Lancement du rapport Un avenir en commun : regard sur nos communautés de langue officielle en situation minoritaire
Winnipeg (Manitoba) -
Raymond Théberge - Commissaire aux langues officielles
Seul le texte prononcé fait foi
Bonjour et merci à tous de vous être joints à nous, que ce soit en personne ou en ligne.
Merci également à Mme Bouffard et à M. Bentley d’être parmi nous, aujourd’hui, au magnifique Théâtre Cercle Molière, ici à Winnipeg. Au cours des 99 dernières années, celui-ci a joué – et continue de jouer – un rôle majeur au sein de votre communauté. Il faut souligner l’importance des espaces communautaires où les gens se réunissent dans leur langue, et établissent des liens avec des membres de leur collectivité élargie.
Comme beaucoup de Manitobains et de Manitobaines le savent, j’ai grandi tout près d’ici, dans le village de Sainte-Anne-des-Chênes. J’y ai vécu l’évolution de la reconnaissance des droits linguistiques et des langues officielles au Canada. Toute une aventure!
À cet effet, tout au long de ma vie, j’ai été témoin de transformations remarquables. Par exemple, on ne pouvait fréquenter aucune école française durant mon enfance. Quant à l’éducation de mes propres enfants, celle-ci s’est déroulée à une période où nos droits linguistiques s’inscrivaient désormais dans la Charte canadienne des droits et liberté. Et tout récemment, j’ai contribué à l’actuelle version modernisée de la Loi sur les langues officielles. Nul doute, cet avancement n’aurait pas été possible sans le dévouement des membres des communautés de langue officielle de partout au Canada, comme vous.
Mon rôle de commissaire consiste notamment à rendre compte chaque année au Parlement des activités du Commissariat aux langues officielles et de mes fonctions. Mon plus récent rapport annuel portait sur les problèmes de conformité – en grande partie sur le nombre et le type de plaintes reçues – ainsi que sur l’incidence de la modernisation de la Loi. Dans le rapport que je publie aujourd’hui, j’ai voulu prêter une attention particulière à l’état des enjeux et des difficultés que vivent les communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Nous avons voulu jeter un regard approfondi sur les réalités, les besoins et les réalisations des communautés de langue officielle en situation minoritaire du Canada. Comme nous ne pouvions pas tout examiner, nous avons choisi de nous intéresser aux secteurs les plus touchés par la version modernisée de la Loi et à d’autres facteurs dans l’environnement public. Les pistes de solution présentées dans le rapport s’adressent aux personnes qui ont le pouvoir de changer les choses, que ce soit sur le plan politique, institutionnel ou social. Dans cette optique, je voudrais vous donner un aperçu de nos observations.
En tant qu’universitaire issu d’une communauté linguistique minoritaire et ancien recteur de l’Université de Moncton, je sais que l’éducation constitue l’outil le plus puissant d’une communauté pour assurer sa survie, et l’épanouissement de sa langue et sa culture.
Le continuum en éducation est essentiel pour les communautés francophones et anglophones en situation minoritaire du Canada. Leur survie et leur vitalité dépendent de la possibilité d’apprendre dans la langue de la minorité, de la petite enfance à l’âge adulte, grâce à des écoles de la minorité ou des programmes d’immersion, entre autres.
Des progrès incroyables ont été réalisés ces trois dernières décennies, en particulier au primaire et au secondaire. Cependant, les communautés soulignent depuis trop longtemps les besoins criants et croissants à tous les niveaux d’éducation.
Heureusement, la version modernisée de la Loi énonce l’engagement du gouvernement fédéral à renforcer les possibilités, pour les minorités francophones et anglophones, de faire des apprentissages de qualité dans leur propre langue tout au long de leur vie. Il est primordial que les différentes institutions fédérales concernées agissent de manière coordonnée avec les gouvernements territoriaux et provinciaux afin d’obtenir des résultats qui répondent aux besoins des communautés. En outre, il faut reconnaître que toutes les communautés n’en sont pas au même stade : certaines construisent encore de nouvelles écoles aussi rapidement que les ressources disponibles le permettent, tandis que d’autres ont besoin de ressources spécialisées et d’un plus grand choix de programmes.
Nous avons également examiné de près les ententes intergouvernementales. L’absence de dispositions linguistiques solides et précises dans les accords intergouvernementaux s’est trop souvent traduite par une aide financière qui ne parvient pas à la communauté, ou qui ne répond pas aux besoins de la communauté qui la reçoit.
Notre histoire canadienne démontre que les relations fédérales, provinciales et territoriales comportent leurs lots de défis. Il y a certainement des domaines dans lesquels nous pouvons apporter des améliorations concrètes. Par exemple, les clauses linguistiques des accords de financement doivent prévoir des mécanismes d’évaluation et de surveillance ainsi que des mécanismes clairs de transparence et de reddition de comptes qui démontreront les effets tangibles, mesurables et durables que ces investissements cherchent à obtenir.
Nous savons tous que l’immigration est un élément clé de la vitalité démographique du Canada. Il s’agit aussi d’un facteur essentiel de la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire qui, par leur existence même aux quatre coins du pays, démontrent qu’il est possible, voire bénéfique, pour des peuples différents de vivre les uns à côté des autres. En effet, cette diversité favorise l’enrichissement de tous dans notre paysage culturel.
Les communautés de langue officielle au Canada sont de plus en plus diversifiées, ce qui amène à la fois des difficultés et des possibilités. L’immigration peut entrainer de profondes répercussions sur la vitalité des communautés. Par exemple, les enseignants, les étudiants et les travailleurs de la santé francophones nouvellement arrivés peuvent tous contribuer de manière significative à la vitalité de la communauté et aider à construire des quartiers, des villes et des régions où les gens peuvent s’épanouir dans leur première langue officielle.
J’attends d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada qu’il écoute activement les communautés francophones en situation minoritaire, et qu’il prenne en compte leurs préoccupations.
Nous sommes maintenant dans la deuxième année de l’actuel Plan d’action pour les langues officielles. Bien que les fonds affectés au Plan d’action aient été augmentés, il y a encore des retards dans le financement des organisations communautaires. En réalité, partout au pays, des organismes de communauté de langue officielle en situation minoritaire font face à des obstacles récurrents au financement, ce qui peut ralentir ou mettre fin à des initiatives qui contribuent à favoriser la vitalité.
Je demande au gouvernement de réévaluer son approche afin d’éviter ces retards. Il doit également continuer de bonifier son approche quant au suivi, à la mesure et au processus de versement des sommes rattachées au Plan d’action, tout en poursuivant sa collaboration étroite avec les groupes communautaires.
Interagir avec le gouvernement fédéral et obtenir des services dans la langue officielle de la minorité est un élément essentiel de la vitalité des communautés.
Je suis heureux que le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada ait annoncé que plus de 700 points de service existants seront désignés bilingues au titre de la version modernisée de la Loi. Ces changements devraient permettre aux membres des communautés de langue officielle en situation minoritaire de mener leur vie plus facilement dans la langue officielle de leur choix.
Je tiens maintenant à vous parler du contexte particulier des communautés d’expression anglaise du Québec. Au cours des deux dernières années, ces communautés ont vu leur politique linguistique changer de manière considérable avec l’élargissement de la Charte de la langue française au Québec et la modernisation de la Loi à l’échelle fédérale.
Je suis à l’écoute des préoccupations de ces communautés au sujet de certains éléments de la version modernisée de la Loi. Je continuerai à suivre de près sa mise en œuvre afin d’analyser la façon dont les modifications qui y ont été apportées touchent la vitalité de toutes les communautés, y compris les communautés d’expression anglaise du Québec.
Depuis mes débuts dans l’avancement des droits linguistiques, j’ai toujours jugé primordial de disposer de données fiables pour bien comprendre les réalités de chacune des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Statistique Canada a mené l’Enquête sur la population de langue officielle en situation minoritaire, et j’ai hâte d’en voir les données, qui contribueront à appuyer le travail du Commissariat aux langues officielles dans les années à venir.
J’espère que les questions traitées dans le rapport donneront lieu à des réflexions éclairantes sur la réalité actuelle des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Par leur existence, leur vitalité et leurs contributions, ces communautés démontrent qu’elles ont leur place dans ce pays. Avec les peuples autochtones, les communautés de langue officielle en situation minoritaire font partie intégrante du projet que nous appelons « Canada ».
Assurer la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire, c’est investir dans un Canada diversifié, ouvert et respectueux, non seulement à l’égard de sa population, mais aussi de son histoire et de l’avenir que nous façonnons ensemble.
Il est temps que les institutions fédérales concernées prennent des mesures concrètes pour garantir le respect des droits des communautés dans l’ensemble du pays. J’espère qu’à l’avenir, les institutions fédérales, les communautés ainsi que les gouvernements provinciaux et territoriaux collaboreront plus étroitement.
Le Commissariat aux langues officielles continuera de surveiller l’environnement, de mener des enquêtes, d’émettre des recommandations aux institutions et de mettre en œuvre ses nouveaux outils, comme les accords de conformité, les ordonnances et les sanctions administratives pécuniaires, afin de protéger les communautés de langue officielle et d’assurer leur plein épanouissement.
Comme vous le savez peut-être, la fin de mon mandat de sept ans à titre de commissaire aux langues officielles approche à grands pas.
Je tiens à remercier tous les membres des communautés de langue officielle en situation minoritaire pour leur merveilleuse collaboration. De notre travail pour influencer les plans d’action pour les langues officielles à nos efforts pour concrétiser la modernisation de la Loi, ce fut un véritable parcours du combattant. Votre dévouement et votre ténacité sont remarquables.
Il s’agit d’une nouvelle ère pour les langues officielles, et je suis convaincu que les prochaines années donneront lieu à des changements positifs dans les communautés et dans tout le pays.
J’ai hâte de rendre visite à plusieurs d’entre elles cet automne pour parler du rapport sur l’état des questions communautaires, mais surtout pour les écouter.
Merci de votre attention. Il me fera plaisir de répondre à vos questions dans la langue officielle de votre choix.