ARCHIVÉE - Dyane Adam 1999-2000
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Rapport annuel janvier 1999 au 31 mars 2000
Le tissu social canadien
![]() | Un tissu est fait de nombreux fils. Les citoyens et citoyennes de ce pays, parlant le français ou l'anglais et ayant des racines ethnoculturelles fort diverses, forment un tissu social que nous appelons le Canada. |
Les personnes qui portent l'épinglette du Commissariat aux langues officielles témoignent de leur engagement à promouvoir les meilleures relations humaines possibles entre les composantes francophone et anglophone du tissu social canadien. |
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au 1 877 996-6368.
© Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada 2000
No de cat. : SF1-2000, ISBN : 0-662-65240-1
Table des matières
Sommaire
Chapitre 1 : Notre nouvel horizon
- 1.1 Constat d'une situation inacceptable
- 1.2 Nouveau mandat, moyens renouvelés
- 1.3 Dossiers phares
Chapitre 2 : Les transformations gouvernementales
- 2.1 Les services gouvernementaux et les communautés minoritaires
- Cinq principes directeurs
- Maintenir le cap
- Développement des ressources humaines
- Délégation aux communautés minoritaires
- 2.2 La Loi sur les contraventions remise en question
- 2.3 Petites municipalités, plus grande vitalité ?
- Au Québec
- En Ontario
- Dans la capitale du Canada
- 2.4 Céder les aéroports... sans abandonner les droits linguistiques
- Aéroports locaux et régionaux
- Points de contrôle préalable à l'embarquement
- Conclusion
Chapitre 3 : L'heure est au développement communautaire
- 3.1 Le fédéral ambivalent face à la Partie VII
- Quelques avancées...
- Des inerties persistantes...
- 3.2 Mobilisation pour la santé
- 3.3 L'éducation dans les communautés minoritaires
- Rallier les enfants admissibles en vertu de la Charte
- Qu'est-ce qui motive le choix scolaire des parents ?
- Le profil des enfants admissibles depuis 1982
- La petite enfance a besoin de grands moyens
- Face à la mondialisation, la dualité ne va pas de soi
- La Cour suprême du Canada reconfirme le droit de gestion scolaire
- Autres interventions du Commissariat
- Nova Scotia Teachers' Union c. Le Conseil scolaire acadien provincial
- La Loi sur l'éducation du Nouveau-Brunswick sur la sellette
- Conclusion
Chapitre 4 : Dualité et qualité des services gouvernementaux
- 4.1 Français/English aux points de service gouvernementaux ?
- L'affichage et la documentation
- L'accueil bilingue au téléphone et en personne
- Les services au téléphone et en personne
- Bilan inquiétant dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut
- Situation toujours insatisfaisante en Colombie-Britannique
- Très bonne situation dans l'ensemble pour le Québec
- Malgré certains progrès, des problèmes persistent en Ontario
- Bilan global à l'échelle nationale
- 4.2 L'affaire Beaulac : une interprétation large et libérale des droits linguistiques
- 4.3 Le transport aérien : du changement dans l'air !
- Projet de loi sur les transports au Canada (C-26)
- Plaintes à bon port
- 4.4 Via Rail sur la bonne voie
- 4.5 En selle face à la Gendarmerie royale du Canada
- 4.6 Les sports : y a-t-il franc jeu dans les deux langues ?
- Conclusion
Chapitre 5 : Les nouvelles technologies de l'information et de la communication
- 5.1 Internet : vitrine ou cheval de Troie de la dualité linguistique canadienne ?
- L'utilisation d'Internet par le gouvernement fédéral
- Le français sur Internet
- 5.2 L'offre télévisuelle dans les deux langues officielles
- Le Commissariat devant le CRTC
- TFO, TVA...
- La Chambre des communes sur nos écrans
- 5.3 Support DVD : et la version française ?
- Conclusion
Chapitre 6 : Ce qui préoccupe les Canadiennes et les Canadiens
- 6.1 Profil des plaintes reçues par le Commissariat
- Les communications reçues au Commissariat
- L'opinion des lecteurs et des lectrices : miroir du grand public
- Les langues officielles, un investissement
- Les unilingues sont-ils exclus de la fonction publique fédérale ?
- 6.2 Les médias des communautés minoritaires laissés pour compte
- Un constat désolant
- La publicité dans le cadre des ententes bilatérales liées à l'emploi
- Obligations d'épargne... et obligations linguistiques
- 6.3 Comment servir le public ?
- Bogue dans les envois massifs
- DRHC : grand mais vulnérable
- Mauvais service au bon numéro
- Moins d'emplois pour les francophones dans les télémessages ?
- Et aux guichets d'emploi ?
- 6.4 Les tiers
- Postes Canada : La Loi au pied de la lettre
- GENet, comment l'installer ?
- 6.5 Les normes d'adressage
- S'attaquer au problème en équipe interministérielle
- 911 au Nouveau-Brunswick
- 6.6 La langue de travail : a-t-on vraiment le choix ?
- Occasion ratée au Conseil du Trésor
- Bon voyage !
- 6.7 La participation équitable
- Profil général
- Employés anglophones au Québec
- S'envoler en français
- 6.8 Les exigences linguistiques
- Le bon profil pour la GRC
- Conclusion
Annexe
- Les interventions du Commissariat aux langues officielles en 1999-2000
- Interventions politiques
- Interventions communautaires
- Interventions administratives
- Interventions de sensibilisation et d'information
- Interventions juridiques
- Traitement des plaintes
Avant-propos
Ce 29e rapport annuel du Commissariat aux langues officielles paraît sous le signe du changement. Changement d'abord au niveau de la capitainerie car Mme Dyane Adam a succédé à M. Victor Goldbloom à la tête du Commissariat en 1999. Changement ensuite quant à la période couverte par le rapport car c'est l'année financière plutôt que l'année civile qui lui servira désormais de base. Le présent rapport couvre donc, exceptionnellement, une période de 15 mois, du 1er janvier 1999 au 31 mars 2000.
Mais le changement le plus remarquable est sans doute la nouvelle formule adoptée pour ce rapport. Rompant avec la tradition pourrait-on dire encyclopédique, qui recensait toutes les activités et tous les événements relatifs aux langues officielles au Canada, le rapport se concentre désormais sur les activités spécifiques du Commissariat. Depuis 1988, plusieurs autres institutions fédérales, dont Patrimoine canadien et le Secrétariat du Conseil du Trésor, doivent rendre compte annuellement de leurs activités en vertu de la Loi sur les langues officielles (ci-après désignée par la Loi) et on a constaté de nombreux dédoublements d'information. De plus, les aspects administratifs du Commissariat se retrouvent dans deux documents publics : le Rapport sur les plans et les priorités et le Rapport sur le rendement. Ces rapports sont intégrés au cycle de la planification budgétaire et déposés au Parlement chaque année.1
Dans un format réduit, plus aéré et qui se veut plus accessible au grand public, le nouveau Rapport annuel présente un nombre limité d'enjeux significatifs qui ont retenu l'attention de la Commissaire. L'accent est moins placé sur la description des situations que sur les changements auxquels elles ont donné lieu, les principes qu'elles mettent en jeu, les actions conséquentes du Commissariat et les résultats obtenus. La plupart des dossiers traités sont de portée nationale et illustrés par des exemples propres à certaines régions. Ainsi, en ce qui concerne les plaintes, un choix a été opéré pour montrer comment certaines d'entre elles peuvent, après avoir fait l'objet d'un examen au Commissariat, amener des changements.
Ce rapport constitue en quelque sorte un sommaire des interventions du Commissariat, dont témoignent les exemples les plus pertinents. Une liste plus détaillée des interventions est fournie en annexe. De nombreuses autres données, antérieurement incluses dans le rapport annuel, notamment les rapports d'enquête et d'études, sont toujours disponibles dans les autres publications du Commissariat. Dans un avenir rapproché, le site Internet du Commissariat sera considérablement enrichi et fournira des données spécifiques par région et par institution gouvernementale. Il proposera des liens vers les associations des communautés minoritaires et les autres intervenants du domaine des langues officielles. Il inclura, par exemple, des données par province et territoire sur les inscriptions scolaires en ce qui a trait à l'éducation en langue maternelle et à l'éducation en langue seconde.
Au-delà de ces changements, une constante demeure toutefois : le mandat que la Loi sur les langues officielles confère à la Commissaire. En reconnaissant la dualité linguistique du Canada, la Loi prévoit que les deux langues officielles seront utilisées comme langue de travail et langue de service par les institutions fédérales, et que les communautés linguistiques vivant en situation minoritaire recevront des appuis concrets pour assurer leur développement et leur épanouissement. La Commissaire a donc comme mandat de faire reconnaître le statut égal du français et de l'anglais au Canada, de faire respecter la Loi et d'informer le public canadien de ses droits.
Pour exercer ce mandat, la Commissaire prend toutes les mesures qui s'avèrent nécessaires. S'appuyant sur ses recherches et ses analyses, elle informe et conseille les institutions, les citoyennes et les citoyens en vue de revitaliser la dualité linguistique canadienne. Elle surveille l'avancement du français et de l'anglais dans la société et, en particulier, l'épanouissement des communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire.
Elle procède aussi à des vérifications et à des études pour mesurer le rendement des institutions fédérales au regard de la Loi. Elle effectue des enquêtes à la suite des plaintes qu'elle reçoit ou de sa propre initiative et, lorsqu'il y a lieu, recommande des mesures correctives ou des changements. Elle fait appel au gouverneur en conseil ou, en dernier recours, à la Cour fédérale de sa propre initiative ou avec le consentement d'un ou de plusieurs plaignants.
On trouvera donc dans ce rapport un compte rendu succinct mais représentatif des activités réalisées et des résultats obtenus par les commissaires Goldbloom et Adam en 1999-2000. Mais d'abord, la nouvelle Commissaire trace à grands traits l'horizon qui se dégage dans l'exercice de son mandat.
Notes
1. Les rapports sont disponibles en ligne sur le site du Secrétariat du Conseil du Trésor aux adresses suivantes : http://www.tbs-sct.gc.ca/tb/estimate/pub30001f.html et http://www.tbs-sct.gc.ca/tb/estimate/p3b9900f.html
Sommaire
La Commissaire aux langues officielles, Mme Dyane Adam, présente son premier rapport annuel. En plus de rendre compte des principales activités qu'elle et son prédécesseur, M. Victor Goldbloom, ont menées au cours des 15 mois s'échelonnant de janvier 1999 à mars 2000, ce rapport propose la nouvelle vision que la Commissaire compte mettre de l'avant dans l'exercice de son mandat d'ombudsman, mais aussi d'agent de changement, dans le domaine des langues officielles.
La Commissaire estime que, globalement, le bilan de la dernière année au chapitre des langues officielles au Canada est inquiétant. Bien que la dualité linguistique soit une valeur fondamentale de l'identité canadienne, garantie et promue depuis plus de trente ans grâce à la Loi sur les langues officielles, la Commissaire a dû, encore cette année, instruire quelque 1 800 plaintes en vertu de la Loi. Son rapport fait état d'un nombre considérable de lacunes récurrentes dans les bureaux désignés pour offrir les services dans les deux langues officielles. Les transformations gouvernementales récentes ont eu une incidence négative sur le respect des droits linguistiques et il y a un manque chronique de suivi en profondeur des recommandations formulées par la Commissaire de la part des institutions fédérales.
Le constat est clair : l'engagement est déficient et il y a un manque flagrant de leadership de la part du gouvernement fédéral à l'égard de la pleine mise en œuvre de la Loi. La Commissaire Adam rappelle, qu'au terme de son mandat, le Commissaire Goldbloom notait justement que si les recommandations du Commissariat suscitent, dans les institutions fédérales, quelques changements faisant office de suivi, ces derniers restent superficiels et non durables. Si les lacunes et les inerties observées sont si répandues et persistantes, c'est parce que le gouvernement, à son plus haut niveau, n'assure pas le leadership dont il devrait faire preuve dans l'affirmation de la dualité linguistique. Il s'agit pourtant d'un élément critique de la réussite du fédéralisme canadien. Au-delà des lois et des principes généraux, les élus et les hauts fonctionnaires doivent incarner la valeur des langues officielles; ils doivent donner l'exemple par leurs propres actions; ils doivent favoriser une concertation serrée entre l'ensemble des institutions fédérales pour mettre en œuvre ces lois et principes inscrits dans la Constitution du pays.
Présentement, un véritable cercle vicieux semble régir l'action fédérale en matière de langues officielles. Le déni des droits linguistiques donne lieu à des plaintes, lesquelles appellent des enquêtes du Commissariat, qui mènent à des conclusions qui peuvent être accompagnées de recommandations. Les institutions fédérales y répondent par des changements superficiels qui ne transforment pas la nature structurelle des problèmes, et ceux-ci se répètent.
Nous voulons, par ce rapport, contribuer à la mise en place de changements durables au chapitre des langues officielles. Pour ce faire, un cycle différent doit être envisagé : 1) l'engagement responsable et le leadership du gouvernement fédéral doivent être réaffirmés; 2) un cadre d'application de la Loi, qui garantit la réalisation de ces objectifs, doit être clairement défini et mis en place; 3) l'obligation de rendre compte des institutions fédérales doit être renforcée; 4) leur rendement doit être fondé sur la mesure de résultats durables quant à la qualité des services. Bref, l'heure est à la responsabilisation à tous les paliers du gouvernement.
La dernière année a fourni plusieurs incitatifs à cette entreprise. La Cour suprême du Canada a confirmé et précisé la portée des droits linguistiques dans deux jugements relatifs à des recours dans lesquels le Commissariat est intervenu. Dans son jugement dans l'affaire Beaulac, la Cour a notamment affirmé que les droits linguistiques des minorités de langue officielle « ne peuvent être exercés que si les moyens [leur] en sont fournis ». Ensuite, dans son jugement dans l'affaire des parents francophones de Summerside (Arsenault-Cameron), elle a entre autres reconfirmé le droit à la gestion exclusive dans la langue de la minorité. Elle a aussi fait valoir la nécessité de tenir compte des besoins locaux dans les décisions politiques à cet égard. Ces jugements récents viennent s'ajouter à une série de décisions qui, depuis une vingtaine d'années, ont clarifié la portée des droits linguistiques au Canada.
Pour sa part, le Commissariat a observé de près et fait des recommandations concernant les transformations gouvernementales, la qualité des services offerts aux communautés minoritaires de langue officielle et la possibilité pour les fonctionnaires fédéraux de véritablement travailler dans leur langue. La Commissaire s'est aussi penchée sur plusieurs autres dossiers, dont les fusions municipales, la réduction des services offerts par l'Hôpital Montfort d'Ottawa, la réforme du système d'éducation au Nouveau-Brunswick, la restructuration de l'industrie du transport aérien, la réglementation de la télédiffusion par le CRTC, l'utilisation du français sur Internet, les choix scolaires des parents de faire instruire leurs enfants dans la langue officielle de la minorité, la place des deux langues officielles dans le sport de haut niveau, pour n'en nommer que quelques-uns.
En contrepartie de ces trop nombreuses lacunes et inerties de la part du gouvernement, la Commissaire tient à souligner quelques avancées prometteuses. La révision de la Loi sur les transports devrait permettre de clarifier la difficile question des obligations linguistiques d'Air Canada et de ses transporteurs régionaux. Via Rail a finalement assuré la capacité bilingue de son service dans le triangle Montréal-Ottawa-Toronto, ce qui a permis le retrait de plusieurs procédures judiciaires à son endroit. Acquiesçant aux demandes des communautés minoritaires de langue officielle et du Commissariat, Développement des ressources humaines Canada et Santé Canada ont créé des comités de concertation afin d'établir conjointement les approches stratégiques. Enfin, le Comité des sous-ministres responsables des langues officielles s'est doté d'un mandat élargi et a défini ses priorités stratégiques.
Ces progrès ne sont cependant pas à la hauteur des défis qu'il reste à relever pour pleinement mettre en œuvre la Loi et la Charte en ce qui a trait aux langues officielles.
Afin de susciter activement ce renouveau des langues officielles, la Commissaire a l'intention de réorienter l'emphase de son action. Tout en continuant de recevoir et d'instruire les plaintes du public à l'endroit des institutions fédérales, elle étendra son champ d'intervention en visant, en particulier, la transformation de la culture organisationnelle de la fonction publique. À son rôle d'ombudsman, elle associera un rôle d'agent de changement et un rôle d'éducateur. Pour ce faire, elle enquêtera non seulement sur les infractions et les déficits en matière de langue officielle, mais elle se penchera aussi sur les problèmes récurrents et sur les moyens de les enrayer. Il va de soi que cet effort devra se déployer avec l'engagement et la complicité des institutions fédérales, et en particulier des organismes centraux et du Comité des sous-ministres responsables des langues officielles. Ces derniers en ont l'entière responsabilité et sont seuls capables de transformer la culture organisationnelle de la fonction publique.
Vus sous ce nouveau jour, plusieurs dossiers ont d'ores et déjà la priorité au Commissariat : la prestation de services gouvernementaux de qualité dans les deux langues officielles, l'usage des deux langues officielles dans le milieu de travail des fonctionnaires fédéraux, le renouvellement des effectifs de la fonction publique en accord avec la dualité linguistique nationale, le renforcement des outils d'application de la Loi (politiques, cadres d'évaluation, etc.), le développement des communautés minoritaires en vertu de la Partie VII de la Loi, les services sociaux et de santé adaptés aux besoins des communautés minoritaires, l'inclusion de la jeunesse rompue au bilinguisme dans la société canadienne, la revue des politiques d'immigration afin d'y intégrer le principe de la dualité linguistique et l'appropriation d'Internet comme outil de plus en plus indispensable pour le développement des communautés linguistiques.
Le défi global que pose ce rapport n'est pas mince pour la société canadienne et ses gouvernements. La dualité linguistique est un des piliers de l'identité canadienne et c'est une mission critique du gouvernement fédéral que d'assumer son rôle de gardien de cette valeur fondamentale. Rappelons-le, lui seul peut jouer ce rôle. La Commissaire, pour sa part, compte faire tout ce qui est en son pouvoir pour que ce défi soit relevé et cela en concertation avec les communautés, les institutions fédérales et toutes les parties prenantes des langues officielles du Canada.
Chapitre 1 - Notre nouvel horizon
L'année 1999 a été marquée dans l'administration fédérale par l'entrée en poste de Mme Dyane Adam comme Commissaire aux langues officielles. Tout en reprenant le flambeau des grands dossiers défendus inlassablement par son prédécesseur Victor Goldbloom, la nouvelle Commissaire fixe un nouvel horizon dans la promotion de la dualité linguistique du Canada. Ce premier chapitre présente à grands traits les priorités qu'elle se donne en ce début de mandat.
1.1 Constat d'une situation inacceptable
La Loi sur les langues officielles du Canada est en place depuis plus de trente ans. Depuis 1970, le Commissariat est chargé de faire respecter la Loi, de protéger les droits y afférents et d'informer le public à cet égard. En 1982, la Charte canadienne des droits et libertés a garanti constitutionnellement, entre autres, les droits à l'instruction dans la langue de la minorité, le droit d'utiliser l'une ou l'autre des langues officielles dans les communications avec le gouvernement fédéral et le droit d'en appeler aux tribunaux. Ces piliers de la politique linguistique du Canada réaffirment clairement qu'au cœur de notre pays repose le principe de l'égalité des deux langues officielles. Et, au cours des vingt dernières années, les tribunaux ont confirmé et clarifié à maintes reprises la portée des droits et des obligations linguistiques qui en découlent.
Comment expliquer alors que le Commissariat, année après année, doive remettre sur la table du gouvernement une liste démesurément longue de lacunes décelées dans la mise en œuvre de cette politique ? Comment se fait-il que plusieurs institutions gouvernementales restent empreintes d'une attitude au mieux passive, sinon défensive face à leurs obligations, qu'elles n'agissent trop souvent qu'en réaction à des injonctions ou à des menaces de recours devant les tribunaux ? Les actions au regard de la Loi se réalisent donc au coup par coup, plutôt qu'en vertu d'un plan d'ensemble, de responsabilités partagées et d'un leadership affirmé. Cette responsabilité semble conçue comme un simple exercice de conformité juridique. La Commissaire, comme les communautés minoritaires de langue officielle, estiment qu'il y a eu assez de jugements pour clarifier la portée des droits linguistiques, qu'il faut maintenant une responsabilisation politique et administrative concrète.
Le constat est navrant : il y a un manque d'engagement global du gouvernement envers la mise en œuvre de la Loi. Ce n'est pas au Commissariat aux langues officielles qu'il incombe de mettre en œuvre la Loi, mais bel et bien au gouvernement. Le gouvernement fédéral est le gardien et le promoteur des valeurs fondamentales de l'identité canadienne, dont la dualité linguistique et la protection des minorités de langue officielle. Ce rôle lui appartient en propre et constitue une condition critique de l'intégrité du pays. Pour jouer adéquatement ce rôle, le gouvernement doit assurer un leadership tant sur le plan politique qu'administratif, en adoptant une vision claire et renouvelée du projet linguistique canadien à réaliser, en développant un plan global fondé sur la concertation de l'ensemble des intervenants et en veillant à ce que ce plan soit effectivement mis en œuvre.
Il est temps de regarder les choses autrement. C'est pourquoi la Commissaire entend dorénavant porter son attention sur la transformation de la culture de la fonction publique pour que s'y propage, ainsi que dans l'ensemble de la société canadienne, cette valeur fondamentale qu'incarnent les langues officielles.
1.2 Nouveau mandat, moyens renouvelés
Devant ce constat et à la faveur du nouveau mandat qu'elle entame, la Commissaire compte réorienter les efforts de son équipe pour agir comme agent de changement. Le rôle traditionnel de chien de garde des droits linguistiques ne s'est pas avéré suffisant pour venir à bout de ce mandat. Il faut maintenant agir au sein des institutions fédérales pour y faciliter le changement et, le cas échéant, surmonter la résistance qui y règne. Car ce qu'il faut changer, c'est la culture des organisations fédérales. Elles ont montré jusqu'à maintenant un engagement mitigé face aux valeurs que sous-tend la dualité linguistique du pays. Il faut donc remonter à la source du laxisme et susciter le changement à la racine de la culture administrative.
Pour relever ce défi, la Commissaire envisage de diversifier ses moyens d'intervention. Elle continuera bien sûr de mener des enquêtes au sujet des plaintes des citoyens et citoyennes, des employés et employées qui se sentent lésés dans leurs droits face aux institutions assujetties à la Loi. En tant qu'ombudsman, elle s'impliquera aussi davantage dans la résolution des grandes questions linguistiques. La Commissaire travaillera avec les institutions et les communautés pour trouver rapidement les moyens les plus efficaces et durables de combler les lacunes décelées et de faire respecter la Loi. Ce faisant, le Commissariat devrait être plus justement perçu comme œuvrant du côté de la Loi et travaillant à la fois avec les communautés et les institutions.
Le mécanisme des enquêtes sur des plaintes spécifiques, bien que central à la Loi sur les langues officielles, ne constitue pas le seul recours de la Commissaire. En plus, elle compte intervenir plus tôt dans les zones problématiques, par des études, la proposition de moyens d'action et la facilitation du changement organisationnel. Ce travail permanent auprès des institutions exigera que des rapports soient entretenus avec leurs cadres et que des programmes d'action soient élaborés. Au besoin, elle n'hésitera pas à faire appel aux autres moyens à sa disposition, tels que le rapport au gouverneur en conseil ou encore le recours judiciaire.
Pour ce qui est du plus long terme, il est tout a fait indiqué d'envisager un renforcement de la dualité linguistique en tant que composante de la culture canadienne. Pour ce faire, la Commissaire envisage de mener des actions éducatives qui viseront les diverses composantes de la société canadienne et, en particulier, les jeunes.
Enfin, pour s'assurer qu'elle partage avec ses partenaires la même analyse et les mêmes objectifs, la Commissaire a entrepris une ronde de consultations nationales auprès des chefs de file des deux communautés de langue officielle et des divers paliers de gouvernement dans chaque province et territoire. Elle rendra compte des résultats de cette consultation dans son prochain rapport annuel et s'en inspirera pour ajuster son programme d'actions. En somme, ce que la Commissaire propose ici c'est une nouvelle vision qui est en cours d'élaboration et dont plusieurs aspects sont déjà mis en œuvre.
1.3 Dossiers phares
Cette nouvelle perspective et cette nouvelle approche du travail de la Commissaire se réaliseront dans un ensemble de dossiers que dictera l'actualité. Mais il y a d'ores et déjà quelques dossiers d'importance vitale qui sont priorisés dans l'exercice de son mandat. On comprendra que ces dossiers sont incontournables pour l'épanouissement des collectivités de langue officielle au Canada et pour progresser vers l'égalité du français et de l'anglais.
Des services de qualité. Servir la population dans sa langue est une des facettes de la qualité du service que ne semblent pas toujours bien saisir les institutions fédérales. On ne peut plus continuer de souligner les longues listes de lacunes persistantes au chapitre de la qualité des services gouvernementaux et de l'accès à ces services. Les institutions doivent envisager la dualité linguistique comme faisant partie de leur rendement plutôt que comme une série d'actions entreprises sous la seule contrainte de la loi. L'offre proactive de services dans la langue de la minorité et l'usage effectif de ces services par les minorités devraient servir d'indicateurs de rendement. C'est une question d'obligation redditionnelle. Ce dossier sera désormais envisagé sous l'angle du changement de la culture organisationnelle. La Commissaire ne se limitera pas à identifier les infractions à la Loi, mais évaluera les circonstances institutionnelles qui les engendrent et proposera des moyens de les surmonter.
La langue de travail dans la fonction publique fédérale. Certes, il faut encore s'assurer que le droit de travailler dans la langue de son choix est garanti partout où l'exige la Loi, mais il faut aussi voir plus loin et s'assurer que la fonction publique incarne la culture vivante de la dualité linguistique. À titre d'exemple, les cadres de la fonction publique devraient être encouragés à travailler dans les milieux linguistiques en situation minoritaire au cours de leur carrière.
Le renouvellement des effectifs de la fonction publique. On assistera dans les prochaines années à un renouvellement progressif des effectifs de la fonction publique. La nouvelle génération de fonctionnaires, dont plusieurs seront issus des écoles où ils auront appris les deux langues officielles, offre une occasion exceptionnelle de revitaliser la culture de la dualité au sein des institutions fédérales. En particulier, les jeunes qui ont bénéficié des programmes d'immersion et d'enseignement des langues secondes constitueront un bassin intéressant de main-d'œuvre pour la fonction publique. En marge du changement culturel qui se produira, il faudrait insérer dans la formation des fonctionnaires de tout niveau des compétences liées à la compréhension et à la gestion de la dualité linguistique canadienne.
La mise en œuvre de la Loi. Notre examen des transformations gouvernementales des années 1990 a révélé qu'elles ont profondément modifié le paysage institutionnel. Elles ont aussi entraîné une érosion, marquée, des droits linguistiques des Canadiennes et des Canadiens. L'actuel régime d'application de la politique canadienne des langues officielles n'a pu prévenir cette érosion. Les outils d'application de la Loi, tels que les politiques gouvernementales et le cadre d'évaluation des programmes, ne respectent donc pas la norme. Ils sont incomplets et inefficaces. Il est par conséquent de la plus haute importance d'identifier ceux qui font défaut et de mettre en place l'ensemble des outils d'application de la Loi qui assureront la réalisation de ses objectifs fondamentaux car, de nos jours, le changement est devenu la seule constante.
Les droits à l'instruction dans la langue de la minorité. Il est maintenant clair que la pleine mise en œuvre de l'article 23 de la Charte exige des actions réparatrices à l'endroit des communautés minoritaires qui ont été privées de leurs droits par le passé. Au nombre de ces actions, on peut compter l'identification des enfants admissibles à l'enseignement dans la langue de la minorité et leur attraction dans les écoles de ces communautés minoritaires, tant francophones qu'anglophones, ainsi que l'attribution de ressources et de moyens supplémentaires à ces écoles. Les services à la petite enfance dans ces mêmes communautés doivent aussi être intégrés à la perspective de l'égalité en éducation.
Le développement communautaire. Douze ans après l'entrée en vigueur de l'actuelle Loi, la Partie VII, qui vise l'égalité du français et de l'anglais dans la société et l'épanouissement des communautés minoritaires, est encore loin d'avoir eu les effets correspondant à l'intention du législateur. Au contraire, les transformations gouvernementales ont eu pour effet de transférer la responsabilité de la reconnaissance des droits linguistiques vers les citoyens et les communautés. La Partie VII vise pourtant à changer le statu quo par rapport à la façon dont les programmes du gouvernement fédéral sont conçus et mis en œuvre. Toutes les institutions fédérales doivent mettre en place les outils d'application nécessaires pour que leur contribution à la réalisation des objectifs fondamentaux que le Parlement a établis dans la Partie VII corresponde à la pleine mesure de leur mandat, de leurs programmes et de leurs ressources. Malheureusement, la majorité d'entre elles n'a encore pris aucune disposition à cette fin. Le gouvernement fédéral doit fournir le leadership et le cadre de gestion nécessaires à l'application efficace de cette politique horizontale statutaire. Il doit aussi, en vertu de l'article 43 de la Loi, s'assurer que les autres paliers gouvernementaux respectent les droits linguistiques des Canadiennes et des Canadiens.
L'égalité du français et de l'anglais dans la société. Le gouvernement du Canada est aussi tenu de promouvoir activement la pleine reconnaissance du statut du français et de l'anglais en tant que langues officielles du Canada ainsi que leur égalité d'usage dans toutes les régions et dans tous les secteurs d'activité de la société canadienne. Cela vaut aussi pour chaque institution fédérale, dans la pleine mesure de son mandat, de ses programmes, de ses ressources et de son influence. Cette disposition semble être la grande oubliée. Il y a donc lieu d'en faire une promotion active dans l'ensemble de la société canadienne. De ce point de vue, les programmes d'immersion et d'enseignement des langues secondes devraient être renforcés afin d'accroître leur contribution à la dualité linguistique canadienne.
La santé et les services sociaux. On ne peut ignorer la place centrale qu'occupe la santé dans la vie des Canadiens et des Canadiennes. La Commissaire se réjouit de la décision du Comité des sous-ministres responsables des langues officielles de retenir, parmi ses quatre priorités de travail, le secteur de la santé des communautés. La communication et, par conséquent, la langue dans la prestation de services sociaux et de santé de qualité est en effet un enjeu essentiel. L'institutionnalisation des services dans la langue officielle de la minorité est non seulement indispensable à l'épanouissement des communautés, c'est aussi une question de dignité humaine.
La jeunesse. Plus généralement, les jeunes qui entrent sur le marché du travail apportent une nouvelle expérience des langues et de la culture canadiennes. Pour plusieurs, la dualité linguistique est un acquis. Il faut donc trouver les moyens de se brancher avec cette jeunesse, de faciliter son intégration, de renforcer sa prise sur la dualité linguistique, de lui ouvrir la voie au sein de la fonction publique. Internet et les interventions éducatives vont, dès lors, prendre une importance capitale dans ce contexte.
L'immigration. Le Canada va adopter une nouvelle loi relative à l'immigration au cours de la prochaine année et la Commissaire estime que le temps est propice pour mettre en valeur la dualité linguistique canadienne. L'approche canadienne doit s'inscrire dans une politique démographique respectueuse des engagements gouvernementaux énoncés dans la Partie VII de la Loi. Une politique de l'immigration ne peut se limiter, comme à l'heure actuelle, à des motivations d'ordre économique. Elle doit contribuer à consolider le tissu social canadien.
Internet. Outil de communication et de développement, Internet représente un enjeu crucial pour le développement du Canada et de sa communauté de langue française. La Commissaire attache une grande importance à cet enjeu particulièrement tourné vers l'avenir.
La capitale du Canada. La ville d'Ottawa reconnaît la dualité linguistique canadienne depuis 1970. Lorsque le Parlement du Canada consacre le français et l'anglais comme langues officielles du Canada en adoptant la Charte canadienne des droits et libertés en 1981, la ville d'Ottawa adopte des dispositions équivalentes pour ce qui est des services municipaux. Il est incontournable que la capitale du Canada continue de refléter le statut du français et de l'anglais en tant que langues officielles du pays.
C'est armée de ces éléments d'une nouvelle vision que la Commissaire Adam a entrepris son mandat en 1999. Les prochains chapitres rendent compte des enjeux sur lesquels la Commissaire et son prédécesseur se sont penchés et des résultats qu'ils ont obtenus.
Chapitre 2 - Les transformations gouvernementales
Les transformations gouvernementales des dernières années ont grandement fragilisé les droits linguistiques acquis. Dans l'étude qu'il faisait paraître en 1998, le Commissariat aux langues officielles concluait que ces transformations ont entraîné une érosion subtile mais cumulative des droits linguistiques et, au sein de l'administration fédérale, affaibli le programme des langues officielles. Au cours de la dernière année, la Commissaire a suivi de près plusieurs dossiers à cet égard.
Services gouvernementaux. Le Commissaire Goldbloom a fait des recommandations spécifiques au Secrétariat du Conseil du Trésor en ce qui concerne la préservation des droits linguistiques dans les transformations gouvernementales. La réponse a été globalement positive, mais mérite un suivi continu.
Contraventions. Le Commissariat a mené plusieurs enquêtes concernant des dispositions de la Loi sur les contraventions, sa réglementation et des ententes relatives à leur mise en œuvre. Le Commissaire a déposé un recours en Cour fédérale à cet égard.
Municipalités. La tendance au regroupement des municipalités n'est pas sans effet sur la vitalité des communautés de langue officielle qui, si elles sont minoritaires dans une province, sont parfois majoritaires dans leur municipalité.
Aéroports. La privatisation des aéroports a occasionné plusieurs plaintes relatives aux services et à l'affichage dans les deux langues officielles. La Commissaire a enquêté dans ce dossier.
2.1 Les services gouvernementaux et les communautés minoritaires
Les transformations gouvernementales englobent des situations ayant des fondements juridiques et des effets très différents. On y retrouve la délégation d'autorité ou de prestation de services à des paliers différents de gouvernement, le retrait du gouvernement fédéral de champs de compétences partagées avec les provinces, la privatisation, la vente ou l'abolition de certains services. Dans tous les cas, ces transformations préoccupent la Commissaire dans la mesure où elles peuvent avoir une incidence sur les services offerts dans la langue officielle de la minorité, réduire la capacité des employés fédéraux de travailler dans la langue de leur choix ou négliger l'épanouissement et le développement des communautés minoritaires.
Problème : L'histoire récente démontre que les transformations gouvernementales ont nui à la qualité des services offerts aux communautés de langue officielle.
Principe : Le principe constitutionnel de la progression vers l'égalité du français et de l'anglais doit guider toute transformation gouvernementale.
Action : La Commissaire incite le Secrétariat du Conseil du Trésor à donner suite aux recommandations du groupe de travail sur les transformations gouvernementales. Elle encourage les initiatives conjointes de Développement des ressources humaines Canada et des communautés. De plus, la Commissaire a entrepris une étude des formes de délégation de la prestation des services gouvernementaux aux communautés.
Cinq principes directeurs
Dans son étude de 1998 intitulée Les effets des transformations du gouvernement sur le programme des langues officielles du Canada, le Commissariat a formulé cinq principes directeurs qui devraient régir les transformations du gouvernement sous l'angle des langues officielles :
- la préservation des droits linguistiques acquis du public,
- la mise en place de mécanismes de recours et de redressement,
- la mise en place de mécanismes de reddition des comptes,
- l'obtention d'un engagement formel visant à protéger et à promouvoir le développement des communautés minoritaires de langue officielle,
- la prise en compte des droits linguistiques des fonctionnaires touchés par ces transformations.
Ces principes traduisent l'approche de la Commissaire qui préconise le maintien des droits acquis du public canadien d'être servi dans la langue officielle de son choix lorsque le service relève d'une institution fédérale et ce, quel que soit le mécanisme de transformation gouvernementale en jeu.
Ces principes ont été conçus pour éviter toute nouvelle érosion des droits linguistiques. Par ailleurs, le grand principe qui doit guider les actions du Parlement et du gouvernement du Canada va bien au-delà du maintien des acquis. Ce grand principe constitutionnel est celui de la progression vers l'égalité du français et de l'anglais et l'épanouissement des communautés de langue officielle, particulièrement celles qui vivent en situation minoritaire.
Un autre problème issu des transformations gouvernementales, c'est la déresponsabilisation croissante du gouvernement fédéral en matière de reconnaissance des droits linguistiques. La dévolution des pouvoirs à divers paliers gouvernementaux ou même les privatisations engendrent souvent un relâchement quant aux obligations linguistiques. Il revient alors aux citoyennes, aux citoyens et aux communautés de revendiquer, à leurs frais, le respect de leurs droits. Ce fardeau s'ajoute aux autres difficultés auxquelles font face les communautés minoritaires. Il s'agit bel et bien d'un transfert inacceptable de la responsabilité du gouvernement fédéral vers les simples citoyens et citoyennes. Il incombe au gouvernement fédéral de reprendre ses responsabilités et de s'assurer, comme l'y enjoint l'article 43 de la Loi, que les autres paliers gouvernementaux respectent les droits linguistiques acquis.
Maintenir le cap
En concluant cette étude de 1998, le Commissaire Goldbloom avait recommandé qu'un groupe de travail soit constitué pour relever les problèmes engendrés par les transformations gouvernementales sous l'angle des langues officielles et y trouver des solutions. Le président du Conseil du Trésor avait aussitôt acquiescé en nommant un groupe de travail qui a déposé son rapport en janvier 1999.
Intitulé Maintenir le cap : la dualité linguistique au défi des transformations gouvernementales, le rapport du groupe présidé par Yvon Fontaine a confirmé l'analyse du Commissaire et proposé une batterie de recommandations visant à intégrer la problématique des langues officielles à toute transformation gouvernementale.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) semble avoir accepté les recommandations du groupe de travail car il s'est attaqué à l'élaboration d'une politique visant la prise en compte des exigences en matière de langues officielles au moment de l'élaboration d'initiatives et de programmes gouvernementaux d'envergure. Selon le SCT, « cette politique exigerait notamment des institutions assujetties qu'elles effectuent une analyse systématique des répercussions des transformations auprès des communautés, qu'elles mènent des consultations auprès de ces communautés, et prévoirait un recours en cas de non-respect ». Le SCT a aussi ajouté une section consacrée aux transformations gouvernementales dans son rapport annuel sur les langues officielles.
La Commissaire se réjouit du renouvellement de ces engagements, mais reste vigilante quant à l'efficacité des mesures qui seront prises puisque le processus est à peine entamé. Elle note qu'aucun changement clair et net ne s'est encore produit et que l'ébauche de politique qui a été mise en circulation en fin d'année par le SCT ne respecte pas l'ensemble des cinq principes directeurs énoncés dans son étude de 1998. De plus, plusieurs privatisations de services publics continuent d'avoir lieu sans que les dispositions de la Loi sur les langues officielles soient prises en compte. À titre d'exemple, des aéroports locaux et régionaux sont cédés sans que des mécanismes de contrôle en matière de langue officielle soient mis en place (voir la section 2.4 ci-dessous). Autre exemple, Via Rail privatise certaines routes sans s'assurer du respect des obligations linguistiques. La Commissaire est intervenue auprès du SCT et du ministère des Transports dans ces deux dossiers.
Développement des ressources humaines
Le secteur du développement des ressources humaines a particulièrement retenu l'attention de la Commissaire au cours de 1999. Elle a entrepris une enquête à la suite de plaintes concernant les ententes fédérales-provinciales sur le développement du marché du travail. Ces ententes, négociées par Développement des ressources humaines Canada (DRHC), prévoient le transfert de la gestion de plusieurs programmes de formation et d'éducation de la main-d'œuvre vers les provinces. Les plaintes portent sur la déficience des services offerts dans la langue de la minorité dans le cadre de ces ententes. La Commissaire rendra compte de cette enquête dans son prochain rapport annuel.
La Commissaire entreprendra d'ailleurs au cours de la prochaine année un suivi de l'étude de 1997 sur la Loi sur l'assurance-emploi et sur les ententes de développement du marché du travail. Dans sa précédente enquête, le Commissariat avait recommandé à DRHC, à Patrimoine canadien et au Secrétariat du Conseil du Trésor de s'assurer que les droits linguistiques acquis étaient maintenus dans ce type d'entente. La Commissaire rapportera donc dans quelle mesure ses recommandations ont été suivies et quels sont les changements qui sont survenus.
Au titre des ressources humaines, la Commissaire souhaite enfin citer en exemple deux initiatives qui illustrent comment les institutions fédérales et les communautés minoritaires de langue officielle peuvent œuvrer ensemble. Au Québec, le Human Resources Regional Table of the English Language Community et, dans le reste du Canada, le Comité national de développement des ressources humaines de la francophonie canadienne sont des initiatives conjointes de DRHC et des communautés. Ces instances veillent à déterminer les besoins économiques des communautés par des consultations et des études, et à les faire valoir auprès des institutions gouvernementales. Dans chacune des provinces et dans chaque territoire, elles mettent sur pied des regroupements de développement économique et d'employabilité qui établissent les priorités et des plans concertés de développement économique. En retour, elles font connaître les services et programmes du gouvernement fédéral.
Dans un discours prononcé le 16 novembre 1999 devant le Human Resources Regional Table of the English Community à Québec, la Commissaire précisait que cette nouvelle instance de planification devrait être en mesure de relever des défis tels que la sous-représentativité des anglophones aux divers paliers de l'administration publique, la formation continue, la formation à distance et l'enseignement des langues, l'intégration des nouvelles technologies de l'information dans le développement communautaire et le développement touristique.
Délégation aux communautés minoritaires
La Commissaire étant très sensible à cette avenue qu'empruntent les comités de développement des ressources humaines, elle a commandé une étude sur les modalités de collaboration qui ont cours actuellement au Canada entre l'État et les communautés. En plus de recenser les divers types de collaboration, l'étude va déterminer les conditions qui doivent être remplies pour assurer le respect de l'esprit de la Loi sur les langues officielles.
Le prochain rapport annuel rendra compte des résultats de cette étude. Cependant, il se dégage déjà des cas étudiés, dont le Comité national de développement des ressources humaines de la francophonie canadienne, que les modalités adoptées garantissent globalement l'égalité réelle dans l'offre de services. Une série de recommandations seront proposées, tant au gouvernement fédéral qu'aux groupes communautaires qui entendent s'inscrire dans de telles ententes de délégation des services gouvernementaux. Elles s'élaboreront autour des principes de préservation des droits acquis, de l'égalité de service entre la majorité et la minorité, du contrôle et de l'évaluation des résultats, du caractère pluriannuel et durable des ententes et d'une transition soignée.
La Commissaire entend promouvoir une telle approche de collaboration par tous les moyens qui sont à sa disposition. Elle prend entre autres comme exemple le concept de guichet unique développé par l'Assemblée communautaire fransaskoise, avec l'aval de Patrimoine canadien et du Conseil fédéral. En outre, elle voit d'un bon œil le développement, au Manitoba, de trois centres de services gouvernementaux pour les francophones qui ouvriront leurs portes au cours de la prochaine année.
2.2 La Loi sur les contraventions remise en question
La Loi sur les contraventions du Canada a été modifiée en 1996 pour permettre au gouvernement du Canada, par voie réglementaire, d'habiliter une province, un territoire ou une municipalité à délivrer des procès-verbaux et à engager des poursuites pour des infractions à des lois ou règlements fédéraux, selon une procédure pénale spécifique de la province ou du territoire. Ces modifications à la Loi sur les contraventions ont prévu également la possibilité pour le ministère de la Justice de conclure des ententes avec des autorités provinciales, municipales ou régionales afin de préciser les modalités de traitement de ces poursuites. Cependant, les modifications apportées à cette loi et les ententes conclues en vertu de ces nouvelles dispositions n'ont pas prévu de garantie linguistique semblable à celles stipulées dans le Code criminel du Canada. Cette situation est contestée devant la Cour fédérale par la Commissaire.
Problème : La Loi sur les contraventions, telle que modifiée en 1996, de même que la réglementation et les ententes conclues en vertu de ces nouvelles dispositions, ne prévoient pas de droits linguistiques semblables à ceux garantis par le Code criminel et la Loi sur les langues officielles.
Principe : La Commissaire est d'avis que le Parlement doit modifier la Loi sur les contraventions pour y incorporer des droits linguistiques semblables à ceux prévus au Code criminel et veiller à ce que les ententes conclues avec les autorités provinciales, territoriales, municipales ou régionales garantissent le respect de ces droits.
Action : La Commissaire a poursuivi le recours déposé par son prédécesseur en novembre 1998.
Le Commissariat signalait dans son Rapport annuel 1998 qu'il avait formé un recours avec le consentement d'un plaignant contre le ministère de la Justice dans le contexte de la Loi sur les contraventions. Ce recours faisait suite à une plainte qui avait été formulée en février 1997 par l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario (AJEFO) qui alléguait que le ministère de la Justice n'avait pas respecté la Loi sur les langues officielles (parties IV et VII) dans l'adoption et l'application de la Loi sur les contraventions telle que modifiée en 1996. L'audition de la cause a débuté le 24 janvier 2000 et se poursuivra en octobre 2000.
L'enjeu de cette cause relève des transformations gouvernementales dans la mesure où la Loi sur les contraventions, telle que modifiée, permet la poursuite des infractions fédérales suivant le régime pénal provincial et prévoit la possibilité de conclure des ententes à ce sujet. Dans le cas plus particulier de l'Ontario, le projet d'entente générale ne prévoit aucune garantie linguistique de sorte que c'est la législation provinciale en matière de procédures qui doit s'appliquer. Or celle-ci ne donne aucune assurance quant au respect des droits linguistiques. Même s'il est vrai que la Loi sur les tribunaux judiciaires prévoit des droits linguistiques semblables à ceux garantis par le Code criminel, cette loi n'est pas applicable dans tous les cas aux municipalités, et le gouvernement de l'Ontario a choisi, dans le cadre de son projet de loi 108, d'habiliter les municipalités à intenter ce genre de poursuites. Il découle donc de l'application en Ontario de la Loi sur les contraventions, telle que modifiée en 1996, une perte importante de droits, inacceptable pour la Commissaire.
Le ministère de la Justice a également conclu deux ententes particulières avec la municipalité de Mississauga, d'une part, et une entente particulière avec la ville d'Ottawa, d'autre part, par lesquelles il leur délègue le traitement des contraventions de stationnement et la perception des amendes. La première entente conclue avec la municipalité de Mississauga ne fait nullement mention des droits et obligations linguistiques. L'entente avec la ville d'Ottawa et la deuxième entente conclue avec la municipalité de Mississauga contiennent quant à elles des clauses linguistiques, mais celles-ci ne sont pas suffisantes.
Notons que la première entente conclue avec la municipalité de Mississauga a donné lieu à une nouvelle plainte de la part de l'AJEFO en décembre 1997 contre le ministère de la Justice. Après avoir fait enquête, la Commissaire a formulé des recommandations semblables à celles émises en 1997 concernant la première plainte, lesquelles sont reprises dans le rapport annuel de 1998.
La Commissaire a notamment recommandé au ministère de la Justice d'incorporer à la Loi sur les contraventions les droits reconnus au Code criminel et à la Loi sur les langues officielles et de soumettre ses accords avec les provinces, territoires et municipalités à ces dispositions. De plus, la Commissaire a recommandé au ministère de la Justice de consulter les communautés minoritaires de langue officielle avant d'entreprendre tout projet.
La Commissaire constate que le ministère de la Justice n'a pas encore signifié son intention de mettre en œuvre ses recommandations. Il a plutôt indiqué, dans sa réponse au rapport préliminaire sur cette deuxième plainte, que les questions dont traite ce rapport ainsi que trois des recommandations qui y sont faites font déjà l'objet du litige en Cour fédérale. La Commissaire compte suivre ce dossier de très près, tout comme le résultat de son recours.
2.3 Petites municipalités, plus grande vitalité ?
Le Commissariat suit de près le dossier des transformations municipales, cherchant à assurer la préservation des droits linguistiques. Souvent, la communauté minoritaire de langue officielle d'une province constitue une majorité dans le contexte municipal. La municipalité est dès lors un centre de ralliement et de défense des droits de la minorité et ses élus agissent comme chefs de file de la communauté. Cette configuration avantageuse a tendance à être mise en pièce par le fusionnement des municipalités au sein de grandes entités régionales. Cette année, la Commissaire est plus particulièrement intervenue au sujet des fusions municipales au Québec, en Ontario et dans la capitale du Canada.
Problème : Les fusions municipales font parfois disparaître des petites municipalités où les communautés minoritaires étaient en fait majoritaires.
Principe : La Partie VII de la Loi encourage les gouvernements à renforcer les communautés minoritaires, ce qui peut signifier de ne pas leur enlever les quelques institutions dont elles disposent, y compris les services municipaux.
Action : Le Commissariat a appuyé les communautés minoritaires qui réclament le maintien des droits acquis lors des restructurations municipales.
Au Québec
Les Commissaires Goldbloom et Adam sont intervenus auprès des autorités provinciales québécoises pour leur signaler les lacunes du rapport Bédard sur la fiscalité et le gouvernement local en ce qui concerne les droits linguistiques. À l'instar de nombreux élus municipaux de la communauté anglophone, le Commissariat a demandé aux autorités d'assurer le maintien du statut bilingue des districts anglophones après une éventuelle fusion du Grand Montréal. Les élus anglophones ont aussi adopté des résolutions prévoyant des référendums municipaux conditionnels aux fusions et revendiquent de meilleurs services en anglais de la part de la Communauté urbaine de Montréal. Les responsables gouvernementaux québécois ont généralement répondu que les services en anglais continueront à être offerts aux Anglo-Québécois après toute fusion.
Au Québec, l'article 29.1 de la Charte de la langue française reconnaît certains droits à des services en anglais et l'usage de l'anglais comme langue de travail interne lorsqu'une municipalité compte 50 p. 100 d'habitants anglophones. Douze villes de l'Île de Montréal sont dans cette situation et elles exigent de maintenir ce droit advenant une fusion au sein du Grand Montréal.
À l'extérieur de Montréal, la Commissaire s'est également intéressée à la question des fusions touchant des villages anglophones. Notons, par exemple, la situation aux Îles-de-la-Madeleine où deux villages à majorité anglophone pourraient être fusionnés avec six villages largement francophones dans une seule communauté maritime. Pourtant, les habitants de l'un de ces deux villages, Grosse-Île, se sont prononcés par référendum contre ce projet de fusion.
En Ontario
En Ontario, plusieurs communautés francophones de la région d'Ottawa et de celle de Sudbury, qui sont visées par la loi 25 sur les fusions urbaines, ont présenté des mémoires pour exiger la continuité, voire l'amélioration des services en français lors des fusions. La Commissaire s'est entretenue de la protection des droits linguistiques lors des fusions municipales avec le conseil de l'Association française des municipalités de l'Ontario. Elle a soumis des mémoires à MM. Glen Shortliffe et Hugh Thomas, conseillers auprès du ministre des Affaires municipales et chargés d'étudier la restructuration des régions d'Ottawa et de Sudbury. Au moment du dépôt du projet de loi 25 créant les villes restructurées à l'assemblée législative de l'Ontario, en décembre 1999, la Commissaire a communiqué avec le ministre des Affaires municipales, Tony Clement, et le premier ministre Mike Harris pour réitérer l'importance de maintenir les droits linguistiques acquis et de reconnaître le statut officiel du français et de l'anglais dans les villes restructurées d'Ottawa et de Sudbury. La Commissaire est intervenue de nouveau une fois les conseils de transition d'Ottawa et de Sudbury mis en place pour faire valoir l'importance du bilinguisme au palier municipal.
Dans la capitale du Canada
La Commissaire est intervenue à plusieurs reprises dans le dossier de la fusion municipale à Ottawa. Elle attache une importance cruciale au cas d'Ottawa puisqu'il s'agit de la capitale du Canada, et il serait inconcevable que les deux langues officielles n'y aient pas un statut égal. Elle a donc rencontré le comité responsable de l'élaboration de la politique municipale linguistique pour faire valoir l'esprit de la Partie VII de la Loi [article 43 (d)] qui énonce l'engagement du gouvernement fédéral à prendre des mesures incitant les autres paliers de gouvernement à offrir des services municipaux en français et en anglais. Elle a à cet effet sollicité et reçu l'appui du premier ministre du Canada.
2.4 Céder les aéroports... sans abandonner les droits linguistiques
Depuis le début des années 1990, Transports Canada a entrepris de privatiser l'exploitation des aéroports en vertu de la loi relative aux cessions d'aéroports. Les cessions ont été réalisées par vente, dans le cas des aéroports locaux et régionaux, et par bail, dans le cas des grands aéroports. Or des plaintes ont été reçues à l'effet que les dispositions relatives à la Loi sur les langues officielles ne sont pas toujours respectées. La Commissaire a mené des enquêtes sur ces plaintes. De plus, elle est intervenue dans la modification de la réglementation en vertu de la Loi sur l'aéronautique pour garantir le respect des droits linguistiques lors du contrôle des personnes et des biens avant l'embarquement.
Aéroports locaux et régionaux
Problème : Certains aéroports locaux et régionaux cédés par Transports Canada ne respectent pas leurs obligations linguistiques, car aucun contrôle n'est exercé par le ministère. De plus, au terme de dix ans, ces obligations pourront être abandonnées.
Principe : Les accords de cession d'aéroports doivent prévoir non seulement le maintien des obligations linguistiques, mais aussi des mécanismes de contrôle et des pénalités.
Action : La Commissaire a enquêté et recommandé que Transports Canada fasse la promotion active de la mise en œuvre des obligations linguistiques.
Le Commissariat a décidé d'entreprendre une enquête à la suite des plaintes reçues à l'égard du non-respect des droits linguistiques des clients dans certains aéroports régionaux vendus par Transports Canada à des intérêts privés. L'enquête a révélé que les accords d'exploitation conclus avec les nouveaux propriétaires contiennent des dispositions touchant la disponibilité de certains services et la communication dans les deux langues officielles. Cependant, il s'avère que Transports Canada n'a pas mis en place de mécanismes pour assurer le respect de ces dispositions. De plus, au terme des dix années que couvrent ces accords, rien n'est prévu pour obliger les propriétaires d'aéroport à maintenir les services dans les deux langues officielles.
La Commissaire trouve cette situation inacceptable. Plusieurs aéroports régionaux sont touchés par cette lacune : Sudbury, Timmins, Sept-Îles, Windsor, Yarmouth, Val d'Or, Charlo, North Bay et Sault Ste. Marie. La Commissaire a recommandé que Transports Canada établisse des mécanismes de vérification et de mise en application des dispositions linguistiques contenues dans les accords de cession. Étant donné que les nouveaux propriétaires ne sont pas contraints à de tels mécanismes dans le cadre des accords signés, Transports Canada devrait offrir sa collaboration active pour appuyer leur mise en œuvre. La Commissaire a aussi recommandé que des mesures soient prises pour que les droits linguistiques soient respectés après la période de dix ans prévue dans les accords initiaux.
Transports Canada a répondu sans tarder aux recommandations de la Commissaire en affirmant sa volonté de faire tout ce qui est en son pouvoir pour assurer l'application des dispositions linguistiques, bien que les installations aéroportuaires vendues ne constituent plus des « bureaux » sous sa responsabilité au regard de la Loi sur les langues officielles.
La Commissaire va rester aux aguets pour s'assurer que les dispositions linguistiques soient mises en application dans le cadre des accords de dix ans et que les services dans les deux langues officielles soient assez solidement ancrés pour pallier l'éventuelle perte des obligations légales à cet effet au terme des accords.
Points de contrôle préalable à l'embarquement
Problème : Certains services de contrôle aux points d'embarquement, assurés par Transports Canada ou des tiers, ne sont pas conformes aux obligations linguistiques prescrites.
Principe : Transports Canada doit s'assurer que les services de contrôle sont offerts dans les deux langues officielles.
Action : La Commissaire a recommandé des améliorations qui ont été suivies par Transports Canada, notamment l'adoption du droit d'imposer des contraventions aux opérateurs.
Après de multiples plaintes, le Commissariat a réalisé en 1998 une « Étude spéciale sur la langue de communication aux points de contrôle de sûreté préalable à l'embarquement dans les aéroports ». Les recommandations de cette étude portaient sur l'amélioration des mécanismes de contrôle et sur les lignes directrices destinées aux transporteurs aériens responsables de la sûreté préalable à l'embarquement.
Transports Canada a alors entrepris, entre autres, de revoir les règlements adoptés en vertu de la Loi sur l'aéronautique pour imposer des contraventions aux lignes aériennes lorsque les droits linguistiques des passagers ne sont pas respectés lors des contrôles de sûreté. Jusqu'alors, le ministère ne pouvait compter que sur la conformité volontaire et n'avait d'autre recours que le renvoi en justice. De plus, le ministère a amélioré ses mécanismes de contrôle et clarifié ses lignes directrices pour la sûreté préalable à l'embarquement.
Le Commissariat a appuyé la démarche de Transports Canada afin de renforcer l'application des dispositions relatives à la Loi sur les langues officielles. Il se réjouit des efforts déployés par ce ministère pour améliorer l'offre de services dans les deux langues officielles dans les aéroports. La Commissaire assurera le suivi de l'étude de 1998 au cours de la prochaine année afin de vérifier l'efficacité des mesures prises.
Conclusion
La quête du « déficit zéro » au sein du gouvernement fédéral a occasionné de multiples transformations gouvernementales, dont les retombées contribuent déjà à l'érosion de l'offre de services. Sur le plan des langues officielles, la Commissaire constate que les droits acquis sont souvent brimés par ces transformations. Les multiples plaintes reçues à cet effet de même que les études menées par le Commissariat et d'autres groupes illustrent que ces transformations continuent d'éroder les droits linguistiques des Canadiennes et des Canadiens.
Plus d'une année après avoir reçu les recommandations du rapport Fontaine, après les constats peu encourageants du rapport Savoie et, enfin, par suite du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Beaulac, force est de constater que les intentions énoncées ne sont que de belles paroles. Les actions concrètes qui s'imposent pour renverser la vapeur se font toujours attendre. De toute évidence, la haute fonction publique et l'appareil politique n'ont pas encore entièrement intégré à leur fonctionnement l'objet premier de la Loi sur les langues officielles.
Dans toutes ses interventions auprès des divers ministères fédéraux et des autres paliers de gouvernement, la Commissaire n'a cessé de mettre de l'avant les cinq principes directeurs qui doivent guider les autorités lors des transformations gouvernementales. Il s'agit avant tout de préserver les droits acquis et de veiller à promouvoir le développement des communautés minoritaires. De plus, les gouvernements doivent mettre en place des mécanismes de recours, de redressement et de reddition des comptes pour que les titulaires de ces droits puissent s'exprimer. Les droits acquis et les mécanismes de recours constituent des contrepoids démocratiques au droit de gestion du gouvernement, de quelque manière qu'il soit exercé. Enfin, les droits linguistiques des fonctionnaires touchés par ces transformations doivent être pris en compte.
Cette approche plus incisive doit avoir pour pierre angulaire un nouveau leadership de la part des élus et des hauts fonctionnaires fédéraux. Les langues officielles, en tant que valeur fondamentale du Canada, doivent être intégrées à leur vision et à leurs pratiques. Ils doivent en faire un usage effectif. Ils doivent non seulement mettre en valeur les processus qui visent à promouvoir les langues officielles, mais aussi rendre compte des résultats obtenus.
Chapitre 3 - L'heure est au développement communautaire
Parce qu'elles vivent en situation minoritaire et que notre histoire ne les a pas toujours traitées avec équité, les communautés minoritaires de langue officielle sont en droit, au besoin, de bénéficier de mesures réparatrices destinées à rétablir l'égalité des deux communautés de langue officielle. Le soutien actif des institutions fédérales et l'ouverture de ces dernières à la concertation avec les communautés sont donc d'une importance capitale. Au cours de la dernière année, le Commissariat est intervenu à plusieurs occasions dans ce sens, en s'appuyant notamment sur la Partie VII de la Loi sur les langues officielles, et tout indique que les résultats pourraient se répercuter à long terme. Le bilan de l'année sous l'angle du développement des communautés est présenté en trois temps :
Contexte gouvernemental. Le gouvernement fédéral s'acquitte timidement de ses obligations en vertu de Partie VII de la Loi. La Commissaire le lui rappelle constamment, tout en remémorant aux communautés minoritaires qu'elles doivent utiliser cet outil pour atteindre leur plein développement.
Santé. L'un des événements marquants de l'année aura été le jugement de la Cour divisionnaire de l'Ontario en faveur du maintien des services offerts aux francophones par l'Hôpital Montfort d'Ottawa. La Commissaire se réjouit de cette première victoire dans une lutte qui n'est pas terminée puisque la province en a appelé de cette décision. Elle a aussi encouragé le gouvernement du Québec à reconduire l'entente fédérale-provinciale pour la santé de la communauté anglophone.
Langue d'instruction. S'il est un fait attesté par l'histoire contemporaine, c'est que le développement des communautés minoritaires passe par une éducation de qualité dans leur langue. La Commissaire et son prédécesseur sont intervenus à plusieurs reprises dans des recours judiciaires pour faire valoir les droits à l'instruction dans la langue de la minorité.
3.1 Le fédéral ambivalent face à la Partie VII
Pour les communautés minoritaires de langue officielle, comme pour le Commissariat, la Partie VII de la Loi sur les langues officielles revêt un sens particulier. Plus qu'une simple référence juridique, il s'agit d'un outil de développement qui offre une perspective d'avenir. La Partie VII est un outil dont se servent les communautés et le Commissariat pour faire valoir les droits acquis en matière de vie communautaire intégrale dans les deux langues officielles.
Problème : Les institutions fédérales ne s'acquittent pas pleinement de leurs obligations au regard du développement des communautés minoritaires de langue officielle et de la reconnaissance du français et de l'anglais.
Principe : Les organismes centraux du gouvernement fédéral doivent exercer davantage de leadership pour enjoindre toutes les institutions fédérales de contribuer activement au développement des communautés minoritaires.
Action : La Commissaire a incité le gouvernement à adopter une action concertée. Elle a accueilli favorablement l'annonce du rôle élargi du Comité des sous-ministres responsables des langues officielles.
Lorsqu'elle a été adoptée en 1988, la Loi sur les langues officielles a marqué une étape majeure dans l'édification des droits linguistiques et la protection des minorités au Canada. Elle a sanctionné un nouveau type de droits dont la dimension de droits collectifs a ouvert une perspective inégalée. Le législateur a utilisé des verbes actifs et des termes on ne peut plus exigeants, tels que « épanouissement » et « pleine reconnaissance ». Il a voulu signifier que la Partie VII ne vise pas à consacrer le statu quo, mais bien à le changer par rapport à la façon dont les programmes du gouvernement fédéral sont conçus et mis en œuvre.
À l'instar de la Cour suprême du Canada qui a affirmé dans son jugement dans l'affaire Beaulac (voir la section 4.2) le caractère réparateur des droits linguistiques, la Commissaire juge que la mise en œuvre de la Partie VII de la Loi doit tenir compte du caractère réparateur de cette disposition destinée à remédier, à l'échelle nationale, à l'érosion historique et progressive des minorités. Par caractère réparateur, on entend que les mesures doivent viser à rétablir les conditions d'une égalité de fait entre les deux communautés de langue officielle. C'est ainsi seulement que les Canadiens et les Canadiennes pourront vivre en français ou en anglais dans leur pays, et que l'identité propre du Canada s'en trouvera raffermie.
C'est pourquoi, dans l'exercice de son mandat, la Commissaire accorde une grande priorité à la pleine mise en œuvre de la Partie VII. Depuis 1988, le gouvernement fédéral est sous surveillance face à son obligation de changer ses structures et sa manière de faire. Chaque institution fédérale doit en effet mettre en place un « régime d'application approprié » afin de contribuer aux objectifs de la Loi compte tenu de son propre mandat, de ses programmes, de ses ressources et de son influence.
Au cours de la dernière année, le Commissariat a surtout mis l'accent sur la sensibilisation directe du plus haut niveau du gouvernement aux enjeux de la Partie VII et sur la nécessité de renouveler le régime d'application. Ceci a donné lieu à de nombreuses interventions auprès des institutions ayant des responsabilités en la matière. Au terme de l'année, la Commissaire se réjouit de quelques avancées, mais tient à souligner le chemin qui reste à faire.
Quelques avancées...
Dans son Rapport annuel 1998, le Commissaire indiquait positivement que chaque ministère devait dorénavant nommer un cadre supérieur directement responsable devant le sous-ministre pour agir comme « champion » des langues officielles. Cette année, la Commissaire s'est fait un devoir de rencontrer les ministères et les sociétés d'État afin de souligner leur contribution et connaître leurs attentes. Constatant que les champions sont entrés en scène, elle a fait valoir qu'ils devraient jouer pleinement leur rôle à l'avenir. C'est une avenue dont l'incidence reste à déterminer et que la Commissaire scrutera de près cette année.
Le Commissariat aux langues officielles n'a cessé de réitérer que le régime d'application de la Partie VII de la Loi reste déficient au regard des engagements pris et que le leadership gouvernemental doit, en conséquence, venir du plus haut niveau. La Commissaire proposait que les organismes centraux du gouvernement adoptent une approche concertée pour élargir l'application de la Partie VII à l'ensemble du gouvernement.
Le greffier du Conseil privé a formellement acquiescé aux recommandations du Commissariat en annonçant, en février 2000, l'élargissement du mandat du Comité des sous-ministres responsables des langues officielles (CSMLO). Doté d'un secrétariat permanent, le CSMLO se propose donc « d'assurer un leadership intégré et de constituer un lieu de convergence de haut niveau au sein de l'appareil gouvernemental canadien en matière de langue officielle ». En plus d'évaluer l'état général du dossier des langues officielles, le Comité établira annuellement des priorités et des objectifs stratégiques pour guider toutes les institutions fédérales dans les trois secteurs suivants : le bilinguisme institutionnel, la promotion de la dualité linguistique et le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Le Comité entend entamer un dialogue avec les représentants des communautés minoritaires et des organismes nationaux œuvrant dans le dossier des langues officielles. La Commissaire se réjouit particulièrement de constater que le CSMLO a, dès février 2000, adopté quatre priorités stratégiques : vision renouvelée, Internet en français, domaine de la santé, langue de travail.
La concertation directe avec les communautés est un mode de fonctionnement incontournable pour les institutions fédérales dans leur mise en œuvre de la Partie VII. À ce titre, la Commissaire désire souligner encore cette année le progrès accompli par Développement des ressources humaines Canada dans son rapprochement des communautés. Le Comité national de développement des ressources humaines de la francophonie canadienne et le Human Resource Regional Table of the English Language Community in Quebec sont des organismes de concertation exemplaires.
En participant à ces comités conjoints des communautés et du gouvernement, le fédéral donne l'exemple de ce qui devrait devenir une approche omniprésente axée sur l'orientation commune du développement d'un secteur. La Commissaire préconise en effet l'élargissement de cette approche qui, jusqu'à maintenant, est restée confinée au secteur du développement des ressources humaines.
C'est d'ailleurs dans cette foulée que semble se diriger le nouveau Comité consultatif sur les communautés francophones minoritaires que le ministre de la Santé s'apprêtait à nommer au printemps 2000. Ce Comité est une réponse au dossier établi par la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada qui démontrait l'importance qu'attachent les communautés au secteur de la santé. La Commissaire surveillera avec intérêt l'influence exercée par ce nouvel organe de concertation.
Des inerties persistantes...
Devant l'ampleur du défi à relever pour pleinement mettre en œuvre son engagement envers l'épanouissement des communautés minoritaires, les initiatives fédérales n'ont pas eu l'envergure nécessaire pour annuler les effets des inerties persistantes. Le Commissaire faisait remarquer dans son Rapport annuel 1998 que seulement 27 des quelque 200 institutions fédérales ont à rendre compte de leurs responsabilités au regard de la Loi sur les langues officielles. Or celles-là représentent moins de 20 p. 100 des institutions fédérales, et les autres institutions restent dans l'ombre. La Commissaire constate que la situation n'a guère changé et réitère que ce régime d'application est inadéquat. Elle propose aux institutions de jauger leurs mérites à la lumière des six indicateurs de qualité que le Commissariat a énoncés en 1998 pour évaluer les plans d'actions relatifs à la Partie VII.
En ce qui concerne ces 27 institutions désignées, il est en outre difficile d'évaluer dans quelle mesure leur action a eu une incidence sur les communautés. Leurs plans d'action et leurs rapports continuent de mettre l'accent sur leurs activités plutôt que sur les résultats obtenus auprès des communautés minoritaires. Pourtant, la gestion axée sur les résultats fait désormais partie intégrante de la culture de la fonction publique fédérale et elle ne devrait pas être dissociée de la question des langues officielles. En mesurant rigoureusement leur rendement, les institutions désignées devraient normalement s'adresser aux communautés elles-mêmes pour savoir si elles ont obtenu les résultats attendus.
Les institutions fédérales désignées font souvent valoir que leurs programmes courants répondent aux besoins des Canadiens et des Canadiennes et que, de ce fait, elles s'acquittent aussi de leurs responsabilités envers les communautés minoritaires. Pourtant, la Commissaire constate qu'il manque le plus souvent d'adéquation entre ces programmes et les besoins spécifiques des communautés minoritaires. Il est en effet peu fréquent de constater une ingéniosité à tailler des programmes sur mesure pour ces communautés. C'est pourtant ce à quoi devrait inciter la Partie VII de la Loi.
À ce titre, la Commissaire relève l'initiative intéressante de Diversification de l'économie de l'Ouest Canada qui s'est assurée de mettre en place, dans chacune des quatre provinces de l'Ouest, des organismes de développement économique communautaire francophones. Ceux-ci disposent d'un financement permanent et gèrent des fonds d'aide à la PME.
La Commissaire réitère la pertinence pour les institutions fédérales de travailler en étroite collaboration avec les communautés afin d'identifier adéquatement leurs besoins et d'en tenir compte dans la révision de leurs programmes destinés à ces communautés.
En somme, 1999-2000 a été marquée par certaines avancées et certains principes méritoires semblent acquis, mais il reste beaucoup à faire aux institutions fédérales pour assumer pleinement leurs responsabilités au regard de la Partie VII. Elles peuvent compter sur la vigilance de la Commissaire pour les inciter à franchir de nouvelles étapes.
3.2 Mobilisation pour la santé
La menace de fermeture de l'Hôpital Montfort a secoué l'opinion publique et mobilisé la communauté franco-ontarienne depuis 1997. Le Commissariat est intervenu à plusieurs reprises et un dénouement provisoire s'est produit en 1999. Au Québec, la Commissaire a aussi incité les gouvernements à reconduire une entente fédérale-provinciale sur la santé de la minorité anglophone.
Problème : Le gouvernement de l'Ontario a envisagé de fermer, puis de réduire les services offerts par l'Hôpital Montfort à la communauté franco-ontarienne.
Principe : L'Hôpital Montfort est une institution centrale à la vitalité de la communauté franco-ontarienne et doit être préservé en vertu de la Partie VII de la Loi.
Action : Les Commissaires ont à plusieurs reprises joint leur voix à celle du mouvement pour la sauvegarde de Montfort.
En février 1997, la Commission de restructuration des soins de santé de l'Ontario recommandait la fermeture de l'Hôpital Montfort d'Ottawa. Aussitôt, le Commissaire Goldbloom intervenait formellement auprès du ministre de la Santé de l'Ontario, tout en reconnaissant que la santé est de compétence provinciale. Durant la longue lutte de la communauté franco-ontarienne pour maintenir intégralement les services offerts par Montfort, le Commissaire est resté actif pour faire valoir le caractère central de cet établissement de santé pour la vitalité de la communauté franco-ontarienne. Il affirmait ainsi remplir son mandat au regard de la Partie VII de la Loi sur les langues officielles.
Les arguments défendus par le Commissaire étaient que Montfort est le seul hôpital à offrir une gamme complète de services de santé en français et qu'il est important pour les patients de pouvoir communiquer dans leur propre langue, surtout que l'Hôpital Montfort dessert un bassin de population qui dépasse largement Ottawa et qui inclut des unilingues francophones. En outre, vu la pénurie de professionnels de la santé en langue française en Ontario, le rôle de formation de Montfort est essentiel. Enfin, il a souligné l'attachement des Franco-Ontariens et Franco-Ontariennes pour cette institution et la signification nationale de ce cas en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.
Les opposants à la fermeture et à la réduction des services à l'Hôpital Montfort ont déposé, le 7 avril 1997, une action devant la Cour de l'Ontario. Le Commissaire Goldbloom a été assigné à comparaître par le procureur des requérants et il a témoigné. Le 29 novembre 1999, la Cour divisionnaire de l'Ontario a reconnu le bien-fondé de la demande des requérants. Elle a accepté l'argument selon lequel l'existence d'un tel centre hospitalier est essentiel à la préservation de la culture de la minorité franco-ontarienne ainsi qu'à la prestation continue de services médicaux et de formation médicale en français. Selon la Cour, la Commission n'a pas respecté l'un des principes fondamentaux qui sous-tendent la Constitution canadienne, nommément celui de la protection des minorités. Les directives de la Commission ont donc été annulées.
La Commission de restructuration des soins de santé a interjeté appel de la décision. L'appel devrait être entendu au cours de l'an 2000. Dans la poursuite de ce dossier, la Commissaire restera, comme son prédécesseur, à l'affût des nouveaux développements et de leur incidence sur la vitalité de la communauté franco-ontarienne.
Au Québec, la Commissaire est intervenue dans le contexte des transformations du système de la santé pour encourager le gouvernement provincial à reconduire l'entente fédérale provinciale sur la santé et les services sociaux de la communauté anglophone. Cette entente permettrait notamment de mettre en place une programmation et une structure de coordination appropriées aux besoins de la communauté anglophone.
3.3 L'éducation dans les communautés minoritaires
La Charte canadienne des droits et libertés a consacré ce que les communautés minoritaires défendaient depuis toujours : l'école comme pierre angulaire de leur développement. L'article 23 de la Charte reconnaît en effet le droit à l'instruction dans la langue de la minorité. Mais, entre la reconnaissance du droit et sa pleine application, il y a un long chemin parsemé d'obstacles politiques et juridiques que n'ont pas fini de franchir les communautés minoritaires, avec l'appui du Commissariat aux langues officielles.
La nouvelle Commissaire reprend le flambeau avec enthousiasme et détermination. Dans son esprit, la mission de l'école est claire : remédier à l'érosion historique progressive des communautés minoritaires et favoriser leur épanouissement. Pour relever le défi qu'impose cette mission, la Commissaire rappelle qu'il faut d'abord comprendre que cette érosion découle d'injustices passées, dont les inégalités persistantes à l'échelle nationale entre les systèmes d'éducation de langue française et ceux de langue anglaise. Il faut ensuite savoir que l'érosion cause préjudice aux communautés sur le plan institutionnel, économique et démographique, mais touche aussi à leurs dimensions psychologique et culturelle.
La Commissaire a profité de son allocution devant les États généraux sur la petite enfance, à Toronto, le 29 janvier 2000, pour inciter les intervenants des communautés à élaborer ensemble des plans de mise en œuvre des droits à l'instruction dans la langue de la minorité. Le chronomètre tourne depuis 1982 et il faut passer rapidement à l'action avec des plans réalistes, prenant toute la mesure des moyens à mettre en œuvre. Trois problèmes préoccupent la Commissaire de façon prioritaire :
- la difficulté, pour les écoles francophones minoritaires, d'identifier et d'attirer les enfants admissibles à l'instruction dans la langue de la minorité en vertu de la Charte;
- le besoin criant de s'occuper de la petite enfance;
- la nécessité de concilier l'engouement des jeunes pour une culture mondialisée sous forte influence américaine et l'attachement à leur langue et leur culture propres.
Des précisions sur ces thèmes sont fournies ci-dessous. Nous exposons ensuite les principaux enjeux qui se sont manifestés sur le plan juridique au regard de l'article 23 de la Charte.
Rallier les enfants admissibles en vertu de la Charte
Problème : Près de la moitié des enfants admissibles à l'instruction dans la langue de la minorité en vertu de la Charte ne fréquentent pas les écoles de langue française.
Principe : La scolarisation en français de ces enfants est une condition pour assurer la vitalité de la dualité linguistique canadienne.
Action : La Commissaire apporte un éclairage sur cet enjeu complexe en menant deux études.
Les parents qui répondent aux exigences de l'article 23 ont le droit de faire instruire leurs enfants dans la langue de la minorité. Le Commissariat a voulu contribuer au défi que représente l'instruction dans la langue de la minorité de ces enfants admissibles en établissant le profil et l'évolution de ce groupe depuis 1982 et en explorant les motivations relatives aux choix scolaires faits par leurs parents. Le défi gigantesque qui se pose est celui d'attirer la moitié manquante de ce groupe d'élèves admissibles à cette instruction vers les écoles de langue française pour qu'ils ne perdent pas cet héritage familial et, ainsi, renforcer les communautés. Pour ce faire, l'école minoritaire de langue française doit trouver le moyen de convaincre les parents titulaires du droit à l'instruction qu'elle offre autant sinon davantage que sa contrepartie de langue anglaise. Ceci pose les conditions que l'école soit effectivement un milieu d'excellence, qu'elle dispense une éducation de qualité, qu'elle reçoive un soutien actif de la part de sa communauté immédiate et qu'elle soit le reflet de cette communauté.
Qu'est-ce qui motive le choix scolaire des parents ?
L'étude intitulée Motivations en ce qui a trait aux choix scolaires chez les parents ayants droit hors Québec a été publiée en janvier 1999. Ses conclusions démontrent que l'école française incite d'autant plus les parents à faire ce choix qu'elle est associée à une communauté francophone perçue comme vivante. Les parents interrogés estiment, en effet, que le sentiment d'appartenance à la communauté francophone, l'intégration des activités scolaires et communautaires de même que la proximité géographique de l'école et du lieu de résidence sont des facteurs motivants. Sur un autre plan, l'accueil des parents non francophones dans l'école et l'attestation que la formation dispensée fait une place à l'apprentissage de l'anglais sont d'autres facteurs de motivation. La Commissaire estime que cette étude fournit un modèle d'analyse qui pourra être utilisé par les communautés minoritaires pour mieux circonscrire les défis qui se posent spécifiquement à elles.
Le profil des enfants admissibles depuis 1982
La Commissaire a entrepris de dresser le profil de l'évolution des enfants admissibles à une instruction en langue française depuis 1982, date de l'adoption de la Charte avec son article 23 consacré au droit à l'instruction dans la langue de la minorité. L'étude constate que le nombre d'enfants dont les parents exercent leurs droits est en baisse constante entre 1986 et 1996. Cependant, le recours plus fréquent à l'article 23 semble avoir freiné cette baisse au cours des dernières années tout en augmentant le nombre d'écoles et leurs effectifs. Le but de l'article 23 est loin d'être atteint. Il faut renouveler les interventions réparatrices à tous les niveaux du système d'éducation. L'étude sera complétée et publiée au cours de la prochaine année.
La petite enfance a besoin de grands moyens
Problème : Les communautés minoritaires ne disposent pas des ressources nécessaires pour assurer le développement de la petite enfance (de zéro à cinq ans).
Principe : La petite enfance est le moment crucial du développement de la personne et la société doit s'engager à fournir aux communautés minoritaires les moyens de s'en occuper adéquatement.
Action : La Commissaire a pris position à plusieurs reprises en faveur d'un engagement stratégique des gouvernements envers la petite enfance.
Lors des États généraux sur la petite enfance, la Commissaire a appliqué aux enfants des communautés linguistiques minoritaires de l'Ontario les conclusions du rapport Mustard-MacCain qui sonne l'alarme, faisant valoir l'importance fondamentale des premières années de la vie, en particulier les trois premières. Elle a suggéré que les conditions qui permettent à la petite enfance de se développer positivement sont directement reliées au milieu de la famille, bien entendu, mais aussi à ceux de l'éducation et de la communauté. L'école peut influer sur cette étape cruciale du développement de l'être humain en sensibilisant directement les adolescents à l'importance de leur futur rôle de parent et en s'insérant dans le réseau des ressources parentales de la communauté.
L'ambition est vaste, mais le problème est profond, et il apparaît clairement que les communautés minoritaires sont souvent les moins armées en ressources et services pour s'y attaquer. C'est pourquoi la Commissaire estime que cette problématique s'inscrit dans la portée de la Partie VII de la Loi sur les langues officielles, de même que celle de l'article 23 de la Charte. Elle concluait devant les États généraux qu'un réseau de garderies adéquat, des services préscolaires d'appoint et des programmes appropriés pour la petite enfance des communautés minoritaires de langue officielle sont autant de moyens indispensables à leur plein épanouissement.
Dans son allocution lors du Forum Femmes francophones du 3e millénaire, à Ottawa, le 2 mars 2000, la Commissaire allait encore plus loin en incitant les intervenantes à faire en sorte que le nouveau Programme d'action national pour les enfants tienne compte des besoins particuliers des enfants vivant en milieu minoritaire. Ce faisant, elle réitérait son appui à l'Équipe francophonie, formée des dirigeants des associations provinciales et nationales, qui s'est saisie de ce dossier.
Encore une fois, la Commissaire estime qu'il incombe au gouvernement fédéral de fournir les ressources dont ont besoin les communautés minoritaires de langue officielle pour bénéficier pleinement de leurs droits linguistiques.
Face à la mondialisation, la dualité ne va pas de soi
Problème : Attirés par la culture américaine, les jeunes francophones, mais aussi anglophones, du Canada risquent de s'identifier de moins en moins à la dualité canadienne.
Principe : C'est en ayant de solides racines que les individus pourront le mieux contribuer à la diversité mondiale.
Action : La Commissaire incite les gouvernements à s'assurer que les jeunes Canadiens et Canadiennes maîtrisent leur langue et leur culture.
Lors de sa première allocution publique en tant que Commissaire devant l'Association canadienne d'éducation de langue française, le 6 août 1999, Mme Adam a eu l'occasion de faire part de ses réflexions sur l'éducation et l'identité des jeunes du Canada à l'heure de la mondialisation. Situant son nouveau rôle sur l'échiquier canadien, elle a affirmé que la question de la dualité linguistique est sans doute l'un des traits distinctifs du Canada, qu'il ne partage qu'avec une poignée de pays dans le monde. Pourtant, cette dualité ne va pas de soi. Pour preuve, elle a analysé l'attitude grandissante des jeunes francophones du Canada qui s'identifient à la langue et à la culture américaines. Dans une certaine mesure, la jeunesse anglophone du Canada est aussi soumise à cette influence de l'américanisation. C'est, pense-t-elle, méconnaître un axiome central de l'identité culturelle car « c'est dans la mesure où leurs racines linguistiques, communautaires et psychologiques seront solides que nos jeunes pourront étendre dans toutes les directions, vers le vaste monde extérieur, les branches de leur savoir, de leur compétence, de leur appui ».
La conclusion que la Commissaire en tire pour l'exercice de son mandat, c'est que le Canada doit prendre les mesures qui s'imposent pour veiller à ce que nos jeunes sachent concilier leur fascination pour une culture mondiale pluraliste, multilingue, dynamique et ouverte avec l'attachement à leur langue et leur culture propres. La vitalité des deux langues officielles nationales en dépend.
La Cour suprême du Canada reconfirme le droit de gestion scolaire
Problème : Le ministre de l'Éducation de l'Île-du-Prince-Édouard a rejeté la décision de la Cour d'appel de cette province de créer une école française dans la communauté de Summerside.
Principe : L'application de l'article 23 de la Charte exige le respect des décisions prises par les conseils scolaires minoritaires.
Action : Le Commissaire est intervenu devant la Cour et le jugement a été favorable aux demandes des parents.
La Cour suprême du Canada a de nouveau précisé le droit des parents de langue minoritaire à des écoles homogènes et à la gestion exclusive de l'instruction dans la langue de la minorité par son jugement dans l'affaire Arsenault-Cameron c. Île-du Prince-Édouard en janvier 2000. Elle a confirmé le droit des parents francophones de Summerside, à l'Île-du-Prince-Édouard, de faire instruire leurs enfants en français dans cette ville. Dans cette cause, les parents contestaient la décision du ministre de l'Éducation de transporter leurs enfants dans un village voisin pour leur instruction en langue française, bien qu'un nombre suffisant leur eût permis de créer une école à Summerside, avec l'aval de leur conseil scolaire.
ARTICLE 23
Langue d'instruction
23. (1) Les citoyens canadiens :
a) dont la première langue apprise et encore comprise est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province où ils résident,
b) qui ont reçu leur instruction, au niveau primaire, en français ou en anglais au Canada et qui résident dans une province où la langue dans laquelle ils ont reçu cette instruction est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province, ont, dans l'un ou l'autre cas, le droit d'y faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans cette langue.
Continuité d'emploi de la langue d'instruction
(2) Les citoyens canadiens dont un enfant a reçu ou reçoit son instruction, au niveau primaire ou secondaire, en français ou en anglais au Canada ont le droit de faire instruire tous leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de cette instruction.
Justification par le nombre
(3) Le droit reconnu aux citoyens canadiens par les paragraphes (1) et (2) de faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de la minorité francophone ou anglophone d'une province :
a) s'exerce partout dans la province où le nombre des enfants des citoyens qui ont ce droit est suffisant pour justifier à leur endroit la prestation, sur les fonds publics, de l'instruction dans la langue de la minorité;
b) comprend, lorsque le nombre de ces enfants le justifie, le droit de les faire instruire dans des établissements d'enseignement de la minorité linguistique financés sur les fonds publics.
Charte canadienne des droits et libertés, article 23 (1982)
Le Commissaire est intervenu dans cette cause en mettant en lumière son interprétation de l'article 23 de la Charte. Selon lui, le ministre doit toujours tenir compte de l'article 23 dans ses décisions au regard de l'instruction dans la langue de la minorité. Il doit notamment prendre en compte l'incidence de ses décisions sur la langue et la culture de la communauté minoritaire. De plus, le ministre doit respecter la décision prise par le conseil scolaire de langue française qui agit à titre de représentant des parents titulaires du droit à l'instruction dans la langue de la minorité et ne peut substituer sa décision pour des motifs non pertinents à la mise en œuvre de l'article 23 de la Charte.
Le jugement réitère l'indissociabilité des droits linguistiques et des préoccupations à l'égard de la culture véhiculée par la langue. Il rappelle que l'article 23 vise à corriger une situation historique et que l'égalité réelle peut, dans certaines circonstances, exiger que les minorités de langue officielle soient traitées différemment afin de leur assurer un niveau d'éducation équivalent à celui de la majorité. Enfin, le droit à l'instruction dans la langue de la minorité existe partout dans la province et la Cour tient compte des besoins locaux. La Cour constate que le nombre d'enfants à Summerside était suffisant et que le ministre n'a pas respecté le pouvoir exclusif de gestion scolaire de la minorité. Elle précise que les coûts des services envisagés n'auraient pas dû être pris en considération par le ministre et conclut donc que le ministre n'aurait pas dû refuser la demande des parents.
Cette décision a des répercussions considérables. Des recours déjà entrepris (par exemple au Manitoba et en Colombie-Britannique) ou en préparation (en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et en Alberta) s'appuieront sur ce jugement. La Commissaire s'en réjouit et continuera d'apporter son soutien lorsque le respect et l'avancement des droits linguistiques des minorités seront en jeu.
Autres interventions du Commissariat
La Commissaire et son prédécesseur sont intervenus en personne ou par correspondance auprès de divers intervenants politiques et du milieu communautaire afin de promouvoir un plus grand respect des dispositions constitutionnelles et de la Loi sur les langues officielles. Parmi les dossiers traités, signalons plus particulièrement les suivants.
Nova Scotia Teachers' Union c. Le Conseil scolaire acadien provincial
Problème : Le Conseil scolaire acadien de la Nouvelle-Écosse veut négocier en français avec le syndicat représentant ses employés, mais le syndicat insiste pour négocier en anglais.
Principe : Le droit des parents à une gestion exclusive dans la langue de la minorité inclut la négociation des ententes collectives entre le conseil scolaire et le syndicat représentant ses employés.
Action : Le Commissaire a fait valoir son point de vue dans le différend et est satisfait de la décision du conseil arbitral.
Le Commissaire aux langues officielles a témoigné en octobre 1998 à titre d'expert lors de l'audition du différend opposant la Nova Scotia Teachers' Union et le Conseil scolaire acadien provincial de la Nouvelle-Écosse devant un conseil arbitral. Le différend portait sur la langue qui devait être utilisée pour les négociations ainsi que pour la rédaction de la convention collective entre le nouveau conseil scolaire et le syndicat représentant ses employés. Alors que ce dernier faisait valoir les précédents établis quant à l'usage de l'anglais, le conseil scolaire exigeait de poursuivre son fonctionnement intégralement en français.
Le Commissaire a précisé que le but de l'article 23 de la Charte est d'offrir aux parents le droit de faire éduquer leurs enfants en français s'ils le désirent et, qu'à son avis, le conseil scolaire doit avoir le droit de fonctionner complètement en français pour préserver la culture francophone et le français comme langue de communication. Ainsi, les négociations d'une entente collective font partie de la gestion du système scolaire.
Le conseil arbitral a jugé que la preuve justifie l'utilisation du français et de l'anglais, mais n'exige aucunement l'utilisation de l'une et l'autre de ces langues de façon exclusive. En conséquence, il a statué que chaque partie peut procéder en français ou en anglais à la table des négociations, avec au besoin des services de traduction à frais partagés, et que la convention collective sera imprimée dans les deux langues et les deux versions seront officielles. La Commissaire souligne l'importance de cette décision car elle est la première à établir le droit des conseils scolaires de langue française de négocier une convention collective en français en raison de leur mandat particulier au sein de provinces majoritairement anglophones. À ce jour, aucune loi ne prévoyait des obligations linguistiques en matière de négociation collective.
La Loi sur l'éducation du Nouveau-Brunswick sur la sellette
Problème : La Loi sur l'éducation du Nouveau-Brunswick de 1997 a aboli les conseils scolaires et n'accorde pas aux parents un véritable droit de gestion.
Principe : Le droit exclusif à la gestion scolaire des parents est garanti par l'article 23 de la Charte.
Action : La Commissaire a accepté d'intervenir dans l'affaire Jean Giroux-Gagné et al. c. Province du Nouveau-Brunswick devant la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick et devant le Comité spécial sur l'éducation.
La Commissaire a obtenu, en février 2000, la permission d'intervenir dans l'affaire Jean Giroux Gagné et al. c. Province du Nouveau-Brunswick à titre « d'amie de la Cour ». Les demandeurs ont déposé une requête demandant à la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick de déclarer invalide et inopérante la Loi sur l'éducation du Nouveau-Brunswick au motif qu'elle enfreint l'article 23 de la Charte. La Commissaire a annoncé, dans sa demande d'intervention, les arguments qu'elle alléguera lors de l'audition. Ses arguments reprennent en grande partie la position que son prédécesseur avait fait valoir dans son mémoire lors de l'adoption de la Loi sur l'éducation en 1997.
Selon la Commissaire, la Loi sur l'éducation actuelle et le système qui en découle ne respectent pas l'article 23 de la Charte. Ce n'est pas la structure existante à trois niveaux de gestion (comités consultatifs des écoles, comité de district et commission provinciale) qui pose problème, mais le fait qu'à deux de ces niveaux, les parents n'aient qu'une représentation indirecte et qu'à chacun de ces niveaux, les parents ou leurs représentants ne bénéficient d'aucun pouvoir exclusif de gestion influant sur la langue et la culture de la minorité linguistique. Il revient à la province de mettre en place la structure la plus appropriée qui respecte les droits prévus à l'article 23. Au surplus, elle est d'avis que ce n'est pas parce que le gouvernement traite de façon identique la majorité et la minorité, par la dualité au sein du ministère de l'Éducation, qu'il respecte nécessairement les droits prévus à l'article 23. L'annonce de la date de l'audition n'est pas attendue avant l'automne 2000. Cette affaire est d'importance pour la Commissaire qui espère que la province s'engagera à respecter le principe de gestion scolaire exclusive de la minorité de langue officielle.
Par ailleurs, la Commissaire a répondu, par lettre, à l'invitation de participer aux audiences publiques du Comité spécial sur l'éducation au Nouveau-Brunswick lancée le 1er février 2000. Ces audiences visent à recueillir les commentaires du public sur le document de travail intitulé À propos de la gouverne de l'Éducation publique... Dans cette lettre, elle reprend les arguments exposés ci-dessus et répond aux questions posées dans le document de travail au regard du système de gouverne actuel, des éléments d'une nouvelle structure, des caractéristiques d'une bonne gouvernance et des rôles et responsabilités des différents acteurs.
Par ses multiples interventions, la Commissaire entend réitérer l'importance des droits prévus à l'article 23 de la Charte. Elle appuie ainsi toute initiative qui tente de renforcer le cadre de gouverne scolaire et de répondre aux besoins réels des minorités linguistiques. Même si la mise en œuvre de l'article 23 progresse, notamment grâce aux mesures législatives et réglementaires, à la gestion scolaire assurée par les conseils scolaires de la minorité et aux décisions des tribunaux, il reste beaucoup à faire. Des litiges perdurent ou de nouveaux sont intentés en Colombie-Britannique, au Manitoba, en Ontario, au Nouveau-Brunswick, en Alberta et en Nouvelle-Écosse. Aujourd'hui encore, près de la moitié des enfants admissibles à l'extérieur du Québec se font instruire dans le réseau des écoles de la majorité de langue anglaise. La Commissaire se joint aux intervenants communautaires et gouvernementaux qui doivent réaliser l'objectif de l'article 23 avant que celui-ci ne fête ses 25 ans !
Conclusion
La Constitution et la Loi sur les langues officielles accordent aux minorités des droits collectifs qui revêtent un caractère réparateur. Qu'il s'agisse de la santé, des services à la petite enfance, de l'éducation, de la culture ou de tout autre champ d'intervention des gouvernements, il y a une obligation de s'assurer que les communautés minoritaires bénéficient des mêmes droits et du même accès aux ressources que les majorités.
La Commissaire estime qu'avec les multiples précisions apportées par les jugements de la Cour suprême du Canada au cours des dernières années, la portée des droits linguistiques ne fait plus aucun doute. Il est grand temps de mettre en œuvre les moyens nécessaires afin d'assurer le développement des communautés minoritaires. Ce faisant, le gouvernement fédéral doit établir une concertation soutenue avec les communautés elles-mêmes, pour que leurs besoins et leurs priorités soient respectés. Il doit aussi travailler étroitement avec les gouvernements provinciaux afin de les inciter à appuyer les minorités linguistiques.
La Loi sur les langues officielles vise à mettre en œuvre les droits linguistiques garantis par la loi constitutionnelle de 1982. La réalisation de cet objectif engage, selon la Commissaire, non seulement le gouvernement fédéral, mais aussi toute la société canadienne, et en particulier les gouvernements provinciaux et territoriaux. La Commissaire déplore que les communautés minoritaires doivent toujours, en l'an 2000, avoir recours aux tribunaux pour faire respecter des droits que les provinces se sont engagées à mettre en œuvre en vertu de l'article 23. Tous les paliers de gouvernement doivent être persuadés de faire leur cette valeur centrale que constitue la dualité canadienne.
La Commissaire fait donc de la pleine mise en œuvre de la Partie VII de la Loi un des principes de son mandat qu'elle aborde avec enthousiasme et vigilance.
Chapitre 4 - Dualité et qualité des services gouvernementaux
Avec la Loi sur les langues officielles, le gouvernement du Canada s'est engagé à fournir aux Canadiennes et aux Canadiens des services de qualité en français et en anglais. Pour ce faire, il faut s'assurer que la capacité bilingue est adéquate dans la fonction publique fédérale. Environ un tiers des postes sont désignés bilingues afin d'offrir les services au public dans les deux langues et de permettre aux employés fédéraux de travailler dans leur langue dans les régions désignées bilingues. La Commissaire constate toutefois que la distribution des effectifs bilingues ne correspond pas aux besoins requis dans les bureaux désignés bilingues. Par ailleurs, plusieurs organismes ou services ne relevant pas de la fonction publique, mais qui sont assujettis à la Loi, ne répondent pas aux dispositions de celle-ci. Au cours de cette année, six dossiers ont plus particulièrement retenu l'attention de la Commissaire, dont le suivi de l'ensemble des points de services gouvernementaux.
Points de services gouvernementaux. Le Commissariat a poursuivi son suivi systématique des bureaux désignés pour offrir le service dans les deux langues officielles dans tout le pays afin d'évaluer les progrès réalisés depuis son étude de 1994. Les transformations gouvernementales ont notamment eu pour effet de réduire le nombre des bureaux désignés bilingues.
Affaire Beaulac. La Cour suprême du Canada a rendu son jugement dans l'affaire Beaulac et interprété la portée du droit pour un accusé de subir son procès dans sa langue en vertu de l'article 530 du Code criminel.
Transport aérien. Au cours de la dernière année, l'industrie du transport aérien au Canada a connu de grands bouleversements. La Commissaire a saisi cette occasion pour rappeler les difficultés éprouvées par le public canadien à recevoir des services adéquats dans les deux langues officielles. Elle a ainsi cherché à obtenir de nouvelles garanties en la matière, notamment en faisant valoir ses préoccupations dans le contexte de l'adoption du projet de loi sur les transports. Sa démarche a porté fruit car le projet de loi a apporté des précisions au regard des obligations linguistiques d'Air Canada.
Via Rail. Compte tenu des progrès réalisés à ce jour, le recours judiciaire entrepris en 1991 contre Via Rail a été retiré par la Commissaire.
GRC. La Gendarmerie royale du Canada a aussi procédé à une importante restructuration administrative qui a suscité de nombreuses plaintes au sujet du non-respect de la Loi sur les langues officielles. La Commissaire a enquêté sur quelques problèmes spécifiques et souligne ici, à titre d'exemple, le cas du Manitoba. (D'autres plaintes à l'endroit de la GRC sont aussi évoquées à la section 6.8.)
Sports. À la suite des conclusions du Sous-comité parlementaire sur l'étude du sport au Canada et à la demande de deux députés fédéraux, la Commissaire a entrepris une étude sur l'usage équitable des langues officielles dans le sport au Canada.
4.1 Français/English aux points de service gouvernementaux ?
En vertu de la Loi sur les langues officielles, un certain nombre de bureaux fédéraux sont désignés pour offrir des services dans les deux langues officielles. Une étude exhaustive de l'application de cette disposition a été réalisée par le Commissariat en 1994 et, depuis 1996, des études de suivi sont progressivement réalisées province par province. Cette année, les Territoires du Nord-Ouest, la Colombie Britannique, le Québec et l'Ontario ont fait l'objet d'un suivi. Au vu des résultats, la Commissaire déplore les progrès limités et les reculs dans certaines régions. Globalement, la situation reste largement insatisfaisante.
Problème : De nombreuses lacunes relativement au service du public dans les deux langues officielles persistent dans les points de service gouvernementaux désignés bilingues.
Principe : Les critères des services bilingues sont clairs : signalisation extérieure, affichage intérieur, documentation, formulaires, pictogrammes, accueil au téléphone et en personne, service au téléphone et en personne, capacité bilingue suffisante.
Action : La Commissaire a formulé ses recommandations aux institutions concernées et a enjoint le Secrétariat du Conseil du Trésor d'être plus vigoureux dans la surveillance de l'application de la Loi.
Au cours de la dernière année, la Commissaire aux langues officielles a complété quatre rapports de suivi traitant de la prestation des services dans les deux langues officielles de la part des bureaux fédéraux désignés bilingues dans les Territoires du Nord-Ouest, en Colombie-Britannique, au Québec et en Ontario. Ces rapports provinciaux sont les quatre derniers dans le cadre du suivi de l'étude exhaustive réalisée en 1994, laquelle avait démontré que la prestation des services dans les deux langues officielles laissait beaucoup à désirer. Les résultats comparatifs de 1994 et 1999 pour l'ensemble des régions du Canada sont affichés au tableau 1 (voir à la page 60). Les résultats concernant plus spécifiquement les quatre régions à l'étude cette année démontrent que les services ne se sont pas sensiblement améliorés depuis notre étude initiale, laquelle révéla de nombreuses lacunes. Ces résultats sont exposés ci-dessous.
L'affichage et la documentation
Dans l'ensemble des quatre régions, les éléments matériels nécessaires à la prestation des services dans les deux langues officielles, comme la présence de panneaux de signalisation, les affiches, la documentation et les formulaires, sont généralement disponibles dans les deux langues officielles. On remarque également la présence grandissante, dans les bureaux désignés bilingues, du pictogramme pour signaler au public la disponibilité des services dans les deux langues officielles. Compte tenu de la facilité qu'il y a à afficher un pictogramme, on serait en droit de s'attendre à ce que tous les bureaux fédéraux désignés bilingues en soient doté.
L'accueil bilingue au téléphone et en personne
Les employés doivent accueillir le public qui téléphone ou qui se présente dans un bureau fédéral désigné bilingue dans les deux langues officielles pour signaler que le service est disponible en français et en anglais. Les rapports de suivi indiquent une légère amélioration dans l'utilisation de cette pratique, tant au téléphone qu'en personne, sauf dans les bureaux désignés des Territoires du Nord-Ouest où l'on accueille le public en anglais seulement. L'absence de l'accueil dans les deux langues officielles tant au téléphone qu'en personne ne peut que dissuader les clients d'exercer leurs droits linguistiques. Cette pratique a un effet réducteur important sur le volume de la demande de services en langue officielle de la minorité dans chaque province et territoire.
Les services au téléphone et en personne
Les services en personne dans les deux langues officielles se sont améliorés dans chaque région visitée. Par contre, les services dans les deux langues au téléphone ont subi un recul important dans les Territoires du Nord-Ouest et en Colombie-Britannique, alors qu'ils se sont améliorés au Québec et en Ontario.
Bilan inquiétant dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut
Les éléments matériels nécessaires à la prestation des services bilingues sont généralement en place aux Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut : la signalisation, l'affichage et la documentation sont disponibles dans les deux langues officielles et près de sept bureaux sur dix affichent le pictogramme indiquant qu'ils offrent des services en français et en anglais. L'accueil au téléphone dans les deux langues officielles a légèrement progressé, mais les bureaux désignés accueillent le public qui s'y présente en anglais seulement. La capacité bilingue globale des bureaux désignés est demeurée inchangée. Le service en personne dans les deux langues officielles ne s'est que très légèrement amélioré, alors que le service au téléphone a subi un recul important. Le fait que les institutions fédérales aient de moins en moins recours aux services de réceptionnistes pour gérer les communications téléphoniques n'est sans doute pas étranger à ce phénomène.
Situation toujours insatisfaisante en Colombie-Britannique
Les gestionnaires des bureaux fédéraux désignés bilingues en Colombie-Britannique semblent éprouver des difficultés dans la gestion des éléments matériels essentiels à la prestation des services dans les deux langues officielles. On constate en effet des déficiences sur le plan de l'affichage bilingue et de la disponibilité de la documentation et des formulaires dans les deux langues officielles. Le quart des bureaux désignés n'affichent pas encore le pictogramme pour indiquer qu'ils offrent des services en français et en anglais. D'autre part, il est toujours difficile d'obtenir des services en français au téléphone, ces derniers ayant même régressé depuis 1994. Par contre, pour les services en personne, la situation s'est améliorée de façon significative. On note un progrès dans la capacité globale des bureaux d'offrir des services bilingues. L'accueil dans les deux langues officielles au téléphone et en personne a également progressé mais pas encore de façon suffisamment significative dans l'ensemble.
Très bonne situation dans l'ensemble pour le Québec
Dans les bureaux fédéraux désignés bilingues au Québec, la signalisation, l'affichage, la documentation et les formulaires sont généralement disponibles dans les deux langues officielles. Un peu plus de 80 p.100 des bureaux affichent le pictogramme pour indiquer qu'ils offrent des services en français et en anglais. Les services au téléphone sont disponibles dans les deux langues officielles dans presque tous les bureaux désignés bilingues, alors que les services en personne le sont dans tous les bureaux. La capacité bilingue élevée de presque tous les bureaux désignés explique ce très bon rendement. Par contre, l'accueil bilingue au téléphone a peu progressé par rapport à la situation qui existait en 1994 et l'accueil bilingue en personne stagne sous la barre des 20 p.100.
Malgré certains progrès, des problèmes persistent en Ontario
La signalisation, l'affichage et la documentation sont généralement dans les deux langues officielles dans les bureaux désignés pour fournir des services bilingues en Ontario. On note également que 80 p.100 des bureaux affichent le pictogramme pour indiquer qu'ils offrent des services en français et en anglais. D'autre part, l'accueil bilingue au téléphone se fait dans un peu plus de 50 p. 100 des cas, alors que l'accueil bilingue en personne ne s'est que légèrement amélioré et se pratique un peu plus de deux fois sur dix. Comme dans plusieurs autres régions, on remarque que le service bilingue au téléphone est moins disponible qu'en 1994 tandis que le service bilingue en personne s'est amélioré de façon sensible. Les gestionnaires des bureaux désignés bilingues font sans doute une utilisation plus judicieuse de leurs ressources puisqu'on constate que la capacité bilingue des bureaux n'a pas beaucoup progressé.
Bilan global à l'échelle nationale
Ces quatre rapports concluent la ronde de suivis entamée en 1996. Dans ses 13 rapports, le Commissariat a formulé 1 368 recommandations spécifiques aux lacunes relevées. De plus, le Secrétariat du Conseil du Trésor a été alerté en 1998 des constats découlant des études, en particulier des problèmes systémiques persistants. La Commissaire présentera un nouveau rapport de synthèse global qui mettra l'accent sur le rôle-clé des gestionnaires dans l'organisation, la répartition des ressources bilingues dans les postes stratégiques et la sensibilisation des préposés au service au public.
La Commissaire continuera de vérifier les progrès réalisés dans la mise en œuvre des engagements pris pour corriger les lacunes constatées. Elle intensifiera ses contacts avec les hauts fonctionnaires. Enfin, elle demandera au Secrétariat du Conseil du Trésor de jouer pleinement son rôle de surveillance de l'application des principes et des politiques sur les langues officielles auprès des institutions fédérales. Elle est d'avis qu'il a manqué de leadership à cet égard.
4.2 L'affaire Beaulac : une interprétation large et libérale des droits linguistiques
La Cour suprême du Canada a rendu son jugement dans l'affaire Beaulac c. La Reine (Colombie-Britannique) mettant en cause l'interprétation des droits linguistiques en matière criminelle. Le jugement va dans le sens des arguments avancés par le Commissaire lors de l'audition devant la Cour suprême.
Problème : Un citoyen canadien n'a pu subir son procès devant un juge et un jury parlant les deux langues officielles, alors qu'il en avait fait la demande.
Principe : Les dispositions linguistiques du Code criminel du Canada doivent être interprétées de façon large et libérale en fonction de leur objet.
Action : Le Commissaire est intervenu dans cette affaire; il a fait valoir son interprétation des droits linguistiques de l'accusé prévus à l'article 530 du Code criminel et la Cour suprême a retenu une grande partie de son interprétation.
L'accusé, M. Beaulac, avait porté sa cause en appel jusqu'à la Cour suprême en évoquant que son droit à un procès devant un juge et un jury parlant les deux langues officielles lui avait été refusé notamment parce qu'il comprenait suffisamment l'anglais. Dans cette cause, le Commissaire a fait valoir que les dispositions linguistiques du Code criminel devaient être interprétées de façon large et libérale en fonction de leur objet, de l'objectif d'égalité des deux langues officielles et de l'évolution des droits linguistiques au Canada. Plus particulièrement au regard du droit linguistique en cause dans cette affaire, le Commissaire a indiqué qu'à son avis, « la langue officielle de l'accusé » ne devait pas être restreinte à la langue maternelle ou habituelle de l'accusé, mais devait plutôt être, au choix de l'accusé, soit la langue officielle maternelle, soit l'autre langue officielle. Ce choix n'avait rien à voir avec le fait que l'accusé comprenne une autre langue ou qu'il soit plus à l'aise dans l'une ou l'autre des langues officielles, sinon les personnes bilingues ne pourraient plus se prévaloir de leurs droits linguistiques.
La Cour suprême s'est prononcée en faveur de l'accusé et a ordonné un nouveau procès devant un juge et un jury qui parlent les deux langues officielles. La Cour a retenu en grande partie les arguments du Commissaire et a indiqué que les droits linguistiques « doivent dans tous les cas être interprétés en fonction de leur objet, de façon compatible avec le maintien et l'épanouissement des collectivités de langue officielle du Canada ». Plus précisément, la Cour a mentionné que l'article 530 du Code criminel vise à donner un accès égal aux tribunaux aux accusés qui parlent l'une des langues officielles afin d'aider les minorités de langue officielle à préserver leur identité. Appliquant le paragraphe 530(4) du Code criminel, la Cour a ensuite jugé que la « langue officielle de l'accusé » est « l'une ou l'autre langue officielle avec laquelle cette personne a des liens suffisants » de sorte que ce n'est pas forcément la langue dominante de l'accusé.
La Commissaire a accueilli cette décision avec satisfaction. C'est un nouveau cadre d'interprétation des droits linguistiques qui est fourni par ce jugement. Il s'agit non seulement d'une reconnaissance des droits linguistiques des accusés, mais aussi des minorités de langue officielle car le jugement précise que ces dernières ne peuvent exercer leurs droits « que si les moyens [leur] en sont fournis ». Ce jugement indique que la finalité de l'ensemble des droits linguistiques est bel et bien l'épanouissement des communautés minoritaires de langue officielle et trace ainsi clairement la ligne de conduite que devrait adopter les gouvernements.
4.3 Le transport aérien : du changement dans l'air !
Alors que l'industrie du transport aérien au Canada était en pleine transformation, la Commissaire est vigoureusement intervenue pour faire aboutir des requêtes à la suite des plaintes concernant Air Canada depuis quelques années. En février 2000, le projet de loi sur les transports au Canada (C-26) déposé en Chambre tenait compte de l'essentiel des demandes de la Commissaire.
Problème : De multiples plaintes à l'endroit d'Air Canada et de ses transporteurs régionaux, qui ont fait l'objet de recommandations du Commissariat, sont restées lettre morte.
Principe : En tant qu'entité assujettie à la Loi sur les langues officielles (Loi), Air Canada doit être contrainte à respecter ses obligations.
Action : La Commissaire est intervenue pour que la nouvelle Loi sur les transports au Canada précise la portée de la Loi dans cette industrie.
Projet de loi sur les transports au Canada (C-26)
La dernière année a été marquée par la restructuration de l'industrie du transport aérien. Le gouvernement du Canada a été ainsi amené à revoir la législation concernant cette industrie.
Inquiète des risques que faisait courir cette restructuration au public canadien, la Commissaire a été la première à souligner l'importance de protéger le droit du public d'être servi dans l'une ou l'autre langue officielle par les transporteurs aériens. Elle est intervenue auprès d'Air Canada, du ministre des Transports, des communautés minoritaires, du Comité permanent des transports et d'autres intervenants. Même après le dépôt du projet de loi C-26, la Commissaire est intervenue auprès du ministre des Transports pour faire clarifier les obligations linguistiques imposées aux filiales d'Air Canada.
Le projet de loi C-26 vient modifier plusieurs lois relatives au transport aérien, notamment la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada qui précise l'étendue des obligations linguistiques dans cette industrie. Il maintient que la Loi s'applique à Air Canada, mais ajoute plusieurs dispositions spécifiant les obligations linguistiques applicables aux filiales de la Société. En fait, celle-ci devra veiller à ce que les filiales dont elle possède plus de 50 p.100 des actions respectent la Partie IV de la Loi en ce qui a trait aux « services aériens, y compris les services connexes ». Les parties VIII, IX et X de la Loi relatives aux enquêtes et recours judiciaires seront également applicables dans ce contexte.
À la lecture de ce projet de loi, la Commissaire a pu constater que l'expression « services aériens » visait clairement les services en vol offerts par les filiales d'Air Canada. Elle a toutefois remarqué que la notion de « services connexes » n'était pas définie dans le projet de loi et elle a proposé au ministère des Transports de clarifier cette notion. Ainsi, les « services connexes » offerts par les filiales d'Air Canada ont par la suite été définis pour comprendre notamment : a) les services de billetterie et de réservation; b) les renseignements relatifs aux trajets et tarifs - notamment les avis et annonces - que les filiales publient ou font publier à l'attention de leurs clients; c) les services que les filiales offrent à leurs clients à l'aéroport, notamment le contrôle des passagers à l'embarquement et au débarquement, les annonces faites aux clients et les services au comptoir; et d) la procédure applicable à la réclamation des bagages et du fret, et les services à la clientèle.
Le piètre rendement d'Air Canada en français a suscité beaucoup d'insatisfaction dans le passé. Avec quelque 900 plaintes au cours des cinq dernières années, le Commissariat a dû entreprendre quatre recours judiciaires. Les deux premiers remontent à 1996 et touchent les services au sol de la Société à l'aéroport international de Halifax et à l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto. Le troisième recours est une demande de renvoi adressée à la Cour fédérale en 1997 pour déterminer l'application ou non de la Loi ou une partie de celle-ci aux filiales d'Air Canada (Air Nova, Air Ontario, Air BC). Le quatrième recours a été déposé également en 1997, parallèlement au renvoi, et traite plus particulièrement des services en vol offerts par le transporteur régional Air Ontario. Ce recours a toutefois été, dès le début, suspendu dans l'attente d'une décision de la Cour dans le cadre du renvoi en ce qui concerne l'application ou non de la Loi aux transporteurs régionaux.
Plus récemment, compte tenu du projet de loi C-26, la Commissaire a obtenu une suspension des trois autres recours jusqu'au 30 juin 2000 pour permettre d'analyser la portée des changements qui seront apportés par la loi.
Plaintes à bon port
Toujours dans le secteur du transport aérien, le Commissariat a conclu avec Transports Canada une entente en vertu de laquelle les deux institutions collaboreront dans le règlement des plaintes liées aux exposés sur la sécurité à bord des aéronefs.
Ce dossier a suscité plusieurs plaintes par le passé et l'entente devrait à l'avenir permettre un traitement plus efficace des plaintes. La Commissaire, en sa qualité d'ombudsman, reçoit les plaintes et rend compte de la suite qui leur a été donnée. Pour sa part, Transports Canada veille à l'élaboration et à la mise en œuvre de la réglementation et mène sa propre enquête sur les plaintes que lui signale le Commissariat.
La Commissaire se réjouit de ce partenariat et s'attend à ce qu'une seconde entente soit conclue prochainement avec le même ministère au sujet du contrôle de sûreté préalable à l'embarquement.
4.4 Via Rail sur la bonne voie
Via Rail a fait l'objet de plusieurs plaintes par le passé et, en 1991, un recours a été engagé par le Commissariat à cet effet. Les progrès constatés cette année ont convaincu la Commissaire de retirer ses procédures judiciaires.
Problème : Les plaintes faisant l'objet d'un recours judiciaire du Commissariat depuis 1991 n'ont plus d'écho dans la situation actuelle.
Principe : L'important est que les services de Via Rail soient offerts conformément aux obligations linguistiques de cette société.
Action : La Commissaire a retiré son recours judiciaire à la Cour fédérale à la suite d'une entente intervenue avec Via Rail.
Un troisième suivi, effectué à la fin de 1998 sur la disponibilité des services en français à bord des trains de Via Rail circulant dans le triangle Montréal-Ottawa-Toronto, a démontré une amélioration de la prestation des services dans les deux langues officielles sur ce parcours. La diminution des plaintes a aussi été révélatrice à cet égard.
En effet, depuis la formation du recours judiciaire en 1991 contre Via Rail, une série de mesures a contribué à corriger les manquements à la Loi sur les langues officielles. Via Rail a ainsi instauré des changements importants au sein de ses opérations en créant, notamment, un nouveau poste bilingue de directeur de service et en désignant un certain nombre de postes bilingues sur ses trajets. Compte tenu de l'évolution de la situation et de l'effet des mesures prises par Via Rail, la Commissaire a décidé de retirer ses procédures judiciaires et a émis un avis de désistement à la Cour fédérale.
La mise en œuvre des engagements de Via Rail relativement à l'amélioration de ses services en français à bord des trains circulant dans ce triangle continuera toutefois d'intéresser le Commissariat.
4.5 En selle face à la Gendarmerie royale du Canada
La Gendarmerie royale du Canada (GRC) procède depuis 1994 à une restructuration de son organisation qui a été marquée par des fusions et des réductions des détachements, un regroupement des divisions et l'utilisation accrue de l'auto patrouille en tant que « bureau ». Ces changements n'ont pas été sans causer préjudice à l'équité du service à la clientèle dans les deux langues officielles, en particulier au Manitoba et au Nouveau-Brunswick où la Commissaire a enquêté.
Problème : En restructurant ses services, la GRC a suscité des plaintes du public francophone qui y voit une diminution des services dans sa langue.
Principe : Même s'il y a eu des restructurations importantes, la GRC doit continuer de respecter les exigences de la Loi.
Action : La Commissaire a obtenu la suspension des changements proposés et la mise en place d'un processus de concertation avec la communauté au Manitoba.
Ayant reçu plusieurs plaintes à l'endroit de la GRC, la Commissaire a mené une étude spéciale dans le corridor de la rivière Rouge au Manitoba. Le rapport d'enquête publié en juillet 1999 a validé les plaintes à l'effet que les changements majeurs dans l'organisation du détachement contrevenaient à la Loi sur les langues officielles sous les aspects de la communication avec le public (Partie IV) et de l'appui au développement des communautés minoritaires (Partie VII). La Commissaire a formulé des recommandations relatives à la suspension des changements en cours, à la révision des capacités bilingues des unités de la GRC au Manitoba et à la consultation de la communauté franco-manitobaine.
La GRC a accepté de mettre en œuvre ces recommandations. Un comité regroupant des intervenants fédéraux, provinciaux et communautaires a été créé. Des représentants du Commissariat siègent comme observateurs à ce comité. Un groupe de travail est chargé de recommander des solutions qui permettraient de mieux répondre aux besoins de la communauté. Malheureusement, la Commissaire constate que ce comité réussit difficilement à prendre son envol. Une difficulté tient au fait que les exigences de la Loi et la politique manitobaine des services de langue française ne concordent pas.
Un recours judiciaire entrepris par l'Association des juristes d'expression française du Manitoba a été suspendu, à la requête du demandeur, pour permettre que la consultation aboutisse à des solutions concrètes. La Commissaire continue de tenter un rapprochement entre la GRC et la communauté franco-manitobaine afin que le groupe de travail retrouve ses assises et puisse proposer diligemment des solutions durables et acceptables à cette situation.
4.6 Les sports : y a-t-il franc jeu dans les deux langues ?
La Commissaire a mis en chantier, en 1999, une étude sur l'utilisation des deux langues officielles dans le domaine du sport de haut calibre. L'étude vise à mesurer si les milieux d'entraînement subventionnés par les deniers publics permettent aux athlètes d'évoluer dans la langue officielle de leur choix.
Problème : Une préoccupation à l'effet que les sportifs francophones ne bénéficient pas des appuis équivalents à ceux accordés aux anglophones de la part des associations financées par les deniers publics.
Principe : Les athlètes des deux groupes linguistiques doivent pouvoir développer pleinement leurs talents dans le cadre du système sportif canadien.
Action : La Commissaire a entrepris une étude de l'utilisation des deux langues officielles dans le sport de haut calibre.
Les conclusions du Sous-comité parlementaire sur l'étude du sport au Canada ainsi que les demandes de députés fédéraux à l'issue des audiences de ce sous-comité ont incité la Commissaire à réaliser cette étude. Il était apparu à certains que les sportifs francophones étaient victimes de discrimination sous l'angle des services qui leur étaient offerts ainsi que des chances d'être retenus pour les équipes nationales.
L'enquête, qui a été entreprise en septembre 1999, comporte une étude en profondeur de la documentation parlementaire, gouvernementale, médiatique et associative relative aux sports. Outre des entrevues avec les responsables gouvernementaux, les chercheurs et les représentants des associations sportives, un sondage a été envoyé par la poste à un échantillon d'athlètes francophones et anglophones du Canada pour vérifier leurs attitudes, leurs valeurs et leur expérience du sport. Enfin, des visites sur le terrain auront été réalisées dans plusieurs villes canadiennes.
Les résultats préliminaires révèlent la complexité du système sportif canadien : une centaine d'intervenants nationaux, dont Sport Canada; une trentaine d'associations multi-sport; une soixantaine d'associations sportives nationales; les gouvernements provinciaux et territoriaux. Il est vrai que le gouvernement fédéral doit faire respecter la Loi sur les langues officielles, mais son intervention semble de plus en plus limitée. La Commissaire pense néanmoins que le milieu sportif est disposé à favoriser des relations positives et équitables entre les deux communautés linguistiques du pays. Le prochain rapport annuel rendra compte des résultats complets de cette étude.
Du côté positif, la Commissaire se réjouit de la performance en matière de bilinguisme réalisée par les organisateurs des XIIIe Jeux panaméricains qui se sont déroulés au Manitoba en 1999. Le bilan linguistique réalisé par le bureau de la Commissaire à Winnipeg révèle notamment que 2 800 des 18 000 bénévoles des Jeux étaient bilingues.
Conclusion
Si la Loi sur les langues officielles marque l'engagement du gouvernement fédéral à fournir des services de qualité dans les deux langues officielles au pays, il reste que de nombreuses lacunes existent encore dans les points de service gouvernementaux, principalement à l'égard des francophones. Pourtant, le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Beaulac a, entre autres, réitéré la portée du droit des Canadiens et des Canadiennes d'obtenir dans leur langue les services gouvernementaux.
En revanche, plusieurs progrès sont dignes de mention, notamment dans le renouvellement de la Loi sur les transports qui devrait contraindre Air Canada et ses transporteurs régionaux à respecter la Loi sur les langues officielles. Via Rail a apporté des changements longuement attendus à son service à la clientèle dans les deux langues officielles. Le ministère des Transports a conclu une entente avec le Commissariat pour collaborer aux enquêtes sur les plaintes de nature linguistique dans les aéroports.
Les enquêtes de la Commissaire dans d'autres secteurs, tels que le sport de haut niveau et les services de la GRC, indiquent qu'il reste encore beaucoup à faire.
Chapitre 5 - Les nouvelles technologies de l'information et de la communication
Les nouvelles technologies de l'information et de la communication (TIC) ont une incidence profonde sur la prestation des services du gouvernement fédéral, sur le développement de l'économie du savoir, sur les communications, bref sur la société canadienne de façon globale. Loin d'être neutres, les technologies font appel à la langue, et l'équilibre fragile de la dualité linguistique n'est pas à l'abri. Cette tendance omniprésente incite la Commissaire à accorder la plus haute priorité au dossier des TIC. Le Commissariat a concentré ses efforts dans trois secteurs à cet égard.
Internet. Immense espace d'échange et de commerce, Internet, qui offre 80 p. 100 de ses contenus en anglais à l'échelle mondiale, constitue-t-il un cheval de Troie qui menace la dualité linguistique canadienne ou peut-il lui servir de vitrine sur le monde ? La Commissaire est intervenue pour que le gouvernement agisse dans ce dernier sens.
Télédiffusion en français. Face au foisonnement des réseaux de communication disponibles, les services télévisuels doivent réviser leurs marchés, mais parfois, comme le souligne la Commissaire, la dualité linguistique en paye le prix.
Technologies numériques. Les TIC accroissent la distribution des contenus culturels. De nouvelles avenues, comme le disque numérique polyvalent (connu sous l'acronyme anglais DVD - Digital Video Disk), s'offrent maintenant pour acheminer ces contenus jusque chez les consommateurs. Mais il faut être vigilant pour ne pas y perdre... son français.
5.1 Internet : vitrine ou cheval de Troie de la dualité linguistique canadienne ?
Internet, qui relie de plus en plus les Canadiennes et les Canadiens entre eux, transforme à un rythme rapide la société canadienne et le gouvernement du Canada. Il importe que ces transformations reflètent l'égalité du français et de l'anglais stipulée dans la Charte canadienne des droits et libertés et tiennent compte de l'épanouissement des communautés minoritaires de langue officielle visées par la Partie VII de la Loi sur les langues officielles. En fait, l'enjeu majeur qui se présente aujourd'hui est, pour les francophones du Canada comme pour la francophonie partout dans le monde, de s'approprier ce puissant moyen de communication et de développement culturel et économique que représente Internet.
Le Discours du Trône 1999 affirmait que le Canada serait le premier pays du G7 à offrir, en ligne, l'ensemble de ses services aux citoyens et ce, dès 2004. Dans cette nouvelle perspective, la Commissaire estime qu'il faut redoubler d'efforts pour s'assurer de la pleine mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles. La dualité linguistique doit être réelle et vivante, y compris dans l'univers virtuel. Elle a ainsi fait valoir sur plusieurs tribunes l'importance d'accroître la masse critique des contenus en français sur Internet ainsi que la contribution importante du gouvernement du Canada à cet égard.
La Commissaire a notamment prononcé un discours devant le Cercle canadien de Toronto dans lequel elle a fait état de l'influence grandissante d'Internet dans les transformations rapides de l'économie et de la culture canadiennes. Ce discours constituait un appel au gouvernement du Canada afin qu'il joue un rôle plus actif dans la promotion de l'usage du français sur Internet. Ce rôle est crucial afin qu'Internet soit un outil de promotion de la langue et de la culture françaises au Canada et dans le monde, plutôt qu'une nouvelle menace du cheval de Troie.
La Commissaire note aussi que le français sur Internet devient progressivement une question privilégiée de collaboration et de concertation des gouvernements du Canada, du Québec et du Nouveau-Brunswick.
Deux aspects de l'utilisation d'Internet ont plus particulièrement fait l'objet d'études et de recommandations au gouvernement du Canada cette année : l'utilisation d'Internet par les services gouvernementaux et la place du français sur Internet.
L'utilisation d'Internet par le gouvernement fédéral
Problème : Le recours généralisé à Internet dans les services gouvernementaux se fait au détriment de l'utilisation adéquate du français.
Principe : Le gouvernement doit se conformer à la Loi en adoptant et en mettant en œuvre des politiques uniformes de communication, incluant Internet.
Action : La Commissaire a mené une étude de suivi et soumis des recommandations au Secrétariat du Conseil du Trésor.
En optant pour un usage généralisé d'Internet, le gouvernement fédéral a considérablement accru son champ de communication et s'est exposé à ce que les services qu'il offre ne soient pas de qualité égale dans les deux langues officielles. Le Commissariat a en effet relevé, dans une étude de 1996, de nombreux problèmes techniques auxquels se heurtaient les francophones désireux d'utiliser les services du gouvernement offerts sur Internet. Soucieuse de mesurer les progrès accomplis et de cerner les difficultés qui subsistent à ce chapitre, la Commissaire a mené une étude de suivi en 1999.
Le rapport intitulé L'utilisation d'Internet par les institutions fédérales révèle heureusement que ces problèmes techniques ont en grande partie été résolus, grâce notamment aux solutions techniques que le Commissaire avait proposées dans son rapport. L'étude indique surtout qu'au chapitre des langues officielles, Internet est maintenant un moyen de communication à part entière. La nature des plaintes reçues par la Commissaire au sujet d'Internet le confirme d'ailleurs : inégalité de statut du français et de l'anglais, piètre qualité du contenu en français, omission de diffuser l'information simultanément dans les deux langues.
Le problème technique qui subsiste est celui de la non-conformité des adresses gouvernementales Internet avec la Loi sur les langues officielles. À ceci s'ajoute la qualité inférieure d'une partie de la documentation traduite et affichée sur les sites Internet du gouvernement. Enfin, il arrive que les employés fédéraux ne bénéficient pas d'une offre active de logiciels dans la langue officielle de leur choix, que l'information sur les politiques relatives à Internet ne leur soit pas fournie, et que les services de dépannage, de soutien et de formation techniques ne soient pas de qualité équivalente dans les deux langues officielles.
La Commissaire a porté ces questions à l'attention du Secrétariat du Conseil du Trésor et des institutions fédérales. Le Secrétariat a reconnu le problème et entrepris une étude sur ce sujet dans le cadre de l'initiative « Présentation uniforme ». Quant aux autres recommandations, la Commissaire en fera un suivi au cours de la prochaine année dans le cadre de ses observations générales des communications du gouvernement avec le public.
Le français sur Internet
Problème : Le déploiement principalement en anglais d'Internet fragilise la dualité linguistique canadienne.
Principe : Le gouvernement doit se doter d'un plan intégré d'appui au développement d'outils, de contenus et de l'accessibilité d'Internet en français, conformément à la Partie VII de la Loi.
Action : La Commissaire a publié une étude spéciale à cet effet et obtenu du gouvernement des engagements tangibles en conformité avec ses recommandations.
C'est un fait indéniable que l'anglais est prépondérant sur Internet, et il importe donc de veiller à ce que le français prenne une place équitable pour que la dualité linguistique du Canada soit réaffirmée. La Commissaire demande donc au gouvernement fédéral de réitérer que la dualité linguistique est l'un des principes directeurs du développement de l'inforoute canadienne. Une stratégie cohérente doit être adoptée et des investissements ciblés doivent être consacrés à cette fin.
Pour guider le gouvernement dans une telle démarche, la Commissaire a publié une étude intitulée Le gouvernement du Canada et le français sur Internet. Comme le soulignait la Commissaire lors de son lancement dans le cadre du colloque Initi@tives 99 à Edmundston, l'étude se veut un appel pressant pour une action sans délai et plus ciblée du gouvernement du Canada afin d'augmenter les contenus en français sur Internet. Citant le chercheur Michel Cartier, la Commissaire rappelait que « L'Internet offre l'ici et l'ailleurs; sans contenu, elle n'offre que l'ailleurs. »
L'étude a été réalisée à partir d'une revue des actions et pratiques gouvernementales actuelles, des entrevues et des groupes témoins. En tout, une quarantaine d'institutions fédérales et des spécialistes d'Internet ont été consultés. Les recommandations formulées dans l'étude visent à inciter le gouvernement à réaffirmer la dualité linguistique et à lui fournir une vitrine mondiale. Pour ce faire, les investissements dans la traduction et la numérisation des documents ainsi que dans la production des contenus doivent être accrus; des portails doivent être ouverts et publicisés pour mettre en lumière les ressources francophones, gouvernementales, non gouvernementales et privées, et l'accessibilité des outils linguistiques et des banques de données gouvernementales doit être élargie.
À la demande de la Commissaire, le gouvernement a répondu promptement à ces recommandations en s'engageant à élaborer un plan d'action cohérent accompagné d'échéanciers, de mécanismes de suivi et de rapports réguliers des progrès réalisés afin d'accroître les contenus et les services de langue française sur Internet.
Fort encourageante, cette réponse marque l'engagement du gouvernement du Canada à contribuer davantage aux contenus et aux services en français sur Internet et ce, dans l'esprit de la Partie VII de la Loi sur les langues officielles. Le Comité des sous-ministres responsables des langues officielles et le Sous-comité responsable de la gestion de l'information assumeront le rôle de suivi de cet engagement gouvernemental.
Soucieuse du suivi qui sera accordé à ce dossier, la Commissaire se réjouit que le Comité des sous-ministres ait déjà établi Internet comme l'une de ses quatre priorités stratégiques pour l'année en cours. De plus, le gouvernement s'est engagé dans son dernier budget à investir plus de 75 millions de dollars dans la numérisation des collections fédérales d'intérêt patrimonial. La ministre du Patrimoine canadien a indiqué que la moitié de cette somme serait consacrée aux collections de langue française. Ce dossier continuera d'être urgent et prioritaire dans le champ de suivi de la Commissaire au cours de la prochaine année.
5.2 L'offre télévisuelle dans les deux langues officielles
La multiplication des moyens numériques de diffusion et des services télévisuels tend paradoxalement à réduire la part qui est offerte à la clientèle francophone. La Commissaire réitère que la dualité linguistique doit être renforcée dans ce contexte et c'est pourquoi elle appuie l'élargissement des services en français offerts aux communautés francophones du Canada.
Problème : Grâce aux nouvelles technologies, l'offre télévisuelle globale s'accroît, au détriment des services offerts en français.
Principe : Le CRTC doit favoriser le développement des minorités francophones en élargissant la définition de marché bilingue et en garantissant des blocs de services télévisuels adéquats dans les deux langues officielles.
Action : La Commissaire est intervenue auprès du CRTC dans sa revue de la définition des marchés bilingues, pour la diffusion obligatoire de TVA et en faveur de la diffusion de TFO au Québec. Elle enquête par ailleurs concernant l'accessibilité de la Chaîne d'affaires publiques par câble (CPAC) dans les deux langues officielles.
Le Commissariat devant le CRTC
Le Commissaire Goldbloom a répondu à l'appel d'observations du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) relativement aux règles d'accès aux services spécialisés et de télévision payante dans les marchés bilingues. Il a fait valoir l'importance de redéfinir la notion de marché bilingue, qui désigne les régions où les câblodistributeurs sont contraints par le CRTC à offrir des services télévisuels dans les deux langues officielles.
Le Commissaire a proposé de retenir le nombre ou la proportion des locuteurs de langue française, par opposition aux individus de langue maternelle française, afin de saisir le bassin complet des consommateurs potentiels de services télévisuels en français. Avec l'accroissement rapide du bilinguisme, l'utilisation du nombre de locuteurs favorisera une offre de services plus adéquate. Les recensements de Statistique Canada fournissent des données sur les locuteurs.
Le Commissaire a par ailleurs attiré l'attention du CRTC sur le fait que la multiplication des canaux offerts réduit significativement la proportion des services de langue française. C'est pourquoi il a proposé que le CRTC prescrive un bloc adéquat de services dans les deux langues officielles dans les marchés bilingues. Les câblodistributeurs seraient ainsi appelés à étudier la demande précise des communautés minoritaires en consultant les associations qui les représentent.
Le CRTC a tenu compte de ces recommandations et a déposé pour commentaires une proposition de politique sur la distribution télévisuelle dans les marchés bilingues qui innove sur deux plans. D'abord, elle se fonde sur le nombre d'individus ayant une connaissance des deux langues officielles, plutôt que le français comme langue maternelle, dans la zone de desserte du câblodistributeur. En second lieu, elle propose qu'au moins une chaîne sur dix parmi les nouvelles chaînes numériques spécialisées qui seront offertes aux Canadiennes et aux Canadiens soit de langue française. La Commissaire se félicite de ces pas dans la bonne direction.
Le gouvernement du Canada a par ailleurs demandé au CRTC de déposer, avant le 31 décembre 2000, un rapport sur l'offre de services télévisuels de langue française hors Québec. Dans le contexte de cet exercice, la Commissaire réitérera l'importance, pour le développement des communautés de langue officielle, d'accroître l'offre de services télévisuels en français hors Québec.
TFO, TVA...
En octobre 1999, TVOntario (TVO) déposait devant le CRTC une demande pour la distribution obligatoire de son service de programmation de télévision éducative de langue française (TFO) au Québec, sur un volet analogique facultatif. La Commissaire a écrit au CRTC afin d'appuyer la démarche de TVO. Le CRTC a toutefois rejeté la demande en évoquant que cet ajout d'un canal éducatif payant aurait taxé indûment les téléspectateurs du Québec qui paient et reçoivent déjà le service éducatif de Télé-Québec.
Par ailleurs, la Commissaire a appuyé par lettre la demande du réseau francophone TVA de devenir un réseau national à distribution obligatoire dans l'ensemble du Canada. Elle a donc applaudi à la décision du CRTC, en 1999, d'attribuer ce statut à TVA. La Commissaire reste vigilante quant aux engagements pris par TVA en ce qui concerne les communautés francophones du Canada car ils ne se sont pas encore réalisés.
La Chambre des communes sur nos écrans
Des Canadiennes et des Canadiens se sont plaints du fait qu'ils n'ont pas accès aux travaux de la Chambre des communes du Canada dans la langue officielle de leur choix. La Chambre des communes transmet en direct à la Chaîne d'affaires publiques par câble (CPAC) un signal vidéo et trois signaux audio (l'un en anglais, l'autre en français et un troisième - une version directe - dans la langue utilisée par le parlementaire) des débats et travaux de la Chambre. CPAC distribue ces signaux par satellite aux entreprises de câblodistribution partout au Canada.
Les câblodistributeurs, quant à eux, ne choisissent souvent qu'une de ces trois versions audio, privant de nombreux citoyens et citoyennes de cet outil, symbole d'une saine démocratie. Ces plaintes soulèvent un problème important, et une enquête est en cours afin de déterminer si la Chambre des communes a l'obligation de veiller à ce que ses débats télévisés soient accessibles dans les deux langues officielles. Les résultats seront connus au cours de l'année prochaine.
5.3 Support DVD : et la version française ?
La convergence de l'ensemble des moyens de communications vers le mode numérique favorisera l'avènement d'un monde aux interactions instantanées et planétaires. Couplée à la mondialisation de l'économie et du divertissement qui favorisent l'anglais, cette tendance va continuer d'ébranler le fragile équilibre de la dualité linguistique au Canada. L'exemple récent de la distribution des films sur disque numérique polyvalent (DVD) illustre le danger qui nous guette.
Problème : Les nouveaux supports DVD gagnent en popularité, mais omettent parfois la version française des films présentés.
Principe : Le Canada doit intervenir pour que les produits culturels destinés au marché canadien offrent une version française lorsque cela est possible.
Action : La Commissaire a obtenu de la ministre du Patrimoine canadien qu'elle intervienne auprès des grands distributeurs de films sur DVD et ces derniers ont accepté de réintégrer les versions françaises.
Le support DVD est de plus en plus courant dans la distribution des films en Amérique du Nord. Le DVD permet de présenter des films en plusieurs versions (anglaise, française, espagnole, etc.). La Commissaire a donné suite aux plaintes reçues au sujet de l'absence de version française dans les DVD distribués au Canada. L'enquête réalisée par le Commissariat révèle en effet que certains studios tels que Columbia/Tristan, Miramax et Dreamworks ont décidé de ne plus inclure la version française sur leurs DVD destinés au marché nord-américain.
La Commissaire a saisi la ministre du Patrimoine canadien de cette entrave au principe de la dualité linguistique canadienne. Le problème est important car les films en version DVD sont de plus en plus populaires, remplaçant progressivement les vidéos traditionnelles. Actuellement, quatre des six titres les plus vendus au Canada n'offrent pas de version française. L'absence de version française nuit au rayonnement de la langue française au Canada. La Commissaire a donc demandé que le gouvernement canadien intervienne vigoureusement auprès des studios concernés pour corriger cette situation.
La Commissaire se réjouit que les studios aient promptement accepté de réintégrer la version française sur les DVD distribués au Canada et au Québec. On le constate de nouveau, la vigilance est de rigueur afin que l'utilisation croissante des nouvelles technologies dans la société canadienne ne se fasse pas au détriment de la dualité linguistique canadienne.
Conclusion
La venue d'Internet et celle des nouvelles technologies de l'information et de la communication transforment le paysage télévisuel, celui de l'information et celui de l'industrie du divertissement. La Commissaire constate que, malgré leurs retombées positives, ces nouveaux outils mettent en jeu la vitalité de la dualité linguistique canadienne.
C'est pourquoi Internet en particulier est devenu l'un des dossiers qui fait l'objet de suivis rapprochés au Commissariat. Quelques études et enquêtes ont été réalisées cette année, mais il faudra s'attendre à une vigilance accrue de la part de la Commissaire dans les prochaines années. En outre, la Commissaire compte utiliser pleinement ces nouveaux médias pour promouvoir les langues officielles du Canada.
Chapitre 6 - Ce qui préoccupe les Canadiennes et les Canadiens
L'un des rôles de la Commissaire est de recevoir les plaintes et les demandes de renseignements du public canadien relativement à la Loi sur les langues officielles. Ces communications sont essentielles à la poursuite de ses démarches auprès des institutions fédérales qui ne respectent pas leurs obligations à l'égard de la dualité linguistique canadienne. Les témoignages des citoyens et citoyennes qui expriment ainsi leurs préoccupations servent aussi de baromètre pour mesurer l'évolution des grands dossiers suivis par la Commissaire.
Dans ce chapitre, nous présentons un profil statistique des préoccupations exprimées par les Canadiennes et les Canadiens auprès de la Commissaire et en dégageons les grandes tendances. Nous avons aussi sélectionné sept thèmes récurrents qui illustrent les difficultés auxquelles fait face le public soucieux de ses droits linguistiques. Des exemples significatifs illustrent chaque thème.
Profil des plaintes. Le Commissariat a enregistré quelque 3 000 communications, dont 1 800 plaintes. Un grand nombre de ces plaintes sont actuellement en cours d'enquête. Par ailleurs, les lettres publiées dans les journaux sont lues et interprétées par la Commissaire comme un miroir des préoccupations des Canadiens et des Canadiennes.
Presse des communautés minoritaires. Bien que le gouvernement fédéral soit tenu d'informer l'ensemble du public en recourant notamment aux médias lus par les communautés minoritaires, il contrevient fréquemment à cette obligation.
Service au public. Il ne peut y avoir d'exception dans l'application de la Loi sur les langues officielles. Plusieurs institutions fédérales qui invoquent des circonstances atténuantes se le font rappeler par la Commissaire.
Tiers. Les institutions fédérales doivent s'assurer que les tiers qui les relaient dans la prestation des services respectent les droits linguistiques de la clientèle.
Normes d'adressage. Certains services gouvernementaux semblent oublier qu'une adresse peut être en français ou en anglais.
Langue de travail. Les employés du gouvernement fédéral peuvent-ils, tel que prévu par la Loi pour les régions désignées, travailler dans la langue officielle de leur choix ?
Participation équitable. Même si elle s'est de beaucoup améliorée, la participation des membres des deux communautés de langue officielle au sein de la fonction publique fédérale continue de poser des problèmes.
Exigences linguistiques. Plusieurs plaintes visent les exigences linguistiques attribuées à certains postes.
6.1 Profil des plaintes reçues par le Commissariat
Chaque année, la Commissaire reçoit des communications de la part du public canadien préoccupé de ses droits en vertu de la Loi sur les langues officielles. Une part importante de ces communications est classée comme plaintes et, lorsque celles-ci s'avèrent recevables, les enquêteurs du Commissariat entament une procédure d'instruction. Les parties en cause sont contactées pour réunir les informations et éléments de preuve nécessaires à l'enquête. À la conclusion de celle-ci, la Commissaire peut émettre des recommandations et faire un suivi pour vérifier leur mise en œuvre. En marge du mécanisme des plaintes, la Commissaire surveille aussi avec vigilance ce qui se dit dans la presse canadienne au sujet des langues officielles.
Les communications reçues au Commissariat
Le Commissariat a reçu pour la période du présent rapport quelque 3 000 communications, dont environ 1 800 plaintes et des centaines de demandes de renseignements relatifs aux enquêtes. Un nombre considérable de plaintes (1 478) ont été jugées recevables et ont donné lieu à des enquêtes (voir la figure 1).
Compte tenu de la concentration des populations, 60 p. 100 des manquements qui ont été rapportés ont pour lieu d'origine le centre du pays : l'Ontario, le Québec et la région de la capitale nationale (voir la figure 2).
Près de 80 p. 100 des incidents portés à l'attention de la Commissaire sont traditionnellement liés au secteur des services au public. L'autre type de plainte fréquente concerne le non-respect des droits linguistiques des employés dans leur milieu de travail (voir la figure 3).
Bien qu'une centaine d'institutions fédérales soient visées, les deux tiers de toutes les plaintes recevables, soit environ 1 200, sont réparties entre une vingtaine d'institutions. Un peu plus de 80 institutions se partagent l'autre tiers (voir la figure 5). Sauf exception, la liste des institutions ayant fait l'objet du plus grand nombre de plaintes varie peu d'une année à l'autre. Les changements en la matière sont dus à la nature même de certaines de leurs activités. La figure 4 porte sur la répartition des plaintes par région, alors que les figures 6 et 7 indiquent la répartition des plaintes par catégorie.
Ce bref bilan nous indique que même après trente ans, il reste bien du chemin à parcourir avant que nous puissions parler d'un progrès réel dans tous les domaines d'application de la Loi sur les langues officielles.
L'opinion des lecteurs et des lectrices : miroir du grand public
La question des langues officielles fait occasionnellement l'objet de lettres qui paraissent dans la presse. La Commissaire se charge alors d'éclairer les intéressés au regard des principes et de la réalité de la dualité linguistique canadienne. Plusieurs des questions qui ont été soulevées cette année touchent des enjeux traités dans ce rapport : la décision de la Cour suprême en faveur des parents francophones de Summerside, le bilinguisme dans le contexte de la fusion municipale dans la région d'Ottawa, l'Hôpital Montfort, etc. Nous présentons ici quelques exemples des autres préoccupations qui ont été exprimées dans les lettres des lecteurs et lectrices.
Les langues officielles, un investissement
Certains sont allés jusqu'à suggérer que les langues officielles coûtent aux Canadiennes et aux Canadiens près de 50 milliards de dollars annuellement et que c'est là le principal facteur de la dette nationale. La Commissaire a informé le public que, selon les données officielles, en 1997-1998, le gouvernement fédéral a consacré environ 439 millions de dollars à des programmes liés aux langues officielles, soit moins de 1 p. 100 de ses dépenses. Ces coûts incluent les services de traduction, de formation linguistique, les primes au bilinguisme et les transferts aux provinces en matière d'éducation dans la langue officielle de la minorité et l'enseignement de la langue seconde.
Ces dépenses sont justifiées du point de vue des obligations prescrites par la Charte canadienne des droits et libertés et la Loi sur les langues officielles. Mais il faut surtout signaler les bénéfices qu'elles procurent quant à la satisfaction des citoyennes et des citoyens d'être servis dans leur langue. Et c'est sans compter le nombre croissant de jeunes Canadiens et Canadiennes qui sont bilingues à l'heure de l'économie du savoir et de la mondialisation des échanges. D'ailleurs, un sondage récent réalisé par Réalités canadiennes (septembre 1998) démontre que les deux tiers des Canadiens appuient la dualité linguistique de notre pays et valorisent l'apprentissage des deux langues officielles chez les jeunes.
Les unilingues sont-ils exclus de la fonction publique fédérale ?
D'aucuns ont affirmé que les unilingues anglophones font l'objet de discrimination dans la fonction publique fédérale parce que les emplois et les promotions des employés y sont soumis à des critères de bilinguisme.
La Commissaire a rappelé que la Loi sur les langues officielles reconnaît la présence de deux communautés linguistiques au Canada et qu'elle vise à ce que chacune puisse recevoir des services gouvernementaux dans sa langue. Il en découle qu'une certaine partie des postes de la fonction publique fédérale (33 p. 100 en 1999) sont désignés bilingues à divers degrés. Par ailleurs, 55 p. 100 des postes sont désignés anglais essentiel, 6 p. 100 sont désignés français essentiel et 4 p. 100 sont désignés français ou anglais essentiel. Donc, une majorité des postes sont accessibles aux unilingues anglophones sans qu'ils aient à apprendre l'autre langue officielle. De plus, une personne unilingue peut être candidate à plusieurs des postes désignés bilingues dans la mesure où elle accepte d'apprendre l'autre langue officielle selon un échéancier déterminé, en s'appuyant sur les ressources qui lui sont fournies par la Commission de la fonction publique. D'ailleurs, la Commissaire rappelle que les capacités bilingues constituent un atout pour tout employé et que la fonction publique les reconnaît comme des compétences professionnelles qui ne se substituent pas, mais s'ajoutent aux autres compétences professionnelles des employés.
Dans les sections qui suivent, nous illustrons la nature et la portée des plaintes reçues à partir d'exemples significatifs qui révèlent des problèmes systémiques, des erreurs de parcours, des méconnaissances de la Loi ou encore certains effets néfastes des transformations gouvernementales.
6.2 Les médias des communautés minoritaires laissés pour compte
Les responsables des communications dans les institutions fédérales ont, conformément à la Loi, l'obligation d'informer les deux communautés de langue officielle des activités et programmes de leur organisme. Compte tenu de leur caractère minoritaire, certaines communautés comptent sur des hebdomadaires ou des médias régionaux pour s'informer. Ces moyens d'information doivent en conséquence être visés par les stratégies de communication fédérales. Le nombre de plaintes reçues à cet effet démontre une inertie inacceptable de la part des institutions fédérales.
Problème : Certaines annonces gouvernementales sont uniquement publiées dans la presse dominante et ne parviennent pas aux communautés minoritaires de langue officielle qui ont leurs propres médias.
Principe : Les institutions fédérales doivent adopter des stratégies de communication qui incluent, lorsque la Loi l'exige, le recours aux médias des communautés minoritaires.
Action : La Commissaire incite les institutions fédérales à recourir systématiquement aux médias des communautés minoritaires et compte publier un rapport spécial sur la question des annonces publicitaires dans la presse.
Un constat désolant
Le Commissariat a encore reçu plusieurs plaintes dénonçant le fait qu'on ait recours uniquement à la presse dominante dans diverses régions du pays et ce, sans contrepartie pour les publications dont le lectorat est composé des communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire. Les quelque 300 cas regroupés dans cette catégorie représentent le cinquième des plaintes recevables.
Même si plusieurs gestionnaires, lorsqu'ils sont mis au courant de lacunes précises, s'efforcent d'apporter les mesures correctives nécessaires afin de se conformer aux exigences de la Loi, force est de constater qu'une certaine inertie prévaut dans ce domaine. Parmi les exemples illustrant ces manquements, soulignons qu'à elle seule la Société Air Canada s'en est vu attribuer environ 70.
Face à ce problème systémique, la Commissaire compte mener une enquête approfondie et publier un rapport spécial en 2001 sur la question des annonces publicitaires dans les journaux. Voici quelques exemples plus précis de plaintes traitées.
La publicité dans le cadre des ententes bilatérales liées à l'emploi
Puisque la portée de ses activités est considérable, le ministère du Développement des ressources humaines du Canada (DRHC) est visé par plusieurs des manquements à la Loi lors de la diffusion d'informations liées à la formation de la main-d'œuvre. De l'Atlantique au Pacifique, une quarantaine de plaintes fondées lui ont été attribuées. Lors de l'instruction des plaintes visant cette institution, on a invoqué la complexité des transformations gouvernementales pour tenter de justifier les lacunes signalées. Pour les citoyens lésés, comme pour la Commissaire, cette complexité ne justifie pas que l'on déroge aux obligations linguistiques.
Obligations d'épargne... et obligations linguistiques
Une enquête portant sur plus de 20 plaintes, par suite de la diffusion d'informations sur l'émission des obligations d'épargne et des obligations à prime du Canada a permis à la Commissaire d'inciter Placements Épargne Canada (PEC), qui agit au nom du ministère des Finances, à revoir son plan de communication annuel. Selon les allégations, malgré une entente commerciale, les propriétaires de journaux desservant les communautés de langue française en situation minoritaire ont été privés d'une partie de la publicité de PEC relative aux changements de taux d'intérêt prévalant sur le marché.
Les gestionnaires de l'organisme mis en cause ont accepté la suggestion de la Commissaire d'acheter des espaces publicitaires pour des parutions additionnelles dans les publications destinées aux communautés francophones. Ils se sont aussi engagés, en début de campagne, à produire un prêt à photographier sans taux, afin de pouvoir diffuser l'information de base au groupe visé, lorsque les bouleversements des marchés financiers l'exigent.
6.3 Comment servir le public ?
Les services gouvernementaux sont multiples et engagent des opérations parfois complexes. Le respect intégral des droits linguistiques des citoyennes et des citoyens en paie souvent le prix. Mais la Commissaire veille à ce que les contraventions à la Loi rapportées dans les plaintes soient rapidement corrigées. Voici quelques exemples de problèmes soulevés et des solutions qui ont été apportées.
Problème : Des citoyens et citoyennes affirment que des informations gouvernementales équivalentes ne leur sont pas fournies dans les deux langues officielles.
Principe : Les circonstances exceptionnelles ne peuvent permettre de déroger à l'obligation de servir le public canadien dans les deux langues officielles.
Action : La Commissaire rappelle trop souvent aux institutions fédérales qui offrent une large gamme de services au public leurs obligations en vertu de Loi.
Bogue dans les envois massifs
Les envois massifs de documents sont pratique courante pour les institutions fédérales. Dans l'exemple qui suit, les responsables de l'information ont pu constater qu'il ne suffit pas de déléguer cette tâche à des agences de publicité et aux services des postes pour s'en acquitter correctement.
À l'aube du nouveau millénaire, la crainte du bogue a été à l'origine d'une initiative du ministère de l'Industrie qui s'est soldée par des revendications justifiées de centaines de citoyens d'un peu partout au pays. Ces derniers se sont plaints d'avoir reçu le guide Vérification à domicile du bogue du millénaire dans une seule langue officielle, mais non celle de leur choix.
Durant l'enquête, la Commissaire a appris que plus de 10 000 personnes ont utilisé la ligne sans frais mise à la disposition des citoyens pour obtenir une version de cette publication dans la langue de leur choix parce qu'on leur en avait distribué une dans l'autre langue. Par ailleurs, plusieurs citoyens anglophones n'ont pu faire appel à cette offre en raison de la différence de typographie du message à leur intention. Il était reproduit en plus petits caractères que celui destiné aux francophones. On a invoqué le peu d'espace disponible à l'endos du guide français. Ces demandes, combinées aux nombreuses plaintes déposées au Commissariat ou directement à la Société canadienne des postes, indiquent l'ampleur de ce problème de diffusion de l'information.
DRHC : grand mais vulnérable
Le ministère du Développement des ressources humaines du Canada (DRHC) a fait l'objet de quelque 160 plaintes portant sur l'absence de services, la plupart du temps en français, lors d'écoutes de messages enregistrés, de demandes d'information au téléphone, de réception de documents, de visites sur place, de consultations de guichets d'emploi et de sites Web. Des lacunes ont été constatées dans de nombreux points de service disséminés à travers le pays, dont ceux de Victoria, Calgary, Saskatoon, Steinbach, Sudbury, Hull, Ottawa, Gaspé, Bathurst, Yarmouth, Summerside et St. John's. En voici quelques exemples.
Mauvais service au bon numéro
Une employée d'un Centre de ressources humaines du Canada (CRHC) de Toronto, plutôt que d'avoir recours à une collègue bilingue, a raccroché trois fois la ligne au nez à une cliente qui s'exprimait en français au téléphone en utilisant un numéro recommandé par un autre agent du ministère. Un adjoint bilingue du directeur du centre d'emploi concerné, à qui on a rapporté l'incident, a veillé à ce que la cliente soit servie en français. Le gestionnaire a rappelé les règles élémentaires de politesse à ses employés occupant des postes unilingues. Il leur a aussi demandé d'être plus attentifs à l'avenir au moment de transférer un appel à un collègue afin de respecter le choix linguistique des clients.
Moins d'emplois pour les francophones dans les télémessages ?
La plainte d'une citoyenne de l'Ontario a révélé une absence de concordance entre les offres d'emploi annoncées dans les systèmes de télémessage. Le service français de télémessage n'indiquait aucun emploi disponible, alors que l'anglais annonçait 59 offres d'emploi de bureau. L'enquête du Commissariat a non seulement confirmé ce problème, mais révélé que, dans certains cas, la solution apportée était, elle aussi, inéquitable. Plutôt que de corriger la situation, on conseillait aux francophones, dans un message enregistré, de se rendre au centre d'emploi le plus près de chez eux pour obtenir l'information désirée.
En décembre 1999, DRHC, région de l'Ontario, s'est engagé à corriger la situation, mais les vérifications faites par le Commissariat indiquent que le problème persiste, malgré quelques essais infructueux, dont l'assignation d'un agent bilingue pour répondre personnellement aux demandes de la clientèle de langue française. La Commissaire poursuit donc ses démarches afin que les mesures requises soient mises en place.
Et aux guichets d'emploi ?
Une situation similaire prévaut aux guichets d'emploi de DRHC. Ayant comparé le contenu des sites en français et en anglais, des clients des centres d'emploi des provinces de l'Atlantique, de l'Ontario et de l'Alberta ont constaté que les informations en français étaient incomplètes et souvent erronées. De plus, la qualité du français laissait grandement à désirer.
Combinée aux limites d'un logiciel de traduction, cette situation est attribuable en partie au fait qu'il n'y a pas suffisamment d'employés bilingues possédant les qualifications nécessaires pour vérifier les offres d'emploi dans les deux langues. Devant l'impossibilité pour le DRHC de corriger cette situation rapidement, la Commissaire a regroupé les plaintes du même genre afin de réévaluer ce problème dans quelque temps. Cependant, le ministère s'est engagé à trouver une solution permanente à ce problème systémique.
Ces exemples, parmi plusieurs autres, illustrent à quel point il reste des obstacles à surmonter avant que le système national des services d'emploi puisse répondre équitablement, en français et en anglais, aux besoins de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes. La Commissaire suivra de près ce dossier.
6.4 Les tiers
C'est chose courante, les gestionnaires ont recours à de tierces parties pour réaliser les programmes et activités inhérentes au mandat de leur organisme. Aux termes de la Loi sur les langues officielles, il leur incombe toutefois de veiller à ce que ces tiers fournissent les services dans les deux langues officielles. Les quelques omissions décrites ci-après offrent un aperçu de situations où la Loi n'est pas respectée.
Problème : Des citoyens et des citoyennes se plaignent de ne pas recevoir un service dans la langue officielle de leur choix de la part de tiers assurant la prestation des services gouvernementaux.
Principe : Les institutions fédérales qui délèguent la prestation de certains services à des tiers doivent s'assurer qu'ils rendent compte de leurs obligations linguistiques.
Action : La Commissaire incite certaines institutions fédérales à intervenir plus vigoureusement auprès des tierces parties pour qu'elles rendent compte de leurs obligations linguistiques.
Postes Canada : La Loi au pied de la lettre
Un citoyen vivant en situation linguistique minoritaire a moins de chance de se déclarer satisfait d'avoir été servi dans la langue officielle de son choix, s'il doit faire affaire avec un préposé d'une franchise de la Société canadienne des postes. C'est ce qu'indiquent les plaintes formulées à l'endroit de la Société depuis plus de dix ans. Malgré les efforts de la Société pour l'améliorer, cette situation perdure et représente toujours les deux tiers de la totalité des plaintes des utilisateurs des services de comptoirs postaux de la Société.
Qu'ils soient de Prince Albert, de Penetanguishene, d'Ottawa, de Montréal ou de Beresford, des clients de Postes Canada se plaignent de l'absence d'offre active et de services en français et en anglais, de la non-disponibilité de formulaires dans l'une des deux langues officielles et parfois même d'un manque de courtoisie évident de la part de certains employés. Dans une succursale de Sudbury, une citoyenne qui demandait à être servie en français s'est fait répondre sèchement : « If you want services in French, you have to get a bilingual customer in the store to translate to [sic] you. » (« Si vous désirez des services en français, vous devrez trouver un client bilingue dans le magasin qui traduira pour vous. » Notre traduction)
La Société a déjà tenté de remédier à cette situation en envoyant plusieurs rappels aux exploitants des franchises. La Commissaire estime que la Société canadienne des postes doit plutôt recourir à une action concertée afin de sensibiliser les exploitants des franchises à leurs obligations linguistiques en tant que tiers.
GENet, comment l'installer ?
Une citoyenne qui voulait des renseignements en français sur l'installation du logiciel GENet a dû faire plusieurs appels téléphoniques à un centre d'appels relevant du ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux avant d'obtenir satisfaction.
Ce centre, un bureau d'aide de Maritime Tel situé à l'Île-du-Prince-Édouard, était accessible à l'aide d'une ligne sans frais. Étant donné son incapacité de répondre efficacement aux demandes en français, le ministère a fait en sorte que le service soit dispensé à partir d'une succursale de Bell Canada à Hull, au Québec. Des vérifications du Commissariat à ce centre de Bell Canada ont confirmé que les services étaient disponibles dans les deux langues officielles.
6.5 Les normes d'adressage
L'adressage dans les deux langues officielles représente un problème systémique qui a fait l'objet de plusieurs représentations du Commissariat depuis nombre d'années. Certaines institutions, telles que la Société canadienne des postes et Élections Canada, sont fréquemment visées dans ce dossier et la Commissaire encourage la création d'un groupe de travail spécial à cet effet.
Problème : Des citoyens et des citoyennes se plaignent de ne pas recevoir un service dans la langue officielle de leur choix de la part de tiers assurant la prestation des services gouvernementaux.
Principe : Les institutions fédérales qui délèguent la prestation de certains services à des tiers doivent s'assurer qu'ils rendent compte de leurs obligations linguistiques.
Action : La Commissaire incite certaines institutions fédérales à intervenir plus vigoureusement auprès des tierces parties pour qu'elles rendent compte de leurs obligations linguistiques.
S'attaquer au problème en équipe interministérielle
Le Commissariat a instruit des plaintes concernant la traduction de l'élément générique de diverses artères publiques dans les adresses et d'autres documents. Depuis lors, des conventions génériques de traduction ont été établies pour rue, avenue et boulevard. Cependant, il reste de nombreuses appellations pour lesquelles rien n'est encore arrêté. Pour faire avancer ce dossier, la Commissaire favorise la mise sur pied d'un groupe de travail interministériel réunissant des représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor, du Bureau de la traduction, d'Élections Canada, de la Société canadienne des postes, du ministère des Ressources naturelles et du Commissariat.
911 au Nouveau-Brunswick
Un projet d'uniformisation d'adresses visant l'implantation d'un système d'urgence 911 a désagréablement surpris plusieurs citoyens francophones du Nouveau-Brunswick lorsqu'ils ont reçu de la Société canadienne des postes des avis de modification d'adresse dont le libellé était en anglais seulement. Ce déni de leurs droits linguistiques a entraîné leur mobilisation. Ces résidants de localités non incorporées dans des régions rurales ont alors fait appel à la Commissaire après avoir remis à Postes Canada une pétition contenant 75 signatures.
Le ministère néo-brunswickois des Municipalités et de l'Habitation était responsable de ce programme. À la suite des représentations de la Commissaire, la Société canadienne des postes est intervenue auprès de ce ministère. Conscient du déni des droits linguistiques, il s'en est excusé auprès des personnes concernées et les a prévenues que les adresses seraient dorénavant inscrites selon leur préférence linguistique.
Afin de sensibiliser les responsables municipaux à cette question de normes d'adressage et d'éviter la répétition du problème, la Société canadienne des postes a modifié le formulaire qui devra être utilisé à l'avenir pour mener à bien des projets similaires visant la conformité des adresses.
6.6 La langue de travail : a-t-on vraiment le choix ?
La question reste toujours pertinente : dans les régions désignées bilingues aux fins de la langue de travail, est-il possible pour un employé de travailler dans la langue de son choix ? Les multiples plaintes à cet égard illustrent clairement que non. Vingt-sept institutions fédérales ont fait l'objet d'enquête de la part de la Commissaire. En voici quelques exemples.
Problème : Des employés fédéraux dans des régions désignées bilingues aux fins de la langue de travail se plaignent de ne pas pouvoir travailler dans la langue de leur choix.
Principe : En vertu de la Loi, chaque institution fédérale œuvrant dans une région désignée doit fournir à ses employés les outils et les conditions de travail leur permettant d'exercer ce choix.
Action : La Commissaire enquête sur de nombreuses plaintes fondées et participe à un projet en partenariat avec le Secrétariat du Conseil du Trésor pour donner suite à la priorité que le Comité des sous-ministres responsables des langues officielles accorde à cette question.
Occasion ratée au Conseil du Trésor
La Commissaire a reçu près de 200 plaintes, dont 160 ont été retenues cette année au sujet de la langue de travail. Les manquements rapportés touchent en général à l'absence, dans l'une des deux langues officielles, de sessions de formation, de réunions administratives, de services centraux, d'instruments de travail (documents, directives, avis, logiciels, contenu de sites Web, claviers d'ordinateurs normalisés), de messages électroniques, d'enregistrements de messages d'accueil, etc. La plupart des employés ayant signalé ces fautes occupent des postes dans les institutions suivantes : Nav Canada, Société canadienne des postes, Travaux publics et Services gouvernementaux, Service correctionnel, Développement des ressources humaines, Défense nationale, Agence des douanes et du revenu et Industrie Canada.
Compte tenu de ce problème persistant, la Commissaire déplore que le Secrétariat du Conseil du Trésor n'ait pas jugé bon d'interroger les employés de la fonction publique fédérale à cet effet lors du sondage qui a été effectué il y a quelques mois. La confidentialité étant assurée, il aurait été utile d'analyser les résultats sous un autre angle que celui des plaintes. Le Conseil du Trésor s'est cependant engagé à prendre en compte ces préoccupations lors du prochain sondage, engagement que la Commissaire a confirmé par écrit auprès du SCT.
Bon voyage !
Les employés fédéraux ont fréquemment recours aux services d'une agence de voyage privée avec laquelle Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) a conclu une entente. L'enquête de la Commissaire a confirmé les allégations selon lesquelles l'agence en question ne dispense pas des services de qualité en français de façon régulière. Ce problème étant de nature systémique, trois recommandations ont été transmises à TPSGC chargé d'administrer les contrats avec cette agence. Elles se résument à prendre les mesures nécessaires pour que :
- l'agence de voyage offre activement un service dans les deux langues officielles et que le service en français soit de qualité égale à celui offert aux employés fédéraux d'expression anglaise;
- les futurs contrats conclus par le gouvernement avec des agences de voyage stipulent plus clairement et de façon plus détaillée les services devant être fournis dans les deux langues officielles;
- toute l'information figurant sur les itinéraires de voyage présentés aux employés fédéraux soit dans les deux langues officielles ou dans la langue officielle de leur choix.
En ce qui a trait à la première recommandation, les services d'appel ont été réorganisés entre les succursales d'Ottawa, de Montréal et de Halifax afin d'augmenter la capacité bilingue, et le choix de la langue a été intégré au système. Alors que la deuxième recommandation ne posait pas de problème, la troisième comportait des difficultés d'ordre technique qui pourront toutefois être surmontées. La Commissaire surveillera de près ce dossier pour voir dans quelle mesure ses recommandations seront mises en œuvre.
6.7 La participation équitable
Le principe de la participation équitable des communautés francophone et anglophone au sein des institutions s'inscrit dans la Partie VI de Loi sur les langues officielles. Son application vise à assurer que les francophones et les anglophones accèdent dans la fonction publique et qu'ils ont des chances égales d'emploi et d'avancement.
Pour atteindre ces objectifs, les gestionnaires doivent tenir compte des circonstances particulières dans chacun des secteurs de l'administration aux niveaux national, régional, hiérarchique et professionnel.
Problème : Certaines institutions ne semblent pas réussir à recruter leurs employés en respectant l'équité de participation entre les deux communautés de langue officielle.
Principe : Les institutions fédérales doivent, en toute transparence, ouvrir leurs postes aux majorités comme aux minorités et, lorsqu'il y a participation inéquitable, prendre des mesures pour attirer les groupes minoritaires.
Action : La Commissaire enquête sur les plaintes, encourage activement les mesures d'attraction concertées avec les communautés minoritaires et maintient ses pressions pour exiger plus de transparence de certaines institutions en matière de participation équitable.
Il importe aussi de préciser que les méthodes de sélection des employés doivent être fondées exclusivement sur le principe du mérite. Les gestionnaires ne peuvent donc pas fixer des quotas favorisant l'un ou l'autre des deux groupes linguistiques. Cependant, afin de respecter l'engagement du gouvernement, ils doivent prendre les mesures nécessaires pour attirer les candidats des deux communautés et faire en sorte que ces derniers puissent utiliser la langue de leur choix au cours du processus de dotation.
Profil général
Le Secrétariat du Conseil du Trésor publie dans son rapport annuel sur les langues officielles une ventilation des données relatives à la participation équitable par catégorie d'emploi dans les différentes régions du pays (voir la figure 8). Sur le plan national, grâce aux importants progrès réalisés au chapitre de la participation francophone au fil des ans, les deux groupes linguistiques sont assez bien représentés dans la plupart des secteurs d'activité de l'ensemble des institutions fédérales.
Cependant, comme nous l'avons signalé à maintes reprises depuis plusieurs années, un certain nombre des situations problématiques subsistent. Elles touchent notamment au faible taux de participation anglophone au Québec dans les ministères et organismes assujettis à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, en dehors de la région de la capitale nationale. L'autre problème récurrent est le refus de la Société Air Canada et de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada de fournir des données complètes sur la composition linguistique de leurs effectifs aux termes de la Loi.
Employés anglophones au Québec
La sous-représentation des employés anglophones dans les institutions fédérales au Québec est un dossier actif du Commissariat depuis de nombreuses années. Les recommandations adressées par le Commissaire Goldbloom au gouverneur en conseil, au Secrétariat du Conseil du Trésor et à la Commission de la fonction publique n'ayant pas changé sensiblement la situation, la Commissaire a poursuivi ses interventions auprès des organismes responsables. Les administrateurs ont alors commandé une étude, dont le rapport intitulé Anglophone Participation in Federal Public Service in Quebec a été publié le printemps dernier.
Selon ce rapport, contrairement aux catégories de niveaux scientifique et professionnelle, les autres catégories ne semblent pas intéresser les Québécois et Québécoises d'expression anglaise. Les exigences linguistiques étaient un des facteurs invoqués pour expliquer le peu d'intérêt manifesté par les candidats anglophones pour les postes liés à la technique, au soutien et à l'exploitation. Un groupe de travail conjoint composé des institutions fédérales et des représentants de la communauté minoritaire a proposé une série de moyens pour bien informer la population anglo-québécoise des possibilités d'emploi au sein des institutions fédérales. Pour sa part, la Commissaire mène actuellement des enquêtes auprès de la Société canadienne des postes et du ministère des Transports du Canada à la suite des plaintes reçues sur la participation équitable et compte sur la collaboration du groupe de travail pour la recherche de solutions tangibles.
S'envoler en français
Pour sa part, la Société Air Canada fait l'objet d'une plainte de l'Association des gens de l'air du Québec (AGAQ) qui allègue de nouveau, après plus de vingt ans, que les pilotes francophones désireux d'œuvrer dans l'industrie du transport aérien sont victimes de discrimination. Depuis trop longtemps, il est reproché à la Société de se soustraire à ses responsabilités à l'égard de la Partie VI de la Loi en ne fournissant pas les données complètes sur la première langue officielle de ses employés. Dans le cadre de son enquête, la Commissaire sollicite la collaboration du Conseil du Trésor afin d'obtenir d'Air Canada des données précises sur la répartition francophone et anglophone de ses effectifs.
6.8 Les exigences linguistiques
La désignation linguistique des postes a pour objectifs d'assurer que des services de qualité comparable en français et anglais sont offerts au public et de créer un milieu de travail propice à l'utilisation des deux langues officielles. De nombreux employés considèrent que les profils des postes bilingues sont trop élevés ou pas assez, et formulent des plaintes à cet effet à la Commissaire. Des dizaines d'enquêtes ont ainsi été menées cette année afin de répondre à une centaine de plaintes. La plupart de ces plaintes se sont avérées fondées. En voici un exemple.
Problème : Certaines institutions diminuent les exigences linguistiques de leurs postes, sans tenir compte des conditions qu'exige la prestation des services au public minoritaire.
Principe : Les exigences linguistiques des postes doivent être déterminées selon les besoins réels de communication.
Action : La Commissaire a réaffirmé le sens de la Loi et tente d'obtenir des institutions en cause un plan d'action indiquant leur intention de s'y conformer avant d'avoir recours aux tribunaux.
Le bon profil pour la GRC
La Commissaire a dû défendre fermement sa position afin que la Loi sur les langues officielles soit interprétée correctement par certains gestionnaires de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). En Atlantique, se fondant sur les conclusions d'un examen effectué par un consultant, la GRC a adopté des mesures visant à changer le profil linguistique de plusieurs postes de gendarmes.
Le consultant avait recommandé d'abaisser l'exigence relative à l'interaction orale de plusieurs postes de gendarme du niveau « C » au niveau « B ». Il justifiait cette recommandation par le fait que ce changement permettrait une plus grande flexibilité dans la gestion des ressources humaines. De plus, des gendarmes unilingues avaient également invoqué que les exigences linguistiques établies au niveau « C » les privaient de leurs chances d'obtenir certaines promotions et mutations régionales.
Des plaignants, dont certains représentent la communauté acadienne, ont estimé que la décision de la GRC de réduire les exigences linguistiques risquait de compromettre la prestation effective de services au public dans la langue officielle de son choix.
Dans un premier temps, après enquête, le Commissaire Goldbloom a manifesté son désaccord avec la décision de la GRC, considérant que le raisonnement du consultant lors de son examen de la question était fondé sur des interprétations erronées de l'application de l'article 91 de la Loi. Dans un deuxième temps, la Commissaire Adam a dû convaincre la GRC du bien-fondé de ses recommandations en lui démontrant que, lors de la détermination des exigences linguistiques des postes, on se devait de faire les distinctions requises entre les articles 39 et 91 de la Loi. Il ne fallait pas établir de liens directs entre les principes de la participation équitable des employés, qu'ils soient francophones ou anglophones, et les obligations à l'égard de la dotation objective des postes bilingues. De plus, la Commissaire a insisté sur le fait que cette dotation devait être faite pour chaque poste ou situation particulière et non d'une manière collective.
La Commissaire a donc demandé à la GRC de suspendre la mise en œuvre des recommandations contenues dans le rapport du consultant et de mettre en place un processus de consultation avec la communauté. Elle poursuit ses démarches en vue d'obtenir un règlement équitable et durable pour les plaignants et ce, en conformité avec les dispositions de la Loi sur les langues officielles.
Conclusion
L'un des mandats principaux de la Commissaire est de recevoir les plaintes du public et d'enquêter pour y proposer des solutions. Cette année encore, un nombre considérable de plaintes a été enregistré. Elles touchent pour l'essentiel au service au public, mais aussi aux droits linguistiques des employés de la fonction publique. Plusieurs institutions sont visées, mais un certain nombre d'entre elles enregistrent davantage de manquements : il s'agit de Développement des ressources humaines Canada, Industrie Canada, Air Canada et la Société canadienne des postes.
Un véritable cercle vicieux semble régir l'action fédérale en matière de langues officielles. Le déni des droits linguistiques donne lieu à des plaintes, lesquelles appellent des enquêtes du Commissariat, qui mènent à des conclusions qui peuvent être accompagnées de recommandations. Les institutions fédérales y répondent par des changements superficiels qui ne transforment pas la nature structurelle des problèmes, et ceux-ci se répètent.
Pour provoquer des changements durables au chapitre des langues officielles, un cycle différent doit être envisagé : 1) l'engagement responsable et le leadership du gouvernement fédéral doivent être affirmés; 2) un cadre d'application de la Loi doit être clairement défini; 3) l'obligation de rendre compte des institutions fédérales doit être renforcée; 4) leur rendement doit être fondé sur la mesure de résultats durables quant à la qualité des services.
La Commissaire compte se tourner vers les gestionnaires pour trouver des solutions. Ceux-ci doivent inclure dans leurs plans d'action la sensibilisation du personnel à tous les niveaux et sur une base régulière, afin de corriger cette situation. C'est pourquoi la Commissaire envisage, pour l'avenir, d'intervenir aussi en ce qui a trait à la culture organisationnelle dans la fonction publique. Celle-ci doit intégrer la valeur fondamentale que constituent les langues officielles au Canada. Elle doit engendrer non pas une attitude réactive face aux obligations administratives imposées par la Loi, mais le sentiment que la dualité linguistique constitue une richesse, un élargissement de la perspective professionnelle, une voie d'accès plus vaste sur le monde. Bien sûr, ce changement culturel ne va pas de soi. La fonction publique doit sensibiliser activement ses membres à cette vision et former ses cadres aux défis particuliers de gestion que pose le bilinguisme.
ARTICLE 39
Engagement
39. (1) Le gouvernement fédéral s'engage à veiller à ce que :
a) les Canadiens d'expression française et d'expression anglaise, sans distinction d'origine ethnique ni égard à la première langue apprise, aient des chances égales d'emploi et d'avancement dans les institutions fédérales;
b) les effectifs des institutions fédérales tendent à refléter la présence au Canada des deux collectivités de langue officielle, compte tenu de la nature de chacune d'elles et notamment de leur mandat, de leur public et de l'emplacement de leurs bureaux.
Possibilités d'emploi
(2) Les institutions fédérales veillent, au titre de cet engagement, à ce que l'emploi soit ouvert à tous les Canadiens, tant d'expression française que d'expression anglaise, compte tenu des objets et des dispositions des parties IV et V relatives à l'emploi.
Principe du mérite
(3) Le présent article n'a pas pour effet de porter atteinte au mode de sélection fondé sur le mérite.
ARTICLE 91
Dotation en personnel
91. Les parties IV et V n'ont pour effet d'autoriser la prise en compte des exigences relatives aux langues officielles, lors d'une dotation en personnel, que si elle s'impose objectivement pour l'exercice des fonctions en cause.
- Loi sur les langues officielles, article 39, article 91 (1988)
Le mot de la fin
Ce long exercice (15 mois) du Commissariat a été marqué par l'entrée en poste de la cinquième Commissaire aux langues officielles, Mme Dyane Adam. Avec son prédécesseur, M. Victor Goldbloom, ils ont reçu quelque 1 800 plaintes dont la plupart se sont avérées fondées. Dans l'exercice vigilant de leur mandat, les Commissaires sont également intervenus dans plusieurs causes relatives aux droits linguistiques et ont été témoins de succès exemplaires, notamment dans l'affaire Arsenault-Cameron ou dans l'affaire Beaulac. Ils ont enfin mis en chantier plusieurs études spéciales sur des problèmes tels que les choix scolaires des parents de faire instruire leurs enfants en français, le français dans le sport de haut niveau ou encore le français sur Internet.
Quelques progrès significatifs ont été remarqués dans le bilinguisme des services gouvernementaux. Le projet de loi sur les transports, par exemple, pourrait clarifier plusieurs questions relatives aux obligations linguistiques d'Air Canada et de ses filiales en matière de services au public. Via Rail a finalement réorganisé ses ressources pour mieux servir sa clientèle dans les deux langues officielles. Développement des ressources humaines Canada et Santé Canada se sont rapprochés des communautés minoritaires de langue officielle en créant des comités de concertation. Au plus haut niveau de l'administration fédérale, le Comité des sous-ministres responsables des langues officielles semble déterminé à exercer un leadership actif et soutenu.
Malgré tout, le portrait de la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles n'est pas reluisant. Trente ans après son adoption par le Parlement du Canada, il est inadmissible de devoir instruire un millier et demi de plaintes quant à son implantation. De plus, la Commissaire a constaté un nombre considérable de lacunes dans des bureaux désignés pour offrir les services dans les deux langues officielles. Et c'est sans compter le manque chronique de suivi en profondeur, de la part des institutions fédérales, aux recommandations formulées par la Commissaire à la suite de ses enquêtes. Les transformations gouvernementales, motivées par la quête du déficit zéro, n'ont pas épargné les communautés minoritaires. Elles sont encore loin d'avoir atteint l'égalité de statut et de service qui leur est due en vertu de la Loi. Face à une telle masse de lacunes, la Commissaire ne peut que conclure au manque de leadership politique du gouvernement fédéral en ce qui a trait à la dualité linguistique.
Pendant ce temps, année après année, le Canada affronte de nouveaux défis qui ne sont pas sans préoccuper la Commissaire. Internet se déploie à grande vitesse et rallie une majorité d'institutions gouvernementales, d'organisations non gouvernementales et d'entreprises privées qui y offrent leurs services au public canadien. Il est clair que cela se réalise au détriment de l'usage du français car Internet tend à privilégier l'anglais. Sur un autre plan, le Canada doit revoir sa politique d'immigration, et il importe de veiller à ce que les motivations économiques ne soient pas les seules à guider l'exercice. Une véritable politique d'immigration doit s'insérer dans une politique démographique et celle-ci, dans le contexte canadien, doit respecter le principe de la dualité linguistique.
Face à ces nouveaux défis et aux plus anciens qui ne semblent pas vouloir progresser, la Commissaire se propose d'ajouter d'autres modes d'intervention. Les mécanismes d'enquête et la menace de recours judiciaires semblent avoir instillé une attitude de résistance qu'il faut désamorcer par un changement de la culture des organisations fédérales à l'égard de la dualité linguistique. La responsabilité à cet égard doit être assumée à tous les niveaux de l'administration et du gouvernement. Sans toutefois délaisser ces deux mécanismes qui restent au centre de l'exercice de son mandat, la Commissaire entend diversifier ses moyens d'intervention au cours des prochaines années.
Les interventions du Commissariat aux langues officielles en 1999-2000
Nous présentons ici les principales interventions, à caractère officiel, réalisées par la Commissaire et son prédécesseur au cours de 1999-2000. Bien entendu, cette liste ne tient pas compte des nombreuses autres interventions du personnel du Commissariat, tant en région qu'à l'échelle nationale.
- Interventions politiques
- Environ 60 rencontres ont eu lieu avec des sous-ministres ou des élus
- Quatre comparutions ont eu lieu devant des comités parlementaires
- Interventions communautaires
- Environ 30 représentants d'associations ont été rencontrés
- Environ 200 personnes ont été consultées dans le cadre d'une vingtaine de sessions qui ont été organisées dans 10 villes canadiennes en février et mars 2000
- Environ 15 allocutions ou discours ont été prononcés
- Interventions administratives
- Quelque 200 lettres et 800 préavis ont été envoyés aux administrations gouvernementales
- Une dizaine d'études ont été menées
- Interventions de sensibilisation et d'information
- Environ 185 entrevues ont été accordées
- Environ 10 communiqués de presse ont été diffusés
- Environ 25 lettres ont été publiées dans les journaux
- Environ 600 mentions du Commissariat ou de la Commissaire sont parues dans les médias
- Environ 10 allocutions ont été prononcées
- Environ 10 rencontres avec des dirigeants et dirigeantes d'institutions fédérales ont eu lieu
- Interventions juridiques
- Environ 15 recours judiciaires sont en cours
- Interventions dans deux dossiers de gestion scolaire
- Participation à deux conférences de juristes
- Traitement des plaintes
- Plus de 1 800 plaintes ont été reçues
- Près de 1 500 plaintes ont été jugées recevables