Lettre d'opinion : Appui de la population canadienne pour les valeurs fondamentales du bilinguisme officiel et de la diversité après deux années de pandémie : des chiffres impressionnants
Les bonnes nouvelles se font rares ces jours-ci. Toutefois, il y a un temps pour chaque chose, et aujourd’hui, j’ai de bonnes nouvelles pour vous.
Un sondage téléphonique récemment publié et mené par la firme Environics et le Commissariat aux langues officielles démontre que 87 % de la population canadienne appuie les objectifs de la Loi sur les langues officielles, qui favorise l’égalité du français et de l’anglais et assure les services fédéraux dans les deux langues. Un chiffre éloquent.
De plus, ce niveau d’appui concorde en tout point avec un sondage similaire mené pour le Commissariat en 2016.
Pourquoi devrait-on se réjouir?
Pour commencer, le gouvernement fédéral vient de déposer un nouveau projet de loi sur les langues officielles, de sorte que ces résultats arrivent à point nommé.
Mais de façon plus générale, les résultats comptent en raison de ce qu’ils nous disent sur nous-mêmes et de la résilience de nos valeurs collectives dans des circonstances difficiles.
Les cinq dernières années ont été le théâtre de la montée insidieuse d’un discours populiste majoritaire au sud de la frontière et partout dans le monde, de deux élections fédérales qui se sont soldées par un gouvernement minoritaire, d’une escalade de réactions impulsives en lien avec la désinformation foisonnante sur les médias sociaux qui mine la confiance dans les milieux universitaires, journalistiques, scientifiques et gouvernementaux, et d’une situation pandémique sans précédent qui a puisé jusqu’aux tréfonds de nos réserves de patience et de tolérance. En dépit des difficultés, une immense majorité de la population canadienne continue d’appuyer le bilinguisme officiel, l’un des principes fondamentaux qui sont au coeur de la diversité, de l’inclusion et des droits de la personne au Canada.
Voilà pourquoi il faut se réjouir.
Le consensus national en faveur du bilinguisme officiel résiste à l’épreuve du temps, et les opposants, même s’ils n’hésitent jamais à clamer haut et fort leurs opinions négatives, ne parlent manifestement pas au nom d’un groupe ou d’une région en particulier. En effet, l’appui à la Loi sur les langues officielles était très élevé dans l’ensemble, notamment
- dans l’Ouest canadien (82 %), en Ontario (87 %), au Québec (95 %) et dans le Canada atlantique (86 %)
- parmi les populations de langue maternelle anglaise (85 %), française (96 %) et autres (87 %)
- chez les adultes plus jeunes (90 %) et plus âgés (84 %)
- parmi les groupes racialisés (87 %)
- parmi les personnes nées au Canada (88 %) et à l’étranger (86 %)
En plus d’appuyer la Loi, la société canadienne est généralement d’accord avec d’autres mesures précises qui appuient le bilinguisme officiel et les minorités de langue officielle, comme l’enseignement dans la langue de la minorité et un meilleur accès à l’enseignement de la langue seconde.
Le sondage a également permis de constater que l’appui au bilinguisme officiel est compatible avec l’appui à d’autres formes de diversité. Trop souvent, on lit des articles qui réduisent la diversité à un « jeu à somme nulle », où l’on compare différentes minorités les unes aux autres – non pas dans le but d’accroître leurs droits linguistiques, mais de les dépouiller de ceux-ci. Je suis ravi de voir que la population canadienne considère que le bilinguisme officiel et d’autres formes de diversité vont de pair. Par exemple, on s’entend pour dire que le fait d’avoir deux langues officielles plutôt qu’une seule « envoie le message que la diversité linguistique est une valeur importante au Canada » (86 %) et que cela « fait du Canada un lieu plus accueillant pour les immigrants de diverses cultures» (79 %).
Ce qui est encore mieux, dans le contexte de la réconciliation, c’est que 78 % des répondants conviennent que le Canada peut et devrait promouvoir à la fois les deux langues officielles et les langues autochtones.
Cependant, ne tenons jamais pour acquis l’appui du public envers nos valeurs fondamentales. Les gouvernements à tous les niveaux et dans toutes les régions doivent redoubler d’efforts pour faire avancer les langues officielles ainsi que les droits, politiques et programmes qui touchent les minorités linguistiques, et en assurer la promotion dans la société canadienne. Dans les Prairies, où les gens sont plus susceptibles de se sentir aliénés du gouvernement fédéral, l’appui à la Loi demeure élevé (79 %), mais inférieur à la moyenne nationale. Le sondage démontre également qu’au Québec, les gens demeurent beaucoup plus exposés aux deux langues qu’ailleurs, ce qui contribue à expliquer les inquiétudes croissantes au sujet de l’avenir du français. Partout au Canada, des mythes problématiques persistent. En effet, un volet en ligne du sondage a révélé que beaucoup pensent encore que tous les employés fédéraux doivent être bilingues (ce qui est faux, seulement 42 % des postes de l’administration centrale sont désignés bilingues); la plupart des anglophones et des francophones pensent que le français à l’extérieur du Québec n’est plus la deuxième langue la plus courante (elle l’est encore, et de loin); et près de la moitié des francophones pensent que la minorité anglophone au Québec est plus favorisée sur le plan socioéconomique que la majorité francophone (ce qui n’est pas le cas).
Si la coupe semble vide à 13 %, n’oublions pas qu’elle est remplie à 87 %. Trop souvent, nous amplifions les voix pessimistes qui font écho dans notre discours public. Il est temps de reconnaître la majorité silencieuse de la population canadienne.
Faire valoir les droits des minorités culturelles et linguistiques n’est pas toujours évident en période de crise, de revendications et de difficultés. Cependant, l’appui aux langues officielles aujourd’hui est à peu près aussi ferme qu’il l’était « avant », au cours de la période idyllique précédant la pandémie en 2016. Bien des choses ont changé depuis, et pas toujours pour le mieux. Devant l’adversité, en ce qui concerne la valeur fondamentale du bilinguisme officiel, nous sommes restés fidèles à nous-mêmes. Nous avons peut-être perdu notre innocence, mais, à cet égard du moins, nous nous sommes accrochés à notre humanité.
Raymond Théberge, commissaire aux langues officielles du Canada
Raymond Théberge est le commissaire aux langues officielles du Canada, un agent indépendant du Parlement.
Le sondage mené par Environics Research et le Commissariat aux langues officielles en septembre et en octobre 2021 comprenait un sondage probabiliste national par téléphone auprès de 1507 Canadiens adultes (marge d’erreur de +/- 2,5 %, 19 fois sur 20) et un sondage national par panel auprès de 1500 Canadiens adultes. Les chiffres précis mentionnés dans cet article se rapportent aux résultats des sondages téléphoniques, sauf indication contraire.