Préface Apprendre du passé, façonner l’avenir : 50 ans de langues officielles au Canada
L’année 2019 marque les 50 ans de la Loi sur les langues officielles. En tant que Canadiens, nous sommes tous en droit de nous poser la question suivante sur l’état de la dualité linguistique au pays : avons-nous atteint les objectifs que nous nous étions fixés collectivement? Le présent rapport annuel couvre différents aspects de cette question. Le gouvernement fédéral, quant à lui, est dans une position unique pour assurer la vitalité des langues officielles et continuer d’offrir aux générations à venir la possibilité de s’épanouir dans la langue officielle de leur choix, et ce, dans tous les coins du pays. Fort de ma première année en tant que commissaire aux langues officielles, je souhaite ici faire un constat sans concession.
À mon arrivée en poste, j’ai froissé quelques plumes en déclarant que les langues officielles n’ont pas de champion au gouvernement. On m’a reproché en privé de ne pas reconnaître le travail de tel parlementaire ou de tel haut fonctionnaire, qui interviennent avec énergie pour faire avancer divers dossiers. Que du travail soit réalisé, je ne le nie pas. Les pages de ce rapport annuel en font état et ce travail est souvent difficile. Au début de mon mandat, aucun membre du Cabinet n’avait les mots « langues officielles » dans son titre. Il y a maintenant une ministre qui porte dans son titre les langues officielles. Toutefois, une interrogation subsiste quant aux moyens dont elle dispose pour remplir sa mission. Je suis perplexe quant au message que ce changement a envoyé lors du remaniement ministériel de juillet 2018; le ministère chargé des langues officielles doit disposer de toutes les ressources et de l’appui nécessaires.
Le morcellement des responsabilités en matière de langues officielles au sein du gouvernement me semble créer de la confusion et de l’inefficacité. En effet, outre le rôle de la ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, le Conseil du Trésor du Canada est responsable de l’application des parties IV, V et VI de la Loi, alors que la partie VII relève toujours du ministre du Patrimoine canadien, selon la Loi. Aucun ministre ou comité de ministres n’a l’autorité exclusive quant à la mise en œuvre de l’ensemble de la Loi. L’absence d’autorité centrale est l’une des difficultés que nous rencontrons dans le traitement des plaintes déposées. Nos enquêtes mènent à un dialogue avec l’institution fédérale à laquelle les citoyens reprochent, généralement avec raison, comme le démontrent les conclusions de nos enquêtes, d’avoir failli à ses responsabilités imposées par la Loi. Ce dialogue aboutit à une fin positive la plus plupart du temps : 80 % de nos recommandations sont mises en œuvre au moins partiellement – et nous vérifions! Cependant, l’application ponctuelle des recommandations découlant de nos enquêtes ne se traduit pas toujours par un engagement à long terme de la part des institutions fédérales. Le changement de comportement durable escompté n’est pas nécessairement automatique dès lors qu’une recommandation est appliquée. En outre, certaines de nos recommandations restent lettre morte; les plus récalcitrantes des institutions fédérales se permettent même de refuser nos conclusions ou de se renvoyer la balle entre elles sans conséquence. Je l’ai déjà constaté à quelques reprises depuis le début de mon mandat.
Durant notre grande consultation sur la modernisation de la Loi, de nombreuses personnes ont réclamé une autorité centrale, au sein du gouvernement, qui serait responsable des langues officielles. Les intervenants ne s’entendent toutefois pas sur l’organisme qui devrait recevoir ce rôle, mais cela ne devrait pas empêcher le gouvernement de trancher. Même s’il ne l’a pas fait dans le cadre du Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir, il peut pallier cette lacune dès maintenant et saisir l’occasion de le faire dans le cadre de la nécessaire modernisation de la Loi qu’il s’est engagé à amorcer. Alors que je déposerai mon rapport annuel au Parlement, je rendrai public un document étayant ma position sur la modernisation de la Loi, lequel comprendra mes recommandations pour alimenter la réflexion du gouvernement.
Le Plan d’action 2018-2023 est certes une initiative importante. Il est le fruit d’une consultation menée avec rigueur et sérieux, et l’augmentation des sommes investies est considérable. Cependant, compte tenu des reculs observés dans l’ensemble du pays vers la fin de 2018, je me demande si cette initiative, à elle seule, est suffisante. J’encourage donc le gouvernement fédéral à explorer d’autres moyens de promouvoir la valeur de la dualité linguistique.
De plus, alors que le gouvernement s’est engagé à prendre une approche de « résultologie » pour atteindre ses objectifs clés, on devrait pouvoir s’attendre à ce qu’un plan d’action doté d’un investissement de 2,7 milliards de dollars sur cinq ans soit accompagné de cibles précises et d’instructions visant à ce que les ministres concernés puissent en mesurer les progrès, de façon constante et transparente, ce qui, dans le premier plan d’action, était réuni dans un « cadre d’imputabilité et de coordination ». J’encourage le gouvernement à élaborer et à rendre public un cadre redditionnel assorti de mesures de rendement précises pour assurer la mise en œuvre des initiatives contenues dans son plan d’action actuel.
Pendant ce temps, des événements alarmants disséminés d’un océan à l’autre ont marqué la seconde moitié de 2018 et ne peuvent être passés sous silence ou balayés sous le tapis. Je pense entre autres à l’annonce, par le gouvernement du Manitoba, du changement de statut du Bureau de l’éducation française au sein du ministère de l’Éducation, de même qu’à la suppression de 11 postes de traducteurs à temps plein au Service de traduction du Manitoba. Je me rappelle aussi l’annonce, par le gouvernement du Québec, de son intention d’abolir l’ensemble des commissions scolaires et de les remplacer par des centres de services qui n’auraient pas les mêmes pouvoirs et auxquels les communautés ne contribueraient pas directement – ce qui a provoqué un tollé, notamment chez les commissions scolaires anglophones, qui se disent prêtes à aller jusqu’à la Cour suprême du Canada pour s’opposer à leur abolition. Il y a également eu l’élection de trois députés d’un parti au Nouveau-Brunswick qui remet en question ouvertement la dualité linguistique en santé et en éducation. De plus, l’annonce du gouvernement du Nouveau-Brunswick de réévaluer le point d’entrée pour l’immersion précoce dans la province est préoccupante.
Et que dire de la décision du gouvernement de l’Ontario d’abolir le Commissariat aux services en français, affaiblissant ainsi une des voix fortes qui s’élevait à la défense des droits linguistiques des Franco-Ontariens depuis 10 ans? Cette même voix faisait aussi la promotion des réalisations et de l’apport de cette communauté à la province de l’Ontario, tout en gardant dans la mire le terrain qu’il restait à franchir pour faire réellement reconnaître les droits des Franco-Ontariens à tous les égards. Depuis novembre 2018, cependant, le terrain à franchir est devenu d’un seul coup surdimensionné. En outre, je ne voudrais pas passer sous silence l’autre décision non moins déplorable du gouvernement ontarien de retirer le financement de l’Université de l’Ontario français à Toronto, université qui répondrait pourtant aux besoins essentiels de la communauté franco-ontarienne – la plus grande communauté francophone hors Québec.
Sur le plan judiciaire, il faut souligner le rejet par la Cour fédérale de la demande de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique quant aux manquements allégués à la Loi en lien avec les prestations d’emploi et les mesures de soutien dans le cadre de l’entente fédérale-provinciale sur l’emploi. J’ai d’ailleurs porté cette cause en appel.
Les événements qui se succèdent dans tout le pays m’amènent à conclure que le leadership provincial a perdu de vue les principes constitutionnels qui sous-tendent les droits linguistiques. Je serai toujours stupéfié de voir des enjeux linguistiques de cette ampleur refaire surface un demi-siècle après l’adoption de la première Loi sur les langues officielles du Canada. La Loi fait partie intégrante de la mémoire collective des Canadiens et constitue le fondement même du contrat social qui nous unit. Les reculs comme ceux observés en Ontario et ailleurs au pays remettent en question ce contrat social.
Comment une valeur qui définit notre identité peut-elle être considérée comme un vestige du passé, surtout lorsque la dualité linguistique est un symbole aussi puissant d’ouverture, d’empathie et de respect? Lorsque nous retirons, une à une, les pierres de la base d’un bâtiment, celui-ci ne risque-t-il pas de s’effondrer? De même, lorsque l’on s’attaque aux droits linguistiques fondamentaux, ne risque-t-on pas de détruire le fondement même de l’identité canadienne?
En ce 50e anniversaire de la Loi, nous sommes donc en quelque sorte à la croisée des chemins, placés devant des choix qui auront une incidence durable sur l’avenir du bilinguisme canadien. Pour assurer la pertinence et la pérennité de la Loi et en viser l’application optimale, trois choses sont nécessaires : 1) stopper l’érosion des droits linguistiques; 2) moderniser la Loi; 3) assurer un leadership clair et affirmé au sein du gouvernement fédéral. Le gouvernement du Canada doit demeurer un chef de file et faire rayonner les valeurs qui sous-tendent la dualité linguistique canadienne.
Un rôle qui me permet de m’assurer que la dualité linguistique et les valeurs canadiennes demeurent au cœur des décisions gouvernementales est d’intervenir devant les cours afin de défendre et de faire avancer les droits linguistiques. Ainsi, je suis intervenu devant la Cour suprême du Canada à deux reprises en 2018-2019 afin de faire reconnaître l’importance du droit des justiciables d’avoir plein accès aux tribunaux dans la langue officielle de leur choix. Dans l’arrêt Mazraani c Industrielle Alliance, Assurance et services financiers inc., la Cour a confirmé la nature fondamentale du droit d’utiliser la langue officielle de son choix devant les tribunaux fédéraux ainsi que les rôles des juges et des tribunaux de veiller activement à la protection de ce droit.
Dans l’arrêt Joseph Roy Éric Bessette c Procureur général de la Colombie-Britannique, la Cour devait déterminer si les Britanno-Colombiens ont le droit de subir leurs procès en français dans le cadre d’infractions provinciales gérées par voie sommaire. À titre d’intervenant, j’ai soutenu devant la Cour que ce droit existe et que, là où il est violé, il faut remédier à cette violation le plus efficacement possible, compte tenu de l’incidence qu’elle peut avoir sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Afin de promouvoir les langues officielles, je peux notamment mener des études pour étayer ma prise de décisions et attirer l’attention sur des enjeux particuliers. Dans une étude récente sur la pénurie d’enseignants en français langue seconde, je demande au gouvernement fédéral d’élaborer une stratégie nationale qui contribuera à régler ce problème. Assurer aux Canadiens l’accès à des occasions d’apprentissage de leur seconde langue officielle est crucial à la promotion de l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne et dans la fonction publique fédérale.
En tant que promoteur et protecteur des droits linguistiques, je crois qu’il est important d’innover et d’offrir à la fonction publique fédérale des outils pertinents et utiles afin de l’aider à se conformer à ses obligations en matière de langues officielles. Bien que la majorité de mes recommandations soient mises en œuvre par les institutions fédérales au terme des enquêtes, cela ne mène pas nécessairement à un changement durable. Pour tenter de pallier les problèmes systémiques auxquels il n’est pas toujours possible de répondre par des plaintes et des enquêtes, le Commissariat aux langues officielles lancera en juin 2019 un nouvel outil diagnostique, le Modèle de maturité des langues officielles, qui permettra de dresser un bilan des pratiques actuelles en matière de langues officielles au sein des institutions fédérales et de les aider à progresser de façon continue. J’incite le gouvernement à prendre avantage de ce nouvel outil afin d’amener les institutions fédérales à se responsabiliser davantage. Il est également des plus avantageux pour les administrateurs généraux d’appliquer les principes de ce modèle de maturitéafin de poser un diagnostic rigoureux et honnête sur l’état des langues officielles au sein de leurs institutions fédérales et de s’en inspirer pour progresser.
Dans le cadre de mon rôle de commissaire aux langues officielles, j’ai le mandat de protéger et de promouvoir les deux langues officielles du Canada. En tant que défenseur des droits linguistiques, je me réjouis des avancées récentes quant à la promotion et à la protection des langues autochtones, les premières langues du Canada, particulièrement le dépôt du projet de loi sur les langues autochtones. Tout en reconnaissant qu’il reviendra aux Premières nations, aux Métis et aux Inuits eux-mêmes de tracer la meilleure voie à suivre, je suis prêt à faire part de mes expériences en tant qu’ombudsman et défenseur des droits des minorités linguistiques ainsi qu’à collaborer avec les Autochtones et les partenaires fédéraux.
Mon équipe et moi continuons d’entreprendre des initiatives visant à contribuer à l’avancement des droits linguistiques, à promouvoir la dualité linguistique et à veiller à ce que celle-ci conserve une place prépondérante sur l’échiquier national. Cependant, à nous seul, nous ne pouvons suffire à la tâche. Ce rapport annuel fait plus que jeter un regard sur les cinquante dernières années. Il souligne la nécessité pour tous les élus, quelle que soit leur allégeance politique, de mettre en œuvre des solutions concrètes et durables afin de parer à l’érosion de la dualité linguistique canadienne ainsi que de protéger les droits linguistiques et les acquis des communautés de langue officielle.
Raymond Théberge
Commissaire aux langues officielles
Versions abrégées utilisées dans le rapport
Dans l'ensemble du présent rapport, le texte a été allégé comme suit :
- le « commissaire » pour désigner le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge;
- le « Commissariat » pour désigner le Commissariat aux langues officielles;
- la « Loi » pour désigner la Loi sur les langues officielles;
- une « communauté de langue officielle » pour désigner une communauté de langue officielle en situation minoritaire;
- une « institution fédérale » pour désigner une institution fédérale ou un organisme fédéral assujettis à la Loi sur les langues officielles.
Chapitre 1 Modernisation de la Loi sur les langues officielles
Adoptée en juillet 1969, dans la foulée des recommandations de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, la première Loi sur les langues officielles au Canada était un produit de son époque, née des tumultueuses années 1960, de la Révolution tranquille du Québec et de changements survenus dans la société canadienne en général. Cette loi a évolué quelque peu au fil des années pour s’adapter au paysage linguistique et constitutionnel en constante évolution. Cependant, après 50 ans, il est devenu plus que jamais évident que la Loi doit subir des modifications majeures et structurelles afin de s’adapter au contexte contemporain et de demeurer pertinente. Alors que plusieurs possibilités se présentent au législateur concernant la modernisation de la Loi, une chose est indéniable : limiter sa révision à une simple mise à jour de ses articles, sans revoir les responsabilités des différents joueurs clés et les moyens dont le législateur dispose pour assurer son respect, serait une occasion manquée de réellement en faire une loi robuste qui encourage une mise en œuvre exemplaire.
Un peu d’histoire
La Loi sur les langues officielles de 1969 avait pour objectif de renforcer l’unité nationale en affirmant l’égalité de statut du français et de l’anglais et l’égalité d’accès aux services fédéraux dans l’une ou l’autre des langues officielles. Le droit d’être entendu par les tribunaux fédéraux, celui de communiquer avec le gouvernement fédéral et celui d’en recevoir des services dans la langue officielle de son choix avaient leur place dans cette première loi.
Adoption de la Loi sur les langues officielles et création du poste de commissaire aux langues officielles
En réponse à l’une des recommandations de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, le gouvernement, dirigé par Pierre Elliott Trudeau, a adopté la Loi sur les langues officielles.
La Loi sur les langues officielles reconnaît l’égalité de statut du français et de l’anglais dans toutes les institutions fédérales. Elle vise principalement à faire en sorte que la population ait accès aux services des institutions fédérales dans la langue officielle de son choix.
La Loi prévoit aussi la création du poste de commissaire aux langues officielles, dont le rôle consiste à veiller à la mise en œuvre de la Loi, à enquêter sur les plaintes du public, à mener des études et à faire rapport au Parlement.
Les tribunaux ont aussi eu un rôle à jouer dans l’évolution de la Loi, en rendant des décisions qui ont eu une incidence profonde sur l’interprétation de ses dispositions ainsi que sur l’épanouissement des communautés de langue officielle et sur la place qu’occupent le français et l’anglais dans la société canadienne. La participation des commissaires aux langues officielles à divers recours judiciaires a également contribué à l’établissement d’une riche jurisprudence en matière de droits linguistiques sur laquelle les personnes et les communautés de langue officielle peuvent s’appuyer pour revendiquer les droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés et la Loi.
La dernière avancée d’importance a eu lieu en 2005, lorsque le Parlement a adopté le projet de loi S-3, intitulé Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (promotion du français et de l'anglais), qui impose dorénavant aux institutions fédérales des obligations en lien avec la partie VII et permet d’intenter un recours judiciaire en cas de violation de ces obligations. Les institutions fédérales sont donc maintenant tenues de prendre des mesures positives pour favoriser l’épanouissement et le développement des communautés de langue officielle, ainsi que de promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne. Outre cette modification à la partie VII de la Loi en 2005, celle-ci n’a subi aucun examen approfondi depuis 1988.
Aval du premier ministre pour une loi modernisée
À l’été 2018, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé officiellement que le gouvernement allait moderniser la Loi. Cette modernisation avait été réclamée par plusieurs personnes et organisations, faisant ainsi écho à la recommandation de la commissaire par intérim Ghislaine Saikaley dans son rapport annuel 2016-2017.
Étude du Comité sénatorial permanent des langues officielles
En mai 2017, le Comité sénatorial permanent des langues officielles a débuté une étude en cinq volets sur la modernisation de la Loi, intitulée Examiner, pour en faire rapport, la perspective des Canadiens au sujet d’une modernisation de la Loi sur les langues officielles. Il a entendu des témoignages de jeunes, de communautés de langue officielle, de personnes qui ont été témoins de l’évolution de la Loi, d’intervenants du secteur de la justice et d’institutions fédérales. Il devrait présenter son rapport au gouvernement d’ici juin 2019.
Branle-bas de combat judiciaire
En mai 2018, dans l’affaire Fédération des francophones de la Colombie-Britannique c Canada (Emploi et Développement social), la Cour fédérale a rendu une décision modifiant l’interprétation de la partie VII de la Loi qu’en faisait jusqu’à présent le Commissariat. Cela préoccupe grandement le commissaire.
Dans cette décision, la Cour a énoncé que la partie VII n’imposait qu’une simple obligation pour les institutions fédérales de prendre des mesures positives dans le cadre de leur mandat, précisant que de telles mesures positives n’avaient pas à être ciblées pour un programme, un processus décisionnel ou une initiative en particulier d’une institution fédérale, ou encore pour une situation factuelle précise qui aurait pu faire l’objet d’une plainte au commissaire.
Selon le commissaire, ce nouvel état du droit ne permet pas d’accomplir l’objet de la partie VII, qui est de favoriser l’épanouissement des communautés de langue officielle. De plus, la Cour a refusé de considérer tout élément de preuve établissant la violation après la date du dépôt de la plainte. Le commissaire est d’avis que cela limite grandement la capacité des plaignants et du Commissariat à faire valoir pleinement les droits garantis par la Loi.
En juin 2018, le commissaire a fait appel de la décision de la Cour fédérale. Il souhaite faire valoir une interprétation de la partie VII visant à refléter réellement l’objet de la Loi et l’intention du législateur. La décision de la Cour fédérale renforce la nécessité d’un cadre réglementaire pour appuyer les communautés de langue officielle.
Les plaintes : un important levier
En attendant la décision de la Cour d’appel fédérale, le commissaire tient à rappeler au public qu’il est primordial qu’il continue de déposer des plaintes lorsqu’il estime que les institutions fédérales violent ses droits linguistiques. Le commissaire souhaite demeurer à l’affût des manquements allégués à la Loi afin de continuer à porter ces enjeux à l’attention des autorités compétentes et de lui permettre d’intervenir lorsqu’il est en mesure de le faire, y compris en émettant des recommandations précises qui demeurent pertinentes en vue de la modernisation de la Loi. Il utilisera tous les pouvoirs dont il dispose pour inciter les institutions fédérales à prendre les mesures positives nécessaires afin d’appuyer le développement des communautés de langue officielle et de promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne.
La décision de la Cour fédérale a des répercussions sur les conclusions que peut tirer le commissaire dans le cadre du traitement des plaintes qui touchent la partie VII de la Loi.
Beaucoup de paroles, peu d’actes
À l’occasion du 40e anniversaire de la Loi, en 2009, le commissaire Graham Fraser, faisait déjà état de la lenteur du progrès accompli depuis plusieurs années en matière de bilinguisme institutionnel au sein de l’administration fédérale. Une décennie plus tard, ce constat est toujours pertinent. Ce plafonnement a également eu des conséquences importantes, particulièrement sur le développement des communautés de langue officielle.
Il appert donc que, malgré leur statut constitutionnel et les avancées jurisprudentielles importantes au fil des années, la pérennité des droits linguistiques est à la merci des priorités changeantes des gouvernements. Bref, bien que le gouvernement et les institutions fédérales souscrivent aux principes de la Loi, les actes ne sont pas toujours à la hauteur des paroles.
Plusieurs enjeux récurrents font toujours obstacle à la pleine mise en œuvre des objectifs de la Loi, dont l’application de manière fragmentée de ses dispositions par les institutions fédérales, en raison notamment de l’ambiguïté et des difficultés d’application de certaines dispositions.
Qui plus est, plusieurs changements ont marqué la société canadienne depuis le dernier examen majeur de la Loi, à la fin des années 1980. Les changements démographiques et identitaires, en grande partie attribuables à l’immigration et à l’exogamie, ou encore l’émergence des nouvelles technologies, utilisées dans les communications et la prestation des services du gouvernement fédéral, en sont de bons exemples. Ces changements témoignent du besoin évident de moderniser la Loi afin qu’elle continue d’être un outil efficace pour la protection et la promotion de la dualité linguistique au Canada.
Les langues officielles dans les médias sociaux
Depuis 2017, le Commissariat a reçu une vingtaine de plaintes portant sur la prédominance de l’anglais dans les comptes de médias sociaux de plusieurs grands aéroports internationaux canadiens, qui sont pourtant tenus de communiquer dans les deux langues officielles. La Loi exige que toutes les communications émanant des institutions fédérales soient publiées simultanément dans les deux langues officielles et soient de qualité égale. Cependant, elle ne précise pas les obligations en matière de communications sur les médias sociaux, comme Twitter, Facebook, Instagram ou YouTube. Aux dires de certains, le caractère interactif des médias sociaux rend parfois difficile l’application des dispositions de la partie IV de la Loi, puisque celle-ci a été créée dans un contexte où les institutions fédérales communiquaient de façon différente.
Les plaintes mettent en évidence un manque de clarté dans l’énoncé de la Loi depuis l’arrivée en scène des nouvelles technologies. Il est donc devenu nécessaire de la moderniser pour assurer sa pertinence et optimiser la conformité des institutions fédérales en lien avec les modes de communication changeants.
De grandes attentes pour une loi moderne
En 2017-2018, le Commissariat a mené des consultations publiques afin d’obtenir l’avis de différents intervenants au sujet de la réforme de la Loi.
Le commissaire se réjouit de l’engouement des consultations en ligne, où quelque 4 200 questionnaires ont été remplis. Une forte majorité des répondants (70 %) croient que la Loi nécessite une mise à jour afin de mieux refléter les réalités d’aujourd’hui. Les thèmes les plus importants dans le contexte de la modernisation de la Loi que la plupart des répondants ont mis en avant-plan comprennent la langue de travail au sein des organismes fédéraux, les langues employées dans les communications et la prestation des services ainsi que l’inclusion des nouvelles technologies.
Les propos recueillis lors des discussions approfondies avec les quelque 300 personnes rencontrées d’un bout à l’autre du pays, dans le cadre de consultations en personne, peuvent être regroupés dans trois grands thèmes : le besoin d’une loi complète et harmonisée, reconnaissant la nature interdépendante de ses parties; le besoin d’une loi plus forte, dotée de mécanismes assurant que ses obligations sont respectées; le besoin d’une loi reflétant les valeurs et les réalités du Canada d’aujourd’hui et de demain. Plusieurs intervenants consultés ont indiqué percevoir un problème de gouvernance et de conformité à la Loi et que celle-ci devrait être soumise à une révision périodique afin d’assurer sa pertinence pour les années à venir.
La vision du commissaire
En décembre 2018, le commissaire a rendu publique sa vision sur la modernisation de la Loi. Plus qu’une simple mise à jour, la modernisation de la Loi doit mener à des résultats qui auront une incidence réelle et tangible sur l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne ainsi que sur la vitalité des communautés de langue officielle. Cette loi modernisée doit reconnaître l’interdépendance de ses parties, notamment les liens intrinsèques qui existent entre la représentation des deux groupes linguistiques au sein de la fonction publique fédérale, les droits en matière de langue de travail, les obligations en matière de communications avec le public et de prestation des services, ainsi que leur incidence plus globale sur les autres parties de la Loi. Cette approche holistique chapeaute les trois piliers sur lesquels repose la vision du commissaire, soit l’obtention d’une loi actuelle, dynamique et robuste.
Les trois dimensions de loi
Une loi actuelle
Une loi modernisée doit, dans tous ses aspects, refléter la société canadienne d’aujourd’hui, ses besoins, mais aussi ses aspirations. La Loi doit aussi valoriser pleinement la dualité linguistique. Ainsi, elle doit être pertinente par rapport au contexte qui nous est propre. Afin d’y parvenir, plusieurs modifications doivent être apportées à différentes parties de la Loi. Le gouvernement doit notamment :
- assurer un meilleur accès, en français et en anglais, au système de justice fédéral;
- veiller à ce que les obligations en matière de communications et de prestation des services soient claires et répondent aux besoins de la population canadienne;
- actualiser les droits et clarifier les obligations en matière de langue de travail dans la fonction publique canadienne;
- élaborer un cadre réglementaire visant à concrétiser son engagement à l’égard des communautés de langue officielle ainsi que celui visant à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage des deux langues officielles.
Une loi dynamique
Une loi modernisée doit être en mesure de s’adapter tant aux nombreux changements observés dans les dernières années qu’à ceux qui se manifesteront dans l’avenir. Cela pourra être accompli notamment en :
- cristallisant, dans la Loi, les principes clés qui ont transformé la manière dont les droits linguistiques sont aujourd’hui interprétés et appliqués, tels que l’égalité réelle, le caractère réparateur des droits linguistiques ou encore le statut quasi constitutionnel de la Loi;
- assurant un texte de loi neutre sur le plan technologique et, par le fait même, sa pertinence au gré de l’évolution des nouvelles technologies;
- garantissant un examen périodique de la Loi.
Une loi robuste
La modernisation de la Loi présente une première occasion, depuis 1988, d’y apporter des changements structurels. Il sera crucial que le gouvernement réfléchisse sérieusement aux changements qui pourraient y être apportés en matière de gouvernance et de conformité. Le prochain chapitre aborde les cinq principes qui sous-tendent la vision du commissaire pour une structure de gouvernance optimale des langues officielles.
Quant à la conformité, la possibilité d’offrir au commissaire aux langues officielles des pouvoirs contraignants avait déjà fait l’objet de débats avant même l’adoption de la Loi de 1988 et a, plus récemment, fait l’objet de recommandations précises par le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, dans son rapport intitulé La mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles par Air Canada : visons l’excellence. En effet, bien que la Loi prévoie déjà de vastes pouvoirs en matière d’enquête et en matière judiciaire, elle n’offre pas suffisamment d’outils en ce qui touche le respect des recommandations émises par le commissaire et la manière d’assurer la conformité des institutions fédérales à leurs obligations.
Plusieurs solutions ont déjà été mises de l’avant afin d’alimenter la réflexion du gouvernement sur cette question, notamment la création d’un tribunal administratif ou encore l’octroi d’outils additionnels que le commissaire pourrait utiliser pour assurer la mise en œuvre de ses recommandations. L’ajout d’un mécanisme de sanctions administratives pécuniaires, en complément à la possibilité de conclure des ententes exécutoires, est aussi évoqué. Cette dernière option vise à encourager une meilleure conformité à la Loi et une plus grande collaboration entre les institutions fédérales et le Commissariat. De plus, les recettes récoltées grâce aux sanctions pourraient être affectées à un fonds pour la dualité linguistique. Toutes ces solutions, parmi d’autres, pourront être évaluées par le Parlement.
Recommandation 1
Le commissaire aux langues officielles recommande au premier ministre du Canada de déposer un projet de loi sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles d’ici 2021.
Chapitre 2 Mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles par les institutions fédérales
En 1969, la première Loi sur les langues officielles comportait des obligations à portée relativement restreinte à certains secteurs particuliers. Les commissaires qui se sont succédé à la tête du Commissariat ont, au fil du temps, entraîné le gouvernement et les institutions fédérales sur d’autres terrains : langue de travail, participation équitable des Canadiens d’expression française et d’expression anglaise dans la fonction publique fédérale, développement des communautés de langue officielle, offre active, etc. Force est cependant de constater que beaucoup de travail reste encore à faire dans le but d’offrir une prestation des services au public qui tienne pleinement compte des obligations en matière d’accessibilité à des services bilingues. Outre un besoin criant de moderniser la Loi, les institutions fédérales doivent également progresser elles-mêmes vers une situation où la conformité à la Loi est le résultat d’une culture et de processus qui tiennent pleinement compte des langues officielles.
Un autre dossier qui préoccupe grandement le commissaire est celui de la modernisation du Règlement sur les langues officielles — communications avec le public et prestation des services. Bien que les modifications proposées au Règlement par le gouvernement fédéral soient un pas dans la bonne direction, le commissaire estime qu’elles ne sont pas assez profondes et qu’elles ne suffisent pas pour refléter les changements démographiques au Canada et protéger les communautés de langue officielle du pays. Selon lui, si le gouvernement ne parvient pas à réviser la Loi et le Règlement comme il se doit en tenant compte des besoins des communautés de langue officielle et des réalités actuelles, il manquera une occasion en or d’affirmer avec force que les droits linguistiques doivent être respectés et protégés.
Quant à la partie V de la Loi, il est préoccupant de constater qu’entre 2008 et 2017, on n’enregistre aucune progression notable pour l’ensemble des questions portant sur les langues officielles dans les résultats du Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux, ce qui laisse à penser que l’appareil fédéral fait trop peu pour s’assurer que les employés fédéraux se sentent à l’aise de travailler et de s’exprimer dans la langue officielle de leur choix. Si nous sommes incapables de parler de progrès après 10 ans, c’est donc qu’il faut parler de stagnation, voire de recul.
Les messages du gouvernement dans le dossier de la langue de travail au sein de la fonction publique fédérale semblent, quant à eux, plutôt contradictoires. D’une part, il affirme faire de la langue de travail une priorité et mobilise la fonction publique autour de cet enjeu, enjeu qui a fait l’objet d’un rapport du greffier du Conseil privé en 2017. D’autre part, il omet d’accorder une priorité équivalente quant à la mise en œuvre des recommandations découlant de ce rapport. En effet, l’échéancier de mise en œuvre s’échelonne sur plusieurs mois, même sur plusieurs années.
Par ailleurs, un nombre très élevé de plaintes concernant les exigences linguistiques des postes dans la fonction publique fédérale continuent d’affluer. Les enquêtes révèlent un manque de connaissance systémique de la part des institutions fédérales du processus d’établissement des exigences linguistiques des postes lors des processus de dotation. Il est donc impératif que des mesures soient prises par le gouvernement et les institutions fédérales pour remédier à ce problème majeur dans les plus brefs délais.
Le Modèle de maturité des langues officielles, élaboré par le Commissariat, pourra faciliter le suivi de l’évolution des institutions fédérales en ce qui a trait aux problèmes plus systémiques, en leur permettant de cerner les obstacles organisationnels qui entravent la pleine réalisation de leurs obligations prévues par la Loi. Il est également primordial que les institutions fédérales progressent et se responsabilisent en se dotant de moyens pour s’attaquer efficacement à certains problèmes de conformité récurrents. Cet outil leur permettra notamment de prendre des mesures adaptées à leurs réalités et à leurs besoins particuliers.
Vers le bilinguisme institutionnel
Lorsque Keith Spicer, le premier commissaire aux langues officielles du Canada, est nommé, en 1970, il sait que son parcours sera parsemé d’adversité et de nombreuses embûches. Il comprend qu'il sera difficile d'aider à réaliser le bilinguisme institutionnel requis par la Loi sur les langues officielles de 1969 et de convaincre les Canadiens, et les employés fédéraux en particulier, qu’il est non seulement dans leur propre intérêt et dans celui du pays d’y parvenir, mais que cet objectif ambitieux est également juste et réalisable.
Les commissaires d’hier et d’aujourd’hui ont continué à tendre vers cet objectif et ont reconnu que la promotion de la dualité linguistique fait partie intégrante de la protection des droits linguistiques – la promotion et la protection faisant partie de l’ADN du Commissariat. En effet, la promotion crée une prise de conscience des droits linguistiques et des raisons sociologiques et pratiques qui les sous-tendent. Elle vise aussi une compréhension accrue chez les communautés majoritaires et renforce la volonté politique nécessaire pour protéger et accroître les droits linguistiques, y compris les droits des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Depuis l’adoption de la Loi sur les langues officielles en 1969, les commissaires ont entraîné le gouvernement et les institutions fédérales sur d’autres terrains que ceux envisagés alors. La Loi de 1988 intègre plusieurs des principes mis de l’avant au cours des 20 premières années : l’offre active, la langue de travail, la participation des francophones et des anglophones ainsi que la promotion de la dualité linguistique dans la société canadienne et l’appui aux communautés de langue officielle. Dans une large mesure, la mise en œuvre de ces principes pose problème depuis, par exemple l’offre active n’est pas généralisée et la culture de la fonction publique ne favorise pas assez souvent le travail des employés fédéraux dans la langue officielle de leur choix.
Les défis récurrents du service au public
Certaines plaintes logées au Commissariat témoignent des problèmes importants qui persistent au sein de certaines institutions fédérales et du fait que celles-ci se doivent de continuer à améliorer leurs processus pour tenir pleinement compte de leurs obligations en matière de langues officielles. C’est une question de culture, de leadership et de volonté.
Par exemple, une enquête terminée en mars 2019 a été menée à la suite de la réception de plaintes au sujet de conférences de presse de la Gendarmerie royale du Canada tenues en anglais seulement ou dont le contenu n’était pas équivalent dans les deux langues officielles. Ces conférences de presse visaient à informer la population canadienne des constats à la suite d’événements d’envergure touchant la sécurité nationale. L’information communiquée se devait donc d’être de qualité égale dans les deux langues officielles pour s’adresser aux membres des deux groupes linguistiques. Pourtant, ce n’est pas la première fois que des enquêtes sont menées sur l’enjeu du bilinguisme lors de conférences de presse à la suite d’événements d’envergure nationale.
L’institution fédérale n’est toutefois pas la seule à éprouver de telles difficultés de conformité. Des problèmes semblables ont été observés au sein d’autres institutions, comme Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada ainsi que l’Agence des services frontaliers du Canada, en ce qui a trait à l’absence d’offre active ou à leurs difficultés à communiquer et à offrir des services de qualité égale dans les deux langues officielles. Bien que ces problèmes aient déjà fait l’objet de recommandations dans le passé, ils persistent.
Entre 2016 et 2018, le Commissariat a reçu quatre nouvelles plaintes contre Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada concernant la non-disponibilité, dans les deux langues officielles, de différents services dans plusieurs centres de réception des demandes de visa partout dans le monde. Ces centres sont gérés par VFS Global, une entreprise privée. En 2018, le commissaire a conclu, tout comme ses prédécesseurs, que les centres sont des tiers, au sens de l’article 25 de la Loi, car ils agissent pour le compte de l’institution. Ainsi, aux termes de la Loi, les services offerts par les centres de réception des demandes de visa doivent être fournis dans les deux langues officielles, et ce, peu importe la demande ou la région concernée. Le commissaire enjoint l’institution fédérale à prendre ses responsabilités et espère que le suivi des recommandations qu’il effectuera démontrera leur mise en œuvre. Il en va de l’image du Canada à l’étranger.
Par ailleurs, dans certaines régions, il est difficile pour le public voyageur d’être certain de la langue officielle dans laquelle ses interactions avec des agents des services frontaliers se dérouleront – ce qui peut représenter une source d’inconfort, voire d’anxiété. La capacité bilingue déficiente de l’Agence des services frontaliers du Canada à cet égard est au cœur du problème. Le suivi de la vérification de la prestation des services bilingues aux voyageurs par l’institution aux postes d’entrée aux aéroports et aux frontières terrestres, mené en 2018, a permis de le constater. Bien que de nombreuses mesures aient été mises en place par l’institution en réponse aux recommandations formulées dans le rapport de vérification de 2015, notamment en matière de recrutement et de formation linguistique, aucun résultat probant n’est visible pour ce qui est de la capacité de l’organisation à fournir un service de qualité égale dans les deux langues officielles aux points d’entrée désignés bilingues. En effet, malgré les recommandations formulées dans le rapport de vérification en 2015 et les engagements subséquents pris par l’institution, le nombre de surintendants bilingues et la proportion d’agents des services frontaliers bilingues n’a pas augmenté dans l'ensemble du pays depuis 2015.
Une barrière à l’exercice du droit de vote
Encore aujourd’hui, les électeurs canadiens n’ont aucune garantie d’obtenir des services dans la langue officielle de leur choix lorsqu’ils se présentent pour exercer l’un des droits fondamentaux constituant la base de notre démocratie, soit leur droit de voter aux élections. Bien qu’Élections Canada ait réalisé certains progrès, les plaintes reçues par le Commissariat portent à croire que l’institution éprouve de grandes difficultés à respecter ses obligations prévues par la Loi, difficultés qui vont au-delà de la différence d’interprétation de la Loi qui demeure entre le Commissariat et Élections Canada en ce qui a trait aux obligations de l’institution fédérale d’offrir des services aux électeurs dans les deux langues officielles. Le commissaire soutient qu’Élections Canada est soumis à des obligations partout au Canada, tandis que l’institution est d’avis qu’elle est assujettie à ces obligations seulement dans les endroits où la demande pour des services dans la langue officielle de la minorité linguistique est importante. Malgré tous les efforts déployés par le Commissariat par l’entremise de ses enquêtes, d’une vérification et d’un suivi de vérification, des plaintes ont été reçues lors de la dernière élection partielle dans la circonscription fédérale d’Ottawa-Vanier en 2017, une circonscription ayant une forte proportion de personnes qui parlent la langue de la minorité et où recruter du personnel bilingue ne devrait pas poser problème. Le vote est l’un des moyens dont disposent les Canadiens pour influencer le processus décisionnel d’un gouvernement. Élections Canada doit donc s’assurer que les électeurs peuvent exercer leur droit de vote, et ce, dans la langue officielle de leur choix.
État actuel des langues officielles au sein de la fonction publique
Que ce soit dans le nombre de plaintes que le Commissariat continue de recevoir ou par nos observations au cours des dernières années, le constat est le même. Un important travail reste à faire afin que les droits et les obligations linguistiques soient entièrement intégrés à la culture et aux processus de la fonction publique et que les institutions fédérales y adhèrent pleinement.
Les plaintes sont un des indicateurs de rendement d’une institution fédérale. Le Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux, quant à lui, est une source d’information importante en ce qui a trait à la satisfaction des employés fédéraux, notamment en matière de langue de travail. À titre d’exemple, depuis 2008, les quatre sondages menés indiquent que de 91 à 93 % des employés anglophones et seulement de 67 à 68 % des employés francophones se sentent à l’aise de rédiger dans la langue officielle de leur choix – l’écart entre la satisfaction des francophones par rapport à celle de leurs collègues anglophones plafonne donc à 25 % depuis 10 ans.
Les réponses aux questions sur les réunions dénotent elles aussi un écart important et constant entre le taux de satisfaction des employés fédéraux francophones et celui des employés fédéraux anglophones, quant à la liberté de s’exprimer dans la langue officielle de leur choix lors des réunions. Les droits de rédiger et de s’exprimer dans les réunions dans la langue officielle de son choix sont des droits individuels en matière de langue de travail. Les écarts marqués et récurrents dénotent un manque d’engagement de la part de la haute gestion envers le respect de ces droits.
Exigences linguistiques des postes : problème systémique cerné, solution systémique requise
Le respect de la dualité linguistique dans la fonction publique fédérale est au cœur des préoccupations du commissaire, particulièrement lorsqu’il s’agit de s’assurer que les droits linguistiques des employés fédéraux sont respectés et que les membres du public ont accès à des services de qualité égale dans les deux langues officielles. Cela requiert que le personnel de la fonction publique du Canada possède les compétences linguistiques requises en fonction de leurs postes.
Or, depuis 2014, les commissaires aux langues officielles ont réalisé plus de 500 enquêtes concernant les exigences linguistiques des postes en vertu de l’article 91 de la Loi, touchant au-delà de 30 institutions fédérales. Il s’agit d’un problème systémique au sein de la fonction publique fédérale. Le Commissariat effectue présentement une analyse approfondie de cette question afin d’émettre des recommandations qui viseront à remédier à cet enjeu. Entre-temps, il est impératif que les institutions fédérales reconnaissent leur rôle et leurs responsabilités et prennent des mesures concrètes afin de s’assurer d’établir les exigences linguistiques des postes de manière objective en tout temps.
Suivi des recommandations du greffier sur la langue de travail
Le Comité des sous-ministres adjoints sur les langues officielles se penche actuellement sur le suivi de la mise en œuvre des recommandations contenues dans le rapport sur la langue de travail dans la fonction publique fédérale que le greffier du Conseil privé a publié en 2017. Toutefois, leur tâche est quelque peu compliquée du fait que l’échéancier de mise en œuvre des recommandations s’échelonne sur plusieurs mois, voire plusieurs années. En effet, 10 des 14 recommandations du greffier ne seront mises en œuvre qu’en 2021 ou après, alors que le travail de terrain et la rédaction du rapport ont eu lieu en 2016-2017. Avec un échéancier qui s’échelonne de la sorte, il va sans dire que le mouvement perd un peu de son élan. Il est néanmoins important que, malgré l’échéancier, les institutions fédérales s’activent en vue de mettre en œuvre les recommandations.
Avant-projet de Règlement sur les langues officielles — communications avec le public et prestation des services
En novembre 2016, le gouvernement a annoncé qu’il réviserait le Règlement. Plusieurs rencontres ont eu lieu par la suite entre des représentants du Commissariat et du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada pour discuter de l’avancement de l’examen. En mai 2018, le commissaire a déposé un rapport spécial au Parlement recommandant une approche fondée sur des principes en vue de la modernisation du Règlement. Le gouvernement a déposé son avant-projet de Règlement devant le Parlement en octobre 2018.
En décembre 2018, le commissaire a émis un communiqué de presse et a écrit à la ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie de même qu’au président du Conseil du Trésor pour leur faire part de son analyse de l’avant-projet de Règlement et leur exposer trois enjeux en particulier qui devraient être abordés pendant qu’il est encore temps.
Enjeux dans un contexte de gouvernement ouvert
Grâce aux nouvelles technologies, les institutions fédérales peuvent désormais s’engager dans des dialogues instantanés et continus avec le public. L’utilisation accrue des outils de collaboration en ligne et des réseaux sociaux pour faire participer la population aux grands débats et projets gouvernementaux en est un exemple saisissant. Les institutions fédérales peuvent aussi diffuser par voie électronique des données, de l’information et des documents de façon proactive; une possibilité qui n’existait pas auparavant.
Ces nouvelles possibilités, dans diverses initiatives visant à atteindre un gouvernement plus ouvert, offrent une transparence et une accessibilité sans pareil, tout en soulevant des préoccupations en lien avec les langues officielles.
La quantité et la nature des informations et des documents rendus disponibles dans le cadre d’un gouvernement ouvert devraient, conformément à l’esprit de la Loi, faire progresser l’égalité de statut du français et de l’anglais.
Le gouvernement du Canada joue d’ailleurs un rôle de premier plan dans la promotion d’un gouvernement ouvert inclusif qui favorise l’utilisation des deux langues officielles. Les institutions fédérales ont également leur part de responsabilité, soit celle de placer les deux langues officielles au cœur de cette nouvelle réalité.
Un plan d’action pour le gouvernement ouvert
Le commissaire remarque que le Plan d’action national du Canada pour un gouvernement ouvert de 2018-2020, publié en décembre 2018 par le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, prévoit la mise à l’essai de nouvelles technologies afin d’améliorer l'accessibilité et la disponibilité des documents dans les deux langues officielles.
Ce plan prévoit également la création d’un conseil consultatif national indépendant sur la pauvreté pour fournir des conseils au ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social. Le conseil se voudra représentatif de la diversité canadienne en termes de sexe, d'origine ethnique, de régions, de peuples autochtones et de langues officielles.
Le Canada copréside l’initiative internationale Partenariat pour un gouvernement ouvert d’octobre 2018 à septembre 2019. Fort de ses trois priorités que sont l’inclusion, la participation et l’incidence, il a ainsi une véritable occasion de faire preuve de leadership en matière de langues officielles et de gouvernement ouvert à l’international. Le gouvernement peut accomplir cela en :
- travaillant avec les membres du Partenariat pour un gouvernement ouvert afin de s’assurer que tous les événements du Partenariat au Canada, y compris tous les documents fournis aux participants, sont bilingues;
- incluant la question des langues officielles dans le programme du sommet mondial du Partenariat qui se tiendra à Ottawa en 2019 – une excellente occasion pour le Canada de relier le contexte de gouvernement ouvert au 50e anniversaire de la Loi;
- intégrant les langues officielles dans sa stratégie internationale de gouvernement ouvert.
Qualité des services à l’ère du numérique
En plein virage technologique, il est primordial que les institutions fédérales continuent d’améliorer leurs services dans les deux langues officielles, composante essentielle d’un service de qualité. Bien que le téléphone et le service en personne conservent une place importante dans l’offre de services, l’information est de plus en plus diffusée et accessible à l’aide de divers moyens (site Web, applications mobiles, clavardage en ligne) et sur les médias sociaux (Twitter, Facebook, LinkedIn, etc.), d’où l’importance de s’assurer que le choix des plateformes technologiques ne prime pas sur la qualité et l’égalité des services dans les deux langues officielles. Le Commissariat a reçu plusieurs plaintes en lien avec cette nouvelle réalité.
La sécurité publique dans les deux langues officielles
Depuis mai 2018, le Commissariat a reçu 60 plaintes à l’encontre du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, de Sécurité publique Canada et d’Environnement et Changement climatique Canada concernant le système national d’alertes d’urgence au public. Le 9 mai 2018, lors de la période d’essai d'alertes d’urgence envoyées sur les appareils mobiles dans huit provinces et deux territoires, les alertes n’étaient diffusées qu’en anglais, bien que leurs titres étaient dans les deux langues officielles. Des problèmes similaires ont aussi été rapportés lors d’une deuxième période d’essai d’alertes d’urgence en novembre 2018. D’autres plaintes ont également été déposées lors des tornades qui ont dévasté la grande région d’Ottawa-Gatineau le 21 septembre 2018.
La Loi prévoit les obligations des institutions fédérales de veiller à ce que les communications et les services ayant trait à la santé et à la sécurité du public soient dans les deux langues officielles. Dans un contexte où les menaces existent, les risques encourus par la diffusion d’alertes d’urgence dans une seule des langues officielles ou dans un français ou un anglais incompréhensible représentent un danger pour la sécurité des Canadiens. Comme le système d’alertes est d’envergure nationale, les Canadiens s’attendent à ce que tous les ordres de gouvernement impliqués travaillent ensemble afin que leur santé et leur sécurité soient prises en compte en tout temps lors de l’émission de messages d’alertes d’urgence, peu importe où ils se trouvent au pays, et que ces messages soient dans les deux langues officielles. Le commissaire a les mêmes attentes que les Canadiens, car, lorsqu’il s’agit de la santé et de la sécurité des personnes, il n’y a aucun compromis possible.
Gouvernance en matière de langues officielles
Il existe des préoccupations majeures quant aux lacunes touchant la structure de gouvernance actuelle en matière de langues officielles au sein de l’appareil fédéral. Une meilleure coordination doit être mise en place, ainsi que des mécanismes de reddition de comptes et de surveillance, afin d’assurer une responsabilisation accrue des institutions fédérales qui ne se conforment pas aux dispositions de la Loi et, plus généralement, une plus grande transparence. À l’heure actuelle, le seul mécanisme de reddition de comptes qui existe pour les institutions fédérales est une autoévaluation. La lecture de ces autoévaluations, dont certaines sont rédigées dans un jargon bureaucratique imprécis, donne parfois l’impression que les institutions fédérales ne rapportent pas l’ensemble des problèmes de conformité ou qu’elles ne disposent pas des outils ou de l’expertise nécessaires pour les détecter, et ce, au détriment d’une véritable transparence. De plus, depuis le début de 2010, la coordination de l’engagement fédéral en matière de langues officielles n’est plus sous la responsabilité d’un organisme central. Autre que le Commissariat, un agent du Parlement indépendant, aucune autre institution fédérale n’a de compétence globale en matière de surveillance des enjeux liés aux langues officielles.
Plus de soutien de la part du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada
Nous avons besoin de la participation active et de l’apport de tous les joueurs autour de la table pour atteindre les objectifs de la Loi et continuer à faire progresser le dossier des langues officielles. Dans cette optique, le commissaire incite le Secrétariat du Conseil du Trésor à jouer un rôle accru en fournissant un encadrement continu aux institutions fédérales, particulièrement à celles nouvellement créées qui ne sont pas encore au fait de leurs obligations en matière de langues officielles, afin de les aider à s’y conformer. Les exemples qui suivent démontrent bien que le besoin de revoir et d’améliorer la gouvernance en matière de langues officielles, y compris la planification, le soutien et la surveillance, ne date pas d’hier.
En juin 2010, le Musée canadien de l’immigration du Quai 21 devient un musée national et fait dorénavant partie de l’administration fédérale. À titre de sociétés d’État, les musées nationaux doivent prendre en compte les priorités et les objectifs des politiques gouvernementales en vigueur, comme celles sur les langues officielles et l’équité en matière d’emploi. Force est cependant de constater que, plus de six mois après sa désignation comme musée national, l’institution n’avait toujours pas reçu les directives et l’encadrement attendu de la part du Secrétariat du Conseil du Trésor quant à ses nouvelles obligations en matière de langues officielles, notamment en ce qui touche l’offre active, la prestation des services et les communications avec le public.
Plus récemment, des plaintes ont été reçues à l’encontre de la Banque de l’infrastructure du Canada, une nouvelle institution créée le 22 juin 2017 et située à Toronto, au sujet de l’absence de service au public dans les deux langues officielles. Le public aurait bénéficié d’un meilleur service de la part de la Banque de l’infrastructure du Canada si celle-ci avait reçu un encadrement plus étroit de la part du Secrétariat du Conseil du Trésor.
Nous constatons que le soutien offert par cet organisme central se limite trop souvent à l’existence passive de ses politiques sur les langues officielles. Le commissaire invite le Secrétariat du Conseil du Trésor à jouer un rôle plus actif auprès des institutions fédérales, notamment celles nouvellement créées, afin de les aider à satisfaire à leurs obligations en matière de langues officielles. Cela permettra au Secrétariat du Conseil du Trésor de se conformer à son tour à ses propres obligations prévues par la Loi. Rappelons que l’institution est chargée de l’élaboration et de la coordination générale des principes et des programmes fédéraux d’application des parties IV, V et VI dans les institutions fédérales aux termes de l’article 46 de la Loi.
En matière de gouvernance, la Loi identifie le Conseil du Trésor comme étant responsable de coordonner et d’élaborer des principes et des programmes fédéraux qui se rapportent aux obligations découlant des parties IV, V et VI, et identifie le ministre du Patrimoine canadien comme devant susciter et encourager la coordination de la mise en œuvre de la partie VII. Cette structure législative soulève différents problèmes, plus particulièrement pour une loi dont l’atteinte des objectifs exige une application horizontale.
Différents modèles peuvent contribuer à créer une structure législative robuste; il serait ainsi difficile de proposer une solution unique. Le commissaire est néanmoins d’avis qu’une gouvernance optimale doit s’appuyer sur des principes clairs. Il propose donc cinq principes qui pourront aider le gouvernement dans sa réflexion vers une nouvelle structure de gouvernance des langues officielles :
- Établir une direction et un leadership clairs à partir des plus hauts échelons de l’appareil fédéral;
- Instaurer un cadre redditionnel cohérent;
- Placer les langues officielles au cœur des priorités, de la planification et des activités gouvernementales;
- Pratiquer une bonne gestion des langues officielles;
- Parer aux reculs en assurant la progression continue vers l’égalité réelle des langues officielles.
Recommandation 2
Le commissaire aux langues officielles recommande au premier ministre du Canada de clarifier, d’ici la fin de l’exercice financier 2019-2020, les rôles et les responsabilités en matière de langues officielles au sein de l’appareil fédéral en tenant compte des cinq principes suivants pour assurer une structure de gouvernance optimale des langues officielles :
- Établir une direction et un leadership clairs à partir des plus hauts échelons de l’appareil fédéral;
- Instaurer un cadre redditionnel cohérent;
- Placer les langues officielles au cœur des priorités, de la planification et des activités gouvernementales;
- Pratiquer une bonne gestion des langues officielles;
- Parer aux reculs en assurant la progression continue vers l’égalité réelle des langues officielles.
Le Modèle de maturité des langues officielles au service des institutions fédérales
Dans la foulée du 50e anniversaire de la Loi et de la révision en vue de la moderniser, le Modèle de maturité des langues officielles du Commissariat est une approche moderne qui permettra, grâce à son outil numérique en ligne, de suivre l’intégration des langues officielles au sein des institutions fédérales de façon plus horizontale et intégrée. Bien que des modèles de maturité similaires aient été utilisés dans d’autres domaines, l’outil proposé par le Commissariat et élaboré en consultation avec les institutions fédérales, sera le premier exemple connu à être utilisé dans le domaine des langues officielles.
Cet outil permettra à l’institution de déterminer dans quelle mesure les langues officielles sont intégrées dans toutes les différentes sphères de l’organisation, notamment la planification stratégique et opérationnelle, les pratiques en matière de ressources humaines et la prestation des services. Les institutions fédérales qui l’utiliseront seront mieux outillées pour cerner leurs forces, leurs faiblesses et ce qu’elles doivent faire pour s’améliorer. Une fois le diagnostic posé, les institutions devront mettre en place des mesures précises et adaptées pour progresser. En d’autres mots, le modèle de maturité leur fournit une marche à suivre vers l’amélioration continue.
Grâce au Modèle de maturité des langues officielles, toutes les institutions fédérales et tous les joueurs au sein de ces dernières auront le même cadre de référence et partageront une vision commune. Toutes les institutions fédérales pourront utiliser cet outil pour examiner leurs processus, effectuer leurs propres examens diagnostiques et suivre leurs progrès. Les autodiagnostics d’un certain nombre d’institutions choisies seront validés par le Commissariat chaque année. Au bout de cycles de trois à cinq ans, ces données lui permettront de dresser un portrait global de la situation des langues officielles au sein du gouvernement fédéral.
Le Modèle de maturité des langues officielles fournit une occasion de mettre en valeur les meilleures pratiques, de récompenser un leadership fort, de mieux comprendre les réalités organisationnelles et de permettre des interventions plus ciblées. C’est une autre façon pour le gouvernement de recueillir des données probantes sur les langues officielles et de responsabiliser les institutions fédérales.
Chapitre 3 Plan d’action pour les langues officielles
Le tout premier plan d’action pour les langues officielles voit le jour en 2003, lorsque le gouvernement fédéral de l’époque s’engage formellement à inclure au cœur de son mandat la promotion de la dualité linguistique canadienne, tant au sein de l’appareil fédéral que de la société en général, et à se donner les moyens pour y arriver. Ce plan d’action est le seul à comprendre un volet visant à améliorer la culture organisationnelle de la fonction publique. Les gouvernements successifs ont présenté trois plans d’action subséquents au cours des 15 dernières années, prévoyant des investissements et une série de mesures visant notamment à favoriser le développement des communautés de langue officielle.
Le commissaire salue le plus récent plan d’action du gouvernement fédéral, qui témoigne de son engagement renouvelé pour les langues officielles. Il souligne par ailleurs l’importance d’une approche coordonnée, ouverte et transparente dans la mise en œuvre des différentes mesures contenues dans le plan d’action. Il encourage également le gouvernement à utiliser davantage de moyens pour promouvoir la dualité linguistique, lesquels, jumelés avec les mesures et les initiatives proposées dans le plan d’action actuel, auront une incidence réelle et tangible sur l’épanouissement des communautés de langue officielle.
Le premier plan d’action
Le plan d’action pour les langues officielles 2003-2008, intitulé Le prochain acte : un nouvel élan pour la dualité linguistique canadienne, investissait un total de 1,9 milliard de dollars sur cinq ans dans trois domaines prioritaires : l’éducation, le développement des communautés de langue officielle et la fonction publique. Ainsi, des fonds étaient alloués à d’ambitieux objectifs visant à doubler, sur une période de 10 ans, la proportion de jeunes âgés de 15 à 19 ans qui connaissent leur seconde langue officielle. Une partie des investissements ciblait aussi le développement des communautés de langue officielle, notamment en matière de soins de santé et d’immigration. Et d’autres fonds étaient affectés à l’amélioration de la culture organisationnelle de la fonction publique. Peut-être plus important que les fonds eux-mêmes, le premier plan d’action comportait un cadre redditionnel sans précédent. Le Cadre d’imputabilité et de coordination des langues officielles conférait au président du Conseil privé de la Reine et ministre des Affaires intergouvernementales un rôle de coordination de la mise en œuvre du plan d’action et définissait les modalités d’exécution, les rôles et responsabilités, les mécanismes de coordination de la politique et une stratégie de communication commune. Ces éléments n’ont malheureusement pas été intégrés dans les plans d’action subséquents.
La genèse du plan d’action
Dans son discours du Trône de janvier 2001, le gouvernement du Canada a pris l’engagement formel de faire de la promotion de la dualité linguistique canadienne l’une des priorités de son mandat. Le premier ministre de l’époque a demandé au président du Conseil privé de la Reine et ministre des Affaires intergouvernementales de coordonner la politique des langues officielles du gouvernement, de présider un groupe de ministres et d’envisager de nouvelles mesures robustes qui continueraient d’assurer l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire et de faire en sorte que les langues officielles du Canada soient mieux reflétées dans la culture de la fonction publique fédérale. D’où l’émergence d’un tout premier plan d’action pour les langues officielles.
Les suivants
La Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne 2008-2013 : agir pour l’avenir prévoyait un investissement total de 2,2 milliards de dollars pour favoriser la participation des Canadiens à la dualité linguistique et appuyer les communautés de langue officielle. Cette stratégie fédérale portait sur cinq secteurs prioritaires : la santé, la justice, l’immigration, le développement économique ainsi que les arts et la culture.
Cette feuille de route n’était toutefois pas assortie d’un cadre redditionnel et elle ne contenait aucune initiative pour la fonction publique. Elle ne fixait pas non plus de cibles précises pour guider les institutions fédérales dans leurs interventions.
La Feuille de route pour les langues officielles du Canada 2013-2018 : Éducation, immigration, communautés maintenait les investissements à 2,2 milliards de dollars sur cinq ans. Ce plan quinquennal ne prévoyait pas de fonds pour la recherche, mettait fin au financement du projet pilote de l’École de la fonction publique du Canada, dans le cadre duquel de la formation et des tests linguistiques étaient offerts aux étudiants universitaires pour qu’ils puissent acquérir les compétences linguistiques nécessaires avant d’entrer à la fonction publique, et réduisait de façon importante le financement de l’éducation.
Le plus récent plan d’action
Le Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir, dévoilé en mars 2018, prévoit 500 millions de dollars supplémentaires, pour un investissement total de 2,7 milliards de dollars sur cinq ans, ce qui représente la plus grande somme affectée à l’appui et à la promotion des langues officielles. Ce plan contient plus de 15 nouvelles mesures, regroupées sous trois piliers : 1) Renforcer nos communautés; 2) Renforcer l’accès aux services; 3) Promouvoir un Canada bilingue. Il ne contient cependant toujours pas de cadre redditionnel ou d’autorité centrale pouvant coordonner avec efficacité l’action du gouvernement.
Ligne du temps plan d'action
Les bons coups
Le gouvernement fédéral dit s’être basé sur les résultats des consultations pancanadiennes menées en 2016 dans le cadre de l’élaboration de son nouveau plan d’action. Cela peut expliquer les nouveaux investissements directement liés aux besoins particuliers des communautés de langue officielle. Le commissaire salue cette approche et souligne l’importance de l’ouverture et de la flexibilité du gouvernement vis-à-vis des défis particuliers auxquels fait face chaque communauté de langue officielle. Il applaudit notamment l’augmentation du financement de base pour les organismes au service des communautés de langue officielle ainsi que la décision de la ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie d’augmenter le financement des organismes de 20 % durant la première année de la mise en œuvre du plan d’action. Ces sommes offrent un soutien indispensable aux organismes qui sont depuis longtemps au service de leurs communautés, et ce, sans relâche malgré des situations financières difficiles.
La création d’un fonds spécial pour les communautés anglophones du Québec est également importante à souligner. Les communautés anglophones font face à une réalité bien distincte de celle des communautés francophones à l’extérieur du Québec et ont des priorités qui leur sont propres. Il était temps que le gouvernement fédéral en tienne compte dans la conception des initiatives visant à contribuer à la vitalité des communautés de langue officielle.
Le commissaire est également satisfait que des sommes allouées au développement de la petite enfance aient été réintroduites dans le plan d’action. Le développement de la petite enfance est le point de départ du continuum en éducation et, à ce titre, est d’une importance première pour assurer l’épanouissement des communautés de langue officielle. L’absence d’investissements destinés en particulier à ce domaine dans la Feuille de route 2013-2018 a nui aux efforts des communautés d’accroître la transmission de la langue chez les tout-petits, alors qu’il existe un manque criant de ressources dans ce domaine partout à l’extérieur du Québec. Les nouveaux investissements annoncés, combinés aux investissements prévus dans le Cadre multilatéral d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, sont des plus bienvenus.
Et les défis
Les intervenants communautaires sont impatients de connaître la manière dont les fonds du Plan d’action 2018-2023 seront distribués et de savoir comment les initiatives financées mèneront à des résultats tangibles pour les communautés de langue officielle. Les détails concernant les modalités de programmes et de financement sont également très importants. Il incombe au gouvernement fédéral d’adopter une approche souple et transparente concernant les modalités de mise en œuvre des programmes, notamment en ce qui a trait au processus de demande de subventions, à ses normes de services et aux mécanismes de reddition de comptes. Il est également primordial qu’il maintienne un dialogue ouvert et clair avec les communautés de langue officielle à cet égard.
Alors que ce plan d’action contient beaucoup d’investissements positifs, des préoccupations quant à la lenteur de l’octroi de fonds ont déjà été soulevées par certains organismes. Le commissaire incite le gouvernement fédéral à verser les sommes destinées aux communautés de langue officielle aussi vite que possible afin de ne pas nuire à leur développement.
En matière de reddition de comptes
Depuis 2003, un nombre limité de ministères fédéraux ont été ciblés dans les divers plans d’action et feuilles de route annonçant des investissements financiers importants en matière de langues officielles de la part du gouvernement fédéral. Bien que ce financement soit essentiel, il est important de rappeler qu’il ne constitue pas tout l’appui du gouvernement fédéral en matière de langues officielles. Le commissaire s’attend à ce que le gouvernement élabore et rende public un cadre redditionnel avec des mécanismes rigoureux d’évaluation des résultats pour les institutions fédérales jouant un rôle dans le cadre du Plan d’action 2018-2023.
Au-delà des initiatives et des programmes énumérés dans les plans d’action, il est important de rappeler que les institutions fédérales doivent s’assurer de prendre en compte les besoins particuliers des communautés de langue officielle dans le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre de leurs programmes courants.
Plus que du financement
Il ne fait aucun doute que le nouveau Plan d’action 2018-2023 témoigne de l’engagement du gouvernement fédéral à l’égard du développement et de la vitalité des communautés de langue officielle. Ces importants investissements financiers contribueront certainement à répondre à plusieurs des besoins et des enjeux identifiés par les communautés. Cependant, l’engagement du gouvernement ne peut se limiter aux initiatives énoncées dans ce plan d’action qui touchent seulement une dizaine d’institutions fédérales. En effet, la partie VII de la Loi indique que toutes les institutions fédérales doivent prendre des mesures positives pour mettre en œuvre cet engagement. Bien entendu, ces mesures positives ne prennent pas toujours la forme d’un appui financier, mais toutes les institutions doivent tenir compte de cet engagement dans le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre de leurs programmes et de leurs politiques.
Le Commissariat continuera donc à surveiller de près la façon dont les institutions fédérales s’acquittent de leurs obligations prévues à la partie VII de la Loi.
Préoccupations quant aux ententes fédérales-provinciales-territoriales
Les intervenants provinciaux, territoriaux et communautaires déplorent un manque de clarté de la part du gouvernement fédéral quant au rôle de chaque ordre d’intervenants dans le domaine des langues officielles. Lors des consultations sur la modernisation de la Loi, le flou entourant les ententes fédérales-provinciales-territoriales a souvent été évoqué, tant en ce qui a trait à la transparence et à la reddition de comptes qu’aux clauses linguistiques s’y rattachant. Les communautés de langue officielle ont également soulevé l’importance que ces ententes tiennent compte de leurs besoins. Plusieurs ont cité en exemple le Programme des langues officielles en enseignement, au sujet duquel nous avons d’ailleurs reçu des plaintes. Dans le cadre de ce programme, le gouvernement fournit une aide financière pour appuyer l’éducation dans la langue de la minorité et l’apprentissage de la langue seconde, par l’entremise d’ententes de collaboration entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires.
Entente stratégique en éducation
Le commissaire applaudit les efforts des communautés de langue officielle qui, dans le cadre de la renégociation du Programme des langues officielles en enseignement, ont trouvé une façon novatrice de faire reconnaître leurs besoins en matière d’éducation, soit avec la signature de la toute première entente stratégique en éducation en juillet 2017. Cette entente a été signée par Patrimoine canadien et divers organismes au service des communautés de langue officielle, à savoir la Fédération nationale des conseils scolaires francophones, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada et la Commission nationale des parents francophones. Selon cette entente, le gouvernement fédéral doit, en négociant un nouveau protocole d’entente de financement avec les provinces, préconiser une meilleure consultation des communautés de langue officielle. Les provinces, par contre, ne sont aucunement liées par cette entente.
Ces revendications sont nécessaires et importantes, mais elles demeurent vaines si elles ne réussissent pas à garantir la collaboration des parties qui détiennent l’ultime responsabilité de mettre en œuvre les ententes, soit les provinces.
Recommandation 3
Le commissaire aux langues officielles recommande à la ministre des Langues officielles, lors de la conclusion d’ententes qui concernent directement les communautés de langue officielle en situation minoritaire, comme celles conclues dans le cadre du Protocole d’entente relatif à l’enseignement de la langue de la minorité et à l’enseignement de la langue seconde, de :
- considérer l’ajout de clauses précises obligeant les provinces et territoires à consulter les communautés de langue officielle en situation minoritaire et à tenir compte de leurs besoins;
- clarifier les clauses linguistiques s’y rattachant et de les assortir de mécanismes de transparence permettant au gouvernement fédéral de mesurer la conformité des provinces et territoires.
La mise en œuvre du Plan d’action 2018-2023 figurant parmi les trois axes d’intervention prioritaires du Commissariat d’ici 2025, le commissaire portera donc une attention particulière à ce dossier et interviendra au besoin auprès des institutions fédérales responsables afin de s’assurer que le gouvernement demeure redevable et atteigne ses objectifs.
Recommandation 4
Afin que les mesures et les initiatives proposées dans le Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir aient une incidence réelle et tangible sur le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire, le commissaire aux langues officielles recommande à la ministre des Langues officielles :
- d’élaborer et de rendre public, d’ici juin 2020, un cadre redditionnel doté de mécanismes rigoureux d’évaluation des résultats pour les institutions fédérales jouant un rôle dans le cadre du plan d’action;
- d’adopter une approche transparente concernant les modalités de mise en œuvre des investissements contenues dans le plan d’action.
Chapitre 4Données sur les plaintes recevables (2018-2019)
Le présent chapitre propose une vue d’ensemble des plaintes recevables traitées par le Commissariat au cours de l’année 2018-2019.
Figure 1
Répartition des plaintes recevables en 2018-2019 selon la partie ou l’article de la Loi sur les langues officielles
Tableau 1Plaintes recevables en 2018-2019 par province ou territoire et par partie ou article de la Loi sur les langues officielles
Lieu de l’incident | Services au public (partie IV) |
Langue de travail (partie V) |
Participation équitable (partie VI) |
Promotion du français et de l’anglais (partie VII) |
Exigences linguistiques (partie XI, article 91) |
Autres parties ou articles Note 1 | Total |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Terre-Neuve-et-Labrador | 21 | 0 | 0 | 1 | 2 | 0 | 24 |
Île-du-Prince-Édouard | 5 | 2 | 0 | 0 | 0 | 0 | 7 |
Nouvelle-Écosse | 18 | 2 | 0 | 0 | 2 | 0 | 22 |
Nouveau-Brunswick | 41 | 19 | 4 | 1 | 0 | 0 | 65 |
Québec | 85 | 62 | 4 | 1 | 11 | 3 | 166 |
Région de la capitale nationale (Québec) | 50 | 34 | 2 | 0 | 70 | 0 | 156 |
Région de la capitale nationale (Ontario) | 86 | 52 | 5 | 7 | 184 | 2 | 336 |
Ontario | 108 | 34 | 5 | 0 | 5 | 1 | 153 |
Manitoba | 8 | 2 | 1 | 0 | 0 | 0 | 11 |
Saskatchewan | 11 | 0 | 0 | 1 | 2 | 0 | 14 |
Alberta | 44 | 3 | 0 | 0 | 9 | 0 | 56 |
Colombie-Britannique | 23 | 0 | 1 | 1 | 0 | 0 | 25 |
Yukon | 4 | 1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 5 |
Territoires du Nord-Ouest | 7 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 7 |
Nunavut | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
À l’extérieur du Canada | 39 | 1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 40 |
Total | 550 | 212 | 22 | 12 | 285 | 6 | 1 087 |
Note 1 Cette catégorie regroupe les plaintes déposées au titre des parties III (Administration de la justice) et IX (Commissaire aux langues officielles).
Tableau 2 Évolution du nombre de plaintes recevables par province ou territoire, sur une période de 10 ans (2009-2010 à 2018-2019)
Lieu de l’incident | 2009 2010 | 2010 2011 | 2011 2012 | 2012 2013 | 2013 2014 | 2014 2015 | 2015 2016 | 2016 2017 | 2017 2018 | 2018 2019 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Terre-Neuve-et-Labrador | 11 | 6 | 11 | 8 | 18 | 12 | 14 | 28 | 16 | 24 |
Île-du-Prince-Édouard | 17 | 7 | 3 | 3 | 4 | 4 | 2 | 5 | 2 | 7 |
Nouvelle-Écosse | 37 | 52 | 33 | 9 | 8 | 13 | 16 | 10 | 20 | 22 |
Nouveau-Brunswick | 43 | 35 | 36 | 24 | 31 | 42 | 41 | 87 | 51 | 65 |
Québec | 68 | 505 | 55 | 70 | 59 | 56 | 68 | 148 | 129 | 166 |
Région de la capitale nationale (Québec) | 93 | 57 | 49 | 49 | 37 | 64 | 121 | 92 | 96 | 156 |
Région de la capitale nationale (Ontario) | 141 | 209 | 200 | 152 | 182 | 193 | 351 | 429 | 307 | 336 |
Ontario | 956 | 51 | 77 | 52 | 75 | 78 | 58 | 106 | 124 | 153 |
Manitoba | 27 | 10 | 25 | 20 | 20 | 13 | 14 | 13 | 18 | 11 |
Saskatchewan | 8 | 3 | 2 | 2 | 8 | 16 | 4 | 6 | 25 | 14 |
Alberta | 25 | 11 | 12 | 9 | 9 | 28 | 8 | 43 | 49 | 56 |
Colombie-Britannique | 38 | 23 | 7 | 8 | 19 | 18 | 16 | 25 | 33 | 25 |
Yukon | 1 | 3 | 0 | 0 | 0 | 1 | 1 | 1 | 1 | 5 |
Territoires du Nord-Ouest | 2 | 0 | 1 | 0 | 1 | 0 | 2 | 2 | 4 | 7 |
Nunavut | 0 | 1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 | 0 | 0 | 0 |
À l’extérieur du Canada | 10 | 8 | 7 | 9 | 5 | 12 | 8 | 23 | 19 | 40 |
Total | 1 477 | 981 | 518 | 415 | 476 | 550 | 725 | 1 018 | 894 | 1 087 |
Tableau 3 Évolution du nombre de plaintes recevables par partie ou article de la Loi sur les langues officielles, sur une période de 10 ans (2009-2010 à 2018-2019)
Partie ou article de la Loi | 2009 2010 | 2010 2011 | 2011 2012 | 2012 2013 | 2013 2014 | 2014 2015 | 2015 2016 | 2016 2017 | 2017 2018 | 2018 2019 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Services au public (partie IV) |
451 | 298 | 341 | 252 | 282 | 320 | 344 | 565 | 457 | 550 |
Langue de travail (partie V) |
71 | 512 | 79 | 83 | 103 | 126 | 125 | 183 | 138 | 212 |
Participation équitable (partie VI) |
11 | 6 | 1 | 6 | 13 | 11 | 24 | 34 | 16 | 22 |
Promotion du français et de l’anglais (partie VII) |
904 | 109 | 45 | 39 | 30 | 37 | 62 | 32 | 50 | 12 |
Exigences linguistiques (partie XI, article 91) |
33 | 51 | 42 | 30 | 44 | 45 | 156 | 192 | 222 | 285 |
Autres parties ou articles Note 2 | 7 | 5 | 10 | 5 | 4 | 11 | 14 | 12 | 11 | 6 |
Total | 1 477 | 981 | 518 | 415 | 476 | 550 | 725 | 1 018 | 894 | 1 087 |
Note 2 Cette catégorie regroupe les plaintes déposées au titre des parties III (Administration de la justice) et IX (Commissaire aux langues officielles).
Mot de la fin Après 50 ans de langues officielles
Au-delà des chiffres, il est important de faire le point sur où nous en sommes, en tant que société, 50 ans après la promulgation de la première Loi. Lorsque l’on regarde dans le rétroviseur pour dresser un portrait de la situation des langues officielles, on ne peut hélas que constater que la distance parcourue n’est pas aussi grande que nous l’aurions espéré. Après cinq décennies, il est anormal que le commissaire soit encore à répéter les mêmes messages que ses prédécesseurs. Nous devrions être rendus ailleurs!
Après 50 ans, force est de constater que :
- voyager dans la langue officielle de son choix est encore trop souvent difficile;
- se faire accueillir et se faire servir dans la langue officielle de son choix lorsque l’on communique avec une institution fédérale est loin d’être un automatisme;
- travailler ou se faire superviser dans la langue officielle de son choix, et ce, dans une région désignée bilingue aux fins de la langue de travail, n’est pas un acquis, même s’il s’agit d’un droit individuel – du jour au lendemain, même les acquis peuvent disparaître avec l’arrivée d’un nouveau superviseur ou lors d’un changement de sous-ministre;
- exercer son droit de vote dans la langue officielle de son choix, alors qu’il s’agit là d’un droit fondamental, est trop souvent difficile, voire impossible;
- être consultées, considérées et entendues, à titre de communautés de langue officielle, lorsque le gouvernement met en place de nouvelles politiques ou lorsqu’il crée, modifie ou abolit des programmes, n’est pas pratique courante.
Certes, des progrès ont été accomplis depuis l’adoption de la première Loi en 1969. Toutefois, peut-on réellement affirmer que la vision du législateur s’est concrétisée? Que nous réserve l’avenir si l’on continue de répéter les mêmes gestes, de prendre les mêmes décisions et d’adopter les mêmes réflexes? Peut-on alors s’attendre à autre chose qu’à de très faibles progrès sur le plan des langues officielles? Aurons-nous des visionnaires et des ambassadeurs au sein du gouvernement fédéral et de la société canadienne pour porter et célébrer le dossier des langues officielles pour les 50 prochaines années?
Il reste encore énormément à faire, individuellement et collectivement, afin que les droits et les obligations en matière de langues officielles soient respectés, compris et intégrés par tous. S’y rendre passe notamment par une modernisation en profondeur de la Loi pour en faire une loi actuelle, dynamique et robuste. Cette loi sera le fondement des droits et des obligations linguistiques et devra être en mesure de nous faire progresser pour les 50 années à venir.
Peu importe la prochaine mouture de la Loi, le gouvernement en place devra exercer un leadership clair et fort au sujet de l’importance des langues officielles, de la protection des droits linguistiques et de la valeur de la dualité linguistique canadienne. Surtout, les représentants du gouvernement devront faire preuve de la volonté et du courage politiques nécessaires pour assurer la pleine mise en œuvre de la Loi.
Tout au long de l’année, les communautés de langue officielle ont fait preuve de ténacité et se sont ralliées pour démontrer entraide et résilience. Les jeunes nous inspirent constamment par leur ouverture aux autres ainsi que leur esprit et leur point de vue novateurs. Au cours des 50 prochaines années, il est à souhaiter que nos leaders politiques encadreront et inspireront un Canada bilingue et fier de l’être. Ces leaders devront porter, célébrer et réaffirmer la dualité linguistique comme valeur canadienne, et ce, au cœur de la fonction publique fédérale et au sein de la société canadienne.