Feuille de route sur les obligations des institutions fédérales en vertu de la partie VII de la Loi sur les langues officielles

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    Introduction

    La présente feuille de route est un guide pour aider les institutions fédérales et les membres du public à mieux comprendre la partie VII de la Loi sur les langues officielles (la Loi). Elle explique les objectifs de la partie VII ainsi que les engagements qui y sont affirmés, y compris les obligations corolaires applicables à toute institution fédérale assujettie à la Loi.

    Cette feuille de route se veut donc, avant tout, un outil pratique pour aider les institutions fédérales à saisir le sens de la partie VII de la Loi afin de pleinement la mettre en œuvre. Il s’agit aussi d’un outil qui permettra aux communautés et aux particuliers visés par la partie VII de la Loi de mieux comprendre les droits que leur confère celle-ci. Enfin, cette feuille de route sert de complément d’information à la Loi elle-même, telle qu’elle est interprétée par le Commissariat aux langues officielles.

    Remarque : Cette feuille de route pourrait être modifiée au besoin une fois que le règlement sur la partie VII de la Loi sera en vigueur.

    Étape 1 : Comprendre l’objectif et l’application de la partie VII

    A. Objectif de la partie VII

    La partie VII de la Loi énonce d’abord l’engagement du gouvernement fédéral à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu’à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne. Ce faisant, cette partie de la Loi donne effet au paragraphe 16(3) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), qui traite de la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais. Elle prévoit également la mise en œuvre de l’intention qui se dégage du préambule de la Loi elle-même et de son objet énoncé à l’article 2.

    Plus précisément, la partie VII de la Loi a pour objectif la progression vers l’égalité réelle, c’est-à-dire l’avancement continu et soutenu des communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) par rapport à la population de langue officielle majoritaire, ainsi que la promotion des langues officielles parlées par ces communautés. Autrement dit, la partie VII de la Loi existe pour contrer les pressions exercées sur les membres des CLOSM pour qu’ils s’assimilent à la communauté et à la langue majoritaires. Le concept de « progression » vers l’égalité réelle, qui est incompatible avec la notion de statu quo, signifie que les institutions fédérales doivent prendre des mesures positives.

    Depuis la modernisation de la Loi en juin 2023, un accent particulier est désormais mis sur la protection et la promotion de la langue française, étant entendu qu’un traitement particulier de cette langue est nécessaire en raison du statut minoritaire du français et de l’usage prédominant de l’anglais au Canada et en Amérique du Nord. 

    Cette intention de protéger et de promouvoir le français a pour but d’atteindre l’égalité réelle. Ainsi, la nouvelle partie VII vise la protection et la promotion du français, le développement et l’épanouissement des deux minorités linguistiques ainsi que l’égalité de statut et d’usage des deux langues officielles.  

    B. Application de la partie VII

    La partie VII de la Loi s’applique à l’ensemble des institutions fédérales (au sens de l’article 3 de la Loi), y compris tout organisme y étant assujetti par l’intermédiaire de sa loi constitutive.

    Étape 2 : Comprendre les engagements de la partie VII qui visent l’ensemble des institutions fédérales

    La partie VII de la Loi comporte plusieurs engagements du gouvernement fédéral, ainsi que les obligations qui y sont rattachées. Certaines de ces obligations visent l’ensemble des institutions fédérales assujetties à la partie VII de la Loi, alors que d’autres ciblent des institutions fédérales particulières.

    Puisque la présente feuille de route se veut un guide pratique détaillant les obligations de l’ensemble des institutions fédérales, les obligations visant des institutions particulières ne seront abordées que brièvement à la fin du document.

    A. Engagements mis en œuvre par la prise de mesures positives

    i. Épanouissement des minorités et promotion du français et de l’anglais [ paragr. 41(1) de la Loi]

    Le gouvernement fédéral s’engage à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, compte tenu de leur caractère unique et pluriel et de leurs contributions historiques et culturelles à la société canadienne, ainsi qu’à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne.

    Cet engagement du gouvernement comprend deux volets : le volet « communautés minoritaires » et le volet « langues officielles ».

    ii. Protection et promotion du français [ paragr. 41(2) de la Loi]

    Le gouvernement fédéral, reconnaissant et prenant en compte que le français est en situation minoritaire au Canada et en Amérique du Nord en raison de l’usage prédominant de l’anglais, s’engage à protéger et à promouvoir le français.

    Cet engagement reconnaît la vulnérabilité actuelle de la langue française et vise à lui offrir une protection particulière accrue.

    Bien que cet engagement vise strictement la langue française, il n’a aucunement pour effet de miner l’engagement du gouvernement à l’égard de la promotion de la pleine reconnaissance et de l’usage des deux langues officielles, donc aussi de l’anglais. Il n’a pas non plus pour effet d’affaiblir l’engagement du gouvernement d’appuyer le développement et de favoriser l’épanouissement de toutes les CLOSM, y compris la communauté d’expression anglaise du Québec.

    iii. Apprentissages dans la langue de la minorité [ paragr. 41(3) de la Loi]

    Le gouvernement fédéral s’engage à renforcer les possibilités pour les minorités francophones et anglophones de faire des apprentissages de qualité, en contexte formel, non formel ou informel, dans leur propre langue tout au long de leur vie, notamment depuis la petite enfance jusqu’aux études postsecondaires.

    Cet engagement vise ainsi le continuum en éducation, dans la mesure où il cherche à compléter les garanties relatives à l’instruction dans la langue de la minorité qui sont déjà protégées par l’article 23 de la Charte.  

    La portée de cet engagement est très large puisque ce dernier vise différents types d’apprentissage (« formel », « informel » et « non formels »). Les termes « formel », « non formel » et « informel » s’interprètent largement pour inclure les différents types d’apprentissage dans la langue de la minorité.

    B. Autres engagements liés à des obligations précises

    i. Accords fédéraux-provinciaux-territoriaux [ paragr. 41(7)a.1) de la Loi]

    La Loi impose aux institutions fédérales l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour favoriser, lorsqu’elles négocient avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, des accords pouvant contribuer à la mise en œuvre des engagements énoncés aux paragraphes 41(1) à (3), l’inclusion dans ces accords de dispositions qui établissent les obligations incombant aux parties en matière de langues officielles (clauses linguistiques).

    Les accords fédéraux-provinciaux-territoriaux (FPT) visés par la Loi sont tous les accords conclus entre le gouvernement fédéral et un ordre de gouvernement provincial ou territorial, qu’ils comportent un transfert financier ou non, qui peuvent contribuer à la mise en œuvre des engagements énoncés aux paragraphes 41(1), (2) et (3) de la Loi détaillés ci-dessus : épanouissement des CLOSM et promotion des langues officielles; protection et promotion du français; apprentissages dans la langue de la minorité.

    Toute institution fédérale participant à la négociation d’un accord FPT doit effectuer une analyse préliminaire pour évaluer si l’accord qu’elle s’apprête à négocier pourrait contribuer à la mise en œuvre des engagements du gouvernement. Manifestement, un large éventail d’accords sont ainsi visés.

    Si un accord FPT peut effectivement contribuer à la mise en œuvre des engagements ciblés du gouvernement, l’institution fédérale a l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour favoriser l’inclusion de clauses linguistiques dans cet accord.

    Selon le commissaire aux langues officielles, la prise des mesures nécessaires pour favoriser l’inclusion de clauses linguistiques signifie que l’institution doit au minimum tenter de convaincre les provinces et territoires de l’importance d’inclure de telles clauses dans l’accord FPT, non seulement pour respecter les objectifs du gouvernement fédéral, mais aussi pour répondre aux priorités et aux besoins établis par les CLOSM visées par l’accord. Les mesures nécessaires comprennent donc nécessairement la compréhension par l’institution fédérale de ces besoins et priorités, d’une part, et la sensibilisation à ces besoins et priorités des parties à l’accord, d’autre part. L’importance des engagements du gouvernement à l’égard des CLOSM et des deux langues officielles doit être communiquée par l’institution fédérale aux parties qui prennent part à la négociation d’un accord FPT. Parmi les mesures nécessaires, l’institution doit aussi communiquer à ses homologues provinciaux et territoriaux les mesures qu’elle est disposée à prendre pour contribuer à la mise en œuvre des clauses linguistiques.

    Dans l’éventualité où il serait impossible d’inclure une clause linguistique dans un accord  FPT (éventualité qui, selon l’obligation, se doit d’être exceptionnelle), l’obligation de prendre des mesures positives [en vertu du paragraphe 41(5) de la Loi] persiste, et l’institution fédérale doit examiner les possibilités de prendre des mesures pour mettre en œuvre les engagements du gouvernement.

    Une clause linguistique, qu’elle vise des accords FPT ou des accords entre le gouvernement fédéral et des tiers, peut toujours constituer une mesure positive ou une mesure permettant d’éviter ou d’atténuer un impact négatif. Son inclusion à ce titre doit être précédée d’une analyse d’impact répondant aux exigences de la partie VII (décrites ci-dessous). Cette analyse d’impact sert à établir le contenu des clauses linguistiques elles-mêmes.

    Enfin, l’inclusion de clauses linguistiques doit aussi comprendre la création d’un processus d’évaluation et de surveillance de la mise en œuvre de ces clauses, faute de quoi les clauses perdent leur utilité et leur raison d’être. La Loi reflète d’ailleurs cette exigence en imposant expressément aux institutions fédérales, au paragraphe 41(10), l’obligation de créer de tels mécanismes d’évaluation et de surveillance. Si cette évaluation ou surveillance permet de relever tout manquement à la clause linguistique, l’institution doit prendre les mesures appropriées aux circonstances pour assurer le respect de ses engagements. 

    ii. Stratégie d’aliénation ( art. 41.1 de la Loi)

    Lors de l’élaboration d’une stratégie d’aliénation d’un immeuble ou d’un bien réel fédéral excédentaire, les CLOSM doivent être consultées afin que leurs priorités et besoins soient pris en compte.

    Les institutions fédérales et les ministères qui participent à l’élaboration d’une stratégie d’aliénation doivent pouvoir montrer qu’ils ont entendu et compris les besoins et les priorités de la CLOSM, qu’ils les ont examinés avec attention et qu’ils les ont soupesés à la lumière de l’ensemble des considérations et des intérêts pertinents.

    Étape 3 : Comprendre l’obligation de prendre des mesures positives et l’obligation de ne pas nuire

    Toutes les institutions fédérales ont l’obligation de prendre proactivement des mesures positives, avec l’intention d’avoir un effet favorable sur la mise en œuvre des engagements énoncés aux paragraphes 41(1) à (3) de la Loi. L’obligation de prendre des mesures positives est continue. Pour une institution fédérale, la première étape de cette obligation consiste à respecter l’ensemble des exigences en matière d’analyse d’impact. La deuxième étape est la prise d’une mesure positive, fondée sur une analyse d’impact étoffée, pour mettre en œuvre les engagements du gouvernement à l’égard de l’épanouissement des CLOSM et de la promotion des langues officielles, de la promotion et de la protection du français, et des apprentissages dans la langue de la minorité. À cet égard, les institutions fédérales ont une obligation de ne pas nuire à ces engagements.

    A. Analyses d’impact : exigences précises des paragraphes 41(7) à (9.1) de la Loi

    Les institutions fédérales doivent pouvoir montrer, et justifier par des preuves pertinentes, comment leurs analyses d’impact ont satisfait à toutes les exigences détaillées dans la Loi.

    i. Contenu des analyses d'impact

    Dans le cadre de leur mandat, les institutions fédérales doivent effectuer des analyses d’impact qui tiennent compte d’au plus huit éléments.

    1. Potentiel de prendre des mesures positives
      Le premier élément que les institutions doivent étudier dans le cadre de leurs analyses d’impact est le potentiel de prendre des mesures positives. C’est ici que les institutions évaluent laquelle, ou lesquelles, des mesures positives elles prendront pour respecter leur obligation.
    2. Clauses linguistiques dans les accords FPT
      Dans le contexte précis d’un accord FPT qui aurait une incidence sur les engagements du gouvernement, les institutions fédérales doivent évaluer les mesures qu’elles peuvent prendre pour favoriser l’inclusion d’une clause linguistique dans l’accord. Évidemment, si l’institution ne se trouve pas du tout dans le contexte d’une négociation d’accord FPT, ce genre de question n’a pas à être inclus dans l’analyse d’impact de l’institution.
    3. Impacts négatifs directs des décisions
      Les institutions fédérales doivent évaluer les impacts négatifs de leurs décisions. Si une décision risque d’avoir un impact négatif sur un engagement du gouvernement, les institutions doivent envisager différentes façons d’éviter ou, à tout le moins, d’atténuer ces impacts.
    4. Nature concrète des mesures positives
      Les mesures positives prises par les institutions fédérales doivent être concrètes. C’est au stade de l’analyse d’impact que les institutions doivent évaluer la nature concrète des mesures positives qu’elles considèrent prendre. 
    5. Mise en œuvre intentionnelle des engagements énumérés aux paragraphes 41(1) à (3) de la Loi
      Les institutions fédérales doivent évaluer comment favoriser intentionnellement et consciemment la mise en œuvre des engagements qui sont énoncés aux paragraphes 41(1) à (3) de la Loi. Autrement dit, il ne suffit pas qu’une mesure ait comme heureuse coïncidence ultérieure la mise en œuvre des engagements. Cette mise en œuvre doit être planifiée et intentionnelle.
    6. Nécessité de protéger et de promouvoir le français
      Les analyses d’impact doivent accorder une attention particulière à la nécessité de protéger et de promouvoir le français.
    7. Nécessité de prendre en considération les besoins des deux communautés de langue officielle
      Les institutions fédérales doivent respecter la nécessité de prendre en considération les besoins des deux communautés de langue officielle.
    8. Priorités des CLOSM et des autres intervenants
      Après avoir consulté les CLOSM, les institutions fédérales doivent révéler, dans l’analyse d’impact, les priorités soulevées par les minorités d’expression française et anglaise, et par les autres intervenants.

    ii. Mécanique des analyses d’impact

    La mécanique des analyses d’impact, c’est-à-dire comment celles-ci devraient être effectuées, est aussi importante que le contenu et doit être respectée par chaque institution fédérale.

    1. Les analyses d’impact sont fondées, dans la mesure du possible, sur le résultat de trois méthodes de collecte de données : activités de dialogue et de consultation (y compris des CLOSM), recherches et données probantes [paragraphe 41(8) de la Loi].
    2. Les analyses d’impact prennent en compte les priorités soulevées par les CLOSM et les autres intervenants lors des dialogues ou des consultations.
    3. En menant des analyses d’impact par l’entremise d’activités de dialogue et de consultation, les institutions fédérales recueillent l’information pertinente qui leur permettra ultimement de satisfaire aux exigences énoncées aux paragraphes 41(6), (7) et (9).
    4. Quand elles communiquent avec les CLOSM ou consultent celles-ci, les institutions fédérales :
      • obtiennent l’opinion des minorités francophones et anglophones et d’autres intervenants sur les mesures positives faisant l’objet des consultations;
      • fournissent aux participants l’information pertinente sur laquelle reposent ces mesures positives;
      • tiennent compte de l’opinion des minorités et des intervenants avec ouverture et sérieux.
    5. Les institutions restent disposées à modifier les mesures positives qu’elles entendaient prendre avant d’effectuer leur analyse d’impact. Elles devront montrer qu’elles ont pris en compte les opinions des CLOSM et qu’elles ont envisagé de modifier leurs mesures positives.

    À noter que des consultations sont également requises pour les mesures qui seraient prises pour éviter ou atténuer les impacts négatifs des décisions structurantes des institutions.

    Il est également important de noter que, puisque l’obligation de prendre des mesures positives est une obligation continue, les analyses d’impact effectuées par les institutions doivent précéder chaque décision pouvant avoir une incidence sur les engagements pris aux paragraphes 41(1), (2) et (3) de la Loi, puisqu’il est presque impossible de savoir d’avance si une décision peut avoir une incidence sur les engagements. Bien entendu, l’analyse doit être menée avant la prise d’une décision qui aura une incidence.

    B. Prise de mesures positives [ paragr. 41(5) de la Loi]

    Une fois l’analyse d’impact terminée, l’institution fédérale doit, en vertu du paragraphe 41(5), veiller à ce que les engagements énoncés aux paragraphes 41(1) à (3) soient mis en œuvre par la prise de mesures positives. Le paragraphe 41(5) est donc la disposition qui oblige l’institution à agir concrètement en « prenant » bel et bien une mesure positive. 

    i. Caractéristiques des mesures positives

    Les mesures positives prises par les institutions fédérales doivent présenter les quatre caractéristiques suivantes :

    1. sont concrètes;
    2. ont pour intention d’avoir un effet favorable sur la mise en œuvre des engagements énoncés aux paragraphes 41(1), (2) et (3) de la Loi;
    3. respectent la nécessité de protéger et de promouvoir le français dans chaque province et territoire, compte tenu du fait que cette langue est en situation minoritaire au Canada et en Amérique du Nord en raison de l’usage prédominant de l’anglais;
    4. respectent la nécessité de prendre en considération les besoins propres à chacune des deux communautés de langue officielle, compte tenu de leur égale importance.

    Il ne suffit pas que les institutions fédérales aient de bonnes intentions : elles doivent être en mesure de montrer que l’activité ou la décision avait un objectif précis et aurait vraisemblablement mené à un résultat positif.

    ii. Portée des mesures positives

    Les institutions fédérales doivent prendre des mesures positives, dont l’intention préalable était précisément d’avoir un effet favorable sur les engagements énoncés aux paragraphes 41(1), (2) et (3) de la Loi qu’elles doivent mettre en œuvre.

    L’obligation de prendre des mesures positives est donc très étoffée, car elle doit être ancrée dans une analyse d’impact qui montre un lien cohérent, logique et rationnel entre ce qu’a révélé l’analyse et la prise d’une mesure précise et concrète.

    De plus, étant donné que l’obligation de prendre des mesures positives demeure une obligation continue, les institutions fédérales doivent s’assurer de réévaluer continuellement l’incidence de leurs mesures en effectuant de nouvelles analyses d’impact. En effet, à la suite de la prise d’une mesure positive donnée, les institutions doivent évaluer ses effets et l’ajuster, au besoin, en fonction des résultats d’une analyse subséquente.

    Si l’analyse révèle qu’une mesure prise a des effets neutres ou négatifs, c’est-à-dire des effets qui ne sont pas « positifs » pour la mise en œuvre des engagements énoncés aux paragraphes 41(1) à (3), les institutions doivent ajuster le tir en prenant une autre mesure positive concrète et dont l’intention est d’avoir un effet favorable sur la mise en œuvre des engagements du gouvernement.

    Comme les institutions doivent pleinement évaluer l’incidence de leurs mesures avant de les prendre et après les avoir prises, elles adopteront des mesures positives qui auront, en fin de compte, un effet positif sur la mise en œuvre des engagements du gouvernement.

    Pour garantir la pleine mise en œuvre de la partie VII de la Loi, les institutions fédérales doivent intégrer le sujet dans leurs processus décisionnels et opérationnels dès les premières étapes de la planification d’activités et de l’élaboration ou de la mise en œuvre de politiques ou de programmes. Ainsi, les institutions fédérales doivent évaluer l’incidence de leurs politiques et de leurs programmes sur la vitalité des CLOSM, sur la promotion de la dualité linguistique, sur la protection et la promotion du français et sur les possibilités d’apprentissage dans la langue de la minorité linguistique. Elles doivent ensuite déterminer si ces politiques ou ces programmes doivent être adaptés ou, au besoin, si des programmes particuliers doivent être élaborés. Elles doivent également être au courant des possibilités ou des initiatives susceptibles de favoriser la mise en œuvre des engagements du gouvernement. 

    Les mesures qui ne concernent pas, de façon concrète, les engagements énoncés aux paragraphes 41(1), (2) et (3) de la Loi ne peuvent pas être considérées comme des mesures positives. Par exemple, la création d’un comité composé de représentants des communautés n’est pas en soi une mesure positive, même si elle peut très bien permettre d’obtenir de l’information sur une mesure positive qui sera prise ultérieurement. Toutefois, si l’institution fédérale ne prend aucune mesure, un tel comité ne produit rien de concret à l’égard des engagements.

    De même, un plan d’action ne peut pas être considéré comme une mesure positive tant qu’il n’est pas suivi par la prise de mesures concrètes. Ce sont les mesures prises en appui au plan d’action qui peuvent être considérées comme des mesures positives, et non le plan lui-même.

    Enfin, une mesure positive ne peut pas être une mesure prise par l’institution fédérale pour remplir ses obligations au titre d’une autre partie de la Loi ou de toute autre loi. Par exemple, les mesures prises pour fournir des communications et des services au public dans les deux langues officielles, comme l’exige la partie IV de la Loi, ne peuvent pas être considérées comme des mesures positives.

    C. Obligation de ne pas nuire

    Les institutions fédérales ont l’obligation de ne pas porter atteinte aux engagements énoncés aux paragraphes 41(1) à (3) de la Loi. Cela peut être considéré comme le revers de la médaille, pour ainsi dire, de l’obligation de prendre des mesures positives.

    Dans leurs analyses d’impact, les institutions fédérales doivent donc évaluer les possibilités d’éviter ou, à tout le moins, d’atténuer les impacts négatifs qu’ont ou que pourraient avoir leurs actions ou leurs omissions sur ces trois engagements. Après avoir évalué ces possibilités, les institutions doivent bel et bien prendre des mesures pour éviter l’impact négatif soulevé ou, à tout le moins, atténuer celui-ci. En conséquence, les institutions fédérales sont tenues d’agir pour contrer les impacts négatifs de leurs actions ou omissions.

    L’emploi de l’expression « à tout le moins » signifie que la priorité des institutions est d’éviter les impacts négatifs. Si elles choisissent de ne pas éviter complètement les impacts négatifs en prenant une mesure positive aux termes des paragraphes 41(5) et (6) de la Loi, les institutions doivent être en mesure de justifier pourquoi elles les ont « atténués » et non « évités ».

    Afin de respecter l’obligation de ne pas nuire, les institutions doivent prendre en compte les considérations relatives à la partie VII dès le début du processus décisionnel, peu importe si elles agissent comme décideur ou si elles contribuent à la décision éventuelle (par exemple les décisions concernant les réductions budgétaires, les réductions de programmes ou l’élimination de politiques, ou toute autre décision qui peut nuire aux engagements du gouvernement).

    On entend par « impact négatif » à l’égard des engagements du gouvernement, tout effet néfaste, immédiat ou futur, découlant de mesures prises par une institution fédérale. La simple contribution d’une institution à un effet négatif lié à l’un des engagements du gouvernement énoncés aux paragraphes 41(1), (2) et (3) de la Loi suffit à déclencher l’obligation de ne pas nuire. Autrement dit, l’institution n’a pas à être la seule cause de l’impact négatif.  

    D. Mécanismes d’évaluation et de surveillance [ paragr. 41(10) de la Loi]

    Les institutions fédérales sont tenues d’établir leurs propres mécanismes d’évaluation et de surveillance afin de vérifier que les mesures prises ont une incidence concrète sur la mise en œuvre des engagements du gouvernement.

    Si ces mécanismes permettent de repérer un impact négatif sur un engagement, les institutions ont l’obligation continue de prendre des mesures pour éviter ou atténuer cet impact.

    Les institutions doivent également établir des mécanismes d’évaluation et de surveillance relatifs à l’obligation prévue au paragraphe 41(7) a.1), qui traite des clauses linguistiques dans les accords FPT.

    E. Paiements de transfert, accords de contribution et autres accords de financement connexes

    Les institutions fédérales doivent respecter l’ensemble des exigences énumérées ci-dessous dans le contexte de paiements de transfert, d’accords de contribution ou d’autres accords de financement.

    Dans tout accord entre une institution fédérale et une ou des tierces parties privées pouvant entraîner des obligations en vertu de la partie VII de la Loi, l’institution doit prendre les mesures suivantes pour respecter ses obligations en vertu du paragraphe 41(5) :

    1. déterminer, en fonction du type d’accord, de la nature et de la portée de l’évènement ou de l’activité subventionnée, de la clientèle visée, de l’importance du projet et du niveau de la participation fédérale, si une clause linguistique doit être incluse dans l’accord et établir sa portée;
    2. prendre toutes les mesures appropriées pour inclure une clause linguistique dans l’accord, y compris expliquer à l’organisme bénéficiaire l’intention de la clause et le souhait de l’institution de contribuer à sa mise en œuvre;
    3. s’il n’est pas possible d’inclure une clause linguistique, envisager la possibilité de prendre des mesures de rechange pour engager l’organisme bénéficiaire à respecter l’esprit de la partie VII dans ses activités.

    De plus, lorsqu’une clause linguistique est incluse dans un accord, les institutions fédérales doivent :

    1. aider l’organisme bénéficiaire à comprendre les obligations linguistiques énumérées dans l’accord, s’assurer que l’organisme est en mesure de mettre en œuvre ces obligations et, au besoin, aider l’organisme à mettre en œuvre la clause linguistique;
    2. évaluer la mise en œuvre de la clause linguistique;
    3. prendre les mesures appropriées aux circonstances pour aider l’organisme bénéficiaire à respecter ses engagements si l’évaluation montre qu’il ne le fait pas suffisamment.

    Engagements du gouvernement visant des institutions fédérales particulières

    A. Engagement lié à l’article 23 de la Charte [ paragr. 41(4) de la Loi])

    Le gouvernement s’engage à estimer périodiquement, à l’aide des outils nécessaires, le nombre d’enfants dont les parents ont, en vertu de l’article 23 de la Charte, le droit de les faire instruire dans la langue de la minorité francophone ou anglophone d’une province ou d’un territoire, y compris le droit de les faire instruire dans des établissements d’enseignement de la minorité linguistique.

    L’obligation associée à cet engagement vise une institution en particulier, soit Patrimoine canadien. Le ministre du Patrimoine canadien doit établir un processus pour que le gouvernement mette en œuvre l’engagement décrit ci-dessus (voir l’article 2.3 de la Loi).

    B. Rôle du ministre du Patrimoine canadien relativement à la partie VII de la Loi

    Le ministre du Patrimoine canadien doit montrer concrètement comment les mesures prises par son ministère reflètent son intention de favoriser la progression vers l’égalité des deux langues officielles. Pour ce faire, le ministre peut notamment montrer que les mesures correspondent aux exemples de mesures énumérées aux paragraphes 43(1)a) à h) de la Loi.

    Le ministre du Patrimoine canadien doit aussi prendre des mesures pour garantir la consultation du public sur l’élaboration des principes et des programmes favorisant l’atteinte de l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne [paragraphe 43(2) de la Loi]. De plus, le ministre doit non seulement consulter, mais aussi informer le public sur ces principes et programmes.

    Par ailleurs, le ministre du Patrimoine canadien doit déposer un rapport annuel au Parlement sur les questions en matière de langues officielles qui relèvent de sa mission (article 44 de la Loi). Cette « mission » inclut maintenant la stratégie pangouvernementale sur les langues officielles, le processus à élaborer pour estimer le nombre d’ayants droit en vertu de l’article 23 de la Charte et les obligations du ministre au titre de l’article 43 de la partie VII de la Loi.

    C. Bilinguisme et promotion du français à l’étranger [ art. 42 de la Loi]

    Le gouvernement fédéral s’engage à favoriser l’usage du français et de l’anglais dans la conduite des affaires extérieures du Canada et à promouvoir le français dans le cadre des relations diplomatiques du Canada.

    Le ministre des Affaires étrangères doit directement mettre en œuvre cet engagement à deux volets. Il doit pouvoir montrer comment il favorise l’usage des deux langues officielles dans la conduite des affaires extérieures du Canada et en quoi il fait la promotion précise du français dans le cadre des relations diplomatiques du Canada.

    D. Politique en matière d’immigration francophone [ art. 44.1 de la Loi]

    Le paragraphe 44.1(1) de la Loi codifie l’obligation du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration d’adopter une politique en matière d’immigration francophone, dont l’un des objectifs principaux est de rétablir et d’accroître le poids démographique des minorités francophones. Le langage utilisé au paragraphe 44.1(1) de la Loi impose au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration d’adopter une politique visant à réellement favoriser l’épanouissement des minorités francophones du Canada. Par conséquent, la politique doit être appuyée par des analyses approfondies et comprendre des cibles qui, si elles sont atteintes, auront pour effet de favoriser l’épanouissement des minorités francophones en assurant le rétablissement et l’accroissement de leur poids démographique.

    La Loi précise par ailleurs que la politique doit comprendre des objectifs, des cibles et des indicateurs; des mécanismes de communication de l’information et de reddition de compte; un énoncé du fait que le gouvernement fédéral reconnaît que l’immigration est l’un des facteurs qui contribuent au maintien ou à l’accroissement du poids démographique des minorités francophones du Canada; un énoncé du fait que le gouvernement fédéral reconnaît l’importance de l’immigration francophone pour le développement économique. L’ensemble de ces éléments doivent être compris dans la politique en matière d’immigration francophone.

    Conclusion

    La présente feuille de route fait état des engagements du gouvernement fédéral qui sont énoncés à la partie VII de la Loi et des obligations corolaires pour l’ensemble des institutions fédérales.

    Les exigences de la partie VII nécessitent l’avènement d’une nouvelle culture d’analyse d’impact continue, qui doit impérativement s’instaurer au sein des institutions fédérales où sont prises des décisions ayant une incidence sur les engagements du gouvernement énoncés à la partie VII de la Loi. En effet, en vertu de la partie VII, les institutions fédérales doivent prendre des mesures positives et concrètes à l’égard des CLOSM et des langues officielles qui y sont parlées en vue de favoriser la progression vers l’égalité réelle de statut et d’usage du français et de l’anglais.