablement l'accès.

Le CRTC a également refusé d'accorder une licence de diffusion à un projet de radio communautaire de langue française à Toronto. La radio communautaire permet pourtant aux communautés minoritaires de s'informer et de communiquer dans leur langue. Elle constitue un excellent outil pour briser l'isolement des communautés. Le Conseil devrait tenir compte de ces facteurs et favoriser la création d'un réseau complet de radios communautaires dans tout le pays.

Le droit des Canadiens et des Canadiennes de suivre les débats de la Chambre des communes dans la langue officielle de leur choix

La Chaîne d'affaires publiques par câble (CPAC) retransmet quotidiennement les délibérations de la Chambre des communes à tous les abonnés du câble. Le réseau émet le son de ses émissions en trois modes audio : une totalement en français, l'autre totalement en anglais, et la dernière « en direct », selon la langue de l'interlocuteur. Les modes sont sélectionnés par les câblodistributeurs locaux en fonction des pratiques linguistiques de leurs abonnés. La plupart des câblodistributeurs choisissent deux modes et certains n'en choisissent qu'un seul. Les membres de la communauté minoritaire de langue officielle d'une région bénéficient donc rarement de la diffusion intégrale des débats dans leur langue.

En 1998, des membres des deux communautés de langue officielle ont déposé des plaintes à ce sujet auprès de la Commissaire. Son rapport d'enquête final, transmis aux parties en cause en octobre 2000, concluait que la Loi sur les langues officielles obligeait la Chambre des communes à s'assurer que les citoyens et les citoyennes avaient un accès égal aux débats de la Chambre dans les deux langues officielles, quel que soit le mode de diffusion. Ainsi, il incombe à la Chambre de s'assurer que les services de télédiffusion qu'elle offre au public canadien par l'entremise d'un tiers, en l'occurrence CPAC, respecte les exigences linguistiques prévues à la Loi. Tout en admettant que l'avènement de moyens technologiques plus efficaces, tel l'ère numérique, puisse assurer au public le plein accès aux débats télédiffusés dans la langue officielle de son choix, la Commissaire a néanmoins recommandé à la Chambre de mettre en place toutes les mesures voulues et d'entreprendre les démarches permettant la mise en œuvre du droit d'accès du public aux débats télédiffusés. Entre autres, elle a indiqué qu'il incombe à la Chambre de porter cette question à l'attention du CRTC et d'examiner avec toutes les parties intéressées, y compris l'Association canadienne de télévision par câble, toute solution à court terme qui permettrait au public canadien d'avoir accès aux débats parlementaires télédiffusés dans la langue officielle de son choix.

L'un des plaignants a déposé un recours à la Cour fédérale en vertu de la Partie X de la Loi. Il s'est plaint d'avoir accès aux délibérations de la Chambre des communes dans la version « en direct » seulement, sans traduction. Il demande à la Cour d'ordonner à la Chambre des communes de s'assurer que ses délibérations soient diffusées dans les deux langues officielles.

À la demande du Comité mixte permanent des langues officielles, la Commissaire a comparu devant le Comité en mars 2001 pour discuter de son rapport d'enquête. La Commissaire y a réitéré les positions prises dans son rapport et a exprimé son intention d'effectuer un suivi. La Chambre des communes a indiqué qu'elle ne participerait pas à ce suivi avant la résolution du litige devant la Cour fédérale. Compte tenu de cette position, la Commissaire a manifesté l'intention de demander le statut d'intervenante à la Cour fédérale.

3.7 Conclusion

Les divers cas rapportés dans ce chapitre illustrent à quel point des décisions administratives, au même titre que celles des tribunaux, peuvent favoriser l'égalité des communautés de langue officielle au sein de la société canadienne comme elles peuvent y nuire. D'où l'importance, pour les diverses institutions, de se concerter et de coordonner leurs efforts pour cristalliser leur engagement envers les communautés minoritaires. Leur développement et leur épanouissement dépendent de trop de facteurs - éducation, immigration, services municipaux, services de santé, de radiodiffusion, etc. - pour que le leadership isolé de quelques institutions puisse leur servir de véritable soutien. Voilà pourquoi la portée de l'engagement fédéral à l'égard des communautés linguistiques minoritaires doit être précisée de sorte que toutes les institutions assujetties à la Loi sur les langues officielles puissent mettre en place un régime adéquat pour l'appliquer. Il ne devrait subsister aucune ambiguïté quant au caractère impératif de cet engagement.


Chapitre 4 - Études et enquêtes spéciales

Problème : Les plaintes que reçoit la Commissaire sont souvent répétitives. Les recommandations émises à la fin d'une enquête ponctuelle réussissent rarement à résoudre les problèmes lorsqu'ils sont systémiques.

Principe : Pour régler un problème systémique de façon définitive, il importe de remonter jusqu'à sa source et de s'attaquer à sa racine.

Action : La Commissaire compte réaliser davantage d'études et d'enquêtes spéciales. De telles études sont généralement lancées à la suite de plaintes particulières, mais dépassent leur cadre pour étudier le problème sous tous ses angles, décortiquer ses origines souvent multiples et proposer des mesures plus globales en vue d'y remédier de façon permanente.

Parce que les recommandations émises au terme d'une enquête ne donnent pas toujours lieu à des changements permanents, la Commissaire souhaite que son action dépasse le seul traitement des plaintes des citoyens et des citoyennes. Il s'agit d'un volet capital de son mandat, mais il doit être accompagné d'actions plus interventionnistes pour trouver des solutions durables à des problèmes systémiques. C'est dans cette visée qu'elle commande des études et des enquêtes spéciales.

La Commissaire ne dispose d'aucun pouvoir de sanction, mais son pouvoir de persuasion ne doit pas être négligé. Lorsqu'une enquête confirme que les droits linguistiques de la population ne sont pas entièrement respectés, tout doit être mis en œuvre pour inciter les institutions fautives à appliquer des mesures correctives durables. Il pourra s'agir, selon les circonstances, de la facilitation, d'appels à l'opinion publique, de recours judiciaires, d'enquêtes ou d'études spéciales sur des questions d'intérêt particulier.

La première section de ce chapitre (Les études et enquêtes) récapitule les principales enquêtes et études publiées au cours de l'exercice et présente l'accueil qu'elles ont reçu. La partie suivante (Les suivis) décrit les plus récents développements relativement aux études et aux enquêtes réalisées au cours d'exercices précédents.

4.1 Les études et enquêtes

Bilan national des services au public en français et en anglais

En 1994, le Commissariat aux langues officielles a publié les résultats d'une étude exhaustive sur la qualité et la quantité des services fédéraux offerts au public dans les deux langues officielles. Cette année, la Commissaire dresse un bilan des études de suivi qui ont été réalisées dans chaque région du pays entre 1996 et 2000. Ce bilan présente les conditions favorables qui doivent être réunies pour que les bureaux désignés bilingues réussissent à fournir, sur une base constante, les services auxquels le public est en droit de s'attendre.

Le bilan lève le voile sur une certaine stagnation de l'offre de services bilingues. D'entrée de jeu, on constate que les transformations gouvernementales ont entraîné la fermeture de près de 25 p. 100 des bureaux et points de services bilingues depuis l'étude initiale. Comme en 1994, les enquêteurs n'ont été accueillis dans les deux langues que dans environ 60 p. 100 de leurs appels téléphoniques et dans moins de 20 p. 100 de leurs visites en personne. Par contre, la signalisation annonçant des services bilingues semble s'être améliorée partout au pays. Au Québec, les enquêteurs ont reçu un service téléphonique en anglais dans 96 p. 100 des cas, et dans la totalité des cas en personne - sensiblement les mêmes taux qu'en 1994. Les pourcentages n'ont guère varié dans le reste du Canada non plus : les enquêteurs ont obtenu un service en français dans 70 p. 100 de leurs appels téléphoniques et dans 76 p. 100 de leurs visites en personne.

Par contre, la capacité globale des bureaux désignés bilingues à fournir des services en français et en anglais a chuté de 10 p. 100 depuis l'étude initiale, passant de 76 p. 100 à 66 p. 100. Ce déclin est inacceptable. La Commissaire a recommandé au Conseil du Trésor de revoir ses mécanismes d'identification linguistique et sa politique sur les modes de dotation des postes bilingues pour assurer que les bureaux désignés disposent tous d'un effectif bilingue suffisant, capable de répondre à leurs obligations dans tous les secteurs de services fournis. La Commissaire a aussi recommandé au Conseil du Trésor et à la Commission de la fonction publique de relancer l'évaluation périodique du niveau de connaissance linguistique des titulaires de postes bilingues. L'abandon de cette pratique a contribué à la détérioration de la qualité des services fédéraux offerts dans les deux langues officielles. Les deux institutions ont convenu de l'importance de cette mesure dans le maintien des connaissances linguistiques des employés et comptent la mettre en œuvre au cours des prochains mois.

Un changement de culture s'impose

Un besoin de métamorphosePour que la dualité linguistique occupe enfin la place qui lui revient au sein du gouvernement et de ses institutions, ces derniers devront changer leur culture en profondeur. Les institutions devront chacune intégrer la dualité linguistique dans leur culture organisationnelle respective. Le devoir d'offrir des services de qualité équivalente dans les deux langues officielles devra se retrouver au cœur de l'éthique de la fonction publique fédérale. Au-delà des règles législatives qui le prescrivent, ce devoir tire sa source dans le respect de la spécificité, de la langue et de la culture de chaque membre des deux communautés de langue officielle du pays.

Pour parvenir à de véritables progrès, la politique canadienne des langues officielles doit être privilégiée à tous les échelons de l'appareil gouvernemental. Les leaders politiques et administratifs peuvent grandement influencer la culture d'entreprise des organisations qu'ils dirigent. Il incombe à chacun d'eux de valoriser la politique des langues officielles par des actions concrètes. Leurs véritables valeurs se traduiront beaucoup plus par les gestes qu'ils poseront que par leurs paroles. Pour que leur approche soit intégrée et cohérente, des programmes de mise en œuvre et de reddition des comptes clairs et équitables devront être établis.

Pour améliorer les services qu'elles offrent au public, les institutions devront réserver à la formation une place centrale au sein de leur fonctionnement. Le Centre canadien de gestion est un lieu tout désigné pour assurer que les gestionnaires de tous les niveaux développent des attitudes propices au partage des valeurs communes et à la connaissance des aspirations et des réalités sociales, économiques, politiques et culturelles propres aux deux groupes linguistiques.

Dans un rapport publié en février 2001{14}, le vérificateur général du Canada constatait que le Conseil du Trésor devait exercer une surveillance plus active de la gestion générale de l'appareil fédéral. Cette remarque est d'autant plus juste dans le cas de sa surveillance de l'application du programme des langues officielles par les institutions fédérales. Les systèmes de reddition des comptes actuels comportent d'importantes lacunes. La Commissaire a recommandé au Conseil du Trésor d'établir des indicateurs de rendement sur l'usage que font les institutions du français et de l'anglais dans leurs contacts avec le public, de développer des outils adéquats pour mesurer la satisfaction de la clientèle et d'effectuer davantage de suivis. Le Conseil du Trésor s'est montré très favorable aux recommandations et a indiqué son intention d'y donner suite au cours de la prochaine année.

Les principes directeurs qui devraient guider les institutions

Dans un rapport publié en 2000 pour renouveler le cadre de gestion de l'appareil fédéral{15}, la présidente du Conseil du Trésor préconise que les gestionnaires s'appuient « sur un ensemble de valeurs claires » et que leur gestion soit « axée sur l'obtention de résultats ». La nouvelle vision du gouvernement sur les langues officielles doit elle aussi s'articuler autour de ces deux éléments clés : valeurs et résultats.

Pour y parvenir, la Commissaire demande aux institutions axées sur les services de qualité dans les deux langues officielles d'adhérer aux huit principes directeurs suivants :

  1. Intégrer la dualité linguistique au cœur de leurs priorités et de leur culture organisationnelle dans le respect de la langue du public.?
  2. Adopter une vision et des objectifs clairs qu'elles partagent avec tous les membres de leur organisme et qui deviennent le fondement de leur plan stratégique.
  3. Fournir un leadership visible et cohérent aux employés.
  4. Créer une culture qui encourage l'initiative et l'excellence du service, et qui reconnaît les efforts constants de chacun pour améliorer le service.
  5. Établir des liens avec les communautés minoritaires de langue officielle pour connaître leurs besoins au regard des services qu'elles offrent.
  6. Mesurer la satisfaction de la clientèle.
  7. Évaluer périodiquement le niveau d'atteinte de leurs objectifs au moyen d'indicateurs de rendement.
  8. Former leurs employés et favoriser l'apprentissage continu et le maintien de l'acquis.
Le prochain défi d'Air Canada : la fusion linguistique

Air Canada est devenue une société privée en 1988. Avant sa privatisation, Air Canada était assujettie, en tant que société d'État, aux obligations linguistiques prévues dans la Loi sur les langues officielles de 1969, puis dans la Loi sur les langues officielles de 1988. L'article 10 de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada stipule qu'Air Canada demeure assujettie à la Loi sur les langues officielles malgré sa privatisation. Cet article a été modifié en juillet 2000 pour confirmer les obligations linguistiques d'Air Canada à l'égard de ses propres activités et pour préciser celles qui lui incombent à l'égard des activités de ses filiales.

La Société a souvent remporté la palme du plus grand nombre de plaintes portées contre une institution pour des manquements à la Loi. Ciblé dans plus d'un millier de plaintes recevables entre 1994 et 2000, le transporteur semble être aux prises avec de véritables problèmes systémiques. Depuis sa privatisation, on constate que les acquis linguistiques des Canadiens et des Canadiennes se sont effrités et ce, dans tous les domaines qui relèvent de la Société et de ses transporteurs régionaux : les services en vol, les services au sol, les annonces dans les médias, la langue de travail et la participation équitable des employés des deux groupes linguistiques.

Le Commissariat a procédé à des interventions variées pour tenter de régler les nombreux incidents rapportés. Des recommandations ont été émises, sans que le transporteur y donne suite.

Le Commissaire Goldbloom a intenté des recours judiciaires portant sur les manquements d'Air Canada relativement aux services au sol, les obligations linguistiques d'Air Ontario pour les services en vol et les obligations linguistiques en général des filiales d'Air Canada. La Commissaire Adam a poursuivi ces recours et entreprend maintenant des démarches pour inciter la Société à mettre en place une stratégie rigoureuse pour encadrer l'application de la Loi.

La saga des filiales

Depuis sa privatisation, Air Canada s'est portée acquéreur de plusieurs transporteurs régionaux. Ces acquisitions ont suscité de nombreuses plaintes, car la prestation des services en français par ses filiales était inégale. Les divergences de vues entre le Commissariat et la Société ont fait obstacle à la conduite des enquêtes. La Société considérait ses filiales comme des entités indépendantes, alors que le Commissariat considérait qu'elles avaient les mêmes obligations linguistiques que leur propriétaire.

C'est ainsi qu'en 1997 le Commissaire Goldbloom a adressé une demande de renvoi à la Cour fédérale pour obtenir des précisions sur les obligations des filiales d'Air Canada à l'égard de la Loi sur les langues officielles. Le Commissaire a fait valoir subsidiairement que les filiales devaient à tout le moins respecter les dispositions de la Loi relatives aux services au public (Partie IV de la Loi) puisqu'elles agissaient pour le compte d'Air Canada. Pour préserver les droits d'une plaignante, un autre recours avait été déposé concernant un vol d'Air Ontario à bord duquel des services en français n'avaient pas été fournis. Ce recours a été suspendu en attendant la décision de la Cour sur la demande de renvoi.

L'article 10 de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada a été modifié avant qu'une décision ne soit rendue. La nouvelle disposition oblige le transporteur à veiller à ce que toutes ses filiales (dont elle possède plus de 50 p. 100 des actions) respectent la Partie IV de la Loi en ce a trait aux services aériens, y compris les services connexes. Ces services incluent notamment les services en vol à bord des avions, les services au sol dans les aéroports et la publication, dans la presse écrite, d'annonces qui concernent les trajets ou les tarifs. Cette modification qui est entrée en vigueur en juillet 2000 a entraîné les désistements de la demande de renvoi et du recours concernant Air Ontario puisque les plaintes sur lesquelles ces recours étaient fondés concernaient spécifiquement la langue des services.

Les services en vol

Le Règlement sur les langues officielles - communications avec le public et prestation des services énumère le vaste éventail de situations où la demande est réputée importante et où des services en vol doivent conséquemment être fournis dans les deux langues officielles. Lorsque la demande peut être mesurée, les directives du Conseil du Trésor doivent être suivies.

À la suite de la modification de l'article 10 de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, la Société a décidé de sonder sa clientèle pour mesurer la demande de services en français sur les trajets assurés par ses transporteurs régionaux, Canadien, et ses filiales. La Commissaire s'interroge sur l'opportunité d'un tel sondage compte tenu du fait que les voyageurs ignoraient leurs droits au moment du sondage et n'avaient pas eu l'occasion de les exercer. La Société aurait dû attendre que les voyageurs soient bien informés de leurs nouveaux droits avant de procéder au sondage.

Une récente enquête sur l'absence de services bilingues lors d'un vol d'Air Ontario reliant Montréal et Ottawa a mis au jour les nombreuses lacunes des services en français d'Air Canada et d'Air Ontario sur les trajets où la demande en services bilingues est importante. En septembre 2000, seuls 5 p. 100 des agents de bord employés par Air Ontario maîtrisaient le français. La Commissaire a recommandé à Air Canada régional Inc. (dénomination sous laquelle sont regroupés, depuis le 1er janvier 2001, les transporteurs régionaux tels que Air Ontario, Air Nova, Air BC et Canadien régional) de s'assurer qu'à partir du 18 mai 2001, tous les agents de bord affectés à des vols reliant des points de demande importante soient en mesure de fournir les services de base en français aux passagers qui le désirent. Elle demande aux transporteurs de tenir compte de ces obligations lors de la négociation de la prochaine convention collective avec leurs agents de bord. D'ici là, un protocole d'entente devrait être négocié avec le syndicat pour autoriser l'employeur à affecter des agents de bord bilingues sur les vols à demande importante.

Les questions syndicales versus les services au sol dans les aéroports

En 1996, deux recours ont été intentés pour obliger Air Canada à fournir des services bilingues aux aéroports de Toronto (Pearson) et d'Halifax. Le Commissaire Goldbloom a notamment demandé au transporteur d'offrir des services dans les deux langues officielles en tout temps à tous les points de service au sol : comptoirs d'enregistrement, billetteries, salles d'attente, portes d'embarquement, annonces, etc.

Ce litige soulève, en plus de la question principale des services au public d'Air Canada dans les aéroports, la question de savoir si les dispositions d'une convention collective peuvent avoir préséance sur celles de la Loi sur les langues officielles. La convention collective entre Air Canada et ses employés prévoit des règles d'ancienneté pour gérer les choix d'affectation de postes. En réponse aux préavis d'enquête que le Commissariat lui a transmis concernant les nombreuses plaintes dont il a été saisi, et avant le dépôt des procédures, Air Canada a répliqué que les règles d'ancienneté l'empêchaient d'assigner des employés bilingues aux points de services bilingues. La Commissaire considère pour sa part que la Société ne peut invoquer les conventions collectives pour se soustraire à ses obligations linguistiques. Le syndicat des employés d'Air Canada est intervenu dans les deux litiges.

Au cours de la dernière année, les parties ont amorcé des discussions pour tenter de s'entendre sur un règlement à l'amiable. La Cour a ordonné la tenue de séances de médiation, en mai et août 2001. Elle déterminera si un règlement peut être négocié ou si les procédures légales doivent être poursuivies.

Les communications dans la presse écrite

Lorsque les institutions doivent communiquer avec le public dans les deux langues officielles, l'article 30 de la Loi les oblige à utiliser les médias leur permettant d'assurer « une communication efficace avec chacun dans la langue officielle de son choix ». En 1991, le Commissaire et Air Canada ont signé un protocole d'entente dans lequel la Société s'est engagée à utiliser, autant que possible, la presse des deux groupes linguistiques pour informer sa clientèle de ses activités. Dans les années qui ont suivi, Air Canada a décentralisé la gestion de la plupart de ses campagnes publicitaires destinées à la presse écrite pour la confier à ses transporteurs régionaux. Ces derniers se sont souvent bornés à publier leurs annonces dans les médias de la langue majoritaire de leur région, sans équivalents dans les médias de langue minoritaire. Air Canada en a été alerté, mais la Société a toujours répondu que ces plaintes concernaient les publications de ses transporteurs qui, selon elle, n'étaient pas assujettis à la Loi.

Depuis juillet 2000, l'article 10 de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada mentionne expressément que la Société doit veiller à ce que ses filiales publient leurs annonces dans la presse de langue officielle minoritaire lorsqu'elles contiennent des renseignements relatifs aux trajets et aux tarifs. Trop peu de temps s'est écoulé pour qu'un jugement définitif soit porté, mais le nombre de plaintes relatives à la presse écrite a diminué au cours des derniers mois. Au nombre de 95 en 1998, 61 plaintes ont été déposées en 1999 et 27 en 2000. Un examen comparatif couvrant une plus longue période permettra de vérifier si la Société est parvenue à faire des progrès tangibles dans ce domaine.

La langue de travail et la participation équitable

À tort ou à raison, de nombreux employés fédéraux hésitent à dénoncer leur incapacité d'exercer leurs droits linguistiques dans le cadre de leur travail. Une plainte isolée représente parfois la pointe de l'iceberg. Tout porte à croire que de sérieux problèmes internes se cachent derrière les quelque 200 plaintes déposées par les employés d'Air Canada depuis 1986.

La grande majorité des plaintes provient de francophones qui travaillent au Québec. Les plus courantes concernent l'unilinguisme des cours de formation et de perfectionnement des pilotes, des agents de bord et des mécaniciens ainsi que l'absence de documentation en français sur les conventions collectives. Les nombreuses recommandations que les commissaires ont réitérées au fil des ans n'ont généralement pas été respectées. Les problèmes persistent.

Il en va de même des recommandations qui visent à accroître la représentation francophone au sein des effectifs d'Air Canada. Par exemple, en 1986, des données internes estimaient que 14 p. 100 des pilotes de la Société étaient d'expression française. Toutefois, des cadres supérieurs d'Air Canada avaient par la suite informé un comité parlementaire que le taux de participation des francophones chez ses pilotes était d'environ 12,5 p. 100. Il a été impossible de tirer cette affaire au clair puisque la Société n'a jamais fourni toutes les données requises pour bien saisir la situation. Deux enquêtes lancées dernièrement vont approfondir ces questions. La première émane de deux plaintes distinctes de membres de l'Association des gens de l'air du Québec, qui dénoncent la faible participation francophone parmi les pilotes d'Air Canada et dans l'ensemble de l'effectif. L'autre étudie une politique interne de recrutement des agents de bord. On accuse la politique de favoriser les candidats anglophones qui maîtrisent une langue seconde autre que le français. Ces enquêtes devraient être complétées au cours des prochains mois.

La nécessité de mettre en œuvre une stratégie appropriée pour qu'Air Canada respecte ses obligations

De toute évidence, la politique canadienne sur les langues officielles ne semble pas figurer au nombre des priorités des dirigeants d'Air Canada.

Le programme des langues officielles dont s'est dotée la Société a grand besoin d'être renforcé et mieux géré. La Commissaire a rédigé de nouveaux principes directeurs pour baliser le parcours qu'Air Canada doit emprunter. Ils sont rassemblés dans un document intitulé Mise en place d'un régime d'application approprié de la Loi sur les langues officielles à la société Air Canada. Le document a été remis aux membres du Comité sénatorial des transports, ainsi qu'au ministre des Transports, qui l'a à son tour transmis au président d'Air Canada dans le cadre du processus législatif entourant la modification de l'article 10 de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada.

Le régime proposé par la Commissaire vise à inciter la Société à prendre les mesures nécessaires pour appliquer la Loi sur les langues officielles à tous ses paliers et dans toutes ses opérations courantes. Des services bilingues de même qualité devraient être fournis sur tous les vols à demande importante, à tous les points de service et en tout temps dans les aéroports à demande importante, ainsi que dans ses communications. Dans les régions désignées bilingues, les employés devraient bénéficier d'un environnement de travail propice à l'utilisation des deux langues officielles. La Société devrait favoriser la participation équitable des francophones et des anglophones. À cet égard, deux mesures sont prioritaires : la mise en place d'une méthode qui permette de recenser la première langue officielle de tous ses employés et l'identification des secteurs d'emploi où la représentation linguistique des effectifs est inéquitable.

La Commissaire a proposé que la Société prépare un rapport annuel afin de rendre compte des mesures instaurées pour s'acquitter de ses responsabilités linguistiques, ainsi que des résultats obtenus. Elle a également suggéré que l'observateur indépendant nommé par le ministre surveille la mise en œuvre du nouveau régime d'application de la Loi.

Dans l'éventualité où Air Canada manquerait à ses devoirs, il ne resterait plus que les voies législatives ou réglementaires pour sortir de l'impasse. La Commissaire souhaite toutefois que le ministre des Transports ne soit pas obligé de suivre cette voie, et qu'Air Canada modifie son attitude de façon durable et expéditive, eu égard à l'intégration de l'effectif des Lignes aériennes Canadien International Ltée qui est en cours.

Le français dans le sport de haut niveau

La Commissaire a complété en juin 2000 une importante étude sur l'usage du français et de l'anglais dans le sport de haut niveau au Canada{16}. Outre un sondage effectué auprès des athlètes qui bénéficient d'une aide financière fédérale, les enquêteurs ont rencontré une centaine de personnes œuvrant dans le milieu sportif et dans des domaines connexes, comme la formation des entraîneurs et les programmes de financement public. À la suite de l'étude, le gouvernement fédéral a lancé plusieurs initiatives prometteuses pour améliorer le statut du français dans le sport de haut niveau. Il est intéressant de noter que le gouvernement du Québec a formé une commission pour examiner la situation des athlètes francophones au sein du système sportif du pays.

L'étude a constaté que le français avait encore un long chemin à parcourir pour atteindre un statut équivalent à celui de l'anglais sur la scène sportive canadienne. Les athlètes francophones y sont sous-représentés : seuls 18 p. 100 des athlètes de haut calibre sont francophones, alors que les francophones composent le quart de la population canadienne. La représentation francophone n'est pas répartie de façon homogène. Elle a tendance à se concentrer dans une poignée de sports dont les organismes nationaux sont souvent des modèles de bilinguisme, comme Patinage de vitesse Canada et l'Association canadienne de patinage artistique.

Les services examinés dans l'étude sont généralement assurés par des organismes nationaux sans but lucratif. Leurs obligations linguistiques résultent surtout des accords de financement conclus avec Sport Canada. La majorité des institutions sportives ne possède pas de politique claire sur les langues officielles et ne dispose pas des structures administratives nécessaires à la gestion des programmes dans les deux langues. Le cycle semble solidement engagé au sein de plusieurs organismes : les services en français médiocres attirent peu de francophones et, inversement, l'absence de francophones justifie les maigres ressources investies dans les services bilingues. La meilleure façon de sortir de ce cercle vicieux consiste à accroître la quantité et la qualité des services offerts en français.

Des études et des reportages ont laissé entendre, dans les années passées, que le processus de sélection des équipes nationales désavantageait les athlètes francophones. La Commissaire a constaté que la majorité des processus font maintenant place à plus de transparence et prévoient des mécanismes de règlement des différends. En règle générale, les critères de sélection sont prédéterminés, publics et largement fondés sur la performance.

Les francophones se butent à plusieurs obstacles avant même d'être admissibles aux ultimes sélections des équipes nationales. La transition d'un athlète du niveau provincial au niveau national est d'abord compliquée par les conflits qui opposent souvent les organismes provinciaux et les équipes nationales. S'il parvient à faire le saut, l'athlète francophone ne peut généralement pas recevoir dans sa langue maternelle la gamme des services offerts par sa nouvelle équipe (programmes de développement, de perfectionnement, de physiologie, de psychothérapie, etc.). La majorité des entraîneurs ne parle pas français, et ceux qui le parlent bénéficient rarement de programmes de formation en français.

La Commissaire a recommandé à Sport Canada de collaborer avec les organismes nationaux et l'Association canadienne des entraîneurs pour que les postes d'entraîneurs soient également accessibles aux francophones et aux anglophones, et pour qu'une formation linguistique soit offerte à tous ceux qui travaillent avec des équipes dont les membres proviennent des deux communautés de langue officielle. Cette collaboration devrait aussi viser à améliorer les habiletés linguistiques des entraîneurs de toutes les équipes nationales.

Les organismes de sport n'ont pas eu la tâche facile au cours des dix dernières années : le gouvernement fédéral s'est largement retiré de leur financement et de leur administration quotidienne, tout en exigeant d'eux qu'ils respectent des normes plus strictes en matière de langues officielles. La situation semble heureusement en bonne voie de changer. L'aide financière qu'ils reçoivent du gouvernement fédéral a récemment été augmentée, et plusieurs initiatives sont sur le point d'être lancées pour développer les services d'entraînement des équipes nationales. En outre, une entente a été conclue avec l'Association olympique canadienne pour améliorer ses services en français et pour que le statut des langues officielles soit mis en valeur dans toute la structure canadienne du sport de haut niveau.

Sport Canada a nommé un coordonnateur des langues officielles qui verra à mettre en œuvre les recommandations de la Commissaire en concertation avec les principaux intéressés. Il a déjà amorcé une vaste consultation des organismes sportifs et des autres paliers de gouvernement en vue de renouveler la politique sportive canadienne. La Commissaire suivra ces activités de près pour s'assurer que les langues officielles sont adéquatement intégrées à la nouvelle politique qui sera élaborée.

Dans l'univers du sport de haut niveau, la tendance est d'être centré sur l'athlète. Cet objectif est même inscrit dans le cadre de financement de Sport Canada. Un système centré sur l'athlète devrait être en mesure, avant toute chose, de communiquer avec lui dans la langue officielle de son choix.

Les obligations linguistiques des représentants de la Couronne

Partout au pays, le ministère de la Justice fait régulièrement appel à des avocats de cabinets privés pour agir comme représentants officiels de la Couronne fédérale dans des affaires civiles et pénales. Des problèmes surviennent lorsque ces mandataires ne maîtrisent pas la langue officielle de la minorité.

Au fil des ans, le Commissariat aux langues officielles a reçu de nombreuses plaintes de juristes et de citoyens francophones, surtout du Nouveau Brunswick, qui éprouvaient des difficultés à exercer leurs droits linguistiques devant les tribunaux de leur province.

En décembre 2000, la Commissaire a rendu publique son Étude sur les obligations des représentants de la Couronne fédérale en matière de langues officielles dans la province du Nouveau-Brunswick. Comme son nom l'indique, l'étude se penche sur la situation qui prévaut au Nouveau-Brunswick. Les recommandations qu'elle contient ont cependant une pertinence nationale, car elles se fondent sur l'examen de l'ensemble de la procédure administrative que le ministère de la Justice utilise pour le choix de ses représentants.

La Commissaire a conclu que plusieurs modifications devaient être apportées aux Conditions de nomination des représentants de la Couronne et aux Lignes directrices du Ministère pour veiller à ce que les représentants de la Couronne respectent les obligations linguistiques applicables en matière d'administration de la justice. Elle a entre autres recommandé :

  • D'identifier la langue préférée des accusés ou des parties civiles dès le début du processus judiciaire, pour évaluer adéquatement les besoins linguistiques au moment de choisir les représentants de la Couronne.
  • D'informer pleinement les représentants de la Couronne des droits et obligations de la Couronne relatifs à l'utilisation des langues officielles dans les procédures judiciaires, les communications avec le public et la prestation de services.
  • De prévoir des directives claires sur les transferts de dossiers dans les cas où les représentants de la Couronne ne peuvent pas respecter les obligations linguistiques applicables.
  • De veiller à ce que les communications entre le ministère de la Justice et les représentants de la Couronne se fassent dans le respect des obligations linguistiques fédérales en matière de communication avec le public et de prestation de services.

Le ministère de la Justice a commencé à réviser ses Conditions de nomination des représentants de la Couronne et ses Lignes directrices à la lumière des recommandations de la Commissaire. Son équipe procédera au suivi de cette étude au cours du prochain exercice.

Un tel suivi est nécessaire puisqu'il s'agit de la troisième étude en cinq ans à être menée par le Commissariat sur la place des langues officielles dans l'administration de la justice. La première, effectuée en 1995, se concentrait sur la mise en œuvre des droits linguistiques en matière criminelle par les tribunaux provinciaux{17}(art. 530 et suivants du Code criminel). Elle traitait aussi sommairement de la mise en œuvre des droits linguistiques en matière civile devant les tribunaux provinciaux (prévus dans les dispositions constitutionnelles ou législatives provinciales) et devant les tribunaux fédéraux (Partie III de la Loi sur les langues officielles). La seconde, qui date de 1999, se penchait sur l'application des droits linguistiques en matière civile devant les tribunaux fédéraux{18} (Partie III de la Loi sur les langues officielles). Malheureusement, la mise en œuvre complète des recommandations des études précédentes se fait toujours attendre. Pourtant, il est capital d'élaborer des mesures administratives et législatives claires qui permettront au public canadien d'utiliser la langue officielle de son choix à toutes les étapes du processus judiciaire.

Lors d'une réunion tenue en septembre 2000, l'Assemblée régionale Amérique de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie s'est penchée sur l'accessibilité des francophones à la justice en Amérique du Nord. Dans une résolution adoptée à l'unanimité, l'Assemblée a demandé au Comité mixte permanent des langues officielles de tenir des séances de travail sur les études du Commissariat de 1995 et de 1999. À la fin du dernier exercice, les représentants du ministère de la Justice ont élaboré un plan d'action en vue d'identifier des solutions concrètes pour mettre en œuvre les recommandations de l'étude de 1995.

La Commissaire est satisfaite de l'attention particulière que le ministère de la Justice semble vouloir accorder à l'étude de 1995 et elle s'attend à ce que cette attention se traduise maintenant par une mise en œuvre rapide, efficace et concrète de toutes ses recommandations. Elle s'attend également à ce que le Ministère donne suite à ses autres études et recommandations relatives à l'administration de la justice.

Des services douaniers en français aux postes frontaliers ontariens

La pénurie de services douaniers en français aux postes frontaliers du sud de l'Ontario ne date pas d'hier. À la fin des années 80, le ministère du Revenu avait consenti à établir des guérites bilingues, mais de nombreux problèmes opérationnels sont venus miner leur succès : réticence des douaniers, difficulté d'assurer une présence continue de personnel bilingue, confusion créée aux heures de pointe par les voyageurs tentant de se frayer un chemin vers l'unique guérite bilingue, etc.

Même si le nombre de douaniers bilingues a considérablement augmenté au cours de la dernière décennie (20 p. 100 des effectifs sont maintenant bilingues), la Commissaire reçoit de nombreuses plaintes chaque année. Un groupe de travail a donc été créé pour planifier l'amélioration des services en français aux postes frontaliers ontariens.

Les représentants du Commissariat aux langues officielles et de l'Agence des douanes et du revenu qui se sont penchés sur la question ont proposé plusieurs solutions concrètes. On suggère entre autres de consulter la communauté francophone locale en vue de lancer un projet-pilote qui étendrait l'offre de services en français à toutes les guérites par l'intermédiaire du téléphone ou de la radio. Le groupe de travail recommande aussi à l'Agence d'embaucher un plus grand nombre de douaniers bilingues et d'augmenter les ressources consacrées au maintien de leurs compétences linguistiques. Le groupe a soumis une analyse de rentabilisation à l'Agence afin d'obtenir les fonds nécessaires pour que ses principales recommandations soient mises en œuvre.

4.2 Les suivis

Étude sur le gouvernement du Canada et le français sur Internet

Le renforcement de la présence du français sur les inforoutes représente un grand défi pour la Commissaire, car Internet recèle d'immenses possibilités pour promouvoir les langues officielles et la dualité linguistique du Canada. Il peut aussi devenir un précieux outil pour appuyer le développement des communautés linguistiques. Avec son équipe, la Commissaire entend ainsi continuer à défendre et à encourager l'utilisation du français sur Internet auprès des diverses organisations nationales et internationales qui s'intéressent à la question.

En 1999, la Commissaire a publié une étude spéciale dans laquelle elle incitait fortement le gouvernement fédéral à contribuer davantage aux contenus en français sur Internet{19}. Depuis, le gouvernement a lancé plusieurs initiatives en ce sens. La plus importante, nommée Gouvernement en direct, vise à offrir sur Internet tous les services fédéraux dans les deux langues officielles. La bilinguisation de ces services et la numérisation de cette formidable masse documentaire devraient être complétées d'ici 2004. Il s'agira alors d'un grand pas en avant, puisque les services fédéraux seront fournis dans les deux langues officielles partout au Canada, sans égard à l'importance de la demande.

Dans l'ensemble, les nombreux projets de conversion numérique parrainés par le gouvernement fédéral vont bon train. Ces efforts demeurent toutefois insuffisants. Il est capital de mettre au point des outils de recherche linguistique et des systèmes de traitement automatique des langues plus performants. Sans eux, les langues officielles ne seront jamais sur un pied d'égalité dans cette agora virtuelle qu'est Internet. Le gouvernement fédéral doit accorder plus de soutien à la recherche et au développement dans ce secteur de pointe. Un Comité interministériel sur le français sur Internet et un Comité de concertation technolinguistique ont été créés pour conseiller le gouvernement sur ces questions. Ils devraient être dotés de secrétariats permanents pour être à même de bien remplir leur mandat et d'évaluer l'incidence d'Internet sur la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles.

Étude spéciale sur les services en français offerts par la Gendarmerie royale du Canada au Manitoba

Dans son dernier rapport annuel, la Commissaire rapportait les résultats d'une étude spéciale sur les services offerts en français par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) au Manitoba. On y constatait que la restructuration organisationnelle du corps policier avait entraîné une diminution des services en français dans le corridor de la rivière Rouge. La GRC a accepté de se plier aux recommandations de la Commissaire et les changements en cours ont été suspendus.

Un groupe de travail réunissant des représentants fédéraux, provinciaux et communautaires a été formé pour étudier les besoins des francophones. Après des débuts difficiles, la consultation menée par le groupe de travail a abouti à des solutions concrètes.

  • L'intégrité du territoire actuel du détachement de Saint-Pierre-Jolys sera protégée et l'ensemble du personnel de la GRC sera bilingue.
  • Des bureaux communautaires de la GRC seront ouverts dans les localités à forte concentration francophone et l'ensemble du personnel sera bilingue.
  • Des mesures seront prises pour augmenter la capacité bilingue des employés au centre des communications de la GRC.
  • Un haut gestionnaire de la GRC sera chargé d'administrer le programme des langues officielles pour la province du Manitoba.

Cette nouvelle orientation de la GRC au Manitoba semble vouloir respecter, grâce à la détermination de la communauté, les exigences de la Loi. La Commissaire assurera un suivi dans les mois à venir pour évaluer la mise en œuvre de ces engagements.

Enquête sur le profil linguistique des postes de gendarmes au Nouveau-Brunswick

La Commissaire doit continuer de défendre fermement sa position afin que ne soit pas compromise la prestation des services en français auprès de la communauté acadienne. En 1997, la Gendarmerie royale du Canada a amorcé la restructuration de ses effectifs dans la région de l'Atlantique et a demandé à un consultant d'évaluer les exigences linguistiques des postes de sa nouvelle structure. Celui-ci a recommandé d'abaisser l'exigence relative à l'interaction orale de plusieurs postes de gendarme du niveau « C » au niveau « B », estimant qu'une connaissance intermédiaire de la seconde langue officielle était suffisante pour permettre aux gendarmes d'accomplir bon nombre de leurs tâches quotidiennes. Il ajoutait que dans les régions urbaines, les gendarmes qui éprouvaient des difficultés à communiquer avec un francophone pourraient toujours faire appel à un collègue possédant une meilleure maîtrise du français.

À la suite de cette recommandation, des citoyens et des organismes porte-parole ont déposé des plaintes auprès de la Commissaire. Dans le rapport d'enquête qu'elle a fait connaître aux parties en cause au mois de mai 2000, la Commissaire a conclu que le consultant, en recommandant la réduction des exigences linguistiques, n'avait pas tenu compte de l'esprit et de la lettre de l'article 91 de la Loi. La Commissaire a donc formulé cinq recommandations à la GRC, dont trois concernaient l'orientation que l'institution a adoptée en Atlantique à la suite des recommandations du rapport du consultant. Dans une autre recommandation, la Commissaire demandait à la GRC de mettre sur pied un processus de consultation formel et permanent avec les communautés de langue officielle minoritaire desservies dans la région de l'Atlantique.

Afin d'évaluer dans quelle mesure la GRC a mis en œuvre ses recommandations, la Commissaire a entrepris un suivi en novembre 2000. Ses enquêteurs ont interviewé un certain nombre d'employés à différents paliers de la GRC dans la région de la capitale nationale, à Terre-Neuve ainsi qu'à divers endroits au Nouveau-Brunswick. Ils ont également rencontré, à la fin de novembre 2000, des représentants des communautés francophones du Nouveau-Brunswick.

De son côté, la Société des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick a présenté au début de mars 2001 une requête à la Cour du Banc de la Reine de la province afin que cette dernière déclare le rapport du consultant invalide et contraire aux articles 16, 16.1 et 20 de la Charte canadienne des droits et libertés, et ordonne à la GRC d'annuler toute mise en œuvre découlant du rapport, dont les mesures prises pour réduire les exigences linguistiques des postes de gendarme.

Étude sur les points de contrôle de sûreté préalable à l'embarquement dans les aéroports et les messages de sécurité à bord des avions

La Loi sur l'aéronautique et ses règlements garantissent le droit de subir le contrôle de sécurité préalable à l'embarquement dans la langue officielle de son choix à tout voyageur qui passe par un aéroport devant offrir des services dans les deux langues. Des dispositions stipulent aussi que les consignes de sécurité à bord des appareils doivent être énoncées en français et en anglais. En juin 2000, Transports Canada a modifié le Règlement canadien sur la sûreté aérienne pour que des sanctions pécuniaires puissent être imposées aux transporteurs qui contreviennent à ces obligations linguistiques.

La Commissaire avait mené une étude spéciale sur la question en 1998, et son dernier rapport annuel en rapportait les principales recommandations. Quelques-unes d'entre elles ont été mises en application au cours du plus récent exercice. Le Ministère s'est entendu avec le Commissariat aux langues officielles pour simplifier le processus de traitement des plaintes. Deux ententes ont été signées pour formaliser leur collaboration : la première concerne les plaintes reliées aux annonces de sécurité en vol et la seconde encadre les plaintes reliées aux contrôles préalables à l'embarquement. Ces ententes respectent le mandat du Ministère d'enquêter sur d'éventuelles infractions à la Loi sur l'aéronautique, tout en reconnaissant le rôle d'ombudsman de la Commissaire à l'égard des plaignants. En vertu de leurs dispositions, les plaintes sont directement transmises aux autorités responsables du ministère des Transports, qui doivent prendre les moyens d'action nécessaires et informer le Commissariat des résultats obtenus.

Ces mesures n'ont toutefois pas réussi à corriger tous les problèmes. Des manquements à certains aéroports ont récemment été rapportés. Des enquêtes sont en cours à Transports Canada.

4.3 Conclusion

Le même type de lacunes régulièrement constatées et d'incidents continuellement rapportés démontre l'existence de problèmes systémiques dans l'application de la politique canadienne sur les langues officielles. Les études approfondies qui sont alors entreprises pour en identifier la source et les causes convergent habituellement vers la même conclusion : la résistance ou l'indifférence de l'institution visée par les plaintes empêche la mise en place de solutions permanentes. Une fois de plus, la réponse à ce dilemme se résume en trois mots-clés : leadership, engagement et responsabilité.

La Commissaire est convaincue qu'un tel leadership passe avant tout par la sensibilisation. C'est pourquoi elle a formulé des recommandations précises afin d'amener les institutions à respecter toutes leurs obligations linguistiques et à jouer un rôle plus actif dans la résolution des problèmes d'ordre linguistique. Toutefois, la Commissaire est consciente qu'elle ne peut, à elle seule, vaincre l'indifférence des institutions. À cet égard, elle apprécie la collaboration des membres du Comité mixte permanent des langues officielles, qui ont entrepris de se pencher sur de grands dossiers et d'appuyer ses efforts. Elle espère d'autres renforts du gouvernement fédéral, qui doit exercer un leadership véritable en incitant les administrateurs de tous les paliers à faire preuve de leadership et de responsabilité.

Cette collaboration devrait amener un changement de culture en profondeur qui sous-tend le respect de la spécificité de toutes les communautés francophones et anglophones où qu'elles soient au pays. Tous les services offerts, par exemple dans les domaines du transport aérien, de la sécurité de l'État, du sport de haut niveau, des communications par Internet, s'ils reflétaient la dualité linguistique, ne pourraient que contribuer au respect de nos valeurs démocratiques.

La Commissaire continuera d'inciter les dirigeants à prendre toutes les mesures administratives nécessaires afin de refléter l'engagement du gouvernement en la matière. Dans l'attente de la cristallisation de cet objectif, son équipe continuera à effectuer des suivis serrés pour veiller à ce que les recommandations qu'elle formule soient mises en œuvre.


Chapitre 5-Les préoccupations des citoyens et des citoyennes

Problème : À titre d'utilisateurs de services d'une institution fédérale, les Canadiens et les Canadiennes sont parfois lésés dans leurs droits linguistiques.

Principe : Lorsque des manquements sont signalés, les institutions visées doivent corriger toutes les lacunes identifiées et s'assurer de respecter entièrement les obligations linguistiques qui leur incombent en vertu de la Loi sur les langues officielles et de son règlement.

Action : Lorsqu'un incident lui est rapporté, la Commissaire demande à ses enquêteurs de communiquer avec les parties en cause et de rassembler tous les renseignements pertinents. Selon les résultats de l'enquête, la Commissaire peut émettre des recommandations pour corriger la situation. Un suivi permettra de vérifier si les mesures correctives ont été instaurées dans les délais prescrits.

La Commissaire aux langues officielles doit une fière chandelle aux citoyens et aux citoyennes déterminés qui revendiquent leurs droits linguistiques. Leurs témoignages lui procurent une mesure empirique irremplaçable de l'évolution du programme des langues officielles au sein des diverses institutions fédérales.

La première section de ce chapitre résume la teneur des préoccupations qui lui ont été signifiées directement par la population, ou dont elle a pris connaissance au cours des diverses activités publiques auxquelles elle a pris part durant le dernier exercice. Les sections qui suivent traitent de chaque catégorie de plaintes dont la Commissaire a été saisie, en présentant des exemples représentatifs et en décrivant des enquêtes particulièrement significatives.

5.1 La Commissaire à l'écoute

La Commissaire a reçu au-delà de 2 500 communications au cours du dernier exercice. Bien que la majorité ait porté sur une plainte en particulier, un bon nombre d'entre elles visaient aussi à obtenir des informations relatives aux droits linguistiques.

Profil général des renseignements fournis

Les demandes de renseignements ont été variées. Certaines concernaient des enquêtes en cours, alors que d'autres provenaient d'Européens et d'Américains s'enquérant des politiques linguistiques du Canada ainsi que des efforts déployés pour favoriser le développement des communautés vivant en situation minoritaire. La Commissaire a aussi correspondu avec des parents qui désiraient connaître la portée exacte des droits scolaires garantis par l'article 23 de la Charte. Certains parents issus de la communauté majoritaire croyaient, à tort, que la Charte garantissait à leurs enfants le droit à des programmes d'immersion dans la langue officielle de la communauté minoritaire de leur région.

Interventions dans les médias

Par la voix des médias, certaines personnes véhiculent des inexactitudes, voire des faussetés, sur des questions relatives aux langues officielles. La Commissaire tient généralement à apporter les éclaircissements qui s'imposent dans de telles situations. À titre d'exemple, on a tendance à gonfler les coûts réels du programme des langues officielles en omettant d'en soustraire les coûts des nombreux services qui devraient tout de même être offerts si les bénéficiaires du programme étaient membres de la communauté majoritaire. D'autres ont tendance à grandement sous-estimer le nombre d'anglophones au sein de la haute direction de la fonction publique fédérale; en réalité, 73 p. 100 des cadres sont de langue anglaise. En revanche, la Commissaire fait preuve du même empressement pour louanger publiquement les initiatives de rapprochement entre les deux communautés de langue officielle, qu'il s'agisse d'une série d'articles publiés par un journal sur la communauté minoritaire locale ou d'une entente culturelle entre les villes de Québec et de Sault Ste. Marie.

Participation à diverses activités publiques

Elle-même à l'origine de nombreuses consultations, la Commissaire s'intéresse beaucoup aux activités organisées par les autres groupes actifs sur la scène linguistique canadienne. La Commissaire s'efforce d'être au fait de toutes les réflexions qui sont entreprises sur les questions linguistiques. Durant le dernier exercice, elle a pris un intérêt particulier au déroulement des travaux organisés dans le cadre du projet Dialogue, lancé par la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, de même qu'à ceux de la Commission des États généraux sur la situation et l'avenir du français au Québec.

Le groupe de travail chargé de mettre en œuvre le projet Dialogue a effectué une consultation nationale pour recueillir les points de vue de la population canadienne sur les grandes questions touchant l'avenir des communautés francophones et acadienne et ses relations avec les autres composantes de la société canadienne. Cette tournée a culminé en une grande rencontre à laquelle la Commissaire a participé. Elle a profité de l'occasion pour souligner l'importance de la démarche du groupe de travail, et a vivement approuvé l'une de ses principales conclusions : l'importance de s'ouvrir aux communautés culturelles, aux Premières nations et aux francophiles de partout au pays.

À titre d'observatrice, la Commissaire a personnellement assisté à plusieurs des activités organisées par la Commission des États généraux au Québec. Des membres de son équipe ont également été présents à la majorité des audiences et des forums tenus en province. La Commissaire a beaucoup apprécié les nombreuses interventions constructives qui y ont été faites sur l'importance d'assurer la vitalité de la langue française au Québec dans le respect de la diversité et de la minorité anglophone. Elle a été heureuse de constater l'ouverture souvent manifestée lors des consultations à l'égard des communautés francophones vivant en situation minoritaire. Une solidarité accrue entre le Québec et ces communautés ne peut être que bénéfique à la langue française.

Profil général des plaintes reçues

La plupart des plaintes dont la Commissaire a été saisie au cours du dernier exercice étaient recevables (80 p. 100). Les autres ont été refusées (17 p. 100) ou retirées (3 p. 100) (figure 1). La majorité des événements litigieux (60 p. 100) se sont produits dans la région de la capitale nationale et ailleurs au Québec et en Ontario (figure 2). Les plaignants étaient principalement francophones (80 p. 100). Les incidents rapportés au cours d'une année visent typiquement au-delà d'une centaine d'institutions. Une fois de plus cette année, quinze d'entre elles a été la cible des deux tiers des plaintes (figure 3).

Il existe deux principaux types de plaintes : celles qui proviennent des membres du public incapables de se faire servir adéquatement dans la langue officielle de leur choix, et celles qui sont déposées par des employés fédéraux qui considèrent que leurs droits linguistiques en milieu de travail ne sont pas respectés. Les premières représentent 75 p. 100 du nombre total de plaintes et les secondes comptent pour 16 p. 100 de la totalité des plaintes. Les autres ont trait aux exigences linguistiques de certains postes (4 p. 100 du nombre total), à la participation équitable des francophones et des anglophones au sein de la fonction publique, de même qu'à l'égalité de leurs chances d'emploi et d'avancement.

Figure 1
Répartition des communications par région
{1}
Région Total des communi-
cations
Demandes de renseigne-
ments
Plaintes reçues Plaintes{2} instruites Service au public Langue de travail Exigences linguistiques Autres{3}
Terre-Neuve/
Labrador
13 4 9 6 4 1 - 1
Île-du-Prince-Édouard 42 4 38 29 27 1 1 -
Nouvelle-Écosse 117 6 111 91 72 4 4 11
Nouveau-Brunswick 110 23 87 73 55 9 7 2
Québec{4} 405 209 196 154 85 47 5 17
RCN (Québec) 96 13 83 68 29 32 5 2
RCN (Ontario) 490 134 356 279 190 62 5 22
Ontario{4} 362 125 237 190 173 9 3 5
Manitoba 85 39 46 39 29 7 3 -
Saskatchewan 36 16 20 13 11 - - 2
Alberta 104 43 61 54 48 - - 6
Colombie-Britannique 86 31 55 38 34 - 1 3
Les territoires{5} 12 8 4 2 2 - - -
Étranger 18 1 17 13 12 - - 1
Totaux 1 976 656 1 320 1 049 771 172 34 72
1 Informations tirées de la base de données de la Direction générale des enquêtes.
2 Environ 80 % des plaintes sont instruites. Les non instruites sont référées au bon endroit ou refusées parce qu'elles ne tombent pas sous la juridiction de la Loi et de son règlement.
3 La catégorie Autres comprend surtout les plaintes touchant les avis publics, la participation équitable et la Partie VII.
4 À l'exclusion de la région de la capitale nationale (RCN).
5 Les territoires comprennent le Nunavut, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest.

Figure 2
La répartition, par province et territoire, des 1 320 plaintes déposées
{1}
Terre-Neuve 9
Île-du-Prince-Édouard 38
Nouvelle-Écosse 111
Nouveau-Brunswick 87
Québec{2} 196
Région de la capitale nationale 439
Ontario{2} 237
Manitoba 46
Saskatchewan 20
Alberta 61
Colombie-Britannique 55
Yukon 4
Territoires du Nord-Ouest 0
Nunavut 0
1 Ce nombre inclut aussi 17 plaintes touchant des services dispensés à l'étranger ainsi que 439 plaintes dans la région de la capitale nationale, dont 356 du côté de l'Ontario et 83 du côté du Québec.

2 Ces nombres excluent ceux de la région de la capitale nationale.


Figure 3
Les institutions ayant fait l'objet de plus de 15 plaintes recevables et leur statut
Ministère/
Institution
Fondées Non fondées En cours
d'instruction
Total
Société canadienne des postes 85 19 39 143
Air Canada 30 4 103 137
Développement des ressources humaines Canada 52 6 36 94
Agence des douanes et du revenu du Canada 52 7 31 90
Élections Canada 49 3 1 53
Défense nationale 19 2 20 41
Travaux publics et Services gouvernementaux 16 5 17 38
Service correctionel du Canada 4 9 17 30
Administration de l'aéroport international d'Ottawa 11 0 17 28
Via Rail Canada Inc. 8 0 16 24
Citoyenneté et Immigration Canada 13 1 10 24
Affaires étrangères et Commerce international 11 0 9 20
Industrie Canada 8 1 10 19
Administration de l'aéroport international d'Halifax 1 0 16 17
Gendarmerie royale du Canada 5 3 9 17

5.2 Plaintes relatives à la prestation des services au public

La Partie IV de la Loi sur les languesSouris prise au piege officielles stipule qu'il « incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que le public puisse communiquer avec leur siège ou leur administration centrale, et en recevoir les services, dans l'une ou l'autre des langues officielles ». On ajoute que « cette obligation vaut également pour leurs bureaux [...] situés soit dans la région de la capitale nationale, soit là où, au Canada comme à l'étranger, l'emploi de cette langue fait l'objet d'une demande importante ». Le Règlement sur les langues officielles - communications avec le public et prestation de services précise les situations dans lesquelles les services doivent être offerts dans les deux langues officielles.

La Loi oblige aussi toutes les institutions fédérales à utiliser le français et l'anglais lorsqu'elles publient certains textes destinés au public, notamment les avis et annonces. Lorsque c'est possible, la version française doit paraître dans au moins une publication d'expression française, et son pendant anglais dans au moins une publication d'expression anglaise. En l'absence de telles publications, les textes doivent paraître dans les deux langues officielles dans au moins une publication largement diffusée dans la région visée. La Loi précise que les institutions qui doivent communiquer avec le public dans les deux langues officielles sont tenues d'utiliser les médias qui leur permettent d'assurer une communication efficace avec chacun dans la langue officielle de son choix.

La Commissaire n'a pas le pouvoir d'obliger les entreprises privées à offrir leurs services dans les deux langues officielles, mais rien ne l'empêche de les encourager à utiliser le français et l'anglais dans leurs communications avec le public canadien. Lorsqu'une plainte vise le secteur privé, la Commissaire entreprend généralement des démarches pour sensibiliser les entreprises à l'importance de tenir compte des deux communautés de langue officielle. Si de telles démarches s'avèrent parfois stériles, elles aboutissent souvent à des changements positifs.

À Toronto, par exemple, le service automatisé des renseignements généraux de la principale succursale de la Banque Royale offrait à sa clientèle de la servir en anglais et en chinois, mais non en français. Un client s'en est plaint auprès de la Commissaire, qui a écrit au président de l'institution financière pour l'inviter à ajouter le français à son service automatisé, et la banque a rapidement corrigé la situation.

Cela n'a pas été le cas avec la compagnie Air Miles, à qui la Commissaire a écrit après qu'on lui eut rapporté que la compagnie persistait à ne pas envoyer de documentation en français à ses membres franco-ontariens qui le lui demandaient. La Commissaire désirait obtenir des informations sur la politique de l'entreprise relative aux envois de documentation en français à sa clientèle francophone vivant à l'extérieur du Québec, mais Air Miles n'a pas daigné répondre. Quoique l'entreprise ait un service à la clientèle et un site Internet qui fonctionnent en français en Ontario, il appert que les services dont elle fait la promotion diffèrent d'une province à l'autre et, exception faite du Québec, la langue d'affaires pour certaines transactions dépend de la volonté des commanditaires concernés. Toutefois, contrairement à de ce qu'elle fait au Québec, les coupons que l'entreprise distribue elle-même à ses membres francophones en Ontario sont en anglais seulement. La Commissaire encourage vivement Air Miles à offrir à ses clients franco-ontariens les mêmes services linguistiques qu'elle offre à sa clientèle québécoise, tant francophone qu'anglophone.

L'attitude proactive du Conseil de contrôle des renseignements relatifs aux matières dangereuses

Avant d'évoquer quelques récents incidents qui ont provoqué les plaintes de citoyens et de citoyennes, il convient d'illustrer par un exemple probant qu'un peu de planification et de bonne volonté peuvent aboutir à des résultats irréprochables.

Le Conseil de contrôle des renseignements relatifs aux matières dangereuses voulait que son nouveau site Web offre des informations de qualité et d'accessibilité comparables dans les deux langues officielles. Le Conseil a fait appel à l'expertise de la Commissaire pour l'aider à atteindre cet objectif.

Les représentants de la Commissaire ont examiné le site Web avec minutie et la vingtaine de modifications qui ont été suggérées ont toutes été retenues. Les internautes peuvent maintenant naviguer aisément sur le site et y trouver une information comparable en français et en anglais. Le site révisé incarne l'excellence qui peut être atteinte lorsqu'on s'attache non seulement à respecter la lettre de la Loi, mais aussi son esprit.

Un formateur qui ne maîtrisait pas suffisamment l'anglais

Un organisme de concertation situé à Montréal, la Table communautaire du Comité national de développement des ressources humaines pour la communauté minoritaire anglophone, a conclu un arrangement avec Statistique Canada pour que l'institution fournisse à ses stagiaires anglophones une séance de formation sur l'utilisation d'un logiciel de traitement de données statistiques. Les stagiaires se sont plaints que la maîtrise insuffisante de l'anglais par leur enseignant les a empêchés de bénéficier pleinement de leur formation.

Statistique Canada s'est montré fermé à toute discussion, refusant de reconnaître le problème. L'organisme communautaire a alors fait appel à la Commissaire pour l'aider à trouver une solution. L'intervention de la Commissaire a permis de rétablir un dialogue entre les parties, et Statistique Canada a finalement admis que, compte tenu de la complexité du cours, le niveau de compétence linguistique du formateur était inadéquat. Statistique Canada a accepté de ne pas exiger le paiement des frais de la formation et a demandé à la Commissaire de transmettre ses excuses à l'organisme communautaire, qui les a acceptées.

Le bureau de la région du Québec de Statistique Canada s'est engagé de veiller à ce que ses formateurs aient les compétences linguistiques requises pour offrir une formation de qualité dans la langue officielle du groupe à qui ils enseignent.

Les Jeux de la Francophonie et les Championnats du monde d'athlétisme

Les IVes Jeux de la Francophonie se déroulent dans la région de la capitale nationale en juillet 2001. Conformément aux règles régissant les Jeux, le ministère du Patrimoine canadien a confié le mandat de l'organisation des Jeux à un organisme sans but lucratif, le Comité organisateur des Jeux de la Francophonie.

En raison de la nature des Jeux, il a été décidé d'accorder la prédominance au français. La Commissaire a indiqué qu'une telle prédominance était compatible avec la Loi sur les langues officielles, dans la mesure où les Jeux concordent avec l'engagement du gouvernement fédéral de favoriser l'épanouissement des minorités de langue officielle et d'appuyer leur développement. La Commissaire a toutefois précisé que les communications et les services au public devaient être fournis dans les deux langues officielles. La prédominance du français ne devait en aucun cas porter le public à croire qu'elle supplantait son droit à des services dans la langue officielle de son choix.

La Commissaire a reçu deux plaintes concernant les enseignes annonçant les Jeux qui avaient été affichées sur plusieurs édifices de la région de la capitale nationale. L'une dénonçait le fait que certaines enseignes de langue anglaise étaient de plus petite taille que les enseignes de langue française, et l'autre déplorait qu'un édifice à Hull affichait seulement une enseigne rédigée en français.

La Commissaire a communiqué avec Patrimoine canadien pour l'informer de ces plaintes. Elle a réitéré son accord avec la prédominance du français, mais a recommandé au Ministère de s'assurer qu'une place plus équitable soit accordée à l'anglais dans l'affichage. Des enseignes ont été modifiées et le Comité organisateur a utilisé le symbole des langues officielles pour indiquer au public qu'il pouvait être servi en français ou en anglais.

En revanche, les préparatifs entourant les 8es Championnats du monde d'athlétisme prévus à Edmonton à l'été 2001 n'ont suscité aucune plainte. Les Championnats et la Fédération internationale d'athlétisme amateur qui les chapeaute ont deux langues officielles : le français et l'anglais. Le comité organisateur doit veiller à ce que des services soient fournis aux athlètes, aux entraîneurs, aux officiels, aux membres délégués, aux spectateurs et aux bénévoles dans la langue officielle de leur choix. Un comité consultatif francophone a été créé pour assurer que la langue française et la communauté francophone soient intégrées dans toute l'organisation des Jeux : la logistique, les cérémonies, les compétitions, la publicité, les publications, les communications et les services aux médias.

Les modifications à la Loi électorale du Canada

En septembre 2000, Élections Canada a publié, dans les grands quotidiens du pays, un communiqué qui rendait compte des plus récentes modifications à la Loi électorale du Canada. L'annonce parue dans les journaux anglophones indiquait qu'un numéro sans frais pouvait être composé pour obtenir des informations en français. La Commissaire a été saisie de six plaintes reprochant à l'organisme de ne pas avoir publié son communiqué dans les hebdomadaires francophones de l'Est et de l'Ouest du Canada.

L'imminence du scrutin a poussé la Commissaire à intervenir promptement. Une annonce en français a pu être publiée dans les hebdomadaires francophones à la mi-novembre. Élections Canada s'est engagé à réviser ses règles administratives relatives aux communications médiatiques.

Les élections fédérales de novembre 2000

Les dernières élections fédérales ont engendré 46 plaintes, dont quatre ont été jugées non fondées. La majorité des plaintes provenait d'électeurs de l'Ontario, du Québec, du Nouveau-Brunswick et de la région de la capitale nationale, qui affirmaient ne pas avoir obtenu de services (ou encore avoir obtenu des services insatisfaisants) dans la langue officielle de leur choix lors de communications en personne ou au téléphone avec les fonctionnaires électoraux.

En début de campagne, le Commissariat et Élections Canada s'étaient entendus sur la marche à suivre pour régler rapidement les plaintes qui seraient portées pendant la période électorale. La collaboration d'Élections Canada a permis le règlement expéditif de la plupart des plaintes. Certaines mesures correctives ponctuelles n'ont toutefois pu être adoptées avant la fermeture des bureaux de scrutin. Élections Canada s'est engagé à étudier l'ensemble des plaintes déposées pour que les problèmes soulevés ne se répètent pas lors de prochaines élections. Toutefois, beaucoup de problèmes liés aux services viennent du fait qu'Élections Canada n'a pas de contrôle sur la nomination du personnel dans les bureaux de scrutin. En effet, comme le prévoit la Loi électorale du Canada, ce personnel doit être choisi à partir des listes fournies par les partis politiques. Dans les faits, le nombre de personnes qui peuvent offrir des services dans les deux langues officielles est parfois insuffisant. C'est une question que nous examinerons avec les parties intéressées.

Nuageux avec possibilité d'éclaircies au ministère de l'Environnement

Des internautes francophones ont dénoncé la médiocrité de la version française du site Web d'Environnement Canada. On reproche au site d'omettre des accents, d'utiliser une langue de piètre qualité et de ne pas contenir autant d'informations que sa contrepartie anglaise. Une enquête a confirmé ces lacunes et le Ministère s'est engagé à corriger la situation d'ici juin 2001.

La Commissaire a aussi été saisie de plaintes concernant les bulletins météorologiques diffusés sur la bande VHF par Environnement Canada. Ces bulletins ne sont livrés qu'en anglais dans la région du lac Winnipeg, au Manitoba, ainsi que dans les régions de la baie de Quinte, des Milles-Îles et d'une partie du fleuve Saint-Laurent en Ontario. Dans la région des Laurentides au Québec, les bulletins sont livrés en français seulement. Le Ministère examine les options qui s'offrent à lui pour régler cette question en 2001.

5.3 Plaintes relatives à la langue de travail des employés fédéraux

La Partie V de la Loi sur les langues officielles déclare que le français et l'anglais sont les langues de travail des institutions fédérales. Elle précise que les institutions fédérales ont l'obligation de veiller à ce que, dans la région de la capitale nationale et les régions désignées, leur milieu de travail soit propice à l'usage effectif des deux langues officielles tout en permettant à leur personnel d'utiliser l'une ou l'autre. Dans ces régions, les institutions doivent aussi fournir à leur personnel plusieurs types de matériel, documentation et services dans les deux langues officielles.

Les plus récentes enquêtes de la Commissaire révèlent que les employés fédéraux qui parlent la langue de la minorité dans leur région ne peuvent pas toujours travailler dans la langue officielle de leur choix. À tour de rôle, les Commissaires ont déploré l'absence de concertation sur cette question. Le Comité des sous-ministres des langues officielles semble être arrivé au même constat puisque l'une des quatre grandes priorités qu'il a récemment adoptées consiste à « [...] favoriser une fonction publique véritablement bilingue et respectueuse des droits linguistiques de son personnel, voire qui permet à ce dernier de travailler dans la langue officielle de son choix ».

La prochaine fois que la fonction publique fédérale sera soumise à un sondage, une question devrait être incluse sur la possibilité qu'ont les employés d'utiliser la langue officielle de leur choix dans le cadre de leur emploi. La confidentialité de tels sondages procurera des données beaucoup plus fiables que le simple nombre de plaintes pour mesurer le degré de respect de la Partie V de la Loi. D'une part, un bon nombre d'employés ignorent l'étendue exacte de leurs droits linguistiques en milieu de travail. En outre, comme il a été mentionné au chapitre précédent, plusieurs hésitent à dénoncer les iniquités dont ils peuvent être témoins, craignant les retombées négatives qu'un tel geste pourrait avoir sur leur carrière ou sur leurs rapports avec leurs collègues.

Ceux qui connaissent leurs droits et qui osent se plaindre rapportent l'absence, dans l'une ou l'autre des langues officielles, d'une foule de ressources ou de services administratifs, comme les séances de formation, les réunions administratives, les services centraux, les instruments de travail (documents, directives, avis, logiciels, contenu de sites Web, claviers d'ordinateurs normalisés), les messages électroniques, les enregistrements de messages d'accueil, etc.

La Commissaire et la présidente du Conseil du Trésor ont décidé de travailler ensemble en vue d'inciter les gestionnaires fédéraux à tout mettre en œuvre pour créer un milieu de travail propice à l'utilisation des langues officielles.

Des clients qui avaient leur voyage !

Le Service des voyages du gouvernement organise les voyages d'affaires des employés fédéraux. Le Service relève d'une agence de voyage privée embauchée à forfait par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Depuis quelques années, une vingtaine de clients du Service se sont plaints de la mauvaise qualité des services qu'il offrait en français, considérés bien inférieurs à ceux dispensés à la clientèle anglophone.

Une enquête a été menée sur les plaintes concernant la qualité du français dans les itinéraires, une séance de formation donnée surtout en anglais, et les billets électroniques rédigés uniquement en anglais. Des clients s'étaient aussi plaints de l'absence de services téléphoniques en français.

La piètre qualité du français des itinéraires a été corrigée et le Ministère a promis de veiller à ce que toutes les séances de formation soient dorénavant offertes dans les deux langues officielles. Des négociations sont en cours avec la compagnie fournissant les billets électroniques afin que ceux-ci soient entièrement traduits.

Quelques écarts chez Mesures Canada

Un employé de Mesures Canada à Québec s'est plaint de recevoir continuellement de la documentation en anglais du bureau principal à Ottawa. Une enquête a permis de constater que la plainte était fondée.

Les recommandations de la Commissaire ont rapidement été mises en place. Dorénavant, les employés qui ne reçoivent pas leur correspondance dans la langue officielle de leur choix peuvent en avertir la Direction des ressources humaines du ministère de l'Industrie, chargée d'assurer le suivi nécessaire. Le président de Mesures Canada a répété à tous ses gestionnaires que les communications écrites à diffusion nationale devaient être expédiées dans les deux langues officielles, tout comme celles destinées aux régions bilingues. Il leur a aussi rappelé que les communications dans la région de Québec devaient être en français.

Le cap vers l'anglais du Collège de la Garde côtière canadienne

Le Collège de la Garde côtière est situé à Sydney, en Nouvelle-Écosse. Ce centre de formation a une envergure nationale et internationale, car en plus de former les élèves officiers de la Garde côtière, on y offre également des cours destinés aux employés de la Défense nationale, de la Gendarmerie royale, de l'entreprise privée, ainsi qu'aux employés de nombreux gouvernements provinciaux, municipaux et étrangers.

La responsabilité de l'administration de la Garde côtière - et de son Collège - a été transférée au ministère des Pêches et Océans en 1995. Jusque-là, le Collège avait été administré par le ministère des Transports qui considérait l'institut bilingue aux fins de la langue de travail. En 1997, la nouvelle administration a décidé d'adopter la politique du Conseil du Trésor désignant la région de Sydney « unilingue anglaise » aux fins de la langue de travail. À la suite de l'adoption de cette nouvelle politique, la Commissaire a été saisie d'une plainte allèguant que les élèves officiers et les employés d'expression française du Collège ne peuvent pas travailler dans leur langue.

L'enquête a révélé que les francophones étaient victimes de nombreuses inégalités d'ordre linguistique. Au cours de leurs quatre années de formation, les élèves officiers doivent effectuer un stage de neuf à quinze mois en mer. Or, seule la région laurentienne possède le français comme langue de travail et les nombreux élèves du programme francophone ne peuvent pas tous y effectuer leur stage. Les manuels et la formation des élèves officiers sont offerts en français. Toutefois, bien que la direction du Collège recherche activement des écrits récents publiés en français, elle distribue aux francophones des textes mal traduits et dépassés. Le Collège ne dispose d'aucun mécanisme de contrôle pour assurer la qualité linguistique des textes traduits par les professeurs. Il éprouve des difficultés à obtenir des gens qualifiés pour diriger des ateliers spécialisés en français. Certains employés qui ont des contacts quotidiens avec les élèves officiers ne sont pas bilingues. En outre, le Collège n'est pas en mesure d'offrir certains cours de perfectionnement en français aux autres employés du Ministère ainsi qu'aux employés du Collège, ce qui peut nuire aux chances d'avancement des francophones.

Le rapport de la Commissaire contient 18 recommandations. La première consiste à déclarer le Collège officiellement bilingue aux fins de la langue de travail. Les autres visent à modifier la désignation linguistique de certains postes, à assurer une formation linguistique du personnel unilingue et à garantir le respect de tous les droits linguistiques des élèves officiers et des employés du Collège. La Commissaire a également demandé au Conseil du Trésor de revoir sa politique en matière de langue de travail dans les régions unilingues, afin de préserver le caractère bilingue des centres de formation fédéraux qui y sont situés lorsque ces derniers sont d'envergure nationale et internationale.

Le ministère des Pêches et des Océans s'est montré réceptif au rapport d'enquête. En fin d'année, la direction devait déterminer de quelles façons les recommandations pouvaient être mises en application.

5.4 Plaintes relatives aux exigences linguistiques des postes

Pour déterminer le profil linguistique d'un poste, un gestionnaire doit se poser deux questions :

  • Des services de qualité comparable en français et en anglais seront-ils offerts au public ?
  • Favorise-t-on la création d'un milieu de travail propice à l'utilisation des deux langues officielles ?

Chaque année, plusieurs citoyens et citoyennes contestent le profil attribué à des postes bilingues, qui sont considérés trop bas ou trop élevés, selon les cas. En vertu de l'article 91 de la Loi, la Commissaire procède à l'instruction de telles plaintes de la façon la plus objective possible, en tenant compte des responsabilités de l'institution visée. Une enquête est menée pour déterminer les connaissances linguistiques que le titulaire du poste devrait posséder pour répondre par l'affirmative aux deux questions posées plus haut. L'enquête se poursuit pour déterminer si la dotation doit se faire selon les modes impératif ou non impératif (c'est-à-dire si le candidat doit posséder le profil requis dès son entrée en fonction ou non). Les plaintes relatives aux exigences linguistiques des postes s'avèrent souvent fondées et nécessitent l'application de mesures correctives rapides.

Dans un jugement rendu en janvier 2001 dans l'affaire Rogers c. La Reine{20}, la Cour fédérale a entériné un principe qui ne manquera pas de faire jurisprudence : elle a déclaré que l'institution poursuivie aurait dû interrompre son processus de dotation tel que l'avait demandé en 1996 le Commissaire Goldbloom dans le cadre de son enquête. La Cour a même recommandé une évaluation des dommages afin que le plaignant puisse obtenir réparation.

Il importe de souligner l'importance de déposer ce type de plainte dans les délais opportuns pour qu'une intervention puisse être faite avant que le poste ne soit doté. L'an dernier, une participante à un concours du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration avait contesté les exigences linguistiques du poste convoité, mais avait attendu près de six mois après la clôture du concours pour porter plainte. Une enquête avait confirmé que les exigences linguistiques du poste avaient été surévaluées, mais il était trop tard pour interrompre la dotation. La Commissaire a tout de même recommandé au Ministère de réviser les exigences linguistiques du poste une fois vacant.

En Atlantique, on doit pouvoir conseiller en français

L'effondrement de la pêche à la morue et l'épuisement de plus en plus généralisé des ressources halieutiques incitent plusieurs collectivités qui dépendent des produits de la mer à se tourner progressivement vers de nouvelles activités. L'une d'entre elles, l'aquaculture, connaît une popularité croissante. Pour appuyer les nouveaux éleveurs, le Bureau du Commissaire au développement de l'aquaculture met à leur disposition un conseiller régional en Atlantique. Lors de la dotation du poste, un plaignant a allégué qu'on avait sous-estimé l'importance du bilinguisme dans la détermination des exigences linguistiques de la fonction.

L'examen de la situation a confirmé cette assertion. La Commissaire a conclu que le conseiller devait pouvoir communiquer avec sa clientèle francophone pour que ce programme de développement économique profite également aux deux communautés de langue officielle. Elle a demandé au Ministère d'interrompre son concours et lui a suggéré de déclarer le poste bilingue (mode impératif). Elle lui a aussi proposé d'élargir la zone de concours afin de rejoindre davantage de candidats bilingues. Ses recommandations ont toutes été entérinées et le poste a été attribué à une personne capable de fournir des services en français et en anglais.

Des mesures correctives durables au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Un employé du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux estimait que le profil linguistique d'un poste d'architecte dans la région de la capitale nationale devait être relevé. L'enquêteur a jugé que la plainte était fondée et le Ministère a accepté de rehausser la désignation linguistique du poste.

Puisqu'il s'agissait de la troisième enquête en trois ans à avoir conclu que la désignation linguistique d'un poste n'avait pas été attribuée de façon objective, la Commissaire a recommandé au Ministère de mieux informer ses gestionnaires des règles à suivre pour évaluer les exigences linguistiques des postes dont ils sont responsables. Le Ministère a accepté, et ses représentants rencontreront sous peu les gestionnaires de toutes les directions générales pour discuter de la question avec eux. La Commissaire a aussi recommandé que le Ministère effectue une surveillance systématique pour assurer que les gestionnaires respectent la Loi en matière de désignation linguistique des postes.

Via Rail - les profils dans l'Ouest canadien

Des employés anglophones de Via Rail dans l'Ouest canadien ont déposé 39 plaintes relatives aux exigences linguistiques de certains emplois à bord des trains desservant leur région. On se plaint surtout de la dotation impérative de trois postes bilingues et des possibilités limitées de recevoir une formation linguistique. Les plaignants allèguent que cette situation fait injustement et inutilement obstacle à leur avancement professionnel. Ils ont signalé qu'un grand nombre de personnes employées sur le Transcontinental de l'Ouest sont bilingues, y compris parmi les titulaires de postes dépourvus d'exigences linguistiques officielles. Les plaignants attribuent cet état de fait à la politique de Via Rail, en vigueur depuis 1986, d'engager uniquement des personnes bilingues. L'une des plaintes porte spécifiquement sur la participation des francophones et des anglophones au sein du personnel des services ferroviaires dans l'Ouest canadien.

Une enquête a été amorcée l'année dernière. Les plaignants et la direction de Via Rail ont été consultés à plusieurs reprises pour éclaircir la situation.

5.5 Plaintes relatives à l'égalité des chances d'avancement et d'emploi, et à la participation équitable des deux groupes linguistiques au sein de la fonction publique fédérale

Dans la Partie VI de la Loi sur les langues officielles, le gouvernement fédéral s'engage à veiller à ce que les Canadiens et les Canadiennes d'expression française et anglaise aient des chances égales d'emploi et d'avancement dans les institutions assujetties à la Loi. Il s'engage aussi à veiller à ce que les effectifs de ses institutions tendent à refléter la présence des deux collectivités de langue officielle.

Pour concrétiser ces deux engagements, les administrateurs des institutions doivent offrir des chances égales d'emploi et d'avancement aux membres des deux groupes linguistiques. La présence des deux collectivités doit se refléter dans tous les secteurs de l'administration, et à tous les niveaux : national, régional, hiérarchique et professionnel. Les gestionnaires doivent respecter le mérite, mais ils doivent aussi attirer les candidats des deux communautés, en les laissant utiliser la langue de leur choix au cours du processus de dotation.

La répartition linguistique de la fonction publique fédérale

Vues dans leur ensemble, les institutions fédérales ont réalisé d'importants progrès pour parvenir à une répartition équitable des francophones et des anglophones au sein de leurs effectifs. Selon les données du Conseil du Trésor, les 412 000 employés de l'administration fédérale en 2000 comptaient 27 p. 100 de francophones et 72 p. 100 d'anglophones{21}.

Il demeure que la participation n'est pas équitable dans tous les secteurs de toutes les institutions, comme en témoigneront peut-être les enquêtes actuellement en cours sur l'équipe de pilotes et l'ensemble des effectifs d'Air Canada mentionnées au chapitre 4.

Les dernières études du Commissariat et du Conseil du Trésor laissent entendre que cette participation équitable n'est pas garante d'un accroissement de l'usage du français et de l'anglais en milieu de travail, ni de meilleurs services au public dans les deux langues officielles. Ce constat a incité le Conseil du Trésor à vouloir identifier les facteurs sociologiques qui ont une incidence sur l'avancement du programme des langues officielles. Le Conseil a demandé à diverses institutions fédérales d'instaurer, au cours des prochains mois, des mesures précises pour cerner les embûches et proposer des solutions adéquates. L'étude du Conseil du Trésor se penchera entre autres sur la fonction publique fédérale au Québec.

La participation des anglophones au sein de la fonction publique fédérale au Québec

La Commissaire déplore depuis plusieurs années la faible représentation des fonctionnaires anglophones employés au Québec - en excluant ceux qui travaillent dans la région de la capitale nationale. Selon les dernières données du Conseil du Trésor, seulement 7,4 p. 100 de ses employés au Québec sont anglophones (ce qui représente tout de même une hausse de 1 p. 100 depuis quelques mois). En comparaison, ce taux atteint 15,1 p. 100 dans l'ensemble des autres institutions fédérales dont le Conseil du Trésor n'est pas l'employeur (toujours en excluant la région de la capitale nationale). La somme de tous ces effectifs fixe la participation anglophone à 11 p. 100, sensiblement la même proportion que celle de la population anglophone de la province, mais de toute évidence, les effectifs anglophones ne sont pas répartis de façon uniforme. Un groupe de travail a été créé pour proposer des solutions à ce problème. Il travaillera avec des représentants de la communauté anglophone du Québec pour comprendre les raisons de leur faible représentation et tenter d'y remédier.

Les employés anglo-québécois de la Société canadienne des postes

À la suite de plaintes de discrimination portée contre la Société canadienne des postes, la Commissaire a mené une enquête dans ses bureaux situés dans la région de Montréal.

L'enquête a révélé trois problèmes systémiques : les employés anglophones ne peuvent pas travailler dans la langue officielle de leur choix; les exigences linguistiques des postes ne sont pas déterminées de façon objective; et la Société n'a pas élaboré de stratégie pour respecter ses obligations en matière de participation équitable pour le groupe anglophone.

La Commissaire a formulé une série de recommandations assorties d'un échéancier qui, si elles sont mises en œuvre par la Société, devraient apporter des solutions durables. Elles concernent l'application des directives visant la détermination objective des exigences linguistiques des postes, la consultation d'autres grandes institutions fédérales et l'élaboration d'un plan d'action pour favoriser l'accroissement de la participation des Anglos-Québécois dans le grand Montréal.

Les chances égales d'emploi au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international

Une candidate à l'examen du Service extérieur, qui vit en Suède, a avisé le Ministère qu'elle désirait subir son examen en français. Le Ministère lui a demandé de se rendre à son ambassade à Copenhague, au Danemark, où on lui a administré la version anglaise de l'examen. La candidate a déposé une plainte dans laquelle elle soutient ne pas avoir bénéficié des chances égales d'emploi garanties par la Loi.

L'enquête a révélé que l'erreur administrative s'était produite à l'ambassade. Le Ministère a offert à la candidate de passer l'examen à une date ultérieure, mais celle-ci a refusé de retourner à Copenhague à ses frais. À la demande de la Commissaire, le Ministère a transmis la version française de l'examen à son ambassade et accepté de rembourser les frais du voyage de la candidate. Le ministère des Affaires étrangères s'est engagé à s'assurer que les versions française et anglaise de ses prochains examens soient envoyées à toutes ses ambassades.

5.6 Conclusion

Contrairement au chapitre précédent, les exemples cités dans ce chapitre illustrent que lorsqu'une plainte ne découle pas d'un problème systémique mais résulte plutôt d'écarts ponctuels, le seul fait de signaler son manquement à l'institution fautive s'avère souvent suffisant pour que des mesures correctives soient rapidement instaurées. Il serait donc faux de croire que l'indifférence est à la source de tous les maux. Il arrive fréquemment que les institutions ne soient tout simplement pas conscientes de leurs manquements.

C'est pourquoi la Commissaire considère qu'il est si important, d'une part, de bien informer la population de toute la panoplie de garanties et de programmes linguistiques auxquels elle a droit et, d'autre part, de renseigner les institutions fédérales de la portée de leurs obligations relatives aux langues officielles.


Le mot de la fin

La dualité linguistique est une caractéristique fondamentale du Canada, représentant à la fois un de ses principaux défis et un de ses grands atouts. Gérer la diversité en vue de réaliser une réelle unité requiert une bonne dose de respect mutuel de la part des membres des deux communautés de langue officielle. Bien qu'on ne puisse pas encore se féliciter d'avoir atteint l'équilibre parfait, on peut toutefois affirmer que le Canada a fait des progrès importants vers la réalisation de cet objectif puisqu'il a su s'épanouir de façon pacifique et relativement harmonieuse malgré les épreuves auxquelles il a été soumis depuis sa création, particulièrement depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur les langues officielles il y a trente ans.

Le cadre juridique de la dualité linguistique est maintenant bien établi. Les droits linguistiques de la population sont clairement énoncés dans la Loi sur les langues officielles de 1988 et dans la Charte canadienne des droits et libertés, et la Cour suprême du Canada a maintes fois précisé leur portée. Le véritable défi se situe non plus sur le plan du droit, mais sur le plan de la politique, de la culture et de la société. Rien ne doit être tenu pour acquis, car les obstacles demeurent multiples. Sur le plan institutionnel, les problèmes les plus graves, qu'on peut qualifier de systémiques, sont habituellement générés par l'indifférence et l'inertie, voire la réticence de certaines institutions à se conformer aux exigences relatives à la dualité linguistique.

Ces mêmes attitudes se rencontrent également au sein de la population, mais fort heureusement, comme on l'a mentionné en introduction, à un moindre degré qu'il y a trente ans. Même si on peut considérer que la dualité linguistique est généralement bien intégrée comme valeur dans la société canadienne, il serait irréaliste de croire que tous les citoyens et citoyennes vont un jour unanimement y adhérer. Comme il est irréaliste de croire que la dualité linguistique s'imposera d'elle-même, qu'elle saura interpeller la majorité des citoyens et des citoyennes même si leur gouvernement s'en préoccupe peu, et que les communautés de langue officielle s'épanouiront sans appui gouvernemental.

La dualité linguistique et le bilinguisme officiel exigent des efforts, qui nécessitent d'être soutenus et stimulés par un solide leadership. Plusieurs communautés minoritaires font preuve de leadership, resserrant les liens entre elles, élargissant leurs réseaux, s'ouvrant aux immigrants et aux autres communautés qui les entourent. Ce réseautage permet de briser leur isolement et contribue grandement à leur développement social et économique. Il est impératif et doit continuer à s'étendre.

Le gouvernement fédéral montre lui aussi des signes d'un leadership revigoré, mais il doit faire davantage pour veiller à ce que toutes ces institutions, à tous les niveaux, respectent leurs obligations linguistiques et soient conscientes de l'importance de régler les problèmes de nature systémique qui affligent certaines d'entre elles. Les institutions doivent réaliser que la Loi sur les langues officielles s'applique non seulement à leur fonctionnement quotidien, mais aussi au rôle qu'elles jouent non seulement dans la promotion du français et de l'anglais au sein de la société canadienne, mais aussi dans l'appui au développement des communautés minoritaires de langue officielle.

La période de compression budgétaire que nous avons traversée a porté un dur coup à plusieurs politiques nationales, et la politique canadienne sur les langues officielles n'y a pas échappé. Le gouvernement a recommencé à investir dans certains secteurs particulièrement touchés, et le secteur des langues officielles ne doit pas être laissé de côté. La dualité linguistique se pave peut-être de bonnes intentions mais, chose certaine, elle se cimente par des gestes concrets et des résultats tangibles.


Annexe

Quelques chiffres sur les interventions du Commissariat aux langues officielles en 2000-2001

Interventions de sensibilisation et d'information

  • 191 entrevues ont été accordées
  • 10 communiqués de presse ont été diffusés
  • 31 lettres ont été publiées dans les journaux
  • 1 582 mentions du Commissariat et/ou de la Commissaire dans les médias
  • 22 allocutions de la Commissaire
  • Environ 25 associations ont été rencontrées

Interventions liées aux plaintes et aux enquêtes

  • Plus de 1 000 préavis d'enquêtes et une centaine de lettres ont été envoyés aux administrations gouvernementales
  • Quelque 25 études et enquêtes spéciales ont été menées
  • Plus de 500 recommandations ont été faites
  • Quelque 200 demandes d'information générale ont été traitées

Interventions politiques

  • Environ 60 rencontres ont eu lieu avec des sous-ministres ou des élus
  • Environ 140 analyses, études (publiées ou non) et notes d'information
  • Environ 260 lettres ont été envoyées
  • Interventions dans 10 dossiers d'envergure
  • Trois comparutions ont eu lieu devant des comités parlementaires

Interventions juridiques

  • Environ 40 études de cas et une quinzaine d'opinions juridiques
  • Intervention dans des dossiers d'envergure comme Air Canada, les autorités aéroportuaires, Pêches et Océans, la Chambre des communes, la GRC (Atlantique), Citoyenneté et Immigration
  • Intervention dans cinq nouveaux recours ayant trait à la question de la portée des articles 16 et/ou 16.1 de la Charte canadienne des droits et libertés

Notes

1Commissariat aux langues officielles, Budget des dépenses 2000-2001, Partie III - Rapport sur les plans et les priorités, et Rapport sur le rendement pour la période se terminant le 31 mars 2001, 2001.

2St-Onge c. Le Commissariat aux langues officielles, [1992] 2 CF 287 (CAF).

3Commissariat aux langues officielles, De la parole à l'action : consultations pan-canadiennes par la Commissaire aux langues officielles, octobre 2000. 4Cette liste vient en quelque sorte homologuer la liste de Dossiers phares établie de façon préliminaire dans le Rapport annuel 1999-2000 (p. 9). Elle demeure susceptible d'être modifiée de façon à rajuster les priorités selon les événements qui surviendront dans les années à venir.

5Conseil de la langue française, Les enjeux et les défis linguistiques de l'intégration des Amériques, février 2001.

6Ces impacts négatifs sont examinés en détail dans une étude du Commissaire Victor Goldbloom intitulée Les effets des transformations du gouvernement sur le programme des langues officielles du Canada, parue en 1998.

7Commissariat aux langues officielles, Rapport d'enquête sur les plaintes concernant les ententes sur le développement du marché du travail (EDMT) et la Loi sur l'assurance-emploi, juillet 1997.

8Secrétariat du Conseil du Trésor, Maintenir le cap : la dualité linguistique au défi des transformations gouvernementales, rapport du Groupe de travail sur les transformations gouvernementales et les langues officielles, janvier 1999.

9Commissariat aux langues officielles, Collaboration entre l'État et les communautés : nouvelles modalités pour la prestation de services, juin 2000.

10R. c. Beaulac, [1999] 1 R.C.S. 768.

11Par ailleurs, grâce à l'Entente Couture-Cullen de 1978, le Québec a pu jouer un rôle important à l'égard des immigrants « indépendants » (ceux qui sont sélectionnés selon des facteurs économiques et sociaux qui évaluent leur aptitude à s'adapter et être productif). L'Accord Canada-Québec sur l'immigration, entré en vigueur en 1991, a élargi le rôle de la province en lui conférant le droit de sélectionner tout autre immigrant auquel les critères de sélection s'appliquent ou risquent de s'appliquer dans l'avenir.

12Pour un meilleur accès à des services de santé en français, étude coordonnée par la FCFA du Canada pour le compte du Comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire de Santé Canada, juin 2001.

13Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, Vers un avenir mieux équilibré : Rapport sur les services de radiodiffusion de langue française en milieu minoritaire, février 2001.

14Bureau du vérificateur général du Canada, Le point sur une décennie au service du Parlement, février 2001.

15Secrétariat du Conseil du Trésor, Des résultats pour les Canadiens et les Canadiennes : Un cadre de gestion pour le gouvernement du Canada, mars 2000.

16Commissariat aux langues officielles, Les langues officielles dans le système sportif canadien, juin 2000.

17Commissariat aux langues officielles, L'utilisation équitable du français et de l'anglais devant les tribunaux du Canada, novembre 1995.

18Commissariat aux langues officielles, L'utilisation équitable du français et de l'anglais devant les tribunaux fédéraux et devant les tribunaux administratifs fédéraux qui exercent des fonctions quasi judiciaires, mai 1999.

19Commissariat aux langues officielles, Le gouvernement du Canada et le français sur Internet, août 1999.

20Rogers c. La Reine, [2001] A.C.F. no 99, no du greffe : T-195-97.

21Le Rapport annuel sur les langues officielles du Conseil du Trésor présente une ventilation des principales données de participation équitable par catégorie d'emploi dans les différentes régions du pays.