Rapport annuel 2020-2021

Rapport annuel 2020●2021  
 

Préface

Introduction

Cette année est hors du commun. Elle a débuté avec la pandémie de COVID‑19 et elle se termine sans que cette crise sanitaire soit résolue. Je suis reconnaissant envers mon équipe qui a su garder le cap dans des circonstances moins qu’idéales et rester vigilante quant à la situation du français et de l’anglais au sein des institutions fédérales et de la société canadienne. Malgré tout, le Commissariat aux langues officielles a été en mesure de publier plusieurs rapports importants dont nous faisons état dans ce rapport annuel.

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Il va sans dire que ce contexte de crise a bouleversé nos habitudes de vie, nos institutions et nos certitudes à bien des égards. D’un côté, il a montré que nos institutions fédérales peuvent avoir du ressort. De l’autre, il a jeté une lumière crue sur ce qui ne va pas, sur ces obstacles qui relèvent des structures en place et qui freinent nos efforts collectifs, lesquels, je le reconnais, sont pourtant substantiels.

Un problème systémique

La situation de pandémie de COVID‑19 a obligé nos institutions fédérales à réagir dans l’urgence. Que s’est-il passé? Trop souvent, les communications urgentes relatives à la sécurité ont été diffusées dans une seule des deux langues officielles et il a fallu attendre pour obtenir la traduction dans l’autre langue officielle. Cette situation ne fait que révéler la culture du travail de nombreuses équipes dans les institutions fédérales qui n’accordent qu’une faible priorité aux langues officielles et qui ne respectent pas toujours le principe d’égalité du français et de l’anglais. Les plaintes reçues au cours des dernières années, les enquêtes menées et notre rapport sur les situations d’urgence démontrent bien en quoi ce problème est récurrent.

L’une des raisons à la source de ce problème est l’évaluation inadéquate des exigences linguistiques des postes qui fait en sorte que de nombreux fonctionnaires ne possèdent pas les compétences linguistiques en langue seconde pour être en mesure de répondre au public ou d’encadrer une autre personne dans l’une ou l’autre des langues officielles.

Le problème est associé, à mon avis, à une faible maturité des institutions fédérales en matière de langues officielles qui se traduit par un manque de processus et de mécanismes clairement établis et intégrés aux activités des institutions fédérales et par un milieu de travail où le personnel a rarement la possibilité de parler ou de travailler dans la langue officielle qui n’est pas prédominante, que ce soit sa première ou sa seconde langue officielle.

Concrètement, le contexte de pandémie a fragilisé les communautés de langue officielle en situation minoritaire en effritant leur secteur des services communautaires, mais aussi leur secteur artistique et culturel.

Les failles, mises au jour par la pandémie de COVID‑19 et ajoutées aux problèmes structurels constatés depuis plusieurs années, réitèrent le besoin de moderniser la Loi sur les langues officielles au plus vite. Cette révision de la Loi et de ses instruments tarde et suscite une impatience, même si le gouvernement a réaffirmé son engagement dans le discours du Trône de septembre 2020 et déposé son document de réforme intitulé Français et anglais : Vers une égalité réelle des langues officielles au Canada en février 2021. Je me réjouis que le principe de l’égalité réelle soit au cœur de cette démarche, mais j’insiste sur le fait qu’il faut rapidement passer des intentions aux actes!

Des avancées

En même temps, mon équipe a travaillé à faire progresser un certain nombre d’autres dossiers.

Nous avons documenté l’insécurité linguistique du personnel du gouvernement fédéral dans sa première ou sa seconde langue officielle, et suscité un intérêt public sur le problème. Nous avons aussi offert des outils aux institutions fédérales pour qu’elles comprennent mieux l’enjeu en question et pour les aider à faire face à ce défi. Je suis déçu de constater à quel point les fonctionnaires sont souvent mal à l’aise d’utiliser la langue officielle qui n’est pas prédominante au travail, que ce soit leur première ou leur seconde langue officielle. Il faut absolument favoriser un milieu de travail qui affirme leurs droits linguistiques et qui permet d’élargir leurs compétences linguistiques, mais qui tire aussi avantage des capacités linguistiques déjà en place.

Nous avons également terminé le premier exercice du Modèle de maturité des langues officielles, un outil d’autoévaluation et de planification destiné aux institutions fédérales, qui se réalise avec l’accompagnement du Commissariat. Treize institutions fédérales ont entamé cet exercice avec un certain entrain et la grande majorité de ces institutions fédérales ont élaboré un plan de progrès afin de mieux intégrer les langues officielles dans leurs processus décisionnels et opérationnels et de respecter ainsi les obligations qui leur incombent en vertu de la Loi.

Des dossiers à suivre

Finalement, nous avons suivi d’autres dossiers qui continuent d’évoluer et nous restons à l’affut.

Tout d’abord, cette année confirme la tendance à la hausse du nombre de plaintes reçues par le Commissariat. Nous recevons maintenant au-delà de 1 000 plaintes par année. Les plaintes touchant le service au public déposées en vertu de la partie IV de la Loi sont, cette année encore, au cœur des enquêtes effectuées par mon équipe. Malgré la chute du nombre de plaintes du public voyageur en raison des restrictions liées à la pandémie de COVID‑19, il n’en demeure pas moins que le nombre de plaintes liées aux communications avec le public en général demeure élevé.

La pandémie de COVID‑19 a provoqué une évolution rapide de l’utilisation des technologies numériques et du travail à distance. Comment les règles et les principes relatifs à la langue de travail et au service au public seront-ils respectés dans cette mutation du monde du travail? Il s’agit d’une question qui devra être posée, notamment dans le cadre de la modernisation de la Loi.

La responsabilisation des autorités aéroportuaires envers les droits linguistiques du public voyageur continue de poser problème. La pandémie de COVID‑19 démontre d’ailleurs une autre facette de l’importance pour le public voyageur de pouvoir compter sur des messages clairs dans les deux langues officielles. Il ne s’agit plus simplement de repérer les sorties ou les aires de taxis, mais de comprendre les mesures additionnelles intimement liées à la santé et à la sécurité.

Les ententes fédérales, provinciales et territoriales sur les langues officielles en éducation continuent de susciter de l’inconfort chez les communautés de langue officielle en situation minoritaire. L’éducation dans la langue de la minorité et l’éducation dans la langue seconde est au cœur de la vitalité de nos communautés et une condition de la dualité linguistique au pays. Il est possible – même nécessaire – que les deux avancent en parallèle. Mon équipe continuera de suivre le dossier de l’éducation attentivement.

Le secteur de l’enseignement supérieur en français reste fragile, comme on l’a vu au Campus Saint-Jean à Edmonton, à l’Université Laurentienne à Sudbury ou à l’Université de l’Ontario français à Toronto. Je suis très sensible aux besoins de ce secteur qui s’inscrit non seulement dans le continuum de l’éducation pour les communautés francophones en situation minoritaire, mais qui libère aussi le potentiel de ces dernières grâce à ses activités de formation, de recherche et de développement. Il peut compter sur mon appui afin d’amener le gouvernement fédéral à soutenir plus fermement sa consolidation.

Signature de Raymond Théberge

Raymond Théberge
Commissaire aux langues officielles

 
 
 
 
 

Rapport annuel : navigation

Cette année, le Commissariat a opté pour un rapport annuel dans un nouveau format Web. Son contenu suit une ligne chronologique. Les enjeux clés et les activités du Commissariat sont relatés autour des thèmes qui sont apparus au fil du temps. Mais, plus important encore, ce rapport annuel reste un relevé des problèmes de conformité qui ont touché les langues officielles et sur lesquels le Commissariat s’est penché. Bonne lecture!

 
 
 

Ligne chronologique

 

Données sur les plaintes recevables en 2020-2021

Figure 1 Plaintes recevables en 2020‑2021 par partie ou article de la Loi sur les langues officielles

Légende

  • 693 Communications avec le public et prestation des services (partie IV)
  • 173 Langue de travail (partie V)
  • 13 Participation équitable (partie VI)
  • 16 Promotion du français et de l’anglais (partie VII)
  • 968 Exigences linguistiques des postes (partie XI, article 91)
  • 7 Autres parties de la Loi (parties II, III et IX)
 

Total : 1 870

 
Plus d'information sur les données des plaintes

Complaints filed explanations

 
 

Tableau 1 Plaintes recevables en 2020-2021 par province ou territoire et par partie ou article de la Loi sur les langues officielles

Terre-Neuve-et-Labrador 11 0 0 0 0 0 11
Île-du-Prince-Édouard 4 0 0 0 0 0 4
Nouvelle-Écosse 10 1 0 0 0 0 11
Nouveau-Brunswick 23 16 1 2 5 0 47
Québec 152 63 2 4 16 2 239
Région de la capitale nationale (Québec) 17 16 1 1 257 1 293
Région de la capitale nationale (Ontario) 125 62 6 7 679 4 883
Ontario 131 8 2 0 7 0 148
Manitoba 24 1 0 0 0 0 25
Saskatchewan 20 1 1 1 0 0 23
Alberta 117 1 0 1 1 0 120
Colombie-Britannique 49 0 0 0 3 0 52
Yukon 2 0 0 0 0 0 2
Territoires du Nord-Ouest 3 1 0 0 0 0 4
Nunavut 1 0 0 0 0 0 1
À l’extérieur du Canada 4 3 0 0 0 0 7
 

Tableau 2 Évolution du nombre de plaintes recevables par province ou territoire, sur une période de 10 ans (2011-2012 à 2020-2021)

Terre-Neuve-et-Labrador 11 8 18 12 14 28 16 24 32 11
Île-du-Prince-Édouard 3 3 4 4 2 5 2 7 4 4
Nouvelle-Écosse 33 9 8 13 16 10 20 22 60 11
Nouveau-Brunswick 36 24 31 42 41 87 51 65 62 47
Québec 55 70 59 56 68 148 129 166 213 239
Région de la capitale nationale (Québec) 49 49 37 64 121 92 96 156 163 293
Région de la capitale nationale (Ontario) 200 152 182 193 351 429 307 336 500 883
Ontario 77 52 75 78 58 106 124 153 192 148
Manitoba 25 20 20 13 14 13 18 11 9 25
Saskatchewan 2 2 8 16 4 6 25 14 6 23
Alberta 12 9 9 28 8 43 49 56 48 120
Colombie-Britannique 7 8 19 18 16 25 33 25 30 52
Yukon 0 0 0 1 1 1 1 5 6 2
Territoires du Nord-Ouest 1 0 1 0 2 2 4 7 6 4
Nunavut 0 0 0 0 1 0 0 0 0 1
À l’extérieur du Canada 7 9 5 12 8 23 19 40 30 7
Total
 

Tableau 3 Évolution du nombre de plaintes recevables par partie ou article de la Loi sur les langues officielles, sur une période de 10 ans (2011-2012 à 2020-2021)

Services au public
(partie IV)
341 252 282 320 344 565 457 550 731 693
Langue de travail
(partie V)
79 83 103 126 125 183 138 212 172 173
Participation équitable
(partie VI)
1 6 13 11 24 34 16 22 11 13
Promotion du français et de l’anglais
(partie VII)
45 39 30 37 62 32 50 12 20 16
Exigences linguistiques
(partie XI, article 91)
42 30 44 45 156 192 222 285 420 968
Autres parties
(II, III et IX)
10 5 4 11 14 12 11 6 7 7
Total
 
 

Conclusion

La dernière année a été longue et éprouvante. Le Commissariat est passé par toutes sortes d’émotions et nous avons dû surmonter de nombreux obstacles, mais notre organisation a su remplir pleinement son mandat de protecteur et de promoteur des langues officielles. Nous avons publié plusieurs rapports sur des enjeux importants cette année, fruits de plusieurs années d’observations, d’analyses et de leçons apprises.

En ce qui concerne le nombre de plaintes reçues, la tendance à la hausse se confirme. Alors que nous recevions quelques centaines de plaintes par année, il y a quelques années, le nombre annuel de plaintes reçu semble maintenant bien installé au-delà de 1 000. Cette année, malgré la pandémie de COVID‑19 et la baisse du nombre de plaintes liées aux voyages, le volume demeure élevé. Nous avons notamment enregistré un nombre important des plaintes faites par le grand public dans d’autres secteurs, comme les services en ligne et les communications liées à la pandémie de COVID‑19.

Le gouvernement fédéral a du pain sur la planche. La modernisation de la Loi sur les langues officielles doit constituer la première partie de son action gouvernementale pour réformer le régime linguistique fédéral. Tous les acteurs et partis politiques semblent être d’accord sur la question. Bien que le document de réforme du gouvernement fédéral ait été publié cette année, une promesse positive et encourageante face à des années d’hésitation, nous sommes encore loin de l’adoption d’un projet de loi et de son entrée en vigueur, mais j’ai espoir qu’un dénouement est proche. La réforme du régime linguistique fédéral ne doit toutefois pas s’arrêter là; il y a tellement plus à faire.

Cette année a aussi mis en lumière le manque d’importance accordée aux langues officielles lorsqu’une situation de crise se produit. Nous avons produit un rapport sur les enjeux de sécurité et les langues officielles qui fait état de ce problème.

Notre étude sur l’insécurité linguistique a révélé le malaise troublant ressenti dans toute la fonction publique en ce qui a trait aux langues officielles. L’usage du français au travail n’est pas encouragé, et ce, un demi-siècle après l’officialisation de la dualité linguistique. Les fonctionnaires francophones hésitent à parler français pour toutes sortes de raisons énoncées dans notre étude. Il en est de même pour leurs consorts anglophones qui ne sont pas mis dans les meilleures conditions pour employer le français. Cela prive également les fonctionnaires anglophones de nombreuses occasions d’employer eux-mêmes le français et, selon notre étude, ils sont nombreux à réclamer qu’on leur donne la chance d’utiliser leur deuxième langue officielle au travail. L’étude a aussi montré que les fonctionnaires anglophones au Québec ne se sentent pas toujours à l’aise d’utiliser leur première langue officielle au travail. En fin de compte, c’est la dualité linguistique de notre pays qui ne peut s’exprimer ou s’épanouir dans la fonction publique, ce qui a indéniablement un effet sur la qualité du service offert au public. La source du problème vient, selon moi, du manque de leadership en langues officielles au sein de nos institutions fédérales. Nous avons des leaders en langues officielles, mais ils sont trop peu nombreux. Les langues officielles doivent être au cœur des décisions prises dans chacune de nos institutions fédérales.

Certains de ces problèmes ont pourtant déjà été documentés. Le rapport publié par le greffier du Conseil privé en 2017, intitulé Le prochain niveau : Enraciner une culture de dualité linguistique inclusive en milieu de travail au sein de la fonction publique fédérale, offre des pistes de solutions. Le rapport prévoit la mise en œuvre de nombreuses mesures. Où en est-on? Le rapport annuel de 2019-2020 du greffier au premier ministre sur la fonction publique du Canada ne fait aucune mention des langues officielles. L’Objectif 2020 ne fait aucune mention des langues officielles. La gouverneure générale a mentionné, dans son discours du Trône de septembre 2020, que « nos deux langues officielles sont indissociables du patrimoine de notre pays ». Cela doit se traduire concrètement dans l’appareil fédéral. La sécurité linguistique doit devenir une priorité absolue pour le greffier du Conseil privé. Je remarque une certaine prise de conscience puisqu’un groupe de travail interministériel, auquel mon équipe participe, a été créé, mais, en ce qui concerne les problèmes actuels, je doute que cela ne soit suffisant.

La pandémie de COVID‑19 a accéléré les processus de changement et le gouvernement dispose aujourd’hui d’une occasion formidable de moderniser l’appareil fédéral et de véritablement donner aux langues officielles une place centrale.

J’aimerais terminer en citant Sue Duguay, présidente de la Fédération de la jeunesse canadienne-française :

 

Recommandations

À la lumière des constatations faites dans le présent rapport annuel, je désire formuler les recommandations qui suivent.

 
 
 
 
 

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