1. Introduction
Depuis des années, j’affirme que les institutions fédérales doivent en faire plus pour assurer le respect de l’article 91 de la Loi sur les langues officielles (la Loi). Cet article de la Loi s’applique à toutes les organisations et institutions fédérales visées par la Loi, à quelques exceptions près. Il impose aux institutions fédérales de veiller à établir les exigences linguistiques des postes de manière objective, c’est-à-dire en se fondant sur les fonctions connexes. Il est ainsi libellé :
La [Loi] n’a pour effet d’autoriser la prise en compte des exigences relatives aux langues officielles, lors d’une dotation en personnel, que si cette prise en compte s’impose objectivement pour l’exercice des fonctions en cause.
Le nombre important de plaintes fondées sur lesquelles le Commissariat aux langues officielles (le Commissariat) a enquêté au cours de la dernière décennie constitue le fondement de mes préoccupations concernant la mise en œuvre de l’article 91 au sein des institutions fédérales. Par exemple, une étude réalisée par le Commissariat en 2020 a révélé qu’entre le 1er avril 2014 et le 31 mars 2020, 664 (93 %) des 713 plaintes sur lesquelles le Commissariat s’est penché par l’intermédiaire d’enquêtes menées au titre de l’article 91 étaient fondées.
De tels résultats sont inquiétants, d’autant plus que les membres du public et les fonctionnaires fédéraux peuvent tous être touchés négativement lorsque l’article 91 de la Loi n’est pas respecté, puisqu’un employé qui ne possède pas les compétences linguistiques nécessaires pour un poste ne pourra pas fournir un service de qualité dans les deux langues officielles. On peut donc raisonnablement s’attendre à ce que cette situation entraîne, lorsqu’elle se reproduit à grande échelle, un effectif insuffisamment bilingue pour s’acquitter pleinement des obligations d’une institution fédérale à l’égard du public et des milieux de travail qui ne sont pas propices à l’usage effectif des deux langues officielles. Il est important de prendre conscience que ces conséquences s’ajoutent au fait que plus les institutions fédérales ignorent leurs obligations au titre de l’article 91, plus il sera difficile de créer et de maintenir des lieux de travail inclusifs, respectueux et représentatifs de la richesse de la diversité canadienne.
Compte tenu de l’importance de l’article 91 et du volume élevé de plaintes relatives à cet article déposées auprès du Commissariat, j’ai publié, en novembre 2020, un rapport intitulé La mise en œuvre de l’article 91 de la Loi sur les langues officielles : un problème systémique. Dans mon rapport, j’ai conclu que le non-respect de l’article 91 de la Loi est un problème systémique au sein des institutions fédérales et j’ai cerné certains facteurs qui y contribuent, comme la formation insuffisante et l’absence de mécanismes de contrôle. Pour remédier à ces situations, j’ai formulé dans mon rapport les cinq recommandations ci-dessous à l’intention de toutes les institutions fédérales :
- Adopter des politiques, des procédures et des outils internes, ou réviser ceux déjà en place, qui portent sur l’établissement des exigences linguistiques de postes en prenant en considération les problèmes soulevés dans le rapport La mise en œuvre de l’article 91 de la Loi sur les langues officielles : un problème systémique.
- Mettre sur pied un mécanisme de contrôle pour s’assurer que les gestionnaires comprennent les politiques, suivent les procédures, utilisent les outils et consultent leur personnel en langues officielles lors de l’établissement des exigences linguistiques des postes.
- Effectuer une évaluation périodique des exigences linguistiques des postes, des politiques, des procédures et des outils, et corriger les lacunes observées.
- S’assurer que le personnel en langues officielles et les gestionnaires délégataires suivent la formation pertinente.
- Élaborer et mettre en œuvre un plan de sensibilisation des gestionnaires et du personnel à l’article 91 de la Loi sur les langues officielles.
J’ai également formulé dans mon rapport deux recommandations destinées au Conseil du Trésor du Canada :
- Réviser ses politiques et ses outils portant sur l’établissement des exigences linguistiques de postes en prenant en considération les problèmes soulevés dans le rapport La mise en œuvre de l’article 91 de la Loi sur les langues officielles : un problème systémique et les besoins exprimés par les institutions fédérales.
- Effectuer, en collaboration avec l’École de la fonction publique du Canada, une révision des formations offertes par cette dernière sur l’article 91 de la Loi sur les langues officielles afin de s’assurer que l’offre est adéquate (nombre, contenu et audiences ciblées) en fonction des besoins déterminés dans le rapport La mise en œuvre de l’article 91 de la Loi sur les langues officielles : un problème systémique.
La date limite de mise en œuvre des sept recommandations était novembre 2022.
Dans les années qui ont suivi la publication de ce rapport, le Commissariat a continué à recevoir un nombre important de plaintes recevables au titre de l’article 91 : 968 entre le 1er avril 2020 et le 31 mars 2021, et 640 entre le 1er avril et le 31 décembre 2022. Compte tenu de ces chiffres et du fait qu’il est impératif que les institutions fédérales reconnaissent leurs rôles et responsabilités et prennent des mesures concrètes pour veiller à ce que les exigences linguistiques des postes soient toujours établies de manière objective, j’ai annoncé, le 10 janvier 2023, que j’effectuerais un suivi des recommandations énumérées ci-dessus.
Le suivi de ces recommandations s’est déroulé entre mars 2023 et février 2024 et a visé les 10 institutions fédérales ci-dessous, qui ont fait l’objet d’un volume élevé de plaintes au titre de l’article 91 ces dernières années, ainsi que le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT) :
- Agence des services frontaliers du Canada
- Services publics et Approvisionnement Canada
- Emploi et Développement social Canada
- Santé Canada
- Service correctionnel Canada
- Gendarmerie royale du Canada
- Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada
- Agriculture et Agroalimentaire Canada
- Affaires mondiales Canada
- Services partagés Canada
Ces institutions avaient également reçu, dans des rapports d’enquête distincts, les recommandations formulées dans mon rapport de novembre 2020.
Au cours du suivi, chaque institution a soumis ses réponses et ses documents, que le Commissariat a évalués. Le Commissariat a ensuite transmis à chaque institution un rapport préliminaire de suivi détaillé qui présentait mon évaluation de la mise en œuvre des recommandations par l’institution concernée. Les institutions ont été invitées à fournir des commentaires et des documents supplémentaires, que le Commissariat a pris en considération pour le rapport final de suivi que chaque institution a reçu. Le présent rapport constitue un résumé des conclusions que j’ai tirées de ces suivis.
J’aimerais souligner qu’un fait important s’est produit depuis que les suivis ont été effectués. Au moment de l’exercice, la Directive sur les langues officielles pour la gestion des personnes du SCT indiquait que le niveau BBB était le niveau minimal de compétence en langue seconde pour les postes de supervision dans les régions désignées bilingues aux fins de la langue de travail. Cette position différait de la mienne. En effet, j’ai répété depuis de nombreuses années qu’un niveau CBC devrait être exigé pour refléter la complexité du travail de supervision et l’importance pour les superviseurs d’être en mesure de créer un milieu de travail propice à l’usage des deux langues officielles en donnant l’exemple. Le SCT a depuis mis à jour cette directive. Elle précise maintenant qu’à compter du 20 juin 2025, les nouvelles nominations à des postes bilingues comportant la supervision d’employés dans des régions désignées bilingues exigeront un profil linguistique minimal de CBC/CBC (ou l’équivalent). Le SCT a également fourni aux institutions des documents d’orientation pour les aider à réaliser cette transition. Il s’agit d’une étape encourageante et importante pour améliorer la conformité des institutions fédérales à l’article 91 de la Loi.
2. Analyse
2.1 Recommandations adressées à toutes les institutions fédérales
Adopter des politiques, des procédures et des outils internes, ou réviser ceux déjà en place, qui portent sur l’établissement des exigences linguistiques de postes en prenant en considération les problèmes soulevés dans le rapport La mise en œuvre de l’article 91 de la Loi sur les langues officielles : un problème systémique.
État de mise en œuvre : Partiellement mise en œuvre
Le suivi a permis d’examiner dans quelle mesure les institutions disposaient de politiques, de procédures et d’outils pour l’établissement des exigences linguistiques des postes. Il a aussi permis d’évaluer la qualité de ces politiques, procédures et outils, particulièrement en ce qui concerne les problèmes soulevés dans mon rapport de novembre 2020.
Le suivi a révélé que les 10 institutions fédérales avaient fourni à leurs employés des renseignements de base sur la manière d’établir objectivement les exigences linguistiques des postes. Qu’il s’agisse d’une politique, d’une procédure ou d’un outil, la plupart des institutions fédérales ont veillé à ce que leurs employés aient accès à la définition de termes clés (par example services centraux, membres du public), aux liens vers des ressources importantes (par example la liste des régions bilingues du Canada aux fins de la langue de travail, les Normes de qualification relatives aux langues officielles du SCT) ainsi qu’à des explications des principes de base (par example les exigences linguistiques d’un poste ne peuvent pas être modifiées à l’appui d’un résultat particulier dans un processus de dotation). En outre, les institutions ont souvent traité de la capacité bilingue et communiqué que, lorsqu’une obligation existe, une unité de travail doit compter une combinaison suffisante de postes bilingues et unilingues pour garantir que les services offerts sont accessibles de façon équivalente dans les deux langues officielles en tout temps et d’une qualité égale en français et en anglais. Ces éléments et concepts sont essentiels pour comprendre la façon d’établir objectivement les exigences linguistiques des postes. Les inclure dans des politiques, des procédures et des outils est un pas dans la bonne direction.
Outre ces éléments fondamentaux, les documents de politique des institutions contiennent souvent des informations plus détaillées. Par exemple, ils précisent les personnes qui doivent être consultées lors de l’établissement des exigences linguistiques d’un poste. Le suivi a révélé des différences significatives entre les institutions à cet égard. Certaines institutions exigent que les délégataires consultent des spécialistes des langues officielles, et d’autres, du personnel des Ressources humaines. De plus, la consultation est obligatoire dans certaines institutions, tandis que d’autres ne l’exigent qu’en cas de problème. Je tiens à souligner qu’étant donné l’importance pour le Canada d’avoir une fonction publique qui possède les compétences nécessaires pour respecter et promouvoir les deux langues officielles à l’échelle du pays, il est primordial que les gestionnaires délégataires consultent le personnel en langues officielles lorsqu’ils établissent les exigences linguistiques d’un poste, puisque ces employés détiennent les compétences et les connaissances les plus étendues dans ce domaine.
Qui plus est, les politiques fournies dans le contexte du suivi tendaient à établir la position des institutions concernant les exigences linguistiques appropriées pour les postes de supervision dans les régions désignées bilingues aux fins de la langue de travail. À ma grande déception, la plupart des politiques indiquaient qu’un profil linguistique BBB/BBB était approprié, à l’instar de la Directive sur les langues officielles pour la gestion des personnes du SCT. En revanche, une institution était d’accord avec ma position, soit qu’un profil linguistique CBC/CBC est l’exigence minimale pour les postes de supervision, compte tenu de la complexité du travail de supervision et de l’obligation de superviser les employés dans la langue officielle de leur choix dans les régions désignées bilingues.
En ce qui concerne les procédures, les documents fournis décrivent les étapes administratives à suivre pour modifier ou établir les exigences linguistiques d’un poste. Elles exigent souvent que le délégataire remplisse un formulaire ou une grille d’analyse et le soumette ensuite aux Ressources humaines ou au personnel en langues officielles aux fins d’examen et de suivi. Les formulaires de base répertorient le groupe et le niveau du poste, le lieu de travail du titulaire ainsi que ses tâches liées au traitement des griefs, à la prestation de services personnels ou centraux, à la supervision du personnel et à la prestation de services au public. Toutefois, des formulaires plus détaillés amènent les gestionnaires à effectuer une analyse étape par étape pour déterminer les exigences linguistiques d’un poste, analyse qui tient compte des fonctions du poste, de la capacité bilingue de l’unité de travail et des obligations de l’institution en matière de langues officielles au titre de la Loi. Certaines institutions vont plus loin et exigent que la description du travail du poste et l’organigramme de l’unité soient joints au formulaire. Je tiens à souligner que ces documents supplémentaires sont essentiels pour fournir au personnel en langues officielles l’information dont il a besoin pour déterminer si le délégataire a correctement évalué les exigences linguistiques d’un poste. J’ai cependant constaté qu’une seule institution disposait d’un mécanisme pour résoudre les désaccords entre le personnel en langues officielles et les délégataires. Dans les autres institutions, c’est le délégataire qui décide ultimement des exigences linguistiques d’un poste, même sa décision est contraire à l’avis du personnel en langues officielles. Néanmoins, je tiens à féliciter les institutions qui disposent de formulaires et de procédures, car ils font partie intégrante de l’établissement d’un mécanisme formel et consigné pour la détermination des exigences linguistiques d’un poste.
En ce qui a trait aux outils qui permettent d’établir les exigences linguistiques des postes, le suivi a révélé que le nombre de ressources disponibles varie considérablement d’une institution à l’autre. Alors que certaines institutions mettent à la disposition de leurs employés de multiples outils, d’autres n’en ont aucun en place, et ces dernières affirment souvent que les ressources externes (par example l’outil du SCT intitulé Déterminer le profil linguistique des postes bilingues et l’outil sur l’identification linguistique des postes du Commissariat) sont suffisantes. Toutefois, malgré cette affirmation, et comme je l’ai indiqué dans mon rapport de novembre 2020, ces outils externes ne sont pas toujours bien compris par les gestionnaires, ce qui peut entraîner des évaluations incorrectes des exigences linguistiques des postes. Les institutions doivent donc toujours disposer d’outils internes. Néanmoins, certains des outils fournis dans le contexte du suivi sont utiles et méritent d’être soulignés. Entre autres, certaines institutions ont élaboré des foires aux questions, qui servent d’outil de référence rapide sur les concepts importants, et d’autres ont des documents sur les pratiques exemplaires qui fournissent aux gestionnaires des exemples concrets.
En général, cependant, le suivi a révélé que les institutions fédérales doivent en faire davantage pour doter les employés – et les gestionnaires en particulier – des ressources appropriées pour établir objectivement les exigences linguistiques des postes. Par exemple, près de la moitié des institutions fédérales visées par le suivi n’ont pas été en mesure de démontrer qu’elles disposaient des trois composantes de la recommandation, soit une politique, une procédure et un outil. En outre, de nombreux documents soumis étaient à l’état d’ébauche et n’étaient donc pas encore en vigueur ou n’avaient manifestement pas été revus depuis la formulation des recommandations. Des documents étaient tellement obsolètes qu’ils renvoyaient à des directives annulées du SCT. Dans certains cas, aucun des documents fournis par l’institution n’indiquait aux gestionnaires la façon de procéder à une évaluation objective des exigences linguistiques d’un poste. Ces résultats sont extrêmement décevants étant donné que les institutions fédérales disposaient de deux ans pour mettre en œuvre la recommandation.
Mettre sur pied un mécanisme de contrôle pour s’assurer que les gestionnaires comprennent les politiques, suivent les procédures, utilisent les outils et consultent leur personnel en langues officielles lors de l’établissement des exigences linguistiques des postes.
État de mise en œuvre : Partiellement mise en œuvre
En réponse à la recommandation, certaines institutions ont transmis un plan de communication qui prévoyait la communication de politiques, de procédures et d’outils aux employés. D’autres ont fourni des copies de bulletins d’information ou de courriels dans lesquels elles traitaient des éléments susmentionnés. Bien que ces initiatives soient utiles pour promouvoir les ressources d’une institution, elles ne garantissent pas que les gestionnaires délégataires les comprennent et les utilisent. Les institutions fédérales ont également fourni des copies de formulaires que les gestionnaires doivent soumettre au personnel en langues officielles ou aux Ressources humaines lorsqu’ils demandent d’établir ou de modifier les exigences linguistiques d’un poste. Les formulaires qui exigent une analyse complète des fonctions du poste et de la description de travail et qui tiennent compte de la capacité bilingue et de l’organigramme de l’unité de travail peuvent servir de mécanisme de contrôle à certains égards. Toutefois, comme il est expliqué dans la section précédente, les formulaires présentent de nombreuses lacunes et ne constituent souvent pas une analyse complète. Ce mécanisme devrait être renforcé pour garantir que les gestionnaires comprennent parfaitement les politiques, les procédures et les outils de leur institution. Enfin, comme il est aussi expliqué dans la section précédente, la consultation du personnel en langues officielles n’est pas toujours obligatoire.
Bien que des efforts aient été déployés pour mettre en œuvre des mécanismes de contrôle afin de garantir que les gestionnaires comprennent les politiques de leur institution, suivent leurs procédures, utilisent leurs outils et consultent le personnel en langues officielles, il est évident qu’il reste encore beaucoup à faire.
Effectuer une évaluation périodique des exigences linguistiques des postes, des politiques, des procédures et des outils, et corriger les lacunes observées.
État de mise en œuvre : Non mise en œuvre
Le suivi a révélé qu’en général, les institutions ne procèdent pas à des évaluations périodiques des exigences linguistiques des postes. Bien que certaines affirment réaliser des audits ou disposer d’un mécanisme pour cerner et traiter les tendances en dotation, elles n’ont pas fourni d’autres informations, telles que la fréquence de ces examens, ni des documents connexes qui démontrent que ces mesures constituent une évaluation périodique. La plupart des institutions ont toutefois indiqué qu’une évaluation n’était effectuée que durant une mesure de dotation.
En ce qui concerne l’évaluation périodique des politiques, des procédures et des outils, de nombreuses institutions ont reconnu l’importance d’un tel mécanisme. Cependant, la plupart d’entre elles n’ont pris aucune mesure à cet égard ou ont affirmé avoir mis en place un mécanisme, mais n’ont pas été à même de fournir de la documentation connexe.
À ma grande déception, le suivi a révélé que les institutions ont fait très peu pour mettre en œuvre cette recommandation, et ce, bien qu’elles aient eu deux ans pour prendre des mesures.
S’assurer que le personnel en langues officielles et les gestionnaires délégataires suivent la formation pertinente.
Le suivi a révélé que la plupart des institutions offrent une formation interne aux gestionnaires délégataires et au personnel en langues officielles sur la manière d’établir objectivement les exigences linguistiques des postes. Cependant, cette formation est souvent recommandée plutôt qu’obligatoire. En outre, lorsque la formation est obligatoire, les institutions n’ont souvent pas été en mesure de confirmer qu’elles assurent un suivi de l’achèvement de la formation ou d’expliquer la méthode utilisée à cette fin. Le suivi a également permis de constater que certaines institutions offrent de la formation de façon ponctuelle uniquement. Par exemple, une institution a indiqué que des représentants de son programme des langues officielles présentent des exposés à différents groupes tout au long de l’année, dont certains portent sur l’article 91 de la Loi. Bien qu’une telle initiative contribue à favoriser la compréhension de la Loi, elle ne garantit pas que l’ensemble du personnel en langues officielles et des gestionnaires délégataires suivent la formation pertinente. Les institutions doivent mettre en place un système pour garantir que la formation appropriée est obligatoire et récurrente.
Il est à noter que quelques institutions n’ont aucunement mis en œuvre cette recommandation. Au sein de ces institutions, la situation reste sensiblement la même qu’au moment de la publication de mon rapport de novembre 2020. En d’autres mots, lorsque de la formation est offerte, l’établissement objectif des exigences linguistiques est traité de manière générale ou abordé parmi d’autres sujets liés à la gestion ou aux langues officielles. Ces institutions ont tendance à se fier à la formation offerte par l’École de la fonction publique du Canada (EFPC) et ont fourni peu d’information sur la formation donnée au personnel en langues officielles.
Bien que des progrès aient été accomplis en ce qui concerne cette recommandation, il est évident que d’autres améliorations doivent être apportées pour garantir que les gestionnaires délégataires et le personnel en langues officielles reçoivent une formation appropriée sur l’établissement objectif des exigences linguistiques des postes.
Élaborer et mettre en œuvre un plan de sensibilisation des gestionnaires et du personnel à l’article 91 de la Loi sur les langues officielles.
État de mise en œuvre : Partiellement mise en œuvre
En réponse à cette recommandation, les institutions fédérales ont soumis des copies de plans d’action en matière de langues officielles, de plans de communication ministériels et de stratégies de communication nationales. Ces initiatives détaillées et particulières visaient à mieux faire connaître les droits et obligations linguistiques au titre de la Loi par le biais de méthodes telles que des bulletins d’information mensuels, des courriels à diffusion massive ou des exposés présentés aux employés. Bien que ces plans traitent souvent des parties IV et V de la Loi de manière très détaillée, la plupart n’abordent que vaguement l’article 91 et négligent fréquemment des concepts importants, comme la capacité bilingue ou la façon d’établir les exigences linguistiques des postes. En outre, si certains plans sont bien structurés, d’autres omettent des renseignements importants (par example le calendrier des activités décrites).
Malheureusement, la moitié des institutions visées par le suivi n’ont pas été à même de démontrer qu’elles avaient pris des mesures pour élaborer et mettre en œuvre un plan de sensibilisation des gestionnaires et du personnel à l’article 91 de la Loi. Compte tenu de l’importance de cette partie de la Loi et de la nécessité pour les gestionnaires et les employés d’être informés de leurs droits et obligations, il est extrêmement préoccupant que ces institutions n’aient pas pris de mesures pour mettre en œuvre cette recommandation.
2.2 Recommandations adressées au Conseil du Trésor du Canada
Réviser ses politiques et ses outils portant sur l’établissement des exigences linguistiques de postes en prenant en considération les problèmes soulevés dans le rapport La mise en œuvre de l’article 91 de la Loi sur les langues officielles : un problème systémique et les besoins exprimés par les institutions fédérales.
État de mise en œuvre : Partiellement mise en œuvre
Le suivi a révélé qu’en réponse à mon rapport de novembre 2020, le SCT a mis sur pied un groupe de travail interministériel chargé d’examiner les recommandations comprises dans le rapport. Après avoir recueilli et analysé des données sur les pratiques en place et les difficultés éprouvées par les institutions fédérales, le groupe de travail a élaboré un plan d’action triennal (2022-2025) qui vise à accroître la conformité à l’article 91 de la Loi à l’échelle de la fonction publique fédérale.
Selon le plan d’action, le SCT prévoit de renforcer les instruments de politique grâce à diverses initiatives. Il planifie de réviser tout d’abord la Directive sur les langues officielles pour la gestion des personnes d’ici juin 2025 afin de faire passer de BBB/BBB à CBC/CBC le profil linguistique minimal des postes de supervision dans les régions désignées bilingues (nouvelles nominations seulement). Le SCT révisera aussi les Normes de qualification relatives aux langues officielles d’ici avril 2024 et il établira des lignes directrices d’ici décembre 2024 pour aider les institutions fédérales à déterminer les exigences linguistiques des postes.
En ce qui concerne les outils, le SCT a affirmé que d’ici décembre 2025, il révisera son outil « Déterminer le profil linguistique des postes bilingues », qui est accessible à tous. Il a aussi affirmé qu’il prévoit de créer une trousse de pratiques organisationnelles exemplaires et d’outils relatifs à la détermination des exigences en matière de langues officielles et de la mettre à la disposition des institutions fédérales d’ici février 2024. De plus, il offrira un glossaire, un arbre décisionnel ainsi qu’une foire aux questions sur la détermination des exigences linguistiques d’ici septembre 2024.
Par ailleurs, le plan d’action énonce que le SCT a l’intention de faire mieux connaître les exigences linguistiques aux intervenants clés (par example administrateurs généraux, champions des langues officielles, cadres) en créant, d’ici décembre 2025, un kiosque d’orientation virtuel sur l’article 91 de la Loi. Le kiosque comprendra des renseignements généraux, la version révisée de la Directive sur les langues officielles pour la gestion des personnes, des lignes directrices, des activités de formation, de sensibilisation et de mobilisation ainsi que divers outils. Le SCT planifie également de rédiger et de publier des articles informatifs dans des bulletins destinés aux divers intervenants clés du domaine des langues officielles afin de faire mieux connaître la marche à suivre pour établir objectivement les exigences linguistiques.
En ce qui concerne les activités achevées et en cours, le SCT a affirmé qu’il avait inclus une question sur les exigences linguistiques des postes dans le questionnaire qu’il envoie aux institutions pour alimenter son rapport annuel sur les langues officielles. De plus, il a signalé qu’en 2022, il avait présenté trois exposés sur l’article 91 de la Loi à des responsables des langues officielles et qu’il avait publié des articles informatifs et des bulletins d’information sur les exigences linguistiques, y compris un arbre de décision pour pourvoir des postes de gestion (2021) et une foire aux questions sur la dotation non impérative (2022). Selon le SCT, d’autres publications suivront prochainement.
En résumé, l’information reçue démontre que le SCT a analysé les difficultés qui nuisent au respect de l’article 91 au sein de la fonction publique fédérale et a établi un plan et des mesures concrètes pour améliorer la conformité. Je reconnais les efforts déployés par le SCT. Toutefois, bien que l’institution ait élaboré un plan en vue de mettre pleinement en œuvre la recommandation d’ici 2025, elle avait obtenu peu de résultats concrets au moment du suivi. En effet, je souhaitais que les politiques et les outils soient révisés dans les deux ans de la publication de mon rapport de 2020, c’est-à-dire avant novembre 2022. Selon l’information reçue, le SCT n’a approuvé le plan qu’à l’automne 2022, et les outils à jour ne seront pas accessibles avant 2024-2025. Étant donné que le SCT a élaboré un plan d’action, des exposés et des outils, mais qu’il n’a toujours pas révisé les politiques et les outils conformément à la recommandation, cette dernière est considérée comme partiellement mise en œuvre.
Effectuer, en collaboration avec l’École de la fonction publique du Canada, une révision des formations offertes par cette dernière sur l’article 91 de la Loi sur les langues officielles afin de s’assurer que l’offre est adéquate (nombre, contenu et audiences ciblées) en fonction des besoins déterminés dans le rapport La mise en œuvre de l’article 91 de la Loi sur les langues officielles : un problème systémique.
État de mise en œuvre : Partiellement mise en œuvre
Selon le plan d’action mentionné dans la partie précédente, le SCT avait l’intention de réviser le contenu de certains cours offerts par l’EFPC d’ici mars 2024. Il a affirmé avoir proposé à l’EFPC de réviser les cours suivants :
- Respecter les langues officielles dans la fonction publique (FON415)
- Gestion des obligations en matière de langues officielles (FON413)
- Dotation : un outil de renouvellement de l’effectif à l’intention des gestionnaires (COR132)
- Formation sur la délégation de pouvoirs : Gérer les personnes de manière efficace (COR152)
- Introduction à l’organisation et à la classification (COR133)
Le SCT a confirmé que l’EFPC lui a demandé de collaborer à la révision du module sur les langues officielles du cours COR132 et qu’il fera de même pour le cours COR152. Il a ajouté que des consultations sont en cours.
En outre, le SCT a affirmé qu’il participe actuellement à l’élaboration d’un cadre de formation pour les spécialistes en ressources humaines. Il a souligné avoir créé un groupe de travail interministériel composé de représentants d’institutions fédérales qui jouent un rôle important dans l’acquisition et l’amélioration des connaissances en langues officielles, groupe qui contribuera à l’élaboration de différents programmes de formation.
Bien que je reconnaisse les efforts déployés par le SCT pour mettre en œuvre la recommandation, le suivi a révélé que l’institution ne joue un rôle actif dans l’examen que de deux des cours susmentionnés. De plus, aucun des cours n’a encore été révisé alors que l’échéance pour la mise en œuvre de cette recommandation était novembre 2022. À la lumière de ce qui précède, cette recommandation est considérée comme partiellement mise en œuvre.
3. Conclusions
Les institutions visées par le suivi ont déployé des efforts variés et obtenu différents résultats en ce qui concerne la mise en œuvre des recommandations formulées dans mon rapport de novembre 2020. Bien que des progrès soient accomplis vers la résolution des problèmes qui nuisent à une mise en œuvre adéquate de l’article 91 de la Loi, l’ampleur de ces progrès et le taux de mise en œuvre au sein des institutions fédérales sont préoccupants.
Comme il est décrit dans le présent rapport, les incidences du non-respect de l’article 91 de la Loi sont d’une portée considérable. Ne pas établir objectivement les exigences linguistiques entrave la capacité d’une institution à fournir des services au public dans les deux langues officielles, à veiller à ce que les employés des régions désignées bilingues soient supervisés dans la langue officielle de leur choix ainsi qu’à créer et à maintenir des milieux de travail propices à l’usage effectif du français et de l’anglais.
Lorsque l’article 91 est respecté, on peut s’attendre à observer une amélioration du bien-être en milieu de travail, une diminution de l’insécurité linguistique, un renforcement du bilinguisme institutionnel et un environnement qui reflète les valeurs d’inclusion et de diversité. Prendre au sérieux les obligations prévues à l’article 91 constitue une étape importante pour garantir que la fonction publique fédérale est représentative de la société canadienne, qui est en constante évolution.
Dans mon rapport de novembre 2020, j’ai demandé des résultats tangibles et durables et, bien que les institutions fédérales aient eu deux ans pour donner suite à mes recommandations, il demeure qu’elles doivent en faire plus. Je me réjouis de voir que des mesures seront prises, comme la révision de la Directive sur les langues officielles pour la gestion des personnes. J’exhorte néanmoins les institutions fédérales à mettre en place des plans et des mécanismes plus formels à l’appui de la pleine mise en œuvre de mes recommandations et de l’article 91 de la Loi.