1 Introduction
L’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire et la promotion du français et de l’anglais dans la société canadienne sont au cœur de la Loi sur les langues officielles et des priorités du Commissariat aux langues officielles. Le Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir est le mécanisme principal dont s’est doté le gouvernement fédéral pour remplir son engagement envers les communautés de langue officielle en situation minoritaire et pour assurer la promotion des langues officielles en vertu de la Loi sur les langues officielles. La stratégie quinquennale en matière de langues officielles comporte un investissement supplémentaire de près de 500 M$ par rapport au financement passé, ce qui amène l’investissement total à 2,7 G$, la plus grande somme versée pour l’appui et la promotion des langues officielles.
Compte tenu du mandat qui m’est confié en tant que commissaire aux langues officielles, je tiens à veiller à ce que les investissements des institutions fédérales effectués au moyen du Plan d’action permettent d’atteindre les résultats prévus. Dans mon rapport annuel 2017-2018, qui marquait le début de mon mandat comme commissaire, j’ai d’ailleurs indiqué que je surveillerais de près la façon dont le gouvernement entend coordonner et mettre en œuvre les initiatives mises de l’avant dans le Plan d’action. La vigie de cette mise en œuvre compte donc parmi mes activités d’intervention prioritaires depuis le début de mon mandat en 2018. Plus précisément, je m’intéresse à la façon dont les institutions fédérales contribuent à l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire et à la façon dont ces institutions encouragent la reconnaissance et l’utilisation du français et de l’anglais dans la société canadienne, par l’entremise du Plan d’action. Bien que certains secteurs visés par les initiatives du Plan d’action, comme l’éducation, relèvent de la compétence provinciale ou territoriale, le gouvernement fédéral joue tout de même un rôle clé dans le déploiement de ces initiatives. Par l’entremise de ce rapport, je saisis l’occasion de souligner de bonnes pratiques, tout en signalant certains enjeux qui méritent une attention particulière. Somme toute, je suis satisfait de la mise en œuvre de la majorité des initiatives que nous avons suivies. Les initiatives semblent bien répondre aux besoins de nos communautés de langue officielle. Dans un esprit d’amélioration continue, je formule des recommandations au gouvernement pour le prochain plan d’action pour les langues officielles, qui devrait commencer le 1er avril 2023.
La mise en œuvre du Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir a été réalisée dans des circonstances jamais connues auparavant, soit celles de la pandémie mondiale de COVID-19. Plusieurs secteurs ont été durement touchés et vont continuer de nécessiter un appui et une attention particulière dans les années à venir. Je tiens à souligner le travail exceptionnel effectué afin d’assurer le déploiement réussi de ces initiatives, ce qui a nécessité résilience, adaptation et créativité.
1.1 Approche de vigie
Une approche permettant de saisir l’état d’avancement de la mise en œuvre des initiatives du Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir à l’échelle nationale a été élaborée par mon équipe. Des secteurs d’intervention prioritaires ont été choisis et l’accent a été mis sur des vecteurs de vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire, comme l’immigration et l’éducation. Nous avons également accordé une attention particulière aux nouvelles initiatives issues du financement supplémentaire accordé dans le cadre du Plan d’action. En fin de compte, 17 des 60 initiatives du Plan d’action ont été suivies de façon prioritaire (voir Annexe A). La plupart de ces 17 initiatives ont été créées à partir du nouveau financement. Dans le présent rapport, les titres des initiatives ont été utilisés comme ils apparaissent dans le Plan d’action.
Ce rapport est le fruit de notre analyse des rencontres que nous avons eues au cours de l’automne 2019, de l’été 2020 et du printemps 2021 avec environ 130 parties prenantes, y compris cinq institutions fédérales, soit Patrimoine canadien, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, l’Agence de la santé publique du Canada, Emploi et Développement social Canada et le ministère de la Justice Canada.
Notre travail de vigie ne se veut ni exhaustif ni représentatif de l’ensemble des initiatives issues du Plan d’action. Nous avons rencontré des parties prenantes associées à un nombre restreint d’initiatives du Plan d’action. Dans le même ordre d’idée, ce rapport ne reprend pas l’ensemble des commentaires communiqués par les parties prenantes à l’égard du Plan d’action. De plus, certains secteurs, comme la santé, les arts et la culture, et le développement économique, n’ont que peu ou pas fait l’objet de notre travail de vigie. Ces secteurs jouent un rôle clé dans la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire. D’ailleurs, certaines parties prenantes ont souligné que le Programme de contribution pour les langues officielles en santé (réseaux, formation et accès aux services de santé) requiert une attention particulière. Bien que ce programme n’ait pas fait l’objet d’une vigie active par mon équipe, nous continuerons d’entretenir des liens avec des parties prenantes impliquées dans le programme. Il va sans dire que les secteurs de la santé, des arts, de la culture et du développement économique ont été grandement bouleversés par la pandémie de COVID-19. Le Plan d’action doit continuer de jouer un rôle clé au sein de ces secteurs et ses initiatives doivent atteindre les objectifs fixés.
Notre approche nous a permis d’échanger avec de nombreuses parties prenantes, notamment des bénéficiaires des fonds, des organismes agissant à titre d’intermédiaires pour l’octroi des fonds et le déploiement des initiatives, ainsi que des porte-paroles d’institutions fédérales. Nous avons ainsi obtenu une vue d’ensemble des initiatives concernées et avons cerné des tendances et des enjeux transversaux liés à des initiatives précises. Je tiens à remercier toutes les parties prenantes qui ont participé à nos activités de vigie, car leur contribution a permis au Commissariat aux langues officielles de veiller à la mise en œuvre du Plan d’action et de son incidence sur les communautés.
1.2 Cadre du rapport
Le présent rapport se décline en deux sections principales. Dans la première, je rapporte les principaux constats pour les initiatives ayant particulièrement retenu notre attention, notamment celles liées à l’éducation et à la petite enfance, à l’immigration, aux médias en contexte linguistique minoritaire et aux communautés d’expression anglaise du Québec. Dans la seconde, j’énumère six constats transversaux sur des initiatives du Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir. Les deux sections principales contiennent également mes recommandations pour le prochain plan d’action sur les langues officielles et le rapport se termine avec ma conclusion générale.
2 Observations par initiative du Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir et recommandations
Cette section présente les principaux constats tirés des activités de vigie du Commissariat aux langues officielles concernant des initiatives particulières du Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir. Elle est divisée en plusieurs sous-sections reflétant les secteurs prioritaires qui ont suscité le plus de rétroaction lors de nos discussions avec les parties prenantes. Ces sous-sections comprennent aussi mes recommandations qui découlent des enjeux cernés en vue du prochain plan d’action pour les langues officielles.
2.1 Continuum en éducation
L’importance d’un continuum en éducation fort, de la petite enfance au postsecondaire, y compris l’éducation des adultes, est indéniable. Comme les récents événements liés au Campus Saint-Jean en Alberta et à l’Université Laurentienne en Ontario l’ont mis en lumière, l’un des éléments clés de la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire est la capacité des étudiants à recevoir leur éducation dans leur première langue officielle tout au long du continuum. De plus, la promotion de l’utilisation des deux langues officielles chez tous les membres de la population canadienne dépend fortement des possibilités offertes pour les apprendre, ce qu’offrent des initiatives de langue seconde. Mes observations sur certaines initiatives en éducation, ainsi que celles de nombreuses parties prenantes avec lesquelles mon équipe s’est entretenue au cours de nos activités de vigie, sont présentées ci-dessous.
2.1.1 Petite enfance
La petite enfance est un vecteur de la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire et représente la première étape du continuum en éducation. Il s’agit aussi d’une période de construction identitaire cruciale où les enfants de la minorité linguistique forgent leur sens d’appartenance à leur communauté. Les nouveaux investissements du Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir qui soutiennent le secteur de la petite enfance, dont l’initiative Appui au développement de la petite enfance et l’initiative Élargissement de la programmation en promotion de la santé en petite enfance, ont, dans l’ensemble, été bien accueillis par les parties prenantes du secteur communautaire et du secteur de l’éducation.
2.1.1.1 Appui au développement de la petite enfance
Malgré l’enthousiasme pour ces nouveaux investissements, des défis de taille nuisent à la capacité des communautés de langue officielle en situation minoritaire d’accéder à des services de garde dans la langue officielle de la minorité. D’une part, le recrutement et le maintien en poste des éducatrices et des éducateurs posent un problème, notamment en raison de la combinaison de faibles salaires et de responsabilités accrues. D’autre part, le manque de financement pour la construction, l’élargissement ou le renouvellement d’infrastructures en service de garde a également constitué une barrière importante limitant la capacité d’accueil. Les listes d’attente pour accéder aux services de garde sont fréquentes et souvent symptomatiques de l’un ou l’autre de ces défis, et parfois des deux.
Afin de pallier ces problèmes, l’initiative Appui au développement de la petite enfance, réalisée par l’entremise de deux programmes d’Emploi et Développement social Canada (le Fonds d’habilitation pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire et le Programme d’innovation en matière d’apprentissage et de garde des jeunes enfants) et offerte aux communautés francophones hors Québec, a été mise en œuvre. Elle vise à soutenir la formation professionnelle et le renforcement des capacités des éducatrices et des éducateurs en service de garde en plus de contribuer à augmenter le nombre de places et d’emplois en garderies. D’importants progrès et des retombées positives de cette initiative ont été réalisés, comme l’atteste le nombre de places créées en service de garde par les partenaires du Réseau de développement économique et d’employabilité Canada, le nombre d’éducatrices et d’éducateurs en petite enfance formés et la tenue du premier Symposium national en petite enfance organisé par l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne. Néanmoins, des parties prenantes signalent l’importance d’investir dans des projets avec un financement de programmation et une vision à long terme plutôt que par l’entremise du financement par projet. Notons que, même si l’initiative sert de levier à la conception de nouveaux projets, le maintien de ces projets à long terme requiert que les organismes puisent dans leurs fonds de fonctionnement lorsque le financement se termine.
C’est dans cette optique que j’accueille favorablement le plan d’apprentissage et de garde des jeunes enfants pancanadien prévu dans le budget fédéral de 2021, bien qu’il ne relève pas du Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir. Ces investissements viseront à créer de nouvelles places en garderies, à faciliter le recrutement et le maintien en postes des éducatrices et des éducateurs en petite enfance, en plus de rendre plus abordables les services de garderies et d’avoir d’autres retombées positives dans la société canadienne.
Je suis toutefois inquiet que les clauses linguistiques comprises dans ces ententes ne soient pas assez fortes. Je suis d’avis que le gouvernement fédéral devrait être proactif et faire preuve de leadership en matière de langues officielles dans l’élaboration d’ententes fédérale-provinciales-territoriales en s’assurant d’inclure des clauses linguistiques distinctes pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire, le cas échéant. Il est essentiel de mettre en place des mécanismes pour préciser à quels moments et de quelle manière les provinces et les territoires doivent consulter les communautés de langue officielle en situation minoritaire, ainsi que pour s’assurer qu’un financement approprié, déterminé avec une cible précise, est réservé pour ces communautés. De plus, l’institution fédérale responsable des ententes fédérale-provinciales-territoriales doit suivre la mise en œuvre de ces mécanismes auprès des provinces et des territoires afin de pouvoir en assurer la conformité. Enfin, comme je le souligne aussi dans ce rapport, il est primordial d’intégrer des clauses aux ententes fédérale-provinciales-territoriales garantissant la transparence quant à l’utilisation des fonds et permettant d’effectuer le suivi auprès des provinces et des territoires pour s’assurer que cela est fait dans un délai raisonnable.
Il importe de souligner que les communautés d’expression anglaise du Québec n’ont pas accès à des fonds de l’initiative Appui au développement de la petite enfance. Bien que l’accès à des services à la petite enfance dans leur première langue officielle demeure une priorité pour ces communautés, des parties prenantes rapportent que l’accès aux services de garde est souvent un défi, particulièrement dans les régions éloignées. Compte tenu de ces besoins, il sera primordial de soutenir la vitalité de ces communautés de langue officielle en situation minoritaire dans le prochain plan d’action pour les langues officielles.
Je recommande à la ministre des Langues officielles de mettre, dans le cadre du prochain plan d’action pour les langues officielles, une enveloppe d’une proportion équivalente à celle de l’initiative Appui au développement à la petite enfance à la disposition des communautés d’expression anglaise du Québec.
2.1.1.2 Élargissement de la programmation en promotion de la santé en petite enfance
La mise en œuvre de l’initiative Élargissement de la programmation en promotion de la santé en petite enfance a également été examinée par mon équipe. Grâce à ce financement, les organismes bénéficiaires ont pu mettre en œuvre de nouveaux projets, qui, à leur tour, ont fait ressortir le besoin des services afin de pallier de nombreux enjeux liés à la santé en petite enfance. Certains de ces enjeux précèdent la pandémie de COVID-19, tandis que d’autres ont sans doute été exacerbés par la crise sanitaire, notamment en ce qui a trait à la santé mentale et au développement langagier. De ce fait, je souligne le travail acharné réalisé par les parties prenantes pour s’assurer que des services sociaux et des services de santé essentiels à la petite enfance peuvent être offerts.
Le financement octroyé à l’initiative Élargissement de la programmation en promotion de la santé en petite enfance demeure un investissement incontournable pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Je salue la collaboration intersectorielle qui s’est forgée dans les communautés francophones hors Québec et la mobilisation d’un réseau en place dans les communautés d’expression anglaise du Québec pour assurer le fonctionnement efficace de cette initiative.
2.1.2 Paliers primaire, secondaire et postsecondaire de l’éducation
Des investissements importants ont été effectués dans le secteur de l’éducation, y compris des sommes pour de nouvelles initiatives qui répondent à des besoins particuliers dans les communautés de langue officielle. Compte tenu de l’importance de l’accès aux occasions d’apprentissage dans la première langue officielle de la minorité linguistique et de la seconde langue officielle de la majorité linguistique pour l’atteinte des objectifs du gouvernement en matière de bilinguisme, ces initiatives ont été très bien reçues par les parties prenantes concernées. Le Fonds d’appui à l’école communautaire citoyenne a permis l’octroi de microsubventions à des organismes à but non lucratif ayant établi un partenariat avec une école de langue française en situation minoritaire. Ce financement permet aux élèves de réaliser un projet susceptible de contribuer à leur construction identitaire tout en répondant à un besoin cerné dans l’école ou dans la communauté. Malgré les répercussions de la pandémie de COVID-19, plusieurs organismes et écoles ont su s’adapter au format virtuel du fonds. Ils sont allés de l’avant avec leurs initiatives, en plaçant les élèves au cœur des projets, car ces derniers participaient directement à l’initiation et à la mise en œuvre de leurs projets. D’ailleurs, le succès du Fonds d’appui à l’école communautaire citoyenne laisse présager qu’il pourrait avoir encore plus de retombées positives si on l’appliquait également aux programmes de français langue seconde.
Je recommande à la ministre des Langues officielles de consulter les parties prenantes en vue du prochain plan d’action pour les langues officielles afin d’explorer la possibilité qu’une enveloppe de fonds pour le Fonds d’appui à l’école communautaire citoyenne, ou une initiative semblable, puisse être accessible en contexte d’immersion et de français langue seconde.
L’initiative des Bourses d’études postsecondaires en français langue seconde a permis d’offrir des bourses de 3 000 $ par année aux étudiants qui ont obtenu leur diplôme d’une école secondaire de langue anglaise, y compris les étudiants québécois d’expression anglaise, et qui choisissent de faire au moins 50 % de leurs études postsecondaires en français. L’initiative vise à augmenter le taux de bilinguisme des étudiants et à atténuer le déclin des compétences en français qui risque de se produire une fois que ces étudiants ont terminé leurs études secondaires. La structure de l’initiative a été bénéfique, car, combinée à l’utilisation des réseaux préexistants de l’organisation intermédiaire, elle a permis de tirer parti de l’expertise des établissements postsecondaires en leur permettant de distribuer les bourses.
2.1.2.1 Ententes fédérale-provinciales-territoriales en éducation
Les ententes fédérale-provinciales-territoriales, ou ententes bilatérales, en éducation se déclinent en deux volets : Éducation dans la langue de la minorité et Apprentissage de la langue seconde1. En 2019, un financement additionnel de 60 M$ sur quatre ans a été annoncé pour accroître le soutien à l’éducation dans la langue de la minorité dans le cadre de ces ententes. Il s’agit de la première hausse de financement en plus de 10 ans et elle a été favorablement accueillie par les conseils scolaires et les parties prenantes du secteur de l’éducation. Je tiens également à souligner l’annonce des nouveaux fonds du budget de 2021, soit un financement de 121,3 M$ sur trois ans pour l’éducation postsecondaire de qualité dans la langue officielle de la minorité ainsi que de 180,4 M$ sur trois ans, qui contribuera, entre autres, à améliorer les programmes d’immersion française et de français langue seconde dans les écoles et dans les établissements postsecondaires.
En dépit de ces avancées, d’importants problèmes perdurent en ce qui concerne les ententes fédérale-provinciales-territoriales. La signature tardive du Protocole d’entente relatif à l’enseignement dans la langue de la minorité et à l’enseignement de la langue seconde 2019-2020 à 2022-2023 entre le gouvernement du Canada et celui des provinces et des territoires a engendré un retard sérieux dans la signature des ententes bilatérales. En date du 31 mars 2020, seuls trois provinces et territoires avaient signé des ententes bilatérales de quatre ans (2019-2023), soit les Territoires du Nord-Ouest, le Nouveau-Brunswick et la Saskatchewan. Les autres provinces et territoires ont signé des ententes provisoires pour la période de 2019-2020, notamment en raison de la pandémie de COVID-19 qui a entravé les négociations. Au printemps 2021, toutes les provinces et les territoires ont conclu des ententes bilatérales pluriannuelles jusqu’en 2022-2023, à l’exception du Québec, qui a signé une entente bilatérale provisoire d’un an pour 2020-2021. Rappelons que le Québec n’est pas signataire du protocole, mais souscrit tout de même à ses principes généraux.
De plus, puisque certains gouvernements provinciaux et territoriaux ne fournissent pas aux bénéficiaires des confirmations de fonds provenant des ententes bilatérales avant que ces dernières ne soient conclues, il n’est pas rare de recevoir la confirmation six mois avant la fin d’un cycle de financement ou même moins, ce qui rend la planification très ardue, notamment pour les institutions postsecondaires. Certains administrateurs d’établissements francophones au sein d’universités anglophones sont contraints à négocier avec leur établissement pour que les fonds soient avancés. Les établissements dépensent beaucoup d’énergie à négocier ce genre d’entente, ce qui monopolise les ressources. Puisque les fonds habituels dont disposent chaque province et territoire sont confirmés même si les ententes ne sont pas encore conclues, ces retards pourraient être évités. J’incite donc toutes les parties prenantes à se mobiliser afin que des retards liés à la confirmation des fonds provenant des ententes bilatérales ne se reproduisent plus. La signature d’ententes bilatérales pluriannuelles devrait d’ailleurs atténuer ce problème particulier.
Des améliorations importantes méritent d’être soulignées en ce qui concerne le Protocole d’entente. Les signataires se sont entendus sur l’importance d’avoir plus de consultations et de collaboration avec les parties prenantes et les conseils scolaires, et sur l’importance de la transparence et de l’imputabilité. Ils reconnaissent le rôle que joue le continuum en éducation pour favoriser la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Notons toutefois que certains conseils scolaires francophones n’ont pas été directement consultés par les gouvernements provinciaux et territoriaux lors des discussions sur le Protocole d’entente. Au Québec, le gouvernement provincial a bel et bien consulté les commissions scolaires, mais il l’a fait par l’entremise des directions générales des commissions et non des présidents élus. Les commissions scolaires sont d’avis que les consultations devraient être menées directement auprès des titulaires de droits en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, c’est-à-dire en communiquant avec les présidents des neuf commissions scolaires anglophones au Québec.
Obtenir le statut des pourparlers entre les provinces et territoires et le gouvernement fédéral représente un défi pour les conseils scolaires; un problème qui peut certainement être qualifié comme étant systémique. Le processus plutôt hermétique de discussion ne permet pas de contester facilement le processus de décision qui a mené aux contributions définies. Ce processus doit être plus transparent. Il est essentiel que les parties prenantes du secteur de l’éducation aient accès à plus d’informations en amont sur le processus et sur les contributions de la prochaine ronde de financement.
Des mécanismes de communication tripartite sont en place par l’entremise de la Table nationale sur le français langue seconde et du comité tripartite qui représentent le secteur de l’éducation en langue française en situation minoritaire. Néanmoins, les provinces et les territoires ne semblent pas toujours être au courant de l’ensemble des fonds offerts pour différentes initiatives dans le cadre du Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir. Des représentants d’un conseil scolaire ont dû approcher leur gouvernement provincial ou territorial afin de l’informer que des fonds étaient offerts pour certaines initiatives en éducation. Il demeure essentiel que toutes les parties prenantes soient au courant de tout financement pour lequel elles seraient admissibles.
Je recommande à la ministre des Langues officielles de s’assurer que le mécanisme de communication tripartite entre le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial ou territorial et les conseils scolaires et les parties prenantes permet un échange d’information optimal à l’égard des initiatives relatives à l’enseignement dans la langue de la minorité et dans la langue seconde qui découlent des ententes bilatérales, des fonds disponibles et de tous les aspects liés à la prestation de ces initiatives.
Chaque entente bilatérale est accompagnée d’un plan d’action. Certaines parties prenantes ont souligné que le niveau de détail requis et la rigidité de la formule liés à l’élaboration et à la rédaction des plans d’action représentent une responsabilité supplémentaire et ajoutent une lourdeur administrative. D’autres sont d’avis que leur participation à cette étape du processus leur permet d’avoir un certain degré d’autonomie et qu’ils apprécient cette participation. Il en ressort que le processus administratif encadrant la préparation des plans d’action mérite une attention particulière, afin de s’assurer qu’il n'est pas trop laborieux pour les parties prenantes.
À l’exception des 60 M$ supplémentaires définis dans le Protocole d'entente et alloués sur quatre ans pour la langue de la minorité, le niveau de financement qui n’a pas augmenté depuis plusieurs années pour appuyer les conseils scolaires demeure un problème central. Ce faisant, il y a moins d’occasions de mettre en œuvre des changements structurants. Les conseils scolaires sont reconnaissants de la variété de nouvelles initiatives du Plan d’action, mais les besoins financiers pour la programmation et les activités courantes demeurent très élevés. Selon les parties prenantes consultées, une hausse de financement pour les activités courantes et pour la programmation sera la principale revendication pour le prochain plan d’action pour les langues officielles. Les conseils scolaires francophones espèrent aussi que les 60 M$ supplémentaires sur quatre ans seront pérennisés dans l’enveloppe des fonds de fonctionnement des conseils scolaires.
La question de l’imputabilité et de la transparence des provinces et des territoires demeure un problème qui continue à me préoccuper. Le Protocole d’entente stipule que les provinces et les territoires doivent être transparents au sujet des montants alloués et doivent établir un mécanisme de consultation. Dans certaines provinces et certains territoires, les parties prenantes nous relatent que ces informations demeurent difficilement accessibles. Des inquiétudes ont été soulevées par les parties prenantes sur les deux premières années du Plan d’action, notamment puisqu’il n’est pas possible de connaître la répartition des fonds en raison du manque de transparence. Un gouvernement provincial ou territorial ne semble pas vouloir diffuser des informations à l’égard des montants précis qui devraient être accordés aux conseils scolaires. Ce gouvernement fait plutôt référence à la formule de financement générique pour l’ensemble des conseils scolaires. Rappelons ici que je me suis prononcé en faveur d’une amélioration de la transparence et l’imputabilité dans mon rapport annuel 2018-2019. De plus, comme je l’ai souligné dans mon rapport annuel 2019-2020, la transparence et l’imputabilité sont importantes pour les communautés d’expression anglaise en situation minoritaire, même si le Québec s’est retiré du Protocole d’entente. Il demeure donc essentiel que des mécanismes permettant d’assurer la transparence et l’imputabilité dans l’ensemble des provinces et des territoires soient mis en place. À cet effet, des clauses qui imposent une reddition de comptes exhaustive et qui permettent au gouvernement fédéral de mesurer la conformité des provinces et des territoires représentent un élément essentiel des ententes fédérale-provinciales-territoriales en éducation. J’ai d’ailleurs formulé une recommandation à cet égard dans mon rapport annuel 2018-2019. Le suivi de cette recommandation n’est pas encore terminé.
2.1.2.2 Stratégie de recrutement d’enseignants pour les écoles minoritaires et Stratégie de recrutement d’enseignants d’immersion et de français langue seconde2
La pandémie de COVID-19 a eu des répercussions sans précédent dans le secteur de l’éducation. Je tiens à reconnaître les efforts colossaux déployés par toutes les parties prenantes du secteur de l’éducation pour appuyer l’enseignement des deux langues officielles. Or, une pénurie du personnel enseignant dans les écoles de langue française en situation minoritaire et au sein des programmes de français langue seconde perdure. La mise en place d’enveloppes pour assurer le recrutement et la rétention de personnel enseignant représente un pas dans la bonne direction. De nombreuses parties prenantes consultées ont exprimé leur satisfaction à l’égard de cette stratégie. Des campagnes de promotion et de recrutement, des partenariats entre institutions postsecondaires et une base de données pancanadienne comptent parmi les initiatives qui ont été mises en place grâce à ces enveloppes.
Notons toutefois qu’en raison de la pandémie, plusieurs initiatives ont dû être adaptées et livrées virtuellement, alors que d’autres ont été reportées aux exercices financiers subséquents. Néanmoins, plusieurs parties prenantes ont mentionné que Patrimoine canadien s’est montré très ouvert à la réaffectation des fonds entre les exercices financiers, un geste envers lequel elles sont reconnaissantes. De plus, Patrimoine canadien a lancé un appel de projets express supplémentaire avec les fonds disponibles pour 2020-2021 et les projets retenus devaient viser précisément à répondre aux besoins immédiats créés par la pandémie. Même si les délais pour demander du financement ont été extrêmement serrés, les parties prenantes consultées se sont réjouies de ce financement supplémentaire.
Bien que certains organismes reçoivent des fonds directement de Patrimoine canadien, la vaste majorité des projets passent par l’entremise des ententes bilatérales en éducation. Afin d’éviter de devoir signer de nouvelles ententes de contributions pour chaque initiative financée, des annexes sont incluses dans les ententes bilatérales. La signature tardive du Protocole d’entente relatif à l’enseignement dans la langue de la minorité et à l’enseignement de la langue seconde 2019-2020 à 2022-2023, qui a engendré un retard sérieux dans la signature des ententes bilatérales pluriannuelles, constitue également un obstacle à la mise en œuvre de nouveaux projets à l’aide des nouveaux fonds dans les provinces et les territoires qui ne fournissent une confirmation de fonds aux bénéficiaires qu’après la signature d’une entente bilatérale. Des retards ont également été causés par les élections fédérales et par la pandémie de COVID-19. Ces retards ont été soulignés par plusieurs parties prenantes. Ils engendrent un report ou une modification des projets et une réallocation des fonds à différents exercices financiers. Comme il est souligné dans mon rapport annuel 2020-2021, les retards ont posé un défi dans le projet de création de sites satellites du Campus Saint-Jean en Alberta. Ce financement était considéré comme étant non confirmé par la province jusqu’à ce que l’entente bilatérale pluriannuelle 2020-2023 soit signée le 30 mars 2021. Plusieurs de ces problèmes auraient été évités si le Protocole d’entente avait été signé en temps opportun.
Des problèmes liés à la communication et à la consultation sont également survenus. Certains conseils scolaires se disent déçus que l’information à propos de ces initiatives ne soit pas venue directement de leurs gouvernements provinciaux et territoriaux respectifs – un problème également soulevé pour le fonds en infrastructure, soit les initiatives Appui aux milieux de vie communautaires – infrastructures et Appui à l’infrastructure scolaire et communautaire. De plus, il semblerait qu’un gouvernement a obtenu du financement pour ces derniers sans consulter les principaux intéressés du secteur de l’éducation, notamment les conseils scolaires.
Tout comme je l’ai souligné dans le cadre de mon étude sur les difficultés liées à l’offre et à la demande de personnel enseignant en français langue seconde au Canada publiée en 2019, la forte demande d’accès au programme d’immersion dans certaines régions continue à exercer une énorme tension en raison du manque de places et de la pénurie de personnel enseignant. Certaines parties prenantes du secteur de l’éducation voudraient que les critères d’admissibilité des stratégies de recrutement et de rétention d’enseignants de Patrimoine canadien soient élargis pour appuyer des initiatives qui comprennent l’octroi de primes salariales, notamment des primes à l’embauche, ou qui appuient le bien-être et la santé mentale. Enfin, certaines parties prenantes soulignent le manque de coordination des initiatives à l’échelle nationale. Selon ces derniers, des fonds ont été accordés pour plusieurs projets similaires ou pour des projets qui auraient pu être combinés. Certaines parties prenantes se questionnent à savoir si la Table nationale sur le français langue seconde pourrait jouer un rôle plus actif dans la coordination des fonds. La mise sur pied de cette table de consultation faisait d’ailleurs partie des recommandations que j’avais émises dans le cadre de mon étude, et je tiens à saluer le travail qui a été effectué à cet égard.
Les besoins en matière de recrutement et de rétention varient dans les provinces et les territoires. Une approche en continu s’avère essentielle pour assurer la disponibilité de la main-d’œuvre pour ce secteur du système d’éducation et pour lutter efficacement contre la pénurie au sein des écoles de langue française en situation minoritaire ainsi que dans les programmes de français langue seconde.
Je recommande à la ministre des Langues officielles :
- de mettre en place une plus grande coordination à l’échelle nationale pour assurer l’octroi des fonds des enveloppes prévues pour le recrutement et la rétention du personnel enseignant dans le cadre du prochain plan d’action pour les langues officielles;
d’explorer la possibilité que les conseils scolaires et les établissements postsecondaires puissent soumettre directement à Patrimoine canadien des demandes de financement en ce qui a trait aux enveloppes prévues pour le recrutement et la rétention du personnel enseignant.
2.1.2.3 Appui aux milieux de vie communautaires – infrastructures et Appui à l’infrastructure scolaire et communautaire
Les initiatives Appui aux milieux de vie communautaires – infrastructures et Appui à l’infrastructure scolaire et communautaire3 permettent aux provinces et aux territoires d’entamer des projets de construction, de modernisation ou de rénovation d’infrastructures scolaires et communautaires au sein des établissements scolaires et postsecondaires des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Elles ont été mises à la disposition des provinces et des territoires, ces derniers devant toutefois fournir une contrepartie afin d’appuyer le projet en infrastructures. Une partie des fonds prévus pour l’initiative Appui aux milieux de vie communautaires – infrastructures est dédiée au nouveau Fonds pour les espaces communautaires. Les organismes communautaires sont en mesure d’en faire la demande sans fournir de contrepartie et un grand engouement pour ce fonds a été manifesté.
Selon certaines parties prenantes qui ont été consultées au sujet des initiatives en infrastructure, l’exigence d’une contrepartie fait en sorte que les projets qui sont proposés ne sont pas forcément liés aux plus grands besoins de la communauté : les projets sont tributaires des priorités gouvernementales des provinces et des territoires. Certains conseils scolaires consultés estiment que le financement d’une contrepartie constitue une barrière à l’accès aux initiatives en infrastructure puisque, dans certaines provinces et certains territoires, l’information concernant les fonds disponibles ne leur a pas été communiquée. Dans une région, les conseils scolaires ont approché eux-mêmes le gouvernement fédéral pour explorer les possibilités de financement pour des espaces communautaires dans des projets d’infrastructures scolaires. La contrepartie exigée par le gouvernement fédéral peut représenter une barrière de négociation avec le gouvernement provincial ou territorial, et certains projets se voient abandonnés. De plus, certains déplorent le manque de transparence de la part des provinces et des territoires quant aux motifs associés aux refus des demandes de financement. D’autres voudraient que l’information quant aux projets financés et ceux qui sont refusés soit plus facilement accessibles. Notons toutefois que certains projets d’infrastructures scolaires sont tout de même financés par les provinces et territoires à l’extérieur du cadre de ces initiatives, souvent sans financement fédéral.
Je reconnais que l’exigence de la contrepartie vise, entre autres, à responsabiliser les provinces et les territoires, en assurant leur appui des projets en infrastructure. Or, il demeure que les projets sont à la merci du gouvernement provincial ou territorial en place. J’incite Patrimoine canadien à trouver des pistes de solutions, qui pourraient notamment inclure la possibilité d’offrir du financement direct aux communautés, aux conseils scolaires et aux établissements postsecondaires lorsque cela est approprié.
2.2 Immigration
Dans le Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir, on trouve également l’initiative Parcours d’intégration francophone qui s’applique uniquement pour des initiatives francophones au sein des communautés francophones en situation minoritaire. L’objectif de l’initiative est de favoriser les liens entre les nouvelles personnes arrivantes francophones et leurs communautés d’accueil ainsi que de contribuer à l’offre de services d’établissement « par et pour » la minorité d’expression française. L’offre de services ciblés aide à nouer les liens entre ces nouvelles personnes arrivantes et les communautés francophones en situation minoritaire qui souhaitent les accueillir parmi les leurs, les intégrer dans leurs institutions et leurs entreprises, et les inciter à vivre dans leur terre d’accueil à long terme.
L’initiative comprend trois volets : les services de base améliorés, l’initiative des communautés francophones accueillantes et le renforcement des capacités du secteur d’établissement francophone. Deux des trois volets du Parcours d’intégration francophone tentent d’orienter les nouvelles personnes arrivantes d’expression française vers des services d’accueil en français et les services de soutien pendant le processus d’établissement de ces personnes dans l’ensemble du Canada. Le manque d’uniformité en matière de services d’établissement à l’échelle du pays représente le problème principal observé dans plusieurs régions.
2.2.1 Services d’intégration spécialisés
Les services que les personnes immigrantes anglophones obtiennent sont parfois spécialisés en fonction des besoins des nouvelles personnes arrivantes, par exemple, en offrant des services aux personnes qui appartiennent à un ordre professionnel ou selon leur catégorie de résidence permanente. Peu d’organismes francophones sont en mesure d’offrir ce type de service spécialisé à l’heure actuelle. Certains d’entre eux sont inquiets, car ils ont remarqué que lorsque les nouvelles personnes arrivantes font appel à un fournisseur de services d’immigration en anglais, ce dernier n’oriente pas systématiquement les francophones vers les services en français. Il est préférable d’aiguiller les nouvelles personnes arrivantes d’expression française vers les fournisseurs de services d’intégration en français.
Je recommande au ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté de continuer à élargir la gamme de services d’accueil spécialisés en français où elle existe déjà, afin d’atteindre une meilleure équivalence de ces services en français destinés aux nouvelles personnes arrivantes par rapport aux services existants en anglais.
2.2.2 Services sur l’ensemble du territoire canadien
L’initiative des communautés francophones accueillantes est un nouveau modèle élaboré en 2018 et dont les activités ont débuté en 2020. L’initiative cherche à favoriser l’intégration et la rétention des nouvelles personnes arrivantes d’expression française dans quatorze régions désignées partout au pays ainsi qu’à faciliter les liens entre les nouvelles personnes arrivantes et ces communautés accueillantes. Plusieurs parties prenantes notent que l'initiative connaît déjà un certain succès dans leurs communautés respectives. Ce modèle pourrait maintenant être étendu et transposé dans plusieurs autres communautés partout au pays. Cela contribuerait à bonifier l’offre de services et à tisser des liens au sein des communautés dans lesquelles les nouvelles personnes arrivantes d’expression française ne reçoivent pas toujours les services en français, et ce, tout en soutenant la vitalité des communautés francophones en situation minoritaire.
Je recommande au ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté d’augmenter le nombre de communautés qui offrent des services comme ceux qui ont été mis sur place grâce à l’initiative des communautés francophones accueillantes.
2.2.3 Élargissement des critères d’admissibilité
Selon plusieurs fournisseurs de services particuliers du Parcours d’intégration francophone, le fait de ne pas pouvoir offrir des services aux nouvelles personnes arrivantes d’expression française de la catégorie résidence temporaire représente un problème. Selon plusieurs d’entre eux, le fait d’offrir des services d’accueil aux résidents temporaires d’expression française, principalement les étudiants internationaux et les travailleurs temporaires, aurait une incidence positive sur la rétention de ces personnes à long terme. La disponibilité de ces services pourrait les inciter à faire leur demande de résidence permanente au Canada. Autrement dit, les tenants de cette approche disent qu’une plus grande facilité d’obtenir des services lors de l’arrivée au pays agit en tant que stratégie de recrutement implicite de nouvelles personnes arrivantes. Enfin, plusieurs parties prenantes avec lesquelles nous avons parlé sont d’avis que l’accès à des services offerts aux nouvelles personnes arrivantes d’expression française devrait être fondé sur le besoin de recevoir ces services en français lors de l’arrivée au Canada et non sur le statut de la personne immigrante.
Je recommande au ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté de revoir les critères d’admissibilité aux services financés dans le cadre du Parcours d’intégration francophone pour permettre aux résidents temporaires d’y accéder.
2.3 Médias des communautés de langue officielle en situation minoritaire
Le nouveau financement pour le Renforcement des capacités des médias et radios communautaires vise à renforcer le développement des contenus des médias en milieu minoritaire, à les aider à entamer la transition numérique ainsi qu’à soutenir l’insertion des jeunes sur le marché du travail, tout en répondant aux besoins de main d’œuvre des médias.
Pour atteindre ces objectifs, le volet du Fonds d’appui stratégique aux médias communautaires appuie les projets de collaboration visant les médias minoritaires, ce qui permet d’apporter un appui financier aux projets contribuant au maintien des radios et des journaux des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Un deuxième volet vise la création de stages pour la prochaine génération de professionnels des médias en milieu linguistique minoritaire.
Ce deuxième volet a pu entamer ses activités rapidement grâce à la plateforme d’emploi de Jeunesse Canada au travail de Patrimoine canadien. En revanche, plusieurs parties prenantes ont soulevé des problèmes relatifs à la structure de l’initiative. D’après eux, la structure n’est pas adaptée à la réalité des médias puisque ce volet a été conçu principalement pour renforcer la capacité des jeunes dans le secteur plutôt que pour répondre aux besoins prioritaires des médias. De plus, elle ne permet pas de recueillir une base de données de coordonnées des stagiaires, ce qui limite plus la possibilité de subvenir à leurs besoins en ressources humaines à long terme et de créer leur relève. Dans un autre ordre d’idées, les modalités de l’initiative ont dû aussi être changées en cours de route pour accommoder les médias et les radios dans les régions les plus éloignées et dans le Nord, qui ont eu de la difficulté à attirer des candidats.
Bien que l’initiative ait connu plusieurs réussites, dont le parcours de stagiaires occupant maintenant des postes de gestion, elle ne semble pas constituer une solution à long terme ni une promesse de survie pour les plus petits médias dont l’instabilité financière est accrue. Le Fonds d’appui stratégique aux médias communautaires permet à ses bénéficiaires de proposer des projets stratégiques visant à provoquer un changement majeur ayant des résultats de longue durée. Notons toutefois qu’il ne couvre pas les dépenses liées aux activités de fonctionnement, les activités courantes et les infrastructures des journaux et des radios communautaires, et, pour les plus petits médias, ces dépenses sont prioritaires. Les pertes de revenus au profit des géants du Web sont l’une des causes de ces difficultés. Sans revenus pour payer tous les éléments nécessaires à la production, les médias se trouvent en mode de survie et n’ont pas la capacité de planifier à long terme. Recevoir des fonds pour leur fonctionnement est plus urgent, surtout en ce qui a trait au recrutement, étant donné que certains n’arrivent pas à attirer des ressources en personnel ou n’ont pas suffisamment de fonds pour les payer.
En analysant l’initiative et le secteur des médias minoritaires, deux éléments majeurs sortent du lot. D’abord, il est clair que les organismes ont, avant tout, besoin de financement pour leurs activités de base. Il leur est impossible de réfléchir stratégiquement au long terme tant qu’ils n’ont pas les capacités ni les ressources financières et humaines pour entreprendre cet exercice. Ensuite, le processus administratif entraîné par la demande de fonds et certains mécanismes administratifs de reddition de compte sont plus exigeants pour les plus petits joueurs, limitant ainsi leurs chances d’accéder au financement alors qu’ils en ont le plus besoin.
Je recommande à la ministre des Langues officielles :
- de consulter les médias et les radios communautaires en situation minoritaire avant le prochain plan d’action pour les langues officielles pour trouver des moyens de pallier la perte de revenus occasionnée par le retrait de paiements publicitaires afin que les médias communautaires puissent assurer leur fonctionnement de base;
- d’incorporer dans le prochain plan d’action pour les langues officielles, à la suite de consultations, des mesures concrètes qui répondent aux besoins prioritaires des médias et des radios communautaires en situation minoritaire.
2.4 Fonds pour les communautés anglophones du Québec
Le Fonds pour les communautés anglophones du Québec est une nouvelle initiative du Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir. Cet investissement vise à soutenir les initiatives communautaires des communautés de langue officielle en situation minoritaire du Québec. Il permet aux organismes communautaires de déterminer les besoins des minorités linguistiques d’expression anglaise et de répondre à ces besoins en offrant des services en anglais cohérents et efficaces dans diverses régions du Québec.
Lors d’une rencontre avec plusieurs parties prenantes, mon équipe a pu constater que ces dernières étaient satisfaites de la manière dont Patrimoine canadien gérait ce fonds. Toutefois, la durée du financement accordé a suscité une certaine insatisfaction. Plusieurs parties prenantes du secteur communautaire ont indiqué qu’elles préféreraient que les projets soient approuvés pour les cinq années complètes du Plan d’action, plutôt que pour un maximum de deux ans. En outre, elles ont exprimé leur déception sur le fait que les organismes ne peuvent pas demander un financement pour le même projet deux fois. Les parties prenantes estiment que le cycle de financement actuel limite leur capacité à avoir une incidence tangible sur les communautés qui ont besoin de services, car l’élaboration de programmes complexes et efficaces nécessite une planification plus poussée et des fenêtres de mise en œuvre plus longues.
Les parties prenantes du secteur communautaire ont également souligné la manière dont la pandémie de COVID-19 a eu une incidence sur leurs communautés. Par exemple, le manque d’un accès fiable à l’Internet dans des régions éloignées comme la Gaspésie, le Nunavik, les Îles-de-la-Madeleine, ainsi qu’en Basse-Côte-Nord, a posé des problèmes majeurs pour les projets de sensibilisation. Combiné aux mesures de santé publique interdisant les déplacements dans ces régions, l’isolement que ces communautés ont connu pendant la pandémie a été sans précédent. Cette situation a été particulièrement difficile pour certaines tranches de la population, comme les jeunes qui ont dû dépendre de plus en plus de l’Internet pour leur éducation et les personnes âgées qui n’avaient pas toutes les moyens de payer un abonnement mensuel à l’Internet. Bien que les parties prenantes du secteur communautaire aient été en mesure d’offrir des services pour aider à atténuer certains des problèmes causés par la pandémie (comme les services de magasinage d’épicerie et d’aide à l’accès à la vaccination), la faiblesse des réseaux de télécommunications a mis en lumière la mesure dans laquelle ces communautés peuvent être vulnérables en temps de crise.
Il est possible de remédier aux problèmes mentionnés. Bien que le mode de financement sans intermédiaire ait été jugé préférable par les parties prenantes, leur capacité à élaborer des programmes complexes et efficaces dépend d’une planification effectuée avec des fenêtres de mise en œuvre plus longues. Un système de financement pluriannuel aiderait à atténuer les problèmes (cet aspect est abordé davantage dans la La pandémie a également mis en évidence la faiblesse des réseaux de télécommunications dans plusieurs communautés éloignées. De vastes consultations doivent être tenues auprès des communautés d’expression anglaise du Québec en amont du prochain plan d’action pour les langues officielles pour s’assurer que leurs besoins prioritaires peuvent être cernés et pris en compte dans le prochain plan quinquennal.
3 Observations globales sur le Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir et recommandations
Le travail de vigie de la mise en œuvre du Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir effectué me mène à présenter mes observations globales et mes recommandations qui en découlent. Dans ce qui suit, j’offre un survol des éléments communs qui sont ressortis des propos des parties prenantes que mon équipe a consultées, ainsi que les recommandations que je mets de l’avant, notamment en vue du prochain plan d’action pour les langues officielles.
3.1 Consultations et conception des initiatives
La consultation des communautés, par l’entremise d’organismes communautaires à portée locale, régionale ou nationale, est essentielle dans l’établissement des priorités et des initiatives financées dans le cadre du Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir. Plusieurs parties prenantes rencontrées par mon équipe ont participé aux consultations pancanadiennes et ont été consultées à l’étape de la conception des programmes et des initiatives. Par exemple, Patrimoine canadien a mené plusieurs séances de dialogues afin de mettre sur pied les nouvelles initiatives dont il est responsable et qui ont été conçues d’après l’approche « par et pour » et impliquant des organismes intermédiaires dans la gestion des initiatives. Cependant, dans le cas des ententes en éducation, certaines décisions ont été prises de manière symétrique et unilatérale, car les provinces et les territoires ont négocié avec le gouvernement fédéral sans avoir consulté systématiquement les conseils scolaires.
Lors des consultations pour le prochain plan d’action pour les langues officielles, je recommande :
- à la ministre des Langues officielles de tenter de joindre le plus de parties prenantes possible, y compris les plus petites organisations, pour s’assurer qu’elles sont toutes en mesure de faire connaître leurs priorités;
- aux institutions fédérales de consulter les parties prenantes lors de la conception des programmes et des initiatives pour s’assurer de tenir compte des besoins des communautés.
De plus, il importe de s’attarder particulièrement aux problèmes qui perdurent en ce qui concerne les consultations relatives aux ententes fédérale-provinciales-territoriales en éducation. En signant le Protocole d’entente relatif à l’enseignement dans la langue de la minorité et à l’enseignement de la langue seconde 2019-2020 à 2022-2023, les signataires acceptent la consultation des parties prenantes en tant que principe directeur. Certains conseils scolaires ne sont toutefois toujours pas consultés par leur province ou leur territoire respectif.
Dans le cadre du prochain protocole d’entente relatif à l’enseignement dans la langue de la minorité et à l’enseignement de la langue seconde et des prochaines négociations pour les ententes bilatérales en éducation, je recommande à la ministre des Langues officielles de mettre en place des mécanismes pour s’assurer que les conseils scolaires sont consultés en amont du processus et pour déterminer la partie responsable de s’assurer que ces mécanismes sont respectés.
3.2 Retards dans l’octroi des fonds
Pour diverses raisons, d’importants retards ont été signalés dans l’attribution des fonds par les institutions fédérales, qui ont ensuite engendré d’autres retards pour la signature de certaines ententes de contributions et pour le versement des fonds. Notons, par exemple, l’incidence des élections fédérales de 2019 ainsi que la pandémie de COVID-19, qui ont ralenti le déploiement du Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir. De plus, pour certaines initiatives, les demandes de subvention ont dû être modifiées ou révisées de façon importante avant d’être acceptées et traitées par les institutions fédérales, ce qui a aussi engendré des retards additionnels.
En raison de ces retards, les organismes ont parfois dû dépenser leurs fonds très rapidement afin de respecter les cycles financiers du gouvernement fédéral, ce qui a occasionné du stress supplémentaire. Je reconnais toutefois que la mise sur pied de nouvelles initiatives, comme celles qui ont été développées grâce à l’investissement supplémentaire de près de 500 M$ ajoutés au présent plan d’action pour les langues officielles, requiert du temps de la part des institutions fédérales, notamment pour élaborer les lignes directrices en collaboration avec les organismes communautaires. Puisque les fonds supplémentaires sont considérés comme du financement permanent et récurrent et que ces nouvelles initiatives sont dorénavant dotées de lignes directrices et ont été lancées, ces retards devraient moins se produire à l’avenir. Cependant, indépendamment de la pandémie de COVID-19 ou des délais plus longs nécessaires pour la création de nouvelles initiatives, les retards au début des cycles de financement sont très fréquents. Ces retards entraînent des difficultés dans la gestion des ressources humaines et nuisent à la capacité des organismes de mettre en œuvre leurs initiatives. Dans le secteur de l’éducation, le respect des échéanciers pour la distribution des fonds est essentiel au bon fonctionnement du système scolaire. Pour cette raison, il faut éviter les retards dans la signature du prochain protocole d’entente relatif à l’enseignement dans la langue de la minorité et à l’enseignement de la langue seconde et des ententes bilatérales connexes.
Je recommande aux institutions fédérales de :
- mettre en place les mesures nécessaires pour assurer le déploiement rapide des initiatives dès le lancement du prochain plan d’action pour les langues officielles afin de minimiser les retards;
- mettre en place des mesures de soutien pour aider les organismes à demander un financement lorsqu’ils en signalent le besoin dans le cadre du prochain plan d’action pour les langues officielles.
3.3 Pandémie de COVID-19
La pandémie de COVID-19 a eu de nombreuses répercussions sur la mise en œuvre des initiatives du Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir. Dans certains cas, le passage à des activités virtuelles a mené à moins de participation aux initiatives du Plan d’action en raison de défis d’accès à la technologie nécessaire ou du niveau d’aise des gens à participer de façon virtuelle. Selon plusieurs des parties prenantes consultées, les activités en personnes permettent de développer des liens beaucoup plus forts que ceux qui sont tissés de façon virtuelle. De plus, le contact linguistique et socioculturel en personne est très important, notamment pour les écoles de langue française en situation minoritaire, pour les initiatives de français langue seconde et pour les personnes immigrantes. Cependant, certaines activités, comme la tenue de cours en ligne, se sont avérées très positives pour les apprenants en régions éloignées qui peuvent maintenant bénéficier des cours à distance sans devoir se déplacer. Le virage au mode virtuel a aussi permis des améliorations, notamment des investissements pour de nouveaux ordinateurs, un meilleur réseau Internet et une présence accrue des organismes sur les médias sociaux, par exemple. À l’avenir, il y aurait lieu de réfléchir à la possibilité d’offrir des formules hybrides, qui comprennent certaines activités en personne et certaines activités en mode virtuel.
Plusieurs parties prenantes consultées ont souligné la flexibilité de certaines institutions fédérales, comme Patrimoine canadien et l’Agence de la santé publique du Canada, qui ont accordé une grande marge de manœuvre aux organismes afin qu’ils puissent réviser leurs projets et reporter certaines activités en raison de la pandémie. De plus, certaines parties prenantes ont souligné la proactivité de certaines institutions fédérales depuis le début de la pandémie, en cernant rapidement les problèmes et en mettant en place des solutions. Les tribunes de communication et la disponibilité des responsables des initiatives au sein des institutions fédérales sont grandement appréciées et semblent contribuer au bon fonctionnement des initiatives. Certaines institutions fédérales ont effectué des demandes de reports de fonds d’un exercice financier à un autre ou ont permis des remaniements des dépenses (par exemple la réaffectation de fonds de voyage à d’autres fins) ce qui a été très bien accueilli par les parties prenantes consultées. D’autres institutions fédérales sont demeurées très exigeantes pour les livrables et les délais à respecter, en n’acceptant pas d’effectuer de reports de fonds lors de circonstances exceptionnelles. La possibilité de faire preuve de flexibilité semble être une question de culture organisationnelle. Certaines institutions fédérales sont plus disposées à accepter de prendre des risques plus élevés et adoptent une approche moins directive auprès des parties prenantes pour la mise en œuvre des initiatives. Il existe également un problème de roulement des fonctionnaires et de changements d’effectifs au sein des équipes du gouvernement fédéral qui entraîne des défis supplémentaires, comme la difficulté de suivre les résultats des initiatives à long terme.
Enfin, le témoignage des parties prenantes du secteur communautaire prouve que l’adaptabilité des institutions fédérales face à la pandémie en ce qui a trait aux reports de fonds, aux modifications des activités prévues initialement et à leur communication efficace avec les demandeurs de fonds, entre autres, était essentielle pour assurer le succès des initiatives du Plan d’action. J’implore les institutions fédérales à continuer à faire preuve d’adaptabilité, après la fin de la pandémie et dans le cadre des prochains plans d’action pour les langues officielles. Cela pourrait inclure, sans s’y limiter, une plus grande ouverture aux reports de fonds, aux remaniements des dépenses ou à la révision des livrables lors de circonstances exténuantes.
3.4 Aspects administratifs et sommes attribuées
Le fardeau administratif des demandes de fonds et des mesures de redditions de comptes a été souligné par plusieurs parties prenantes consultées. Les répercussions sont encore plus importantes dans les petites régions, comme dans les territoires, en raison du travail équivalent demandé pour des plus petits montants. Selon certaines parties prenantes, les sommes réservées aux territoires ou aux régions rurales sont minimes pour quelques initiatives, dont celles qui touchent la santé en petite enfance, l’immigration et les médias communautaires. Elles ne prennent pas en considération le coût de la vie plus élevée. Or, le niveau de financement est parfois considéré comme insuffisant selon certaines parties prenantes qui s’inquiètent de ne pas pouvoir effectuer des changements structurels.
Bien que les procédures de demande de financement et de reddition de compte soient claires, elles sont aussi lourdes et requièrent beaucoup de temps qui pourrait plutôt être consacré au développement des programmes et des services. La lourdeur de la gestion administrative a été notée, surtout par les petites organisations qui ne disposent pas de suffisamment de ressources à cet égard. De plus, plusieurs parties prenantes voudraient gérer leur initiative avec moins de conditions rattachées à l’argent qui leur est octroyé. Néanmoins, la plupart des organismes sont reconnaissants de l’octroi de fonds pluriannuel, qui assure la stabilité.
Il s’avère que le fardeau administratif entraîné par les demandes de financement et la reddition de compte peuvent accaparer une part importante des ressources dont disposent les organismes qui souhaiteraient les mettre mieux à profit dans leurs communautés. L’incidence de cette gestion administrative s’accentue lorsqu’il s’agit de petites organisations n’ayant pas les ressources pour remplir ces demandes ou lorsque les enveloppes réservées ne permettent pas de compenser suffisamment les coûts associés aux processus de ces demandes.
Je recommande aux institutions fédérales d’adopter les mesures suivantes dans l’administration des initiatives du prochain plan d’action pour les langues officielles :
- favoriser l’octroi du financement pluriannuel;
- mettre en place des processus administratifs allégés, notamment en ce qui a trait à la soumission des demandes de financement et à la reddition de compte, qui préservent l’intégrité d’une saine gestion des fonds publics en respectant les principes de transparence et d’imputabilité;
- octroyer des sommes qui sont proportionnelles à l’ampleur des besoins et qui prennent en compte le coût élevé de la vie dans les régions rurales et dans les territoires.
Lorsqu’une initiative est administrée par un organisme intermédiaire, ce dernier devrait également suivre ces lignes directrices.
3.5 Admissibilité aux initiatives
Certaines initiatives ont des critères d’admissibilité restrictifs. Je fais référence à certaines initiatives en éducation, comme le financement pour le recrutement et la rétention du personnel enseignant qui ne permet pas aux conseils scolaires de présenter une demande directement à l’institution fédérale. Les municipalités sont confrontées à des défis similaires, devant passer par les provinces ou les territoires pour déposer une demande de fonds pour certaines initiatives du Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir. Dans d’autres cas, les critères d’admissibilité font en sorte que certaines provinces ou certains territoires sont désavantagés pour recevoir du financement, bien que cela semble être involontaire.
Par ailleurs, d’autres initiatives ont des critères restrictifs quant à l’admissibilité permettant aux utilisateurs de services de bénéficier des initiatives. J’ai entendu à maintes reprises que la plupart des services en immigration destinés aux communautés francophones en situation minoritaire ne sont pas ouverts aux résidents temporaires. Selon plusieurs parties prenantes, de nombreux résidents temporaires deviennent éventuellement des résidents permanents et l’admissibilité aux services ne devrait pas être limitée par le statut des personnes immigrantes.
D’autres initiatives ne sont tout simplement pas offertes à certaines communautés linguistiques. Je reconnais qu’il y a des besoins particuliers au sein de certaines communautés et il y aurait lieu de réfléchir à l’incidence que pourraient avoir ces initiatives si les critères d’admissibilités étaient élargis. Notons ici l’importance de réserver une enveloppe pour les communautés d’expression anglaise du Québec dans le prochain plan d’action pour les langues officielles pour l'initiative Appui au développement à la petite enfance. De plus, le Fonds d’appui à l’école communautaire citoyenne a fait ses preuves en contexte francophone minoritaire et pourrait avoir des incidences très positives dans les programmes de français langue seconde.
J’incite donc les institutions fédérales à revoir les critères d’admissibilité pour leurs initiatives dans le cadre du prochain plan d’action pour les langues officielles lorsque les parties prenantes en font la demande, afin de s’assurer que le financement rejoint bel et bien le public qui en a besoin. De plus, je les encourage à mettre des enveloppes équivalentes à la disposition des communautés de langue officielle qui n’étaient pas admissibles à recevoir du financement pour certaines initiatives, lorsque cela est pertinent.
3.6 Mode de financement par intermédiaire
Le mode de financement par intermédiaire a attiré l’éloge de plusieurs, y compris des institutions fédérales qui sont très satisfaites de cette approche bien qu’elle nécessite beaucoup de travail en amont. Un des principaux avantages de cette approche est le développement des capacités des organismes. L’approche exige que les organismes intermédiaires développent les capacités et les compétences nécessaires pour pouvoir gérer le programme et pour développer leur réseau, entre autres. Le mode de financement par intermédiaire semble avoir favorisé l’approche « par et pour ». La majorité des organismes qui agissent en tant qu’intermédiaires sont d’avis qu’il s’agit d’une approche qui fonctionne très bien. Dans certains cas, cela implique la concertation des organismes du secteur en un comité de gestion national ou régional, ce qui représente une bonne pratique selon plusieurs. Dans cette approche, les institutions fédérales élaborent les initiatives en consultant les parties prenantes, et les organismes intermédiaires assurent la livraison de ces initiatives. Cela permet aux institutions fédérales de se concentrer sur les aspects opérationnels et de transférer certaines responsabilités aux organismes intermédiaires qui peuvent régler les problèmes d’une manière efficace, car elles sont bien équipées pour comprendre et pour répondre aux besoins sur le terrain. En confiant cette responsabilité aux organismes intermédiaires, les institutions fédérales renoncent à un certain contrôle, mais elles reconnaissent l’expertise des organismes et elles les responsabilisent. Les institutions fédérales doivent s’assurer que les initiatives produisent des résultats, tout en conférant un degré plus élevé de contrôle des initiatives aux organismes intermédiaires.
Cette approche occasionne toutefois des défis. Dans certains cas, des organismes communautaires se demandent si l’organisation intermédiaire est la mieux placée pour évaluer et octroyer les fonds aux communautés à qui elles offrent des services. Certaines parties prenantes sont d’avis que de trop gros montants sont alloués à la gestion des initiatives, en comparaison aux montants alloués pour les projets. En outre, les initiatives avec intermédiaire peuvent prendre plus de temps à être lancées, car elles requièrent que les parties prenantes s’entendent sur la façon de procéder. D’autres parties prenantes ont indiqué que l’approche « par et pour » ne doit pas seulement équivaloir à un transfert de fonds et de responsabilités de l’institution fédérale vers l’organisme intermédiaire : il faut prendre le temps de repenser l’approche et faire en sorte que les organismes sont en mesure de renforcer leurs capacités à livrer ces initiatives. De plus, dans certains cas, les parties prenantes consultées sont d’avis qu’il serait plus facile de passer directement par l’institution fédérale, car il semblerait que la reddition de compte exigée par l’organisme intermédiaire soit plus lourde que ce qui est attendu de la part de l’institution fédérale. À noter qu’en principe, les organismes intermédiaires devraient diminuer le fardeau administratif pour les bénéficiaires et non l’augmenter. Enfin, il importe également de tenir compte du fait que certaines parties prenantes consultées ont indiqué vouloir conserver le mode de financement traditionnel, c’est-à-dire en faisant affaire directement avec l’institution fédérale sans la présence d’un organisme intermédiaire.
En résumé, le mode de financement par intermédiaire comporte de nombreux avantages permettant notamment de développer les capacités des organismes et de favoriser l’approche « par et pour ». Toutefois, il m’a également été rapporté que ce mode de financement comporte certains défis et qu’il ne serait pas souhaitable pour l’ensemble des initiatives du prochain plan d’action pour les langues officielles.
Je recommande à la ministre des Langues officielles de privilégier, dans le prochain plan d’action sur les langues officielles, le mode de financement par intermédiaire dans les initiatives où il a été mis en œuvre avec succès et où les organismes demandant le financement y sont favorables.
Il faut préciser qu’il incombe à l’organisation intermédiaire de maintenir une proximité avec les organismes locaux à l’égard des enjeux qui surviennent sur le terrain, mais que la responsabilité de sélectionner l’intermédiaire avec soin revient aux institutions fédérales.
Je recommande aux institutions fédérales qui administrent les initiatives du Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir de :
- mettre en place des cadres de gestion d’initiatives à l’intention des organismes intermédiaires pour encadrer la mise en œuvre des initiatives auprès des bénéficiaires, notamment en ce qui concerne les demandes de financement et les mesures de reddition de comptes;
- sélectionner des organismes intermédiaires qui peuvent répondre aux objectifs des initiatives en question, qui sont proches des communautés visées par leurs initiatives, qui ont de bonnes relations avec elles et qui ont les capacités nécessaires pour accomplir ce rôle.
4 Conclusion
Le présent rapport visait à présenter un survol de la vigie de la mise en œuvre du Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir faite par mon équipe et moi depuis 2019. Il contient huit recommandations pour des initiatives ciblées et six recommandations concernant des éléments communs qui sont ressortis de nos discussions avec les parties prenantes. Ces recommandations visent à répondre aux enjeux cernés par mon équipe à la suite des rencontres avec des parties prenantes, notamment en vue d’améliorer le prochain plan d’action pour les langues officielles.
Bien que certains problèmes d’envergure du Plan d’action perdurent, force est de constater que la majorité des initiatives faisant l’objet de notre vigie progressent bien. L’investissement supplémentaire de près de 500 M$ ajouté au Plan d’action a mené à l’élaboration de nombreuses nouvelles initiatives. Cela a permis d’amener un nouveau souffle bien attendu au Plan d’action en donnant les moyens aux communautés de déployer des initiatives qui répondent à des défis d’actualités.
Par cet exercice de vigie, je m’engage pleinement à continuer de travailler en collaboration avec les parties prenantes représentant les intérêts des communautés de langue officielle et les institutions fédérales, lorsqu’il y a lieu, afin de contribuer au rayonnement de nos deux langues officielles grâce au Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 : Investir dans notre avenir. Il ne fait aucun doute qu’un plan d’action pour les langues officielles ainsi qu’une Loi sur les langues officielles modernisée sont les pierres angulaires d’une dualité linguistique forte et vibrante.
Annexe 1 : Liste des initiatives suivies de façon prioritaire
Annexe 1 : Liste des initiatives suivies de façon prioritaire 4
- Application mobile d’apprentissage et de maintien du français et de l’anglais langues secondes
- Appui à l’apprentissage de la langue seconde (ententes fédérales-provinciales/territoriales)
- Appui à l’infrastructure scolaire et communautaire
- Appui au développement de la petite enfance
- Appui aux milieux de vie communautaires – infrastructures
- Bourses d’études postsecondaires en français langue seconde
- Éducation dans la langue de la minorité (ententes fédérales-provinciales/territoriales)
- Élargissement de la programmation en promotion de la santé en petite enfance
- Financement de base des organismes (JUS)
- Fonds d’appui à l’école communautaire citoyenne
- Fonds pour les communautés anglophones du Québec
- Initiative d’alphabétisation et d’acquisition des compétences essentielles dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire
- Parcours d’intégration francophone
- Renforcement des capacités des médias et radios communautaires
- Renforcement des capacités d’investissements stratégiques
- Stratégie de recrutement d’enseignants d’immersion et de français langue seconde
- Stratégie de recrutement d’enseignants pour les écoles minoritaires