Préface
Introduction
Cette année est hors du commun. Elle a débuté avec la pandémie de COVID‑19 et elle se termine sans que cette crise sanitaire soit résolue. Je suis reconnaissant envers mon équipe qui a su garder le cap dans des circonstances moins qu’idéales et rester vigilante quant à la situation du français et de l’anglais au sein des institutions fédérales et de la société canadienne. Malgré tout, le Commissariat aux langues officielles a été en mesure de publier plusieurs rapports importants dont nous faisons état dans ce rapport annuel.
Il va sans dire que ce contexte de crise a bouleversé nos habitudes de vie, nos institutions et nos certitudes à bien des égards. D’un côté, il a montré que nos institutions fédérales peuvent avoir du ressort. De l’autre, il a jeté une lumière crue sur ce qui ne va pas, sur ces obstacles qui relèvent des structures en place et qui freinent nos efforts collectifs, lesquels, je le reconnais, sont pourtant substantiels.
Un problème systémique
La situation de pandémie de COVID‑19 a obligé nos institutions fédérales à réagir dans l’urgence. Que s’est-il passé? Trop souvent, les communications urgentes relatives à la sécurité ont été diffusées dans une seule des deux langues officielles et il a fallu attendre pour obtenir la traduction dans l’autre langue officielle. Cette situation ne fait que révéler la culture du travail de nombreuses équipes dans les institutions fédérales qui n’accordent qu’une faible priorité aux langues officielles et qui ne respectent pas toujours le principe d’égalité du français et de l’anglais. Les plaintes reçues au cours des dernières années, les enquêtes menées et notre rapport sur les situations d’urgence démontrent bien en quoi ce problème est récurrent.
L’une des raisons à la source de ce problème est l’évaluation inadéquate des exigences linguistiques des postes qui fait en sorte que de nombreux fonctionnaires ne possèdent pas les compétences linguistiques en langue seconde pour être en mesure de répondre au public ou d’encadrer une autre personne dans l’une ou l’autre des langues officielles.
Le problème est associé, à mon avis, à une faible maturité des institutions fédérales en matière de langues officielles qui se traduit par un manque de processus et de mécanismes clairement établis et intégrés aux activités des institutions fédérales et par un milieu de travail où le personnel a rarement la possibilité de parler ou de travailler dans la langue officielle qui n’est pas prédominante, que ce soit sa première ou sa seconde langue officielle.
Concrètement, le contexte de pandémie a fragilisé les communautés de langue officielle en situation minoritaire en effritant leur secteur des services communautaires, mais aussi leur secteur artistique et culturel.
Les failles, mises au jour par la pandémie de COVID‑19 et ajoutées aux problèmes structurels constatés depuis plusieurs années, réitèrent le besoin de moderniser la Loi sur les langues officielles au plus vite. Cette révision de la Loi et de ses instruments tarde et suscite une impatience, même si le gouvernement a réaffirmé son engagement dans le discours du Trône de septembre 2020 et déposé son document de réforme intitulé Français et anglais : Vers une égalité réelle des langues officielles au Canada en février 2021. Je me réjouis que le principe de l’égalité réelle soit au cœur de cette démarche, mais j’insiste sur le fait qu’il faut rapidement passer des intentions aux actes!
Des avancées
En même temps, mon équipe a travaillé à faire progresser un certain nombre d’autres dossiers.
Nous avons documenté l’insécurité linguistique du personnel du gouvernement fédéral dans sa première ou sa seconde langue officielle, et suscité un intérêt public sur le problème. Nous avons aussi offert des outils aux institutions fédérales pour qu’elles comprennent mieux l’enjeu en question et pour les aider à faire face à ce défi. Je suis déçu de constater à quel point les fonctionnaires sont souvent mal à l’aise d’utiliser la langue officielle qui n’est pas prédominante au travail, que ce soit leur première ou leur seconde langue officielle. Il faut absolument favoriser un milieu de travail qui affirme leurs droits linguistiques et qui permet d’élargir leurs compétences linguistiques, mais qui tire aussi avantage des capacités linguistiques déjà en place.
Nous avons également terminé le premier exercice du Modèle de maturité des langues officielles, un outil d’autoévaluation et de planification destiné aux institutions fédérales, qui se réalise avec l’accompagnement du Commissariat. Treize institutions fédérales ont entamé cet exercice avec un certain entrain et la grande majorité de ces institutions fédérales ont élaboré un plan de progrès afin de mieux intégrer les langues officielles dans leurs processus décisionnels et opérationnels et de respecter ainsi les obligations qui leur incombent en vertu de la Loi.
Des dossiers à suivre
Finalement, nous avons suivi d’autres dossiers qui continuent d’évoluer et nous restons à l’affut.
Tout d’abord, cette année confirme la tendance à la hausse du nombre de plaintes reçues par le Commissariat. Nous recevons maintenant au-delà de 1 000 plaintes par année. Les plaintes touchant le service au public déposées en vertu de la partie IV de la Loi sont, cette année encore, au cœur des enquêtes effectuées par mon équipe. Malgré la chute du nombre de plaintes du public voyageur en raison des restrictions liées à la pandémie de COVID‑19, il n’en demeure pas moins que le nombre de plaintes liées aux communications avec le public en général demeure élevé.
La pandémie de COVID‑19 a provoqué une évolution rapide de l’utilisation des technologies numériques et du travail à distance. Comment les règles et les principes relatifs à la langue de travail et au service au public seront-ils respectés dans cette mutation du monde du travail? Il s’agit d’une question qui devra être posée, notamment dans le cadre de la modernisation de la Loi.
La responsabilisation des autorités aéroportuaires envers les droits linguistiques du public voyageur continue de poser problème. La pandémie de COVID‑19 démontre d’ailleurs une autre facette de l’importance pour le public voyageur de pouvoir compter sur des messages clairs dans les deux langues officielles. Il ne s’agit plus simplement de repérer les sorties ou les aires de taxis, mais de comprendre les mesures additionnelles intimement liées à la santé et à la sécurité.
Les ententes fédérales, provinciales et territoriales sur les langues officielles en éducation continuent de susciter de l’inconfort chez les communautés de langue officielle en situation minoritaire. L’éducation dans la langue de la minorité et l’éducation dans la langue seconde est au cœur de la vitalité de nos communautés et une condition de la dualité linguistique au pays. Il est possible – même nécessaire – que les deux avancent en parallèle. Mon équipe continuera de suivre le dossier de l’éducation attentivement.
Le secteur de l’enseignement supérieur en français reste fragile, comme on l’a vu au Campus Saint-Jean à Edmonton, à l’Université Laurentienne à Sudbury ou à l’Université de l’Ontario français à Toronto. Je suis très sensible aux besoins de ce secteur qui s’inscrit non seulement dans le continuum de l’éducation pour les communautés francophones en situation minoritaire, mais qui libère aussi le potentiel de ces dernières grâce à ses activités de formation, de recherche et de développement. Il peut compter sur mon appui afin d’amener le gouvernement fédéral à soutenir plus fermement sa consolidation.
Cette année, la pandémie de COVID‑19 a fait ressortir plusieurs lacunes en matière de langues officielles au sein des institutions fédérales. Mais, ce qui m’a davantage troublé, c’est la leçon tirée de notre étude sur l’insécurité linguistique chez les fonctionnaires du gouvernement fédéral. Malgré le temps écoulé depuis l’ajout des dispositions sur la langue de travail à la Loi en 1988, il est encore gênant, voire risqué, pour les fonctionnaires d’utiliser la langue officielle qui n’est pas prédominante dans un milieu de travail désigné bilingue en 2021, que ce soit leur première ou leur seconde langue officielle. Voilà un nœud au cœur de la culture de la fonction publique, qui entrave aussi le service au public et la réalisation de la dualité linguistique au pays. Ce nœud exige des actions concrètes. C’est avec un souci de collaboration que j’appelle les institutions fédérales à y voir sans délai.
Raymond Théberge
Commissaire aux langues officielles
Rapport annuel : navigation
Cette année, le Commissariat a opté pour un rapport annuel dans un nouveau format Web. Son contenu suit une ligne chronologique. Les enjeux clés et les activités du Commissariat sont relatés autour des thèmes qui sont apparus au fil du temps. Mais, plus important encore, ce rapport annuel reste un relevé des problèmes de conformité qui ont touché les langues officielles et sur lesquels le Commissariat s’est penché. Bonne lecture!
Ligne chronologique
Pandémie
Pandémie : conformité, plaintes et défis pour la fonction publique
Communautés
Communautés : incidence de la pandémie, obstacles à l’éducation et insécurité linguistique
Modernisation de la Loi et MMLO
Modernisation de la Loi sur les langues officielles et Modèle de maturité des langues officielles
Données sur les plaintes recevables en 2020-2021
Figure 1 Plaintes recevables en 2020‑2021 par partie ou article de la Loi sur les langues officielles
Légende
- 693 Communications avec le public et prestation des services (partie IV)
- 173 Langue de travail (partie V)
- 13 Participation équitable (partie VI)
- 16 Promotion du français et de l’anglais (partie VII)
- 968 Exigences linguistiques des postes (partie XI, article 91)
- 7 Autres parties de la Loi (parties II, III et IX)
Total : 1 870
Complaints filed explanations
Plaintes relatives à la partie IV de la Loi
Le nombre de plaintes relatives à la partie IV de la Loi est en légère baisse en 2020‑2021, passant de 731 à 693. Cela étant dit, il s’agit tout de même du deuxième plus haut nombre total de plaintes visant la partie IV de la Loi reçues en une année depuis les 18 dernières années. Il est intéressant de noter que, tout comme bien des secteurs de notre société, la provenance des plaintes a été influencée par la pandémie de COVID‑19. Pour des raisons évidentes, le nombre de plaintes faites par le public voyageur est en baisse en 2020‑2021. Les plaintes relatives à la partie IV de la Loi semblent concerner d’autres types de services, notamment les communications et les services en ligne.
Plaintes relatives à la partie V de la Loi
En volume, on remarque une légère diminution du nombre de plaintes relatives à la partie V de la Loi. En proportion, celle-ci est stable (en tenant compte de l’anomalie dans le nombre de plaintes concernant l’article 91 mentionné ci-dessous).
Plaintes relatives à la partie XI de la Loi (article 91)
On note une forte augmentation du volume de plaintes portant sur l’article 91 de la Loi en 2020-2021. Il est cependant important de noter que 806 des 968 plaintes recevables n’ont pas fait l’objet d’une enquête parce qu’il a été déterminé qu’elles n’avaient pas été faites de bonne foi. En excluant ces plaintes, le nombre de plaintes portant sur l’article 91 de la Loi connaît plutôt une diminution, passant de 420 à 162. Ce nombre se situe dans les moyennes des neuf dernières années.
Analyse des plaintes recevables par région où l’incident s’est produit
Le nombre de plaintes recevables pour des incidents qui se sont produits au Nouveau-Brunswick en 2020‑2021 a connu une diminution par rapport à celui des deux dernières années (- 26 %). Au cours des deux dernières années, nous recevions un volume assez important de plaintes contre Service correctionnel Canada (pour le service au public et la langue de travail au Pénitencier de Dorchester). Une autre partie du volume de plaintes concernait Élections Canada (pour l’élection fédérale de 2019) et Air Canada. En 2020‑2021, très peu de plaintes visent ces institutions au Nouveau-Brunswick.
Le nombre de plaintes recevables pour des incidents qui se sont produits en Alberta a connu une nette augmentation par rapport à celui des quatre dernières années (+ 145 %). En 2020-2021, la majorité des plaintes pour cette province concernait l’affichage dans les aéroports de Calgary et d’Edmonton. En effet, 73 % des 120 plaintes reçues pour l’Alberta concernaient les communications écrites ou le service au sol de ces autorités aéroportuaires.
Le nombre de plaintes recevables pour des incidents qui se sont produits à l’étranger a connu une nette diminution par rapport à celui des quatre dernières années (- 75 %). La pandémie de COVID‑19 explique probablement cette diminution.
Tableau 1 Plaintes recevables en 2020-2021 par province ou territoire et par partie ou article de la Loi sur les langues officielles
Lieu de l’incident | Services au public (partie IV) |
Langue de travail (partie V) |
Participation équitable (partie VI) |
Promotion du français et de l’anglais (partie VII) |
Exigences linguistiques (partie XI, article 91) |
Autres parties (II, III et IX) |
Total |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Terre-Neuve-et-Labrador | 11 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 11 |
Île-du-Prince-Édouard | 4 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 4 |
Nouvelle-Écosse | 10 | 1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 11 |
Nouveau-Brunswick | 23 | 16 | 1 | 2 | 5 | 0 | 47 |
Québec | 152 | 63 | 2 | 4 | 16 | 2 | 239 |
Région de la capitale nationale (Québec) | 17 | 16 | 1 | 1 | 257 | 1 | 293 |
Région de la capitale nationale (Ontario) | 125 | 62 | 6 | 7 | 679 | 4 | 883 |
Ontario | 131 | 8 | 2 | 0 | 7 | 0 | 148 |
Manitoba | 24 | 1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 25 |
Saskatchewan | 20 | 1 | 1 | 1 | 0 | 0 | 23 |
Alberta | 117 | 1 | 0 | 1 | 1 | 0 | 120 |
Colombie-Britannique | 49 | 0 | 0 | 0 | 3 | 0 | 52 |
Yukon | 2 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 2 |
Territoires du Nord-Ouest | 3 | 1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 4 |
Nunavut | 1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 |
À l’extérieur du Canada | 4 | 3 | 0 | 0 | 0 | 0 | 7 |
Total | 693 | 173 | 13 | 16 | 968 | 7 | 1 870 |
Tableau 2 Évolution du nombre de plaintes recevables par province ou territoire, sur une période de 10 ans (2011-2012 à 2020-2021)
Lieu de l’incident | 2011 2012 | 2012 2013 | 2013 2014 | 2014 2015 | 2015 2016 | 2016 2017 | 2017 2018 | 2018 2019 | 2019 2020 | 2020 2021 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Terre-Neuve-et-Labrador | 11 | 8 | 18 | 12 | 14 | 28 | 16 | 24 | 32 | 11 |
Île-du-Prince-Édouard | 3 | 3 | 4 | 4 | 2 | 5 | 2 | 7 | 4 | 4 |
Nouvelle-Écosse | 33 | 9 | 8 | 13 | 16 | 10 | 20 | 22 | 60 | 11 |
Nouveau-Brunswick | 36 | 24 | 31 | 42 | 41 | 87 | 51 | 65 | 62 | 47 |
Québec | 55 | 70 | 59 | 56 | 68 | 148 | 129 | 166 | 213 | 239 |
Région de la capitale nationale (Québec) | 49 | 49 | 37 | 64 | 121 | 92 | 96 | 156 | 163 | 293 |
Région de la capitale nationale (Ontario) | 200 | 152 | 182 | 193 | 351 | 429 | 307 | 336 | 500 | 883 |
Ontario | 77 | 52 | 75 | 78 | 58 | 106 | 124 | 153 | 192 | 148 |
Manitoba | 25 | 20 | 20 | 13 | 14 | 13 | 18 | 11 | 9 | 25 |
Saskatchewan | 2 | 2 | 8 | 16 | 4 | 6 | 25 | 14 | 6 | 23 |
Alberta | 12 | 9 | 9 | 28 | 8 | 43 | 49 | 56 | 48 | 120 |
Colombie-Britannique | 7 | 8 | 19 | 18 | 16 | 25 | 33 | 25 | 30 | 52 |
Yukon | 0 | 0 | 0 | 1 | 1 | 1 | 1 | 5 | 6 | 2 |
Territoires du Nord-Ouest | 1 | 0 | 1 | 0 | 2 | 2 | 4 | 7 | 6 | 4 |
Nunavut | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 |
À l’extérieur du Canada | 7 | 9 | 5 | 12 | 8 | 23 | 19 | 40 | 30 | 7 |
Total | 518 | 415 | 476 | 550 | 725 | 1 018 | 894 | 1 087 | 1 361 | 1 870 |
Tableau 3 Évolution du nombre de plaintes recevables par partie ou article de la Loi sur les langues officielles, sur une période de 10 ans (2011-2012 à 2020-2021)
Partie ou article de la Loi | 2011 2012 | 2012 2013 | 2013 2014 | 2014 2015 | 2015 2016 | 2016 2017 | 2017 2018 | 2018 2019 | 2019 2020 | 2020 2021 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Services au public (partie IV) |
341 | 252 | 282 | 320 | 344 | 565 | 457 | 550 | 731 | 693 |
Langue de travail (partie V) |
79 | 83 | 103 | 126 | 125 | 183 | 138 | 212 | 172 | 173 |
Participation équitable (partie VI) |
1 | 6 | 13 | 11 | 24 | 34 | 16 | 22 | 11 | 13 |
Promotion du français et de l’anglais (partie VII) |
45 | 39 | 30 | 37 | 62 | 32 | 50 | 12 | 20 | 16 |
Exigences linguistiques (partie XI, article 91) |
42 | 30 | 44 | 45 | 156 | 192 | 222 | 285 | 420 | 968 |
Autres parties (II, III et IX) |
10 | 5 | 4 | 11 | 14 | 12 | 11 | 6 | 7 | 7 |
Total | 518 | 415 | 476 | 550 | 725 | 1 018 | 894 | 1 087 | 1 361 | 1 870 |
Conclusion
La dernière année a été longue et éprouvante. Le Commissariat est passé par toutes sortes d’émotions et nous avons dû surmonter de nombreux obstacles, mais notre organisation a su remplir pleinement son mandat de protecteur et de promoteur des langues officielles. Nous avons publié plusieurs rapports sur des enjeux importants cette année, fruits de plusieurs années d’observations, d’analyses et de leçons apprises.
En ce qui concerne le nombre de plaintes reçues, la tendance à la hausse se confirme. Alors que nous recevions quelques centaines de plaintes par année, il y a quelques années, le nombre annuel de plaintes reçu semble maintenant bien installé au-delà de 1 000. Cette année, malgré la pandémie de COVID‑19 et la baisse du nombre de plaintes liées aux voyages, le volume demeure élevé. Nous avons notamment enregistré un nombre important des plaintes faites par le grand public dans d’autres secteurs, comme les services en ligne et les communications liées à la pandémie de COVID‑19.
Le gouvernement fédéral a du pain sur la planche. La modernisation de la Loi sur les langues officielles doit constituer la première partie de son action gouvernementale pour réformer le régime linguistique fédéral. Tous les acteurs et partis politiques semblent être d’accord sur la question. Bien que le document de réforme du gouvernement fédéral ait été publié cette année, une promesse positive et encourageante face à des années d’hésitation, nous sommes encore loin de l’adoption d’un projet de loi et de son entrée en vigueur, mais j’ai espoir qu’un dénouement est proche. La réforme du régime linguistique fédéral ne doit toutefois pas s’arrêter là; il y a tellement plus à faire.
Cette année a aussi mis en lumière le manque d’importance accordée aux langues officielles lorsqu’une situation de crise se produit. Nous avons produit un rapport sur les enjeux de sécurité et les langues officielles qui fait état de ce problème.
Notre étude sur l’insécurité linguistique a révélé le malaise troublant ressenti dans toute la fonction publique en ce qui a trait aux langues officielles. L’usage du français au travail n’est pas encouragé, et ce, un demi-siècle après l’officialisation de la dualité linguistique. Les fonctionnaires francophones hésitent à parler français pour toutes sortes de raisons énoncées dans notre étude. Il en est de même pour leurs consorts anglophones qui ne sont pas mis dans les meilleures conditions pour employer le français. Cela prive également les fonctionnaires anglophones de nombreuses occasions d’employer eux-mêmes le français et, selon notre étude, ils sont nombreux à réclamer qu’on leur donne la chance d’utiliser leur deuxième langue officielle au travail. L’étude a aussi montré que les fonctionnaires anglophones au Québec ne se sentent pas toujours à l’aise d’utiliser leur première langue officielle au travail. En fin de compte, c’est la dualité linguistique de notre pays qui ne peut s’exprimer ou s’épanouir dans la fonction publique, ce qui a indéniablement un effet sur la qualité du service offert au public. La source du problème vient, selon moi, du manque de leadership en langues officielles au sein de nos institutions fédérales. Nous avons des leaders en langues officielles, mais ils sont trop peu nombreux. Les langues officielles doivent être au cœur des décisions prises dans chacune de nos institutions fédérales.
Certains de ces problèmes ont pourtant déjà été documentés. Le rapport publié par le greffier du Conseil privé en 2017, intitulé Le prochain niveau : Enraciner une culture de dualité linguistique inclusive en milieu de travail au sein de la fonction publique fédérale, offre des pistes de solutions. Le rapport prévoit la mise en œuvre de nombreuses mesures. Où en est-on? Le rapport annuel de 2019-2020 du greffier au premier ministre sur la fonction publique du Canada ne fait aucune mention des langues officielles. L’Objectif 2020 ne fait aucune mention des langues officielles. La gouverneure générale a mentionné, dans son discours du Trône de septembre 2020, que « nos deux langues officielles sont indissociables du patrimoine de notre pays ». Cela doit se traduire concrètement dans l’appareil fédéral. La sécurité linguistique doit devenir une priorité absolue pour le greffier du Conseil privé. Je remarque une certaine prise de conscience puisqu’un groupe de travail interministériel, auquel mon équipe participe, a été créé, mais, en ce qui concerne les problèmes actuels, je doute que cela ne soit suffisant.
La pandémie de COVID‑19 a accéléré les processus de changement et le gouvernement dispose aujourd’hui d’une occasion formidable de moderniser l’appareil fédéral et de véritablement donner aux langues officielles une place centrale.
J’aimerais terminer en citant Sue Duguay, présidente de la Fédération de la jeunesse canadienne-française :
Il y a longtemps que nous rêvons de nos droits linguistiques, mais le temps est venu de passer du rêve à la réalité en y travaillant ensemble, pour l’épanouissement de notre langue et de notre culture, dans le respect des langues officielles!
Recommandations
À la lumière des constatations faites dans le présent rapport annuel, je désire formuler les recommandations qui suivent.
Recommandation 1
Comme le gouvernement fédéral a annoncé le dépôt d’un projet de loi pour moderniser la Loi sur les langues officielles d’ici la fin de 2021, j’appelle tous les parlementaires à collaborer à l’adoption d’un texte de loi dans lequel la population canadienne y trouve son compte.
Recommandation 2
Je recommande :
- au premier ministre du Canada, d’examiner, avec ses ministres, les enjeux de sécurité et de langues officielles soulevés dans mon rapport intitulé Une question de respect et de sécurité : l’incidence des situations d’urgence sur les langues officielles;
- au Bureau du Conseil privé, de dresser une feuille de route accessible au public dans les six mois qui suivent la parution de mon rapport annuel 2020-2021 afin d’y donner suite.
Recommandation 3
Je recommande au greffier du Conseil privé :
- de se saisir immédiatement des enjeux soulevés dans mon rapport intitulé La mise en œuvre de l’article 91 de la Loi sur les langues officielles : un problème systémique pour mettre en œuvre les recommandations qui y sont énoncées dans les échéances qui y sont indiquées;
- d’exercer, dès maintenant, son pouvoir d’influence afin de placer les langues officielles au cœur de la réforme de la fonction publique en favorisant notamment l’épanouissement de la dualité linguistique au sein de l’administration fédérale;
- de mettre en place, d’ici juin 2022, des stratégies pour combattre le sentiment d’insécurité linguistique décrit dans mon étude intitulée (In)sécurité linguistique au travail – Sondage exploratoire sur les langues officielles auprès des fonctionnaires du gouvernement fédéral du Canada.