Notes d’allocution pour la comparution devant le Comité sénatorial permanent des langues officielles
Ottawa (Ontario) -
Raymond Théberge - Commissaire aux langues officielles
Seul le texte prononcé fait foi
Monsieur le président, honorables membres du comité, bonjour.
Avant de commencer, je tiens à souligner que les terres sur lesquelles nous sommes réunis font partie du territoire traditionnel non cédé du peuple anishinabé algonquin, un peuple autochtone de la vallée de l’Outaouais.
Je suis heureux de me joindre à vous aujourd’hui pour discuter de mon rapport annuel 2023-2024.
Comme vous le savez, la modernisation de la Loi sur les langues officielles en juin dernier a marqué le début d’un nouveau chapitre de l’histoire des langues officielles, mais aussi du Commissariat aux langues officielles.
Après plusieurs mois de travail, les fondations qui me permettront d’exercer mes nouveaux pouvoirs sont solidement en place. Nous sommes maintenant prêts à passer à l’action, selon le calendrier que j’ai dévoilé lors du dépôt de mon rapport annuel.
Ainsi, entre juillet et septembre 2024, je commencerai à offrir aux institutions fédérales la possibilité de conclure un accord de conformité pour régler une plainte.
Entre décembre 2024 et février 2025, je serai en mesure d’émettre des ordonnances afin d’obliger des institutions fédérales fautives à se conformer à la Loi.
Pour ce qui est des sanctions administratives pécuniaires, nous pourrons utiliser ce pouvoir lorsque le gouvernement aura émis un décret du gouverneur en conseil et adopté un règlement encadrant leurs modalités. Je sais que le gouvernement travaille sur ces éléments à l’heure actuelle; mon équipe et moi serons prêts lorsqu’ils verront le jour.
Par ailleurs, entre juin et août 2024, nous commencerons à offrir aux plaignants et aux institutions fédérales un service de médiation pour tenter de trouver une solution mutuellement acceptable aux enjeux soulevés dans les plaintes.
D’ici juillet 2024, nous lancerons également un nouveau processus d’enquête qui permettra de servir la population le plus efficacement possible.
Finalement, d’ici la fin mars 2025, les sommaires de certaines de mes enquêtes seront publiés sur le site Web du Commissariat.
Bien entendu, les changements à venir nécessiteront une certaine période d’adaptation, tant pour les parties impliquées que pour mon équipe. C’est pourquoi nous commencerons à utiliser ces nouveaux outils de manière graduelle, avec le financement supplémentaire qui nous a été accordé dans le budget de 2024.
Il est toutefois difficile d’affirmer à l’heure actuelle si ce financement suffira, car nous n’avons pas encore tous les détails sur le régime des entreprises privées de compétence fédérale et mon nouveau pouvoir d’imposer des sanctions administratives pécuniaires. Nous en saurons davantage lorsqu’ils entreront en vigueur.
Cela dit, je veux être clair : mon équipe et moi sommes pleinement mobilisés pour mieux faire respecter les droits linguistiques de la population.
Comme vous l’avez probablement remarqué dans mon rapport annuel, les 847 plaintes recevables qui ont été déposées en 2023-2024 au Commissariat aux langues officielles contrastent avec les volumes très élevés de plaintes auxquels nous avons été habitués dans les dernières années. S’agit-il d’une tendance, et va-t-elle se maintenir au fil du temps? Je n’ai malheureusement pas de boule de cristal pour me permettre de répondre à ces questions avec certitude. Seul l’avenir nous le dira.
Une chose est sûre : cette diminution ne signifie pas qu’il faut lever le pied de l’accélérateur. Au contraire! Nous devons poursuivre sur cette lancée, et nous appuyer sur les progrès réalisés jusqu’à présent afin de produire des changements concrets, durables, et assurer l’avenir de nos deux langues officielles d’un bout à l’autre du pays. Je compte ainsi sur l’ensemble des institutions fédérales, qui devront redoubler d’ardeur afin de respecter leurs obligations linguistiques, y compris celles qui ont été ajoutées dans la Loi modernisée.
Même dans l’attente de règlements, les institutions fédérales ont de nouvelles obligations auxquelles elles doivent dès maintenant se conformer. Je pense entre autres aux obligations en vertu de la partie VII de la Loi, qui porte sur la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais.
C’est pourquoi j’ai récemment publié une feuille de route qui, je l’espère, contribuera au respect de la partie VII. Cette feuille de route se veut un outil pratique pour aider les institutions fédérales à comprendre et remplir leurs obligations, mais aussi pour aider les membres du public à mieux comprendre leurs droits linguistiques.
Dans mon rapport annuel, je recommande à l’ensemble des sous-ministres et administrateurs généraux de la fonction publique fédérale d’incorporer à même leur plan stratégique, d’ici le 31 mai 2025, un plan pour atteindre la pleine mise en œuvre de la partie VII de la Loi, qui s’appuie sur la feuille de route que j’ai mise de l’avant pour soutenir les institutions fédérales.
Bien que le respect de la partie VII de la Loi ne soit pas tributaire de la mise en œuvre d’un règlement, celui-ci permettra de définir des paramètres plus clairs pour que les institutions fédérales remplissent efficacement et pleinement leurs obligations.
Heureusement, les choses avancent. Le gouvernement fédéral travaille présentement à développer les instruments pour appuyer la mise en œuvre de la Loi modernisée, y compris le règlement portant sur la partie VII. Je suis ce dossier de très près. J’ai d’ailleurs récemment publié un document de positionnement décrivant les grands principes qui devraient, selon moi, guider l’élaboration du règlement.
Parmi les changements qu’apporte la nouvelle mouture de la Loi, on retrouve également l’obligation d’examiner la Loi tous les 10 ans, ce qui lui permettra de demeurer en harmonie avec l’évolution de la société canadienne.
Toutefois, pour ce faire, des indicateurs doivent être élaborés le plus rapidement possible afin d’observer l’application de la Loi, de suivre l’évolution des enjeux et de proposer des changements en temps opportun.
Dans mon rapport annuel, je recommande à la ministre du Patrimoine canadien de développer et de rendre public d’ici juin 2026, en consultation avec la présidente du Conseil du Trésor, des indicateurs permettant de procéder à l’examen des dispositions et de l’application de la Loi en prévision de la revue décennale de 2033.
Comme vous l’aurez constaté, je fais état cette année d’une période de changements et de transition dans le monde des langues officielles.
Même s’il nous reste du pain sur la planche pour nous assurer de mieux faire respecter les droits linguistiques du public et des fonctionnaires fédéraux, je demeure convaincu qu’il est réaliste d’y parvenir. Tout le chemin parcouru depuis l’adoption de la Loi, il y a près de 55 ans, en témoigne. Chaque réussite compte.
Puisque votre comité entame sa pré-étude aujourd’hui, j’aimerais aborder quelques aspects du projet de loi C-69. Comme vous le savez, ce projet de loi propose certains changements à la Loi sur l’usage du français dans les entreprises privées de compétence fédérale, qui fait partie de la Loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada.
Un des principaux changements proposés vise à me permettre d’exercer mes pouvoirs d’enquête tant pour les plaintes reçues par les employés actuels des entreprises de compétence fédérale, que pour les anciens et les futurs employés.
Selon moi, ce changement sera bénéfique parce qu’il permettrait à davantage d’employés des entreprises privées de compétence fédérale de travailler en français.
En étudiant ces nouvelles dispositions, j’ai remarqué que la formulation de l’article qui porte sur l’envoi de mes rapports d’enquête aurait pour effet de m’empêcher d’envoyer mes rapports d’enquête aux plaignants, ce qui semble possiblement non intentionnel. Cet article pourrait être modifié, afin que les plaignants reçoivent mes rapports d’enquête au même titre que les dirigeants des entreprises visées par l’enquête.
Depuis la modernisation de la Loi, nous travaillons à mettre en place des bases solides pour nous assurer d’un meilleur avenir pour nos langues officielles. La Loi modernisée, plus robuste et mieux adaptée à la société d’aujourd’hui, représente une avancée importante pour la protection des droits linguistiques de la population et la vitalité de nos communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Nous devons saisir cette occasion pour la mettre en œuvre pleinement, et apporter des changements concrets et durables pour améliorer l’état de nos langues officielles, tant dans la fonction publique fédérale que dans l’ensemble de la société canadienne.
C’est avec une Loi revue de façon rigoureuse, pleinement mise en œuvre et soutenue par un leadership fort de la part des hauts dirigeants, que nous contribuerons à bâtir un avenir où la population aura toutes les chances de s’épanouir dans les deux langues officielles, et que les fonctionnaires fédéraux pourront enfin travailler librement dans la langue officielle de leur choix, là où la Loi le permet.
Je vous remercie de votre attention. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions, que je vous invite à poser dans la langue officielle de votre choix.