Table des matières
Introduction
Il est raisonnable de présumer qu’une personne occupant un poste sans en posséder les compétences essentielles ne sera pas en mesure d’en accomplir ses fonctions de manière adéquate. Il s’agit donc du devoir de tous les gestionnaires, au moment de doter un poste, de bien déterminer les compétences clés recherchées auprès des personnes qui postulent, en fonction du travail à accomplir, afin que la personne retenue soit celle qui répond le mieux aux besoins de l’institution et qu’elle puisse accomplir ses fonctions professionnelles (p. ex., donner des services de soutien informatique, de ressources humaines ou autres). La notion d’exigence essentielle pour accomplir les fonctions, qui semble bien évidente, perd de son importance lorsque cela concerne la compétence dans la seconde langue officielle.
Une personne qui ne possède pas les compétences linguistiques nécessaires pour un poste ne sera pas en mesure de servir le public ni le personnel du gouvernement fédéral dans la langue officielle de leur choix, et ce, dans une qualité égale dans les deux langues. Il est aussi raisonnable de penser que, répliquée à grande échelle, cette dynamique peut avoir une incidence substantielle sur la capacité d’une institution fédérale à respecter ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles (la Loi).
Or, le Commissariat aux langues officielles du Canada (le Commissariat) reçoit régulièrement un volume élevé de plaintes portant sur l’article 91 de la Loi, lequel exige que les exigences linguistiques des postes de la fonction publique du Canada, dans le cadre de mesures de dotation, soient établies de manière objective. Ce volume, qui représente une proportion considérable du nombre total de plaintes reçues, toutes parties de la Loi confondues, est particulièrement inquiétant, d’autant plus que les plaintes visent une grande quantité d’institutions fédérales et qu’elles sont presque toutes fondées.
Étant donné le caractère répétitif des plaintes reçues en vertu de l’article 91 de la Loi ainsi que l’importance pour le Canada d’avoir une fonction publique qui possède les compétences nécessaires pour assurer le respect et la promotion des deux langues officielles partout au pays, le commissaire aux langues officielles du Canada (le commissaire) a déterminé qu’une analyse approfondie de la question était nécessaire afin d’exposer l’étendue du problème, d’en déterminer les causes et de proposer des solutions. Le présent rapport contient les résultats de cette analyse ainsi que les recommandations du commissaire visant à résoudre le problème.
Le commissaire espère notamment que cette analyse permettra d’interpeller les acteurs concernés à se pencher sérieusement sur cette question, et que les recommandations contenues dans le présent rapport mèneront à une meilleure mise en œuvre de l’article 91 de la Loi et, par la même occasion, à une fonction publique qui peut remplir son rôle dans les deux langues officielles au service de toute la population canadienne.
1. Article 91 de la Loi sur les langues officielles
Avant de se lancer dans le vif du sujet, il est d’abord nécessaire de s’attarder à ce en quoi consiste l’article 91 de la Loi. Nous aborderons donc, dans la présente section, le contenu de cette disposition, les obligations qu’elle impose ainsi que les institutions qui y sont assujetties. Par la suite, nous éclaircirons son cadre de mise en œuvre au sein de la fonction publique fédérale pour finalement définir les acteurs clés qui participent, de près ou de loin, à sa mise en œuvre.
a. Contexte, exigences et mise en œuvre
L’article 91, qui se trouve à la partie XI de la Loi, intitulée « Dispositions générales », se lit comme suit :
Les parties IV et V n’ont pour effet d’autoriser la prise en compte des exigences relatives aux langues officielles, lors d’une dotation en personnel, que si elle s’impose objectivement pour l’exercice des fonctions en cause.
Cette disposition s’applique à toutes les institutions fédérales et aux autres organismes assujettis à la Loi, à quelques exceptions. L’expression « dotation en personnel » se réfère aux moyens employés pour doter un poste, notamment, mais non exclusivement, les suivants : processus de sélection, mutation, déploiement, affectation ou nomination intérimaire. Il y a « dotation en personnel » au moment où une personne assume les fonctions d’un poste.
L’article 91 fait référence aux parties IV et V de la Loi qui traitent des services et des communications offerts au public (partie IV) et des droits de langue de travail dans les institutions fédérales (partie V). Il établit le cadre de référence de l’évaluation des exigences linguistiques relatives aux postes : ces exigences linguistiques doivent être objectivement nécessaires pour exécuter les tâches propres aux fonctions du poste, principalement en ce qui a trait au service au public dans les deux langues officielles et au respect des exigences en matière de langue de travail.
L’objectif de l’article 91 avait été expliqué en 1988 par l’honorable Douglas G. Lewis, alors ministre d’État (Conseil du Trésor du Canada), dans ces termes :
Le nouvel article 85 [maintenant 91] ferait en sorte que les exigences linguistiques ne puissent pas être établies de façon arbitraire ou injuste lors de la dotation. Le [c]ommissaire aux langues officielles doit enquêter sur les plaintes formulées dans ce domaine. Si le plaignant n’a pas obtenu satisfaction, il peut aller devant la Cour fédérale. Cet article reflète la ligne de conduite en vigueur à la [f]onction publique voulant que les exigences linguistiques ne puissent être appliquées que pour des raisons professionnelles légitimes découlant des obligations relatives au service à assurer au public ou à la langue de travail1.
Le terme « objectivement » réfère à la fois à la méthode employée pour déterminer les exigences linguistiques d’un poste et aux exigences proprement dites.
À l’égard du processus, l’« objectivité » suppose l’emploi de critères qui doivent avoir trait aux fonctions des postes et à la composition linguistique de la clientèle, non aux personnes qui occuperont éventuellement ces postes.
À l’égard des exigences proprement dites, l’« objectivité » suppose que chaque élément des exigences linguistiques puisse être justifié du point de vue des fonctions du poste et de la composition linguistique de la clientèle à qui la personne qui occupe le poste offre un service.
L’expression « exigences relatives aux langues officielles » renvoie à trois éléments :
- l’identification linguistique des postes en fonction de la connaissance requise de l’une des langues officielles ou des deux;
- le degré de compétence linguistique nécessaire dans l’une des langues officielles ou dans les deux;
- la question de savoir si la personne doit répondre aux exigences linguistiques du poste au moment de la nomination à un poste « bilingue ».
b. Cadre de mise en œuvre de l’article 91 de la Loi au sein de l’administration publique centrale
Au sein de l’administration publique centrale, qui comprend les institutions figurant aux annexes I et IV de la Loi sur la gestion des finances publiques, ce sont la Politique sur les langues officielles (la Politique) et la Directive sur les langues officielles pour la gestion des personnes (la Directive) du Conseil du Trésor du Canada (le Conseil du Trésor) ainsi que les Normes de qualification relatives aux langues officielles (les Normes) du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (le Secrétariat du Conseil du Trésor) qui encadrent les institutions fédérales en ce qui a trait à la détermination des exigences linguistiques pour les postes, notamment en ce qui concerne les trois catégories décrites précédemment.
Au sein de l’administration publique centrale, les trois éléments décrits plus haut correspondent à :
- la désignation des postes comme « français essentiel », « anglais essentiel », « français ou anglais essentiel » (réversible) ou « bilingue »;
- la détermination d’un profil linguistique composé des niveaux B ou C ou de la cote spéciale P, qui ont trait à la compréhension de l’écrit, à l’expression écrite et à la compétence orale;
- la dotation « impérative » ou « non impérative ».
La Directive ainsi que les Normes requièrent que l’établissement des exigences linguistiques d’un poste (p. ex., poste unilingue ou bilingue) se fasse objectivement en fonction des tâches à accomplir. Une fois les exigences établies, on doit ensuite établir, encore de manière objective, le niveau des compétences linguistiques requis pour les postes bilingues selon la complexité pour la compréhension de l’écrit, l’expression écrite et la compétence orale. Les niveaux de complexité sont indiqués au moyen de lettres, allant de simple à complexe, c’est-à-dire A, B ou C. De manière générale, les tâches simples ou routinières correspondent à un niveau B alors que les tâches complexes et les concepts abstraits correspondent à un niveau C. Le niveau A est seulement utilisé pour l’évaluation des compétences individuelles; il n’est pas utilisé pour établir le niveau des compétences linguistiques requis pour un poste. La cote P, quant à elle, est réservée à des groupes de spécialistes des langues, comme les traducteurs et les traductrices, les réviseurs et les réviseures et les interprètes.
Notons enfin que, depuis 2004, la Directive impose comme règle générale que les postes bilingues soient dotés par des personnes qui répondent aux exigences linguistiques du poste au moment de leur nomination, c’est-à-dire sur une base impérative. Dans certaines circonstances exceptionnelles, la dotation de postes par des personnes qui ne possèdent pas les exigences linguistiques requises au moment de la nomination, mais qui s’engagent à acquérir les compétences linguistiques requises dans un certain délai, est autorisée. Ce type de nominations, qui sont faites sur une base non impérative, requiert que des mesures administratives soient mises en place de manière à s’assurer que les tâches ou les fonctions bilingues du poste sont accomplies dans les deux langues officielles, et ce, dans une qualité égale, en attendant que la personne qui occupe le poste acquière les compétences requises. Les nominations non impératives sont régies par le Décret d’exemption concernant les langues officielles dans la fonction publique ainsi que par le Règlement sur les langues officielles — nominations dans la fonction publique.
c. Cadre de mise en œuvre de l’article 91 de la Loi au sein des organismes distincts
En ce qui concerne les institutions qui figurent à l’annexe V de la Loi sur la gestion des finances publiques, aussi appelées « organismes distincts », l’Agence Parcs Canada par exemple, elles demeurent assujetties à l’article 91, à la Politique, ainsi qu’à la Directive, mais pas aux exigences contenues dans l’appendice 1 de cette directive (Identification linguistique des postes) ou aux Normes. Ces organismes distincts tiennent généralement compte des trois aspects des exigences relatives aux langues officielles qui sont décrits plus haut, tout en utilisant une terminologie ou des normes qui leur sont parfois particulières.
d. Cadre de mise en œuvre de l’article 91 de la Loi au sein des autres institutions
Pour ce qui est des institutions qui ne font pas partie de la fonction publique2, VIA Rail par exemple, elles sont également assujetties à l’article 91, à la Politique, ainsi qu’à la Directive, mais pas aux exigences contenues dans l’appendice 1 (Identification linguistique des postes) et l’appendice 2 (Règles de dotation) de cette directive. Encore ici, ces institutions tiennent généralement compte des trois aspects des exigences relatives aux langues officielles qui sont décrits plus haut, tout en utilisant une terminologie ou des normes parfois différentes.
e. Intervenants responsables de la mise en œuvre de l’article 91 de la Loi
Quatre principaux intervenants participent, de près ou de loin, à la mise en œuvre de l’article 91 de la Loi : les administrateurs généraux et les administratrices générales des institutions fédérales, le Conseil du Trésor, la Commission de la fonction publique du Canada (la Commission de la fonction publique) et l’École de la fonction publique du Canada (l’École de la fonction publique).
i. Les administrateurs généraux et les administratrices générales
Conformément au paragraphe 30(2)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, c’est l’administrateur général ou l’administratrice générale qui établit « les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles » pour toute nomination à la fonction publique. Le paragraphe 31(2) indique que l’administrateur général ou l’administratrice générale doit s’assurer que ces qualifications essentielles « respecte[nt] ou dépasse[nt] les normes de qualification […] établies par l’employeur ». L’article 91 de la Loi trouve ici son application, puisque la détermination des exigences relatives aux langues officielles lors d’une dotation en personnel correspond aux normes de qualification et aux qualifications essentielles citées aux articles 30 et 31 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.
On peut donc en conclure que, pour les institutions assujetties à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, ce sont les administrateurs généraux et les administratrices générales des institutions fédérales qui sont responsables, ultimement, de déterminer les exigences linguistiques des postes au sein de leur institution, pouvoir qui sera par la suite délégué aux gestionnaires de niveaux variés. En ce qui concerne les institutions non assujetties à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, les organismes distincts par exemple, la responsabilité reviendra à l’institution.
ii. Le Conseil du Trésor du Canada
En vertu du paragraphe 31(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique :
L’employeur peut fixer des normes de qualification, notamment en matière […] de langue, nécessaires ou souhaitables à son avis du fait de la nature du travail à accomplir et des besoins actuels et futurs de la fonction publique.
Comme indiqué précédemment, il s’agit de normes qui doivent être respectées ou dépassées par les qualifications essentielles établies par l’administrateur général ou l’administratrice générale, pour toute nomination. Si l’institution fédérale en cause figure à l’annexe I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques, c’est-à-dire qu’il fait partie de l’administration publique centrale, « l’employeur » au sens de l’article 2 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique est le Conseil du Trésor. Ces deux annexes regroupent, de façon générale, les ministères fédéraux3.
Il est aussi important de souligner que le Conseil du Trésor a un rôle particulier en ce qui concerne la mise en œuvre de la Loi : l’article 46 de la Loi indique cette institution comme étant responsable de coordonner et d’élaborer des principes et des programmes fédéraux qui se rapportent aux obligations prévues aux parties IV, V et VI de la Loi. C’est dans ce contexte qu’il est précisé, dans les préambules de la Politique et de la Directive, que ces documents sont adoptés en vertu de l’article 46 de la Loi.
Depuis 2012, les règles fixées par le Conseil du Trésor et liées à l’article 91 de la Loi, soit la Politique et la Directive, ne s’appliquent pas seulement à l’administration publique centrale, mais à toute institution assujettie aux parties IV, V et VI de la Loi.
iii. La Commission de la fonction publique du Canada
La Commission de la fonction publique est un organisme indépendant du gouvernement dont la mission est, entre autres, de veiller à la nomination des personnes ou d’effectuer des nominations internes et externes à la fonction publique, ce qui comprend l’offre des services de dotation et d’évaluation pour appuyer la dotation dans la fonction publique. En règle générale, le pouvoir de la Commission de la fonction publique de procéder à des nominations est lui-même délégué en vertu de l’article 15 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique aux administrateurs généraux et administratrices générales des ministères et organismes fédéraux auxquels cette loi s’applique. Par la suite, ce pouvoir est délégué à nouveau au sein de l’organisation, habituellement au ou à la gestionnaire d’embauche, en vertu du paragraphe 24(2) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique4.
C’est aussi la Commission de la fonction publique qui évalue les compétences linguistiques en langue seconde des personnes qui désirent obtenir un emploi à la fonction publique. C’est au ou à la gestionnaire d’embauche que revient la responsabilité d’évaluer la première langue officielle des personnes lors du processus de sélection. Finalement, il revient aux administrateurs généraux et aux administratrices générales des ministères et organismes du gouvernement la responsabilité d’appliquer les critères énoncés pour déterminer la désignation linguistique, le degré de compétence linguistique requis, ainsi que les règles de dotation pour les postes au sein de leur institution.
La Commission de la fonction publique est également responsable de protéger l’intégrité de la dotation dans la fonction publique. Cela comprend l’interprétation de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, du Décret d’exemption concernant les langues officielles dans la fonction publique et du Règlement sur les langues officielles — nominations dans la fonction publique. Elle est, par ailleurs, habilitée d’un pouvoir discrétionnaire afin de mener une enquête sur tout processus de nomination externe (ou interne si le processus n’a pas été entrepris par un administrateur général ou une administratrice générale d’un ministère ou organisme fédéral). Pour les nominations internes entreprises par un administrateur général ou une administratrice générale, la Commission de la fonction publique peut mener des enquêtes seulement si l’administrateur général ou l’administratrice générale en fait la demande.
iv. L’École de la fonction publique du Canada
Le mandat de l’École de la fonction publique est, entre autres :
de former les fonctionnaires et de les appuyer dans la progression de leur carrière; de faire en sorte que les fonctionnaires aient les connaissances, les habiletés et les compétences dont ils ont besoin pour exercer efficacement leurs fonctions; d’aider les administrateurs généraux [et les administratrices générales] à répondre aux besoins de formation de leur organisation; de chercher à atteindre l’excellence dans la gestion publique5.
C’est à ce titre que cette institution offre un éventail de cours, d’outils et d’activités de formation pour les fonctionnaires de la fonction publique fédérale, dont certains touchent à la mise en œuvre de l’article 91 de la Loi.
2. Analyse du problème
Le processus de collecte de données et d’analyse s’est notamment tenu en deux grandes étapes. Dans un premier temps, nous avons procédé à l’analyse documentaire des enquêtes terminées par le Commissariat depuis 2014 afin d’en tirer des constats généraux. Dans un deuxième temps, des entrevues ont été menées avec plusieurs institutions qui ont été sélectionnées en raison du volume élevé de plaintes déposées à leur égard en vertu de l’article 91 de la Loi depuis 2014. Des entrevues ont également été menées avec les différents intervenants mentionnés précédemment, soit le Conseil du Trésor (représenté par le Secrétariat du Conseil du Trésor), la Commission de la fonction publique ainsi que l’École de la fonction publique, en raison de leur rôle central dans la mise en œuvre de l’article 91 au sein de la fonction publique ainsi que des autres organismes assujettis à la Loi.
a. Analyse documentaire des dossiers d’enquêtes terminées entre le 1er avril 2014 et le 31 mars 2020
Une analyse documentaire des 616 dossiers d’enquêtes visant l’article 91 et dont l’enquête s’est terminée entre le 1er avril 2014 et le 31 mars 2020, soit une période de six années financières, a été effectuée. Ces enquêtes, qui ont été menées à l’aide du processus d’enquête formel du Commissariat, étaient liées à 713 plaintes, ce qui s’explique par le fait qu’une enquête peut porter sur plusieurs plaintes dont l’objet est similaire, voire le même.
Ces dossiers d’enquête ont été revus et analysés selon les critères suivants :
- l’institution visée par la plainte;
- les conclusions de l’enquête, c’est-à-dire le bien-fondé ou non de la plainte;
- la région où étaient situés les postes visés par la plainte;
- le type de poste visé (p. ex., superviseurs et superviseures, analystes, etc.) et sa classification (p. ex., CS-03, AS-06, IS-04, etc.);
- les problèmes récurrents;
- la présence ou non de supervision de personnel en région désignée bilingue aux fins de la langue de travail (région désignée bilingue).
Cette étape a permis de colliger et de quantifier les observations effectuées depuis six ans par le Commissariat dans ses rapports d’enquête sur l’article 91, lesquelles nous ont menées aux constats suivants.
i. Une proportion substantielle des plaintes reçues
La période d’avril 2014 à mars 2020 a été jugée comme étant déterminante en ce qui a trait à cette question, non seulement en raison du grand volume de plaintes reçues en vertu de l’article 91 de la Loi, mais aussi de la proportion qu’elles occupent dans le volume total des plaintes reçues par le Commissariat. Le tableau 1 illustre le nombre de plaintes reçues en vertu de l’article 91 entre avril 2014 et mars 2020.
Année financière | Nombre de plaintes reçues concernant l’article 91 et pourcentage relatif au nombre total de plaintes reçues, toutes parties de la Loi confondues |
---|---|
2014-2015 | 45 (8 %) |
2015-2016 | 156 (22 %) |
2016-2017 | 192 (19 %) |
2017-2018 | 222 (25 %) |
2018-2019 | 285 (26 %) |
2019-2020 | 420 (31 %) |
Comme on le constate dans le tableau 1, durant cette période, le nombre de plaintes reçues en vertu de l’article 91 de la Loi a représenté une moyenne annuelle de 22 % des plaintes reçues par le Commissariat, une proportion considérable.
ii. Les plaintes étaient, pour la plupart, fondées
Évidemment, c’est une chose de recevoir des plaintes, aussi faut-il qu’elles soient fondées pour qu’elles indiquent un problème. Notre analyse documentaire des plaintes recevables déposées au courant des dernières années démontre qu’elles étaient, pour la plupart, fondées.
Comme le montre le tableau 2, du 1er avril 2014 au 31 mars 2020, 878 plaintes liées à l’article 91 de la Loi ont été traitées par le Commissariat, c’est-à-dire que les enquêtes dont elles ont fait l’objet ont été terminées ou ont été interrompues. De ces plaintes, 122 ont fait l’objet d’une enquête menée à l’aide du processus de résolution facilité, c’est-à-dire une méthode d’enquête dont l’objet est de résoudre le problème à la satisfaction de la personne qui a déposé la plainte, de l’institution concernée et de l’intérêt public, sans toutefois se prononcer sur le bien-fondé de la plainte.
Quant aux autres plaintes, qui ont été traitées à l’aide du processus d’enquête formel, 664 se sont avérées fondées et 49 non fondées. Ainsi, pour cette période, pour environ 93 % des plaintes, il a été déterminé, à la suite d’une enquête formelle, que les exigences linguistiques d’un ou de plusieurs postes n’avaient pas été établies de manière objective.
Plaintes | Traitées | Fondées | Non fondées | Interrompues | Résolues au moyen du processus de résolution facilité |
---|---|---|---|---|---|
Quantité | 878 | 664 | 49 | 43 | 122 |
iii. Les régions désignées bilingues aux fins de la langue de travail sont particulièrement visées, surtout la région de la capitale nationale
Comme le montre le tableau 3, dans environ 90 % des plaintes fondées concernant l’article 91 de la Loi, les postes visés par les plaintes se situaient dans la région de la capitale nationale. Les plaintes portant sur des postes situés dans les autres régions désignées bilingues, notamment certaines régions de l’Ontario et du Québec, ainsi que le Nouveau-Brunswick, ne représentaient que 7 % du total. Enfin, seulement 3 % des plaintes provenaient de régions non désignées bilingues aux fins de la langue de travail.
Région | Plaintes fondées |
---|---|
Région de la capitale nationale – Ottawa | 489 (73,6 %) |
Région de la capitale nationale – Gatineau | 110 (16,6 %) |
Québec | 19 (2,9 %) |
Ontario | 19 (2,9 %) |
Alberta | 11 (1,7 %) |
Nouveau-Brunswick | 9 (1,4 %) |
Nouvelle-Écosse | 3 (0,5 %) |
Saskatchewan | 2 (0,3 %) |
Manitoba | 1 (0,2 %) |
Île-du-Prince-Édouard | 1 (0,2 %) |
Total | 664 |
Le nombre élevé de plaintes dans la région de la capitale nationale par rapport aux autres régions désignées bilingues n’est pas surprenant puisque la majorité des fonctionnaires fédéraux travaillent dans cette région, où sont situés la plupart des sièges sociaux des institutions fédérales et où sont prises la majorité des mesures de dotation.
La faible quantité de plaintes provenant de régions non désignées bilingues aux fins de la langue de travail, en vertu de l’article 91 de la Loi, n’est pas surprenante également et peut s’expliquer en fonction de plusieurs raisons. Puisque les fonctionnaires du gouvernement fédéral qui travaillent dans ces régions n’ont pas de droits de langue de travail en vertu de la partie V de la Loi, les plaintes qui viennent de ces régions portent habituellement sur le besoin d’un poste de fournir des services bilingues au public en raison de la partie IV de la Loi, et viennent donc d’un membre du public.
Or, comme il faut soulever l’existence d’une mesure de dotation au soutien d’une plainte en vertu de l’article 91 de la Loi, cette connaissance fait généralement défaut aux membres du public général en raison du fait que le mécanisme de dotation interne à la fonction publique n’est généralement pas d’intérêt pour le public. Les plaintes qui viennent des régions qui ne sont pas désignées bilingues aux fins de la langue de travail en vertu de l’article 91 de la Loi portent souvent sur un incident précis dans le cadre duquel le public n’a pas eu accès à des services bilingues adéquats, et l’enquête sur les plaintes est menée en vertu de la partie IV de la Loi, et non en vertu de l’article 91.
Il semble donc exister un angle mort relativement aux problèmes liés à la mise en œuvre de l’article 91 dans les régions qui ne sont pas désignées bilingues aux fins de la langue de travail qui empêche de tirer la conclusion que l’absence de plaintes à ce sujet équivaut à une absence d’un problème.
iv. Un problème qui touche une quantité importante d’institutions fédérales
Un autre élément important qu’a révélé l’analyse documentaire des plaintes fondées en vertu de l’article 91 de la Loi est qu’elles ne visent pas seulement quelques institutions, mais bien une gamme d’organisations. Sur une période de six ans, 45 institutions fédérales ont fait l’objet d’au moins une plainte fondée en vertu de l’article 91. Certaines institutions, toutefois, se sont retrouvées davantage visées par ces plaintes que d’autres. Parmi ces institutions visées, soulignons-en 17 en particulier, qui sont indiquées dans le tableau 4.
Institution | Plaintes fondées |
---|---|
Agence des services frontaliers du Canada | 129 |
Défense nationale et Forces armées canadiennes | 67 |
Santé Canada | 52 |
Innovation, Sciences et Développement économique Canada | 52 |
Services partagés Canada | 37 |
Service correctionnel Canada | 32 |
Environnement et Changement climatique Canada | 32 |
Services publics et Approvisionnement Canada | 26 |
Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada | 22 |
Ressources naturelles Canada | 21 |
Affaires mondiales Canada | 19 |
Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada | 17 |
Statistique Canada | 16 |
Agriculture et Agroalimentaire Canada | 14 |
Ministère de la Justice Canada | 12 |
Gendarmerie royale du Canada | 12 |
Transports Canada | 11 |
Force est de constater que le problème est présent dans un nombre élevé d’institutions, ce qui en fait un problème généralisé.
v. Des plaintes qui visent des postes de groupes et niveaux variés
La fonction publique fédérale se compose d’une grande variété de postes différents de divers groupes de classification qui se subdivisent par la suite en plusieurs niveaux. Au sein de ses groupes et niveaux, on peut également déterminer plusieurs catégories différentes de postes qui s’appuient sur des descriptions de travail qui varient d’une organisation à l’autre.
Or, notre analyse documentaire a révélé que les plaintes fondées ne visaient pas uniquement un seul type de postes, mais une très grande variété de postes. Certains types de postes ou groupes de classification sont cependant plus visés que d’autres.
Parmi les 664 plaintes trouvées fondées, 30,4 % visaient des postes du groupe CS (Systèmes d’ordinateurs), 17,6 % des postes du groupe AS (Services administratifs), 10,7 % des postes du groupe EC (Économique et services de sciences sociales), 5,6 % des postes du groupe PM (Administration des programmes) et 5 % des postes du groupe FI (Gestion financière). Le tableau 5 résume cette information.
Catégorie | Nombre de plaintes fondées | Pourcentage |
---|---|---|
CS-03 à CS-05 | 202 | 30,4 % |
AS-04 à AS-07 | 117 | 17,6 % |
EC-05 à EC-08 | 71 | 10,7 % |
PM-05 et PM-06 | 37 | 5,6 % |
FI-03 et FI-04 | 33 | 5,0 % |
Autres | 204 | 30,7 % |
Total | 664 | 100 % |
1. Le cas particulier des postes de supervision de personnel du gouvernement fédéral en région désignée bilingue (partie V de la Loi)
L’analyse documentaire a révélé qu’un grand nombre de plaintes concernant l’article 91 touche des postes de supervision de personnel en région désignée bilingue (partie V de la Loi), c’est-à-dire la région de la capitale nationale, la province du Nouveau-Brunswick, la région bilingue de Montréal, les régions bilingues des autres parties du Québec, la région bilingue de l’est de l’Ontario et la région bilingue du nord de l’Ontario.
À titre de rappel, la Loi prévoit que le personnel du gouvernement fédéral dans ces régions a le droit d’être supervisé dans la langue officielle de son choix. Le paragraphe 6.1.2 de la Directive prévoit que seuls les fonctionnaires occupant des postes désignés bilingues ou réversibles, dans ces régions, bénéficient de ce droit. La Directive ajoute que, lorsque leur superviseur ou superviseure, ou leur gestionnaire, occupe un poste bilingue, cette personne doit superviser les membres de son équipe dans leur langue officielle de préférence, peu importe l’identification linguistique de leurs postes, ce qui représente un bon début, mais qui n’est pas suffisant. Le commissaire est d’avis que cette partie de la Directive n’est pas conforme à la Loi et que tous les fonctionnaires du gouvernement fédéral dans les régions désignées bilingues ont le droit d’être supervisés dans la langue officielle de leur choix, peu importe l’identification linguistique de leur poste ou celui de leur superviseur ou superviseure ou de leur gestionnaire.
De plus, le commissaire est d’avis que le niveau de compétences linguistiques en langue seconde requis pour superviser (p. ex., attribuer les tâches au personnel, établir les priorités, évaluer le rendement, donner de la rétroaction au quotidien) du personnel travaillant dans les régions désignées bilingues devrait être au moins CBC pour refléter la complexité du travail de supervision. En effet, le superviseur ou la superviseure doit pouvoir saisir les nuances et les complexités en révisant le travail des membres de son équipe ainsi qu’être capable de tenir des discussions complexes et abstraites sur des sujets liés au travail de l’équipe. À l’appendice 1 (partie II) de la Directive, le Conseil du Trésor indique toutefois que BBB est le niveau minimum requis en compétence en langue seconde pour les postes de supervision.
En 2011, le commissaire de l’époque a fait part de ce problème au président du Conseil du Trésor, conformément aux dispositions du paragraphe 63(1)b) de la Loi, avec la recommandation de modifier la Directive en ce sens.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor, en consultation avec le Comité des sous-ministres adjoints sur les langues officielles et les institutions fédérales, a décidé d’explorer les possibilités de mettre en œuvre la recommandation suivante du rapport de 2017 du greffier du Conseil privé sur la langue de travail intitulé Le prochain niveau : Enraciner une culture de dualité linguistique inclusive en milieu de travail au sein de la fonction publique fédérale :
Que le Secrétariat du Conseil du Trésor, en consultation avec la Commission de la fonction publique du Canada[,] prenne des mesures afin d’améliorer le profil linguistique des postes de supervision bilingues à un niveau de compétence supérieur (p. ex., CBC ou l’équivalent).
Le Secrétariat a récemment fait état de la situation6 et a affirmé qu’il étudiait les répercussions liées au rehaussement du profil linguistique des superviseurs et superviseures à CBC/CBC.
Considérant ce qui précède et la nature particulière de ce problème, le Commissariat a adopté, en juin 2016, une différente approche dans le traitement des plaintes visant des postes de supervision de personnel en région désignée bilingue.
Notre analyse documentaire des enquêtes concernant l’article 91 a révélé que sur les 600 plaintes traitées et trouvées fondées depuis la mise en place de cette approche, 328 concernaient des postes de supervision, soit 54,7 % des plaintes. Le tableau 6 résume cette information.
Plaintes visant des postes de supervision | 328 |
---|---|
Plaintes visant des postes sans supervision | 272 |
Total | 600 |
Des 328 plaintes visant des postes de supervision trouvées fondées depuis 2016, 26,2 % visaient des postes CS-03 et CS-04 (Systèmes d’ordinateurs), 22,9 % des postes AS-04 à AS-07 (Services administratifs), 7,9 % des postes FI-03 et FI-04 (Gestion financière), 7,3 % des postes EC-07 (Économique et services de sciences sociales), 4,3 % des postes PM-05 et PM-06 (Administration des programmes) et 3,7 % des postes CO-03 et CO-04 (Commerce). Le tableau 7 résume cette information.
Catégorie | Nombre de plaintes fondées | Pourcentage |
---|---|---|
CS-03 et CS-04 | 86 | 26,2 % |
AS-04 à AS-07 | 75 | 22,9 % |
FI-03 et FI-04 | 26 | 7,9 % |
EC-07 | 24 | 7,3 % |
PM-05 et PM-06 | 14 | 4,3 % |
CO-03 et CO-04 | 12 | 3,7 % |
Autres | 91 | 27,7 % |
Total | 328 | 100 % |
Soulignons que l’analyse des dossiers d’enquête n’a révélé aucun cas touchant l’article 91 pour des postes de haute direction (niveau EX ou équivalent). Le problème de la mauvaise évaluation des exigences linguistiques des postes touche les groupes et les niveaux EX moins un et inférieurs.
vi. Les problèmes récurrents
Parmi les réponses aux plaintes trouvées fondées en vertu de l’article 91 de la Loi, notre analyse documentaire révèle des sources d’erreurs récurrentes dans les justifications fournies par les institutions pour appuyer les exigences linguistiques qui n’avaient pas été établies objectivement. Ces erreurs peuvent être regroupées en cinq catégories.
1. L’utilisation d’une description de travail qui ne reflète pas les fonctions réelles du poste
Sous ce point, il est question de situations où, au moment de l’établissement des exigences linguistiques du poste, le ou la gestionnaire a pris appui sur une description de tâches désuète ou qui s’écarte trop des tâches courantes effectuées par la personne qui occupe le poste, notamment lorsque l’organisation utilise des descriptions de travail génériques. L’utilisation d’une description de travail qui ne reflète pas correctement les fonctions du poste complique l’analyse objective des besoins en matière de compétence linguistique. Parfois, le degré d’écart est si élevé qu’il est légitime de se demander si la classification du poste est appropriée. Ce problème est d’ailleurs récurrent dans toutes les institutions, compte tenu du fait qu’en vertu du paragraphe 4.2.4 de la Directive sur la classification du Conseil du Trésor, les gestionnaires ont la responsabilité de mettre en œuvre les descriptions d’emploi normalisées interministérielles et ministérielles, dans la mesure du possible.
De manière générale, il est raisonnable de considérer que la majorité des activités principales décrites dans la description de travail devraient être effectuées par la personne qui occupe le poste. Dans le cas contraire, l’évaluation menée à partir de cette description risque d’être soit arbitraire, soit incomplète.
2. Les contraintes de nature opérationnelles
Il n’est pas rare qu’une enquête révèle que les exigences linguistiques d’un poste ont été établies de manière non objective afin de répondre à des contraintes de nature opérationnelle. Un premier exemple auquel on peut penser est le ou la gestionnaire qui désigne un poste unilingue ou bilingue avec un profil linguistique BBB/BBB en raison de difficultés de recrutement ou d’une pénurie de personnes pour occuper le poste, de manière à faciliter la dotation du poste par une personne qui répond à toutes les exigences du poste, sauf celle des exigences linguistiques établies de manière objective. D’ailleurs, cette approche révèle que parmi les exigences essentielles liées aux fonctions du poste, les compétences linguistiques sont souvent considérées comme étant moins importantes alors qu’elles sont tout aussi pertinentes.
Un autre exemple est lorsque les exigences linguistiques d’un poste sont établies de manière à doter le poste avec un membre du personnel ou une personne en particulier, ou pour conserver une telle personne dans son poste si elle l’y est déjà, malgré le fait que la personne ne possède pas les exigences linguistiques requises objectivement pour accomplir les fonctions du poste. On peut notamment penser aux cas où un ou une gestionnaire voudrait offrir des possibilités d’avancement à du personnel qui est limité par ses compétences en langue seconde ou à des cas où le ou la gestionnaire voudrait assurer la continuité d’un projet ou la rétention d’expertise et de talents.
Alors que de telles contraintes sont régulièrement mises de l’avant afin de justifier des exigences linguistiques inférieures à ce qu’exige le poste, il arrive que des besoins opérationnels soient soulevés afin de justifier des exigences linguistiques à un niveau supérieur, lequel n’est pas objectivement requis par les fonctions du poste.
Par exemple, on peut penser à un cas où un ou une gestionnaire établit un profil linguistique CBC/CBC et dote le poste sur une base non impérative uniquement dans le but de permettre à la nouvelle personne qui occupe le poste de suivre de la formation linguistique. Il pourrait également s’agir d’un ou d’une gestionnaire qui souhaite disposer d’un éventail d’employés et employées d’expérience et bilingues qui pourront, par la suite, agir comme relève pour les postes aux échelons supérieurs, et qui, pour y parvenir, désignerait des postes bilingues bien que les postes ne requièrent pas le bilinguisme.
Malgré les contraintes que peuvent représenter les difficultés de recrutement auxquelles sont confrontées les institutions, ou encore les bonnes intentions d’un ou d’une gestionnaire de promouvoir des personnes ou d’augmenter l’effectif bilingue de l’institution, on ne peut considérer qu’une évaluation des exigences linguistiques a été effectuée de manière objective que lorsqu’elle s’est appuyée sur les fonctions réellement effectuées par le poste, à l’exclusion de tout autre facteur. Des exigences linguistiques revues à la baisse pour répondre à des besoins opérationnels à court terme ne permettront pas à l’institution de respecter ses obligations en vertu de la partie IV ou de la partie V de la Loi, alors que des exigences revues à la hausse pourraient exclure du personnel méritant qui aurait autrement été qualifié pour le poste, et viennent ainsi limiter leur progression de carrière.
D’ailleurs, il existe d’autres outils à la disposition des institutions pour régler les problèmes de recrutement, la dotation non impérative par exemple, à condition que le processus de dotation non impérative ne soit utilisé que dans des situations exceptionnelles, comme il est indiqué dans la Directive.
3. Une évaluation incomplète ou un raisonnement erroné
La plupart du temps, les enquêtes portant sur des plaintes qui s’avèrent fondées révèlent des exigences linguistiques qui n’ont pas été établies de manière objective en raison d’un manque de connaissance des principes de mise en œuvre de l’article 91 de la Loi. Voici les éléments problématiques les plus communément observés.
- Le ou la gestionnaire n’a pas tenu compte des obligations linguistiques de l’institution ainsi que de la clientèle qui en bénéficie.
Pour de nombreux postes, l’évaluation des exigences linguistiques n’a pas tenu compte de la clientèle de la personne qui occupe le poste ainsi que de ses droits linguistiques, qu’ils s’agissent de membres du public (partie IV de la Loi) ou de membres de la fonction publique fédérale (partie V de la Loi). Une telle évaluation sera certainement considérée comme arbitraire, étant donné qu’elle néglige de prendre en compte ce critère essentiel.
Il n’est pas toujours facile de déterminer qui est la clientèle. Toute personne qui bénéficie du droit à ce qu’une institution fédérale communique avec elle ou lui offre un service dans sa langue officielle de préférence, soit en vertu de la partie IV ou de la partie V de la Loi, constitue un client ou une cliente à prendre en considération au moment d’établir les exigences linguistiques d’un poste. Il importe alors peu de savoir s’il s’agit d’un client ou d’une cliente interne ou externe.
Aux termes de la partie IV de la Loi, la clientèle peut être les membres du grand public, les fonctionnaires au sein de gouvernements d’ordre municipal, provincial ou territorial, les fournisseurs de biens ou de services, les citoyens et citoyennes d’autres pays, des universitaires, de même que des professionnels et professionnelles du domaine privé, entre autres7.
Aux termes de la partie V de la Loi, on peut penser aux bénéficiaires de services auxiliaires centraux ou personnels au sens du paragraphe 36(1)a)(i) de la Loi, au personnel ou entrepreneurs et entrepreneures qu’une personne qui occupe un poste supervise au sens du paragraphe 36(1)c)(i) de la Loi ou au personnel d’institutions qui obtient des services de la part d’agences centrales et de services communs (p. ex., l’École de la fonction publique, Services publics et Approvisionnement Canada, le Secrétariat du Conseil du Trésor, la Commission de la fonction publique, Statistique Canada, etc.) au sens de l’article 37 de la Loi. À cela, il y a lieu d’ajouter les autres membres du personnel de l’institution fédérale qui en reçoivent des services ou des communications ne se situant pas exactement dans les catégories ci-dessus, mais qui doivent tout de même être offerts dans les deux langues officielles8.
D’ailleurs, même si la clientèle d’une personne qui occupe un poste a toute la même langue de préférence à un moment précis, le français par exemple, cette situation peut changer à tout moment et il est important que la personne qui occupe le poste puisse interagir avec la clientèle, dans une langue ou dans l’autre, là où la Loi l’exige.
Un poste situé en région désignée bilingue pourrait également avoir à être désigné « bilingue » en raison de l’obligation des institutions fédérales de prendre toutes autres mesures raisonnables permettant de créer un milieu de travail propice à l’usage effectif des deux langues officielles, en vertu du paragraphe 36(2) de la Loi. Ce pourrait être le cas, par exemple, pour des titulaires de postes qui doivent diriger des projets, effectuer de la supervision fonctionnelle, du mentorat ou du coaching, animer des rencontres, faire des présentations à des publics variés, représenter l’institution dans des événements ou fournir des conseils de spécialistes à d’autres personnes, compte tenu du fait que ces fonctions exigent, dans la grande majorité des cas, de créer un environnement où les personnes sont à l’aise de participer dans la langue officielle de leur choix.
- Le ou la gestionnaire pense qu’un poste situé dans une région désignée bilingue n’a pas à être bilingue, car les interactions en milieu de travail sont dans une langue seulement (« Ici, tout se passe en français »).
Le fait qu’un poste se trouve dans un environnement de travail principalement anglophone ou francophone, alors qu’il est lui-même situé dans une région désignée bilingue, n’est pas un élément objectif à prendre en considération en raison du fait que cette situation pourrait être appelée à changer à tout moment, par exemple avec l’arrivée de nouveau personnel, d’intervenants et intervenantes ou de clients et clientes désirant s’exprimer dans l’autre langue officielle. De plus, cette justification néglige de prendre en considération le fait que des personnes puissent vouloir s’exprimer dans leur langue officielle de préférence, mais y renoncent ultimement par simplicité ou de manière à mieux s’intégrer, ou simplement par ignorance de leurs droits linguistiques. Ainsi, un environnement de travail unilingue, dans une région désignée bilingue, n’est pas un élément objectif à prendre en considération et, au contraire, soulève plusieurs préoccupations.
- Le ou la gestionnaire présume que, comme la personne qui occupe le poste n’offre pas de service à la clientèle, le poste doit être désigné « anglais essentiel » alors que le poste est situé dans une région désignée bilingue.
Il arrive régulièrement de voir des postes, particulièrement dans la région de la capitale nationale, dont les tâches ne comprennent aucun service à la clientèle selon le ou la gestionnaire qui en a établi les exigences linguistiques et qui sont désignés « anglais essentiel ». Il s’agit en fait d’un réflexe commun, dans cette région, de penser que si un poste ne doit pas être désigné « bilingue », c’est qu’il doit être désigné « anglais essentiel ». À d’autres moments, on allègue plutôt que la personne qui occupe le poste n’a pas à parler français, donc seule la connaissance de l’anglais est nécessaire. Le problème saute alors aux yeux, c’est-à-dire qu’on sous-entend que la langue de travail est l’anglais et que le français est l’exception qui doit être accommodée.
On oublie souvent que, tout comme l’exigence linguistique « bilingue », les désignations linguistiques « anglais essentiel » et « français essentiel » sont des exigences linguistiques. Comme elles excluent les membres d’une communauté de langue officielle ou de l’autre qui ne maîtrisent pas la seconde langue officielle, alors elles doivent être justifiées en fonction d’obligations en vertu des parties IV et V de la Loi. La langue principale utilisée pour les interactions au travail, en région désignée bilingue, n’est pas un facteur objectif pour déterminer si un poste est « anglais essentiel » ou « français essentiel » compte tenu du fait que la personne qui occupe le poste aura le droit de travailler dans sa langue officielle de préférence.
- Le ou la gestionnaire allègue que la personne qui occupe le poste n’est pas tenue d’utiliser sa seconde langue officielle de manière suffisamment fréquente.
Un autre argument souvent invoqué par les institutions fédérales pour justifier une exigence linguistique unilingue est que l’usage de la seconde langue officielle par la personne qui occupe le poste n’est pas requis de manière suffisamment fréquente pour que le poste soit désigné « bilingue », en d’autres mots, que la demande de service dans la langue officielle de la minorité linguistique est trop faible. Ceci est également invoqué pour justifier un profil linguistique à un niveau plus bas. Une telle proposition ne saurait être considérée comme objective, car la faible fréquence d’une tâche de travail n’en diminue en rien la complexité, particulièrement lorsqu’il est question d’assurer le respect des droits du public en matière de communications et de services (partie IV de la Loi) ou de ceux du personnel du gouvernement fédéral (partie V de la Loi). D’ailleurs, comme la fréquence d’une tâche n’affecte en rien sa complexité inhérente, la fréquence ou le taux de demandes de services dans une langue ou dans l’autre ne devrait jamais avoir une incidence sur l’établissement du profil linguistique.
Ainsi, même à faible fréquence, une personne qui occupe un poste doit être en mesure d’exécuter une fonction dans les deux langues officielles, lorsque requis, et de posséder les compétences qui sont nécessaires. Le faible taux de demandes dans une langue officielle ou dans l’autre sera toutefois un élément pertinent à prendre en considération lorsque viendra le temps de déterminer si les postes d’une unité de travail disposent d’une variété appropriée d’exigences linguistiques pour qu’un service de qualité égale dans les deux langues officielles soit offert en tout temps.
Cela rejoint une observation formulée dans le rapport intitulé Une question de respect et de sécurité : l’incidence des situations d'urgence sur les langues officielles, publié à l’automne 2020, où le commissaire soulignait l’importance pour les institutions de disposer d’un effectif bilingue permettant de répondre non seulement aux besoins linguistiques courants, mais également à ceux survenant lors de situations d’urgence, particulièrement lorsque ces situations touchent à la santé et à la sécurité du public, et où il est plus difficile de se fier à des ressources auxiliaires – ressources financières ou matérielles, services de traduction et d’interprétation – ces dernières étant moins disponibles qu’en temps normal et ne pouvant pas toujours répondre à l’urgence.
Cela exige donc qu’un ou une gestionnaire ne prenne pas uniquement en considération les tâches et les responsabilités habituelles liées à un poste au moment d’établir ses exigences linguistiques, mais également celles que la personne qui occupe le poste pourrait être appelée à prendre en charge dans des situations moins fréquentes, voire exceptionnelles, mais où il est tout de même nécessaire de communiquer rapidement et efficacement avec le public et les fonctionnaires du gouvernement fédéral dans les deux langues officielles.
De cette manière, une institution peut réellement fonctionner et relever ces défis dans les deux langues officielles, en tout temps, tout en empêchant que l’une des deux langues officielles soit reléguée au rang de la « langue de traduction ».
- Le ou la gestionnaire croit que la personne qui occupe le poste n’effectue pas de supervision et, qu’en conséquence, le poste peut être désigné unilingue ou bilingue avec un profil linguistique BBB/BBB.
Il arrive régulièrement qu’une institution justifie les exigences linguistiques d’un poste, soit une désignation « anglais essentiel », soit un profil linguistique BBB/BBB, en invoquant l’unique fait que la personne qui occupe le poste n’effectue pas de supervision, sans considération pour les autres fonctions effectuées par cette personne. Encore une fois, une telle évaluation ne saurait être considérée comme objective, car la supervision de personnel n’est qu’une des fonctions à prendre en considération. En aucun cas on ne peut ignorer l’ensemble des autres tâches effectuées par une personne qui occupe un poste. Il s’agit donc d’une justification s’appuyant sur une évaluation incomplète des fonctions du poste.
- Le ou la gestionnaire explique que les tâches qui sont accomplies par la personne qui occupe le poste peuvent être déléguées à un ou une collègue (dont le poste est à un groupe et un niveau différent) ou à un ou une gestionnaire, au besoin.
De prime abord, il faut soulever qu’il est normal, dans un contexte de bilinguisme institutionnel, d’avoir des équipes de travail composées de personnes unilingues et de personnes bilingues, à condition que l’équipe soit en mesure d’assurer la disponibilité de services dans les deux langues officielles lorsque cela est requis par la Loi, c’est-à-dire qu’elle dispose d’un effectif bilingue.
La Directive sur les langues officielles pour les communications et services du Conseil du Trésor définit la notion d’effectif bilingue comme étant la capacité d’un bureau de fournir des communications et des services dans les deux langues officielles en prévoyant, selon un agencement approprié, les ressources financières, matérielles et humaines nécessaires, y compris des postes et des fonctions bilingues et unilingues.
Dans ce contexte, il est normal que les activités de l’institution soient organisées de manière à ce que les demandes de services soient traitées par des personnes qui maîtrisent la langue officielle demandée. Une telle organisation des activités ne peut toutefois faire fi des responsabilités respectives qui sont exigées du personnel occupant des postes différents ni des compétences distinctes d’une catégorie de poste.
En d’autres mots, il n’est pas adéquat de demander qu’une personne avec qui on travaille et qui occupe un poste de nature différente, ou dont les responsabilités sont différentes, d’accomplir les tâches qui nécessitent le bilinguisme. Plus précisément, il n’est pas acceptable de déléguer des tâches à un ou une collègue de niveau inférieur ou, au contraire, à un ou une gestionnaire. On demande à ces personnes substituts d’effectuer des tâches dont elles ne sont pas responsables ou pour lesquelles elles n’ont pas l’expertise; elles risquent donc de ne pas être en mesure de fournir un service de qualité égale à la clientèle. De plus, la personne qui occupe un poste qui ne possède pas les compétences linguistiques requises dans la langue seconde pour fournir un service pourrait très bien être réticente à demander l’aide d’une personne avec qui elle travaille, particulièrement un ou une gestionnaire, par crainte de déranger et d’être jugée comme étant moins compétente pour le poste. Elle pourrait décider de simplement fournir le service dans sa propre langue officielle de préférence, en infraction à la Loi.
En conclusion sur ce point, la possibilité de déléguer des tâches à une personne avec qui on travaille ne doit être prise en considération que lorsqu’elle implique des collègues de groupe et niveau identiques, dont les responsabilités sont les mêmes ou très similaires. Il va sans dire que, dans une unité de travail qui comporte un poste avec des tâches et des responsabilités particulières, la délégation de tâches risque de ne jamais être une solution acceptable.
- Le ou la gestionnaire sous-estime le niveau de complexité des tâches en ce qui concerne les compétences linguistiques lors de l’établissement du profil linguistique.
Non tant un argument que des lacunes en ce qui a trait à l’interprétation des Normes et de leur application à des tâches concrètes, il arrive parfois que la complexité des tâches à être effectuées dans un poste justifie un profil linguistique plus élevé que celui établi par l’institution, par exemple un poste avec un profil linguistique BBB/BBB qui devrait être CBC/CBC ou CCC/CCC. Plus rarement, il arrive que des institutions établissent le profil linguistique d’un poste à un niveau supérieur, par exemple CBC/CBC, alors que les tâches du poste pourraient très bien être accomplies par une personne possédant des compétences en langue seconde de niveau BBB. Il est important de se rappeler que les tâches simples ou routinières correspondent à un niveau B. Les tâches complexes et les concepts abstraits, de leur côté, correspondent à un niveau C. Comme indiqué précédemment, il est important de noter que la fréquence d’usage ou la prévalence d’une langue officielle ou de l’autre dans le milieu de travail ne sont pas des critères pertinents d’analyse pour l’établissement du profil linguistique.
- Le ou la gestionnaire pense qu’un profil linguistique BBB/BBB est approprié pour un poste alors que les autres postes de mêmes groupe et niveau, au sein de l’équipe de travail, ont un profil linguistique supérieur.
Comme indiqué plus tôt, il est normal qu’une unité de travail soit composée de postes dont certains sont bilingues, et d’autres non, à condition de disposer d’un effectif bilingue suffisant. Cela dit, la capacité bilingue d’une unité pour un type précis de postes devrait être déterminée en fonction d’une combinaison appropriée de désignations, comme « bilingue », « français essentiel » et « anglais essentiel ». Elle ne doit pas être fondée sur la diversité des profils linguistiques des postes désignés « bilingue », car le niveau de compétence dans la seconde langue officielle ne devrait pas varier d’un poste à l’autre, aux mêmes groupe et niveau.
Cela s’explique par le fait que pour des postes de même nature qui ont des fonctions similaires, notamment lorsque la même description de travail s’applique, la complexité des tâches ne devrait pas varier d’un poste à l’autre et, par conséquent, le niveau des compétences linguistiques exigées non plus. Une évaluation objective devrait donc normalement donner des résultats similaires pour des postes semblables.
- Le ou la gestionnaire croit que le profil linguistique BBB/BBB est suffisant pour un poste, car la personne qui occupe le poste est anglophone et que les tâches à effectuer en français sont de nature simple.
Un élément souvent négligé au moment de l’évaluation du profil linguistique d’un poste est l’idée selon laquelle un poste désigné « bilingue » peut tout aussi bien être doté par une personne dont la langue officielle de préférence est le français. C’est à tort qu’on peut présumer qu’un poste bilingue, avec un profil linguistique de niveau BBB/BBB par exemple, sera toujours occupé par un membre du personnel dont la langue seconde est le français. Dans les cas où les compétences linguistiques requises pour accomplir les tâches en français sont de niveau BBB, les gestionnaires ne doivent pas oublier qu’à tout moment, le poste pourrait être doté par une personne dont la seconde langue officielle est l’anglais, auquel cas cette personne pourrait trouver difficile d’accomplir les tâches en anglais. Il est toujours important de ne pas présumer de la première langue officielle d’une personne qui occupe un poste et de garder à l’esprit que le profil linguistique sert de compétences minimales autant pour le français que pour l’anglais. Une bonne question à se poser pour déterminer un profil linguistique est la suivante : est-ce qu’une personne francophone comme anglophone serait en mesure d’accomplir toutes les tâches du poste avec le profil linguistique en question?
4. L’utilisation des exigences minimales contenues dans la Directive
Il est difficile de jeter le blâme sur les institutions fédérales lorsqu’elles évoquent la Directive, qui établit à BBB le niveau minimal en compétences en langue seconde requis pour superviser du personnel en région désignée bilingue tout en indiquant que les membres du personnel qui occupent des postes unilingues n’ont pas le droit d’exiger d’être supervisés dans la langue officielle de leur choix, à moins que le poste de leur superviseur ou superviseure ne soit désigné « bilingue » et qu’il soit dans une région désignée bilingue, pour justifier les exigences linguistiques d’un poste de supervision. Étant donné que cette directive est émise par leur employeur, à qui elles doivent ultimement répondre, on peut donc comprendre que les institutions sentent qu’elles doivent s’y conformer.
Nombreuses sont les institutions qui nous ont fait part d’une certaine frustration de se sentir coincées entre la Directive émise par le Secrétariat du Conseil du Trésor et les exigences promues par le Commissariat. Il faut toutefois attirer l’attention du lectorat sur le texte même de la Directive, qui indique que les niveaux des compétences en langue seconde requis pour des postes qui comprennent la supervision de personnel doivent être BBB ou supérieurs, ce qui veut dire qu’un profil linguistique BBB/BBB constitue un niveau minimal pour les postes comprenant des tâches de supervision. Autrement dit, la Directive n’exclut aucunement la possibilité que les exigences linguistiques requises pour un poste soient à un niveau supérieur et surtout ne soustrait pas les institutions à l’obligation d’effectuer une évaluation objective des exigences linguistiques du poste.
Enfin, le Commissariat a bon espoir que les travaux du Secrétariat du Conseil du Trésor en cours, à la suite des recommandations du rapport du greffier du Conseil privé sur la langue de travail, règleront cette question.
5. L’absence d’un mécanisme formel et documenté d’évaluation des exigences linguistiques de postes
Dans plusieurs cas, l’institution fédérale ne possédait aucun mécanisme formel et documenté d’évaluation des exigences linguistiques, c’est-à-dire un mécanisme où les intervenants à consulter et le processus à suivre sont bien définis et où les décisions prises et leur justification sont consignées par écrit. D’ailleurs, des cas ont révélé que l’institution n’avait tout simplement pas de justification à soumettre au soutien des exigences linguistiques remises en question dans le cadre de la plainte.
En plus d’encadrer les gestionnaires et de les aider à établir les exigences linguistiques de postes de manière plus objective, un tel mécanisme fait en sorte que la justification des exigences du poste est consignée et accessible. À tout moment, il est donc possible de comprendre le raisonnement et le processus qui a mené à l’établissement d’exigences linguistiques particulières, à un moment donné, ce qui est particulièrement utile aux fins de surveillance interne de l’institution ainsi que pour les gestionnaires intérimaires ou qui suivront, notamment lorsque vient le temps de doter le poste à nouveau et qu’une nouvelle évaluation s’impose.
vii. Les conclusions tirées de l’analyse documentaire des enquêtes terminées
L’analyse documentaire qui précède permet de tirer plusieurs constats des enquêtes menées en vertu de l’article 91 de la Loi. Dans un premier temps, une quantité importante de plaintes recevables relativement à l’article 91 de la Loi sont reçues par le Commissariat chaque année et sont, pour la grande majorité, fondées. De plus, le problème ne se limite pas qu’à une seule institution, mais en touche plusieurs, ce qui en fait un problème répandu dans l’ensemble de la fonction publique.
Bien que les postes visés par les plaintes se trouvent principalement dans la région de la capitale nationale, on en trouve également, dans une moindre mesure, dans les autres régions désignées bilingues ainsi que quelques-uns dans des régions unilingues aux fins de la langue de travail. Il s’agit donc d’un problème qui touche particulièrement les régions désignées bilingues.
Les plaintes touchent un grand éventail de postes, mais il est possible de souligner la grande quantité de plaintes fondées visant des postes faisant partie des groupes de classification CS, AS, EC, PM et FI ainsi que des postes supervisant du personnel en région désignée bilingue. Bien qu’une attention particulière devrait être accordée aux postes de ces groupes de classification, les autres groupes doivent également être pris en considération dans toute approche visant à remédier au problème.
En ce qui concerne les problèmes récurrents qu’ont révélés les enquêtes menées sur l’évaluation des exigences linguistiques de postes par les gestionnaires, notre analyse documentaire a révélé qu’ils sont multiples, allant de justifications s’appuyant sur des principes qui dérogent à une évaluation objective jusqu’à l’utilisation de descriptions de travail inexactes pour établir les exigences linguistiques, sans oublier la prise en considération d’éléments de nature opérationnelle.
À ce stade-ci, et en raison de ce qui précède, il est possible de tirer le constat suivant, c’est-à-dire que la mise en œuvre de l’article 91 de la Loi constitue un problème répandu au sein de la fonction publique fédérale qui se reflète dans un nombre d’incidents qui se répètent, qui touchent une gamme d’institutions fédérales et qui ont une incidence sur la prestation de services au public, en vertu de la partie IV de la Loi, ainsi que le respect des droits de langue de travail du personnel de la fonction publique fédérale en vertu de la partie V de la Loi. D’ailleurs, il s’agit d’un indice selon lequel la source ou les sources du problème ne se trouvent pas au sein de mauvaises pratiques d’une ou deux institutions, par exemple, mais au sein du système lui-même.
b. Entrevues avec les institutions fédérales au sujet de la mise en œuvre de l’article 91 de la Loi
Afin d’en apprendre davantage sur les éléments pertinents entourant la mise en œuvre de l’article 91 de la Loi au sein des institutions fédérales et aussi afin de fournir aux institutions fédérales la possibilité de faire valoir leur perception et leur point de vue sur la question, nous avons rencontré diverses institutions dans le cadre d’entrevues qui se sont déroulées d’avril à juillet 2019.
Dans un premier temps, cinq institutions fédérales ont été déterminées et ont fait l’objet de rencontres en raison du haut volume de plaintes déposées à leur égard en vertu de l’article 91 de la Loi depuis 2014 : l’Agence des services frontaliers du Canada, Service correctionnel Canada, le ministère de la Défense nationale, Santé Canada ainsi que Services partagés Canada. Il faut souligner l’importance de relativiser le nombre de plaintes reçues sur ces institutions en fonction de la taille de ces organismes et du nombre de mesures de dotation qui y sont effectuées.
Dans un deuxième temps, des entrevues ont été menées auprès des intervenants principaux mentionnés au début de l’analyse en raison de leur rôle central dans la mise en œuvre de l’article 91 au sein de la fonction publique et des autres organismes soumis à la Loi, soit le Secrétariat du Conseil du Trésor, la Commission de la fonction publique ainsi que l’École de la fonction publique.
i. La mise en œuvre de l’article 91 de la Loi au sein des institutions fédérales
Les entrevues menées auprès des cinq institutions fédérales mentionnées précédemment nous ont permis de rencontrer plusieurs de leurs porte-parole, qui avaient un lien direct avec les langues officielles. L’objectif de ces entrevues était, d’un côté, de s’informer sur la mise en œuvre de l’article 91 au sein de ces institutions et des différentes mesures en place à cet effet et, d’un autre côté, d’offrir la chance aux institutions de nous faire part des difficultés précises auxquelles elles sont confrontées.
Compte tenu du volume d’information fournie par les institutions, qui portait sur des sujets variés, nous avons déployé tous les efforts pour présenter une synthèse de ces rencontres, dans la présente partie, tout en excluant l’information jugée moins pertinente considérant la nature et les objectifs du présent rapport.
Afin de faciliter la lecture du présent rapport et pour en simplifier la terminologie utilisée, le terme « gestionnaire » continuera d’être utilisé pour désigner les personnes responsables d’établir les exigences linguistiques de postes.
1. La délégation du pouvoir de déterminer les exigences linguistiques des postes
En ce qui concerne les instruments de délégation des institutions relativement au pouvoir d’embaucher du personnel et, par le fait même, de déterminer les exigences linguistiques des postes, les entrevues ont révélé que le niveau de délégation variait d’une institution à l’autre. Alors que, pour une institution, la responsabilité de déterminer les exigences linguistiques d’un poste revenait au ou à la gestionnaire du poste, d’autres ont affirmé que ce pouvoir était plutôt celui des directeurs et directrices ou des titulaires de postes de haute direction. Certaines institutions ont précisé que le directeur ou la directrice s’appuie toutefois sur la recommandation du superviseur ou de la superviseure du poste. Pour l’une des institutions rencontrées, le niveau de délégation varie d’une direction générale à une autre, selon une analyse de gestion des risques. Cette même institution a toutefois rapporté qu’une diminution des exigences linguistiques doit être approuvée par le directeur général ou la directrice générale.
2. Les autres intervenants qui participent au processus d’évaluation des exigences linguistiques
Bien que le pouvoir délégué d’établir les exigences linguistiques d’un poste puisse varier d’une institution à l’autre, les institutions rencontrées ont été unanimes sur le fait que les gestionnaires bénéficient de l’appui de personnel en ressources humaines et de personnel en langues officielles, qui participent au processus à des degrés variés.
Les entrevues ont toutefois révélé qu’il n’était pas toujours obligatoire de consulter le personnel en langues officielles au moment d’établir ou de réviser les exigences linguistiques de postes. Dans tous les cas, il n’était pas obligatoire de suivre l’avis du personnel en langues officielles. Leur rôle se limite donc, en général, à fournir des conseils, qui ne sont pas toujours suivis par les gestionnaires. Toutefois, des mécanismes sont en place au sein de certaines institutions pour que les divergences d’opinions des gestionnaires et du personnel en langues officielles soient communiquées aux échelons supérieurs de la direction qui seront chargés de trancher.
3. Les politiques et les directives internes
Parmi les institutions qui ont fourni de l’information à ce sujet, une institution a affirmé disposer, depuis 2016, d’une directive portant sur la détermination des profils linguistiques, qui prévoit notamment que les postes de supervision de niveau EX moins un en région désignée bilingue doivent être désignés « bilingue » avec un profil linguistique CBC/CBC. Cette institution a aussi affirmé disposer d’une directive abordant, entre autres, le sujet de la dotation non impérative. Une autre institution, de son côté, a précisé qu’une directive datant de 2015 et émanant du sous-ministre était en place, laquelle vise à expliquer comment évaluer les exigences linguistiques d’un poste, à encadrer le processus d’évaluation des exigences linguistiques ainsi qu’à définir les principaux acteurs et leurs responsabilités.
Une institution rencontrée a d’ailleurs affirmé qu’elle ne s’appuie que sur la Directive et les Normes.
4. Les outils et instruments internes
L’information fournie à ce sujet a révélé, encore ici, une certaine diversité en ce qui concerne les outils internes développés au sein des institutions rencontrées. Par exemple, certains membres du personnel en langues officielles ont affirmé avoir élaboré des grilles ou des formulaires, dont le format peut varier, à être utilisés par les gestionnaires au moment d’évaluer les exigences linguistiques des postes. Leur utilisation n’est toutefois pas toujours obligatoire. Dans certains cas, le formulaire ou la grille d’information en question n’est qu’un outil pour guider les gestionnaires alors que, dans d’autres cas, il s’agit d’un document administratif qui doit être rempli et, par la suite, révisé et signé par divers intervenants, par exemple le directeur ou la directrice, une personne responsable des ressources humaines ou un membre du personnel en langues officielles. Dans plusieurs cas, ces documents font partie intégrale du mécanisme d’approbation des exigences linguistiques et, dans les cas de désaccord entre le ou la gestionnaire et le personnel en langues officielles, les arguments sont communiqués au personnel des échelons supérieurs qui est chargé de trancher.
Une institution a également rapporté avoir préparé une fiche à être utilisée précisément dans les cas comprenant l’usage d’une description de travail générique, où il y a lieu de préciser les tâches accomplies par la personne qui occupe le poste. Le personnel en langues officielles d’une institution a également indiqué être en train de préparer un guide pour aider les gestionnaires dans l’évaluation des exigences linguistiques. Une institution a indiqué disposer également d’un formulaire, qui fait actuellement l’objet d’une mise à jour, afin d’encadrer l’usage de la dotation non impérative.
Une institution a aussi fait parvenir une liste d’outils additionnels disponibles au sein de l’institution, par exemple un arbre décisionnel concernant les exigences linguistiques des postes de supervision, une liste de questions et réponses concernant les exigences linguistiques des postes et la dotation des postes bilingues, des présentations sur l’établissement des exigences linguistiques des postes et sur la dotation des postes bilingues et, enfin, un formulaire de justification pour l’attribution du profil linguistique BBB/BBB à un poste bilingue exigeant un profil linguistique CBC/CBC.
5. Les exigences linguistiques de postes dont les tâches comprennent la supervision de personnel en région désignée bilingue
L’information obtenue dans le cadre des entrevues a démontré que, de manière générale, du moins en principe, les institutions reconnaissaient et acceptaient le fait que les postes nécessitant de faire la supervision de personnel en régions désignées bilingues devraient être dotés d’un profil linguistique CBC/CBC. Certaines institutions rencontrées ont fait part des défis qu’elles doivent surmonter, notamment en matière de ressources, de formation linguistique et de recrutement, en ce qui a trait à une telle approche. Une institution a remis en question le besoin que tous les superviseurs et superviseures, sans exception, aient un niveau de compétences en langue seconde de CBC, précisant que certains postes de supervision, dans le domaine de l’entretien par exemple, n’auraient pas besoin d’un profil linguistique CBC/CBC.
Nous avons été ravis de voir que plusieurs institutions rencontrées avaient adopté des plans d’action ou des stratégies afin de voir au rehaussement des profils linguistiques de certains postes de supervision à CBC/CBC. Alors que l’initiative d’une institution vise tous les postes de supervision, de manière générale, celles d’autres institutions visent précisément les postes de supervision de niveau EX moins un, ce qui est un bon début, tout en étant insuffisant. Dans au moins un cas, certaines directions générales ont pris les devants avec des approches plus proactives.
Enfin, une institution a indiqué que le fait d’exiger un profil linguistique CBC/CBC pour tous les postes de supervision n’était pas une approche objective. Cette institution a toutefois mentionné avoir une directive en place qui prévoit que le personnel en dotation procède à une révision des exigences linguistiques pour tout poste de supervision qui n’a pas un profil linguistique CBC/CBC et qui n’a pas déjà fait l’objet d’une révision afin de s’assurer que l’évaluation a été faite de manière objective.
6. La formation offerte aux gestionnaires
L’information fournie à ce sujet a révélé que, de manière générale, peu ou pas de formation interne en matière d’établissement des exigences linguistiques n’était fournie aux gestionnaires. Lorsqu’une telle formation est offerte, le sujet est abordé de manière générale ou rapidement parmi d’autres sujets liés à la gestion ou aux langues officielles. Plutôt, les institutions s’en remettent aux formations offertes par l’École de la fonction publique. Au moins une institution a rapporté que ses formations sont plutôt générales et que le sujet des exigences linguistiques de postes y est abordé rapidement. Pour plusieurs institutions, des présentations ou séances d’information sont parfois données par le personnel en langues officielles, par exemple au personnel en ressources humaines ou aux titulaires de postes de direction.
7. Les autres initiatives
Une institution a rapporté avoir promulgué un plan d’action, en 2019, afin d’accroître la sensibilisation du personnel aux langues officielles et d’entraîner une diminution des plaintes. Entre autres, le plan comprend des communications de sensibilisation aux langues officielles, des changements à la procédure interne de traitement des plaintes déposées en vertu de l’article 91 de la Loi, un rappel aux différents intervenants de leurs responsabilités respectives et de l’importance de la nécessité de suivre la directive déjà en place au sein de l’organisation et d’autres mesures. Le plan vise aussi la création de mécanismes visant à ce que le personnel en langues officielles soit systématiquement consulté au moment d’évaluer les exigences linguistiques de postes. Une révision globale de la classification et des exigences linguistiques de tous les postes de l’organisation est également planifiée.
8. La recherche de conseils du Secrétariat du Conseil du Trésor et de la Commission de la fonction publique du Canada
Une institution a rapporté qu’elle ne consulte le Secrétariat du Conseil du Trésor et la Commission de la fonction publique qu’à l’occasion, car ce n’est pas nécessaire la plupart du temps. Pour ce qui est d’une autre institution, il lui arrive de poser des questions par courriel au Secrétariat du Conseil du Trésor pour obtenir des avis et des conseils, tout en avouant que c’est parfois long avant de recevoir les réponses et que, parfois, ils ne reçoivent pas de réponses du tout. Cette institution indique aussi qu’il y a de moins en moins d’information pertinente de la part du Conseil du Trésor avec chaque révision de leurs politiques. Les gestionnaires ont l’impression de devoir se débrouiller sans aide à ce sujet. Pour ce qui est de la Commission de la fonction publique, cette institution ne communique pas avec elle, sauf s’il y a un besoin d’information au sujet du Décret d’exemption concernant les langues officielles dans la fonction publique. Une autre institution nous a informés que, selon certaines personnes, la question des langues officielles n’est pas la priorité du Secrétariat du Conseil du Trésor et qu’il y a une certaine lenteur quant aux discussions à ce sujet.
Une institution a toutefois soutenu avoir des discussions fréquentes avec le Secrétariat du Conseil du Trésor, particulièrement dans la foulée du rapport du greffier du Conseil privé sur la langue de travail ou au sein du Comité des sous-ministres adjoints sur les langues officielles. D’autres forums sont aussi tenus, par exemple des Conseils en ressources humaines ou en dotation, des tables de travail et des comités.
9. Les défis
L’information obtenue à ce sujet a été regroupée sous les thèmes suivants :
- Le recrutement de personnel bilingue
À l’unanimité, les institutions rencontrées ont indiqué être confrontées à des défis de recrutement, qui sont présents dans l’ensemble de la fonction publique. Ces défis sont particulièrement importants lorsqu’il faut recruter du personnel pour des postes spécialisés dans un domaine qui requiert des connaissances techniques et qu’il est question de trouver des personnes qui maîtrisent les deux langues officielles, particulièrement lorsque le poste est situé à l’extérieur des régions désignées bilingues.
Il arrive alors que des gestionnaires décident de privilégier les besoins opérationnels et de faciliter la dotation en personnel en réduisant le niveau de bilinguisme requis ou en l’éliminant complètement. Le personnel en langues officielles des institutions témoigne alors de gestionnaires qui négligent ou qui refusent de suivre leurs recommandations au moment de l’établissement des exigences linguistiques de postes.
Le principal outil utilisé par les institutions pour faire face à ce défi est la dotation non impérative, mais on soulève toutefois qu’il ne s’agit pas d’une solution miracle en raison des coûts qui y sont associés et du besoin de remplacer une personne nommée pendant sa formation linguistique.
- La compétition « déloyale » entre institutions en matière de dotation
L’inconsistance des exigences linguistiques pour des postes identiques ou similaires dans l’ensemble des institutions peut mener à une compétition « déloyale » entre les institutions qui visent à se conformer à la Loi et celles pour qui, pour une raison ou pour un autre, il ne s’agit pas d’une priorité. Ainsi, il n’est pas rare que des personnes choisissent de travailler pour une autre institution en raison des exigences linguistiques moins élevées pour un même poste. Parfois, une personne suivra la formation au sein d’une institution pour ensuite la quitter pour une autre institution en raison d’une progression de carrière plus facile sur le plan des exigences linguistiques. Il est donc important de s’assurer que la mise en œuvre de l’article 91 de la Loi est cohérente dans l’ensemble de la fonction publique.
- Le besoin de sensibilisation quant à l’importance des exigences linguistiques
Les institutions fédérales rencontrées ont également été unanimes à affirmer que le simple fait de mieux encadrer la mise en œuvre de l’article 91 de la Loi ne suffira pas à régler le problème. Il faudrait également accroître la sensibilisation du personnel et des gestionnaires de la fonction publique à l’importance du bilinguisme et aux raisons de son utilité.
On rapporte, entre autres, qu’il arrive que des membres du personnel remettent en question le besoin du bilinguisme pour un poste en raison d’un environnement de travail unilingue, sans prendre les droits de langue de travail du personnel ou les droits linguistiques de la clientèle en considération. D’autres personnes croient que le fait d’exiger un profil linguistique CBC/CBC pour les postes de supervision en région désignée bilingue est arbitraire et elles ne comprennent pas la raison pour laquelle cela est une exigence.
La culture organisationnelle peut également être un obstacle à la mise en œuvre de l’article 91 de la Loi, notamment dans des environnements de travail qui ont toujours fonctionné dans une seule des deux langues officielles. Cette culture peut offrir une résistance au changement, particulièrement lorsqu’il y a perception que les exigences linguistiques limitent les chances d’avancement, ce qui peut créer des désaccords entre les gestionnaires ou les membres du personnel et le personnel en langues officielles. Une institution indique toutefois être confiante que plus il y a de fonctionnaires bilingues, particulièrement des gestionnaires, plus cela risque de modifier la culture en place.
- Le besoin d’une révision des outils et des directives du Conseil du Trésor
Certaines institutions ont indiqué que, selon elles, le Conseil du Trésor offrait de moins en moins d’information pertinente et que les gestionnaires devaient se débrouiller sans aide, particulièrement depuis que les institutions centrales ont adopté une approche plus habilitante et moins prescriptive sur le plan des règles à suivre.
Plusieurs institutions ont exprimé le besoin d’avoir davantage d’outils de la part du Conseil du Trésor, ou de revoir ceux qui sont déjà en place, de manière à mieux encadrer les gestionnaires. À titre d’exemple, certaines institutions ont mentionné qu’il serait opportun de préparer des ateliers, des capsules, des vidéos, des conférences, des outils en lignes, etc. Il serait également important de mieux encadrer certains éléments constitutifs d’une évaluation objective des exigences linguistiques d’un poste en définissant, par exemple, ce qui constitue un service à la clientèle, à quel moment un service doit être bilingue, ce qu’est un effectif bilingue, à quel moment on considère avoir un effectif bilingue suffisant et l’incidence des descriptions de travail générique. Tous ces éléments ne sont pas bien compris des gestionnaires. D’ailleurs, selon une institution, certains considèrent le Commissariat comme étant trop ferme sur ces questions.
Plusieurs institutions ont aussi fait part de problèmes quant à l’usage de l’outil du Conseil du Trésor intitulé « Déterminer le profil linguistique des postes bilingues ». En effet, l’outil n’est pas bien connu ou compris des gestionnaires, ce qui peut mener à des résultats erronés basés sur les choix subjectifs qui sont faits. En d’autres mots, il est possible d’obtenir les résultats que l’on désire selon l’information qu’on y entre. On reproche également à l’outil de ne pas poser les bonnes questions et d’être trop vague, surtout en ce qui a trait à l’évaluation de la complexité des tâches. Une institution propose que l’outil soit révisé afin de le rendre plus dynamique et plus complet.
Le porte-parole d’une institution a fait valoir que le principe actuel d’attribution des profils linguistiques n’est pas suffisamment flexible et nuancé, notamment parce qu’il ne permet pas aux gestionnaires de prendre en considération la première langue officielle du personnel au moment de concevoir un effectif bilingue suffisant. Ainsi, alors qu’un ou une gestionnaire veut composer une équipe d’un nombre suffisant de francophones et d’anglophones possédant un niveau de compétence intermédiaire dans leur seconde langue officielle (BBB), le système actuel l’oblige à doter tous les postes par des personnes ayant un niveau de compétence avancé dans leur seconde langue officielle (CBC), car il ne lui sera pas possible, autrement, de s’assurer d’avoir un effectif bilingue suffisant dans la mesure où il ne peut prendre en considération la première langue officielle des personnes au moment de la dotation en personnel. Le porte-parole de l’institution a proposé d’avoir des profils linguistiques « anglais essentiel/BBB » ou « français essentiel/BBB », ce qui permettrait d’avoir un effectif bilingue sans exiger un niveau avancé dans la seconde langue officielle.
Le sujet de la dotation non impérative n’a pas été épargné par les commentaires d’une institution, qui a affirmé que les règles à ce sujet n’étaient ni claires ni explicites et qu’il y avait lieu d’en clarifier les exigences d’usage.
Une institution a d’ailleurs mentionné qu’il serait opportun que le Conseil du Trésor modifie sa Directive pour y imposer le profil linguistique CBC/CBC pour les postes de supervision en région désignée bilingue.
Enfin, la plupart des institutions ont soutenu que le besoin d’encadrement des institutions devait s’équilibrer avec un besoin de flexibilité. Cela permettrait de tenir compte de la diversité des institutions et de leurs besoins, et de ne pas en être déconnecté, d’où le besoin d’avoir des outils génériques pouvant s’appliquer à toutes institutions, tout en étant suffisamment précis pour fournir des réponses aux questions.
- Le besoin d’une revue des formations sur les exigences linguistiques offertes aux gestionnaires par l’École de la fonction publique du Canada
Au moins deux institutions ont mentionné avoir besoin de plus de formation en matière d’évaluation des exigences linguistiques. Il a notamment été précisé que cette question était à peine abordée dans le cadre des formations de l’École de la fonction publique pour les gestionnaires. Ces formations touchent davantage les aspects financiers des ressources humaines. Une plus grande place devrait être faite aux exigences linguistiques.
10. Les constats
Il est difficile de tirer des constats sur la suffisance et la convenance des mécanismes, des directives et des outils internes des institutions rencontrées pour deux raisons.
Dans un premier temps, on constate que plusieurs d’entre eux ont été mis en place récemment, ou sont en voie de l’être, dans le but précis de répondre aux problèmes faisant l’objet des multiples plaintes sur le sujet. En d’autres mots, le portrait actuel des institutions rencontrées n’est peut-être pas celui qui existait au moment de l’apparition du problème, bien que les fruits des mesures prises par les institutions se font toujours attendre si l’on considère la constance du nombre de plaintes reçues chaque année.
Dans un deuxième temps, nous n’avons rencontré que quelques grandes institutions ayant reçu une quantité significative de plaintes. Nous n’avons donc pas le point de vue des plus petites institutions disposant de moins de ressources ou d’autres institutions ayant reçu un moins grand nombre de plaintes, mais où un problème pourrait quand même être présent.
On constate toutefois le manque d’uniformité des mesures en place dans l’ensemble des institutions pour encadrer l’établissement des exigences linguistiques. Alors que certaines institutions ont des directives internes en place, dont le contenu varie, d’autres n’en ont pas. Certaines institutions ont développé des outils, d’autres non. Tandis que ce sont les gestionnaires qui établissent les exigences linguistiques des postes au sein de certaines institutions, ce sont les directeurs et les directrices qui en sont responsables au sein d’autres institutions. Certaines institutions ont un plan d’action visant à attribuer un profil linguistique CBC/CBC aux postes de supervision en région désignée bilingue, d’autres pas.
Bien sûr, il y a lieu de féliciter les institutions qui ont adopté des mesures concrètes, qu’il s’agisse de directives ou d’outils, afin de tenter de résoudre le problème et de mieux encadrer les exigences linguistiques au sein de leur institution. D’ailleurs, le commissaire espère que le Conseil du Trésor et d’autres institutions pourront s’inspirer de ces initiatives et bonnes pratiques.
Les différences que l’on trouve dans les mesures en place constituent toutefois un problème dans la mesure où il est raisonnable de s’attendre à ce que les moyens déployés par les institutions afin de s’assurer que les exigences linguistiques sont établies de manière objective soient sensiblement les mêmes d’une institution à l’autre et qu’on y retrouve une certaine cohérence, ce qui est loin d’être le cas. D’ailleurs, il y a, en général, une absence de formation interne sur le sujet, alors que les institutions se fient presque entièrement à l’École de la fonction publique.
Un autre constat mis en évidence par les entrevues et étayé par les enquêtes est la pertinence du personnel en langues officielles lors de l’établissement des exigences linguistiques des postes, étant donné que ce personnel possède, de manière générale, la plus grande expertise sur le sujet. Toutefois, les entrevues ont aussi révélé que les procédures en place au sein des institutions ne prévoient pas toujours d’obligation de les consulter et que, lorsqu’elles le sont, il n’est alors pas obligatoire de suivre leurs recommandations.
De plus, les entrevues ont permis de mettre à jour un besoin, pour les institutions, que les politiques, les normes et les outils du Conseil du Trésor soient révisés.
Enfin, on ne saurait ignorer le grand besoin des institutions en matière de sensibilisation du personnel et des gestionnaires sur la raison d’être des exigences linguistiques ni le fait que les institutions sont confrontées à des défis de recrutement de personnel bilingue, ce qui a des répercussions sur l’établissement des exigences linguistiques des postes.
ii. Le Conseil du Trésor du Canada
Comme mentionné plus haut, le Conseil du Trésor possède un rôle bien particulier en ce qui concerne la mise en œuvre de l’article 91 de la Loi. Dans un premier temps, il s’agit de l’employeur de la fonction publique qui a comme responsabilité d’assurer la règlementation sur les exigences linguistiques des postes applicable aux institutions, par exemple la Politique, la Directive et les Normes. Dans un deuxième temps, le paragraphe 46(1) de la Loi lui attribue la responsabilité d’élaborer et de coordonner, de façon générale, les principes et les programmes fédéraux de mise en œuvre des parties IV, V et VI de la Loi dans les institutions fédérales.
C’est selon cette perspective que des rencontres ont eu lieu avec des porte-parole du Secrétariat du Conseil du Trésor pour discuter de ces questions et pour évaluer la participation du Conseil du Trésor ainsi que des actions qu’il pose pour assurer la mise en œuvre de l’article 91 de la Loi par les institutions fédérales. L’information retenue a été regroupée sous les thèmes qui suivent.
1. Le rôle du Conseil du Trésor quant à la mise en œuvre de l’article 91 de la Loi
Selon le Secrétariat du Conseil du Trésor, ce sont les administrateurs généraux et les administratrices générales qui sont imputables de la mise en œuvre des obligations prévues à l’article 91 de la Loi. D’ailleurs, la Politique a pour objet d’expliquer cette imputabilité et elle décrit clairement les obligations qu’il incombe aux administrateurs généraux et aux administratrices générales de respecter au sein de leurs institutions.
Le Conseil du Trésor adopte des politiques et des directives en matière de langues officielles en vertu des pouvoirs lui étant conférés par la partie VIII de la Loi afin d’opérationnaliser les obligations auxquelles sont assujetties les institutions et de fournir plus de détails aux administrateurs généraux et aux administratrices générales sur la façon dont ils devraient mettre en œuvre la Loi. En d’autres mots, le but est de guider les institutions.
Ayant une double portée, ces instruments de politique visent d’abord à décrire les responsabilités de l’administration publique centrale. Ils servent aussi de barèmes généraux aux autres organismes assujettis à la Loi, mais qui ne font pas partie de l’administration publique centrale. Ces autres organismes peuvent établir leurs propres normes pour respecter leurs obligations. Certains décident toutefois de suivre le modèle proposé par le Conseil du Trésor, tout en l’adaptant à leur propre réalité. Alors qu’autrefois, les politiques du Conseil du Trésor étaient plus précises et prescriptives, c’est pour répondre au besoin de flexibilité en matière de dotation exprimé par les institutions qu’elles le sont moins aujourd’hui. Le Conseil du Trésor vise donc à assurer un équilibre entre un cadre contraignant sur lequel les institutions peuvent être évaluées et une flexibilité en matière de dotation.
En principe, les politiques et les directives sont revues tous les cinq ans et des mises à jour régulières sont faites. La dernière révision de la Politique et de la Directive du Conseil du Trésor, dont le but était de clarifier les responsabilités des administrateurs généraux et des administratrices générales afin de faciliter leur mise en œuvre, remonte à 2012.
Quant aux institutions, le Secrétariat du Conseil du Trésor a affirmé qu’il n’existe aucune obligation de se doter de cadres internes relativement à la mise en œuvre de l’article 91 de la Loi. Il revient donc aux administrateurs généraux et aux administratrices générales d’adopter ou non leurs propres politiques ou directives en matière de langues officielles.
2. L’appui offert aux institutions
Le Secrétariat du Conseil du Trésor offre un appui aux institutions quant à l’interprétation des règles et à leur mise en œuvre. Par exemple, lorsque les Normes ont été adoptées, des présentations ont été effectuées par le Secrétariat du Conseil du Trésor auprès des institutions.
Aussi, des réunions régulières des comités consultatifs des ministères et des sociétés d’État sur les langues officielles sont organisées ainsi que des téléconférences sur des sujets précis. Des rencontres ont également lieu plusieurs fois par année entre le Secrétariat du Conseil du Trésor et les communautés fonctionnelles des institutions (des ministères et des sociétés d’État), par exemple dans le cadre d’ateliers ou de forums portant sur les bonnes pratiques en matière de dotation. Les institutions peuvent aussi utiliser la plateforme Web GCCollab pour poser des questions au personnel du Secrétariat du Conseil du Trésor ou au personnel en langues officielles d’autres institutions, pour diffuser les bonnes pratiques et pour obtenir des solutions qui ont fait leurs preuves sur le terrain.
La Politique indique que chaque institution doit disposer d’une personne ou d’une équipe responsable des langues officielles (à laquelle on fait référence en tant que « personnel en langues officielles » dans ce rapport). La taille de l’équipe est en adéquation avec le mandat de l’institution. Le personnel en langues officielles est également une bonne source d’initiatives et d’idées novatrices dans la mise en œuvre de l’article 91 de la Loi, et il peut communiquer avec le Secrétariat du Conseil du Trésor à tout moment pour obtenir de l’aide au sujet de l’interprétation de ses politiques. Le Secrétariat du Conseil du Trésor ne prendra pas le rôle du personnel en langues officielles des institutions, notamment lorsque des questions sont posées dans le cadre de mesures de dotation précises (p. ex., quelles seraient les exigences linguistiques adéquates pour un poste), mais il interviendra lorsque la question est plus complexe.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor a aussi indiqué qu’il invite parfois la Commission de la fonction publique et l’École de la fonction publique à faire des présentations sur des sujets précis. Cela a été le cas, par exemple, lorsque la Commission de la fonction publique a adopté la Nouvelle orientation en dotation. Les trois organisations collaborent également en ce qui a trait aux cours offerts et aux projets pilotes.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor surveille également les rapports et les recommandations des comités parlementaires ainsi que les rapports d’enquêtes sur l’article 91 du Commissariat pour cibler davantage l’appui aux institutions et comprendre les problèmes soulevés.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor a mentionné qu’il saisit toutes les occasions pour rappeler aux institutions les obligations relatives à l’article 91 de la Loi.
3. La surveillance de la mise en œuvre de l’article 91 de la Loi
Le Secrétariat du Conseil du Trésor a indiqué que les orientations en matière de surveillance et de reddition de comptes et l’imputabilité des administrateurs généraux et des administratrices générales sont établies dans le Cadre principal des politiques du Conseil du Trésor. Les conséquences possibles de la non-conformité à tous les instruments de l’ensemble de politiques du Conseil du Trésor sont énumérées dans le Cadre stratégique sur la gestion de la conformité.
Dans le cadre des bilans sur les langues officielles, un exercice conjoint avec Patrimoine canadien qui se déroule sur un cycle de trois ans, les quelque 200 institutions fédérales assujetties à la Loi sur les langues officielles doivent faire rapport de sa mise en œuvre au Secrétariat du Conseil du Trésor au moins une fois durant le cycle, et 18 de ces institutions doivent produire un bilan tous les ans. L’information recueillie est utilisée dans la préparation du Rapport annuel sur les langues officielles du président du Conseil du Trésor. Ces bilans assurent une reddition de compte des programmes des langues officielles des institutions assujetties à la Loi, comme il est exigé à l’article 48 de la Loi.
Les bilans sur les langues officielles portent sur différents aspects des langues officielles : la gouvernance, la surveillance, les communications et les services au public, la langue de travail, la participation équitable, le leadership, la gestion des ressources humaines, la promotion du français et de l’anglais ainsi que le développement des communautés minoritaires de langue officielle. On demande notamment aux institutions d’y confirmer si les exigences linguistiques sont établies de manière objective au sein de leur organisation. Par exemple, dans le Rapport annuel sur les langues officielles pour l’exercice 2017 à 2018, le Conseil du Trésor rapportait que 81 % des institutions ont indiqué que les exigences linguistiques des postes sont presque toujours établies objectivement, c’est-à-dire qu’elles « correspondent au travail des employés ou de leurs unités de travail et tiennent compte des obligations linguistiques relatives au service au public et à la langue de travail9 » dans 90 % des cas ou plus. Comme le Secrétariat du Conseil du Trésor examine chaque année ses outils et ses indicateurs de surveillance, il a ajouté une question sur l’article 91 de la Loi aux bilans de 2019-2020 afin de mieux sonder les institutions fédérales sur la question.
Même si les bilans demeurent un questionnaire d’auto-évaluation, un exercice de contre-vérification et de triangulation des données se produit pour valider les résultats fournis par les institutions et pour cibler l’action du Secrétariat du Conseil du Trésor. Par exemple, en 2016-2017, le Secrétariat du Conseil du Trésor avait renforcé la rigueur de certaines questions en demandant des preuves pour appuyer les réponses des institutions sur les mécanismes dont elles se servent pour mesurer la disponibilité et la qualité des services au public. Un certain nombre de questions clés des bilans requièrent donc que les institutions joignent des documents ou des éléments de preuves à l’appui.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor peut aussi examiner d’autres sources de données afin de valider les résultats des bilans, par exemple des résultats de sondages menés par des firmes externes ou bien ceux tirés du Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux. Ces derniers permettent, par exemple, de connaître le taux de satisfaction des fonctionnaires quant à la supervision qui leur est offerte dans leur langue officielle de préférence. Les résultats du Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux peuvent notamment être départagés, entre autres, par province et territoire, par la première langue officielle des personnes ayant répondu au sondage, par institution, par direction et par secteur.
Pour le bilan de 2019-2020, le Secrétariat du Conseil du Trésor profitera également des données recueillies dans le cadre des consultations publiques sur la révision du Règlement sur les langues officielles — communications avec le public et prestation des services pour la vérification des bilans.
De plus, les données statistiques, auxquelles le Secrétariat du Conseil du Trésor a accès à partir des systèmes centraux, lui permettent de suivre certains indicateurs clés brossant un portrait large, par exemple le nombre de postes bilingues, dont ceux incluant des responsabilités de supervision, le nombre de fonctionnaires qui satisfont aux exigences linguistiques de leur poste, le nombre de postes qui donnent un service au public, les exigences linguistiques des postes, y compris les profils linguistiques des postes désignés bilingues, etc. Ces données sont aussi utilisées au moment de la préparation du Rapport annuel sur les langues officielles.
Enfin, un autre outil de surveillance mentionné par le Secrétariat du Conseil du Trésor, le Cadre de responsabilisation de gestion, permet aussi de suivre plusieurs composantes de la gestion liées à l’imputabilité des administrateurs généraux et des administratrices générales, de suivre les grandes tendances, d’offrir une vue objective de la situation et de valider les résultats des bilans. Ces composantes de gestion sont d’ailleurs, pour la plupart, incluses dans les annexes des rapports annuels publiés par le Conseil du Trésor. Les résultats du suivi peuvent servir à l’évaluation du rendement des sous-ministres.
Les renseignements obtenus à partir de ces diverses sources permettent au Secrétariat du Conseil du Trésor de surveiller le rendement des institutions, de combler les lacunes dans les politiques et de trouver des occasions pour appuyer l’amélioration continue. Ces renseignements sont abordés avec les institutions dans le cadre de plusieurs événements visant à appuyer la communauté de pratiques en langues officielles, par exemple le Comité consultatif des ministères sur les langues officielles, le Forum des bonnes pratiques en matière de langues officielles ainsi que le Comité consultatif des sociétés d’État sur les langues officielles. Si le Secrétariat du Conseil du Trésor relève un problème répandu dans un groupe d’institutions, ce problème fera l’objet de discussions avec ces institutions.
En 2015, le Bureau du vérificateur général a réalisé une vérification des exigences en matière de rapports que le Secrétariat du Conseil du Trésor impose aux organisations fédérales, soulignant les efforts déployés par celui-ci pour réduire le fardeau administratif.
4. Les commentaires du Secrétariat du Conseil du Trésor à l’égard de certains problèmes
L’entrevue avec le Secrétariat du Conseil du Trésor a également servi à aborder les problèmes plus particuliers soulevés par les institutions ou révélés dans le cadre des enquêtes :
- Le nombre important des plaintes déposées en vertu de l’article 91 de la Loi
Le Secrétariat du Conseil du Trésor a affirmé prendre connaissance avec intérêt des rapports d’enquête transmis par le commissaire dans le cadre de ses rapports trimestriels concernant la mise en œuvre de l’article 91. D’ailleurs, il constate une réelle volonté, de la part des institutions, de s’attaquer au problème.
Toutefois, selon le Secrétariat du Conseil du Trésor, les institutions indiquent qu’elles manquent de ressources pour résoudre ce problème, par exemple du personnel en ressources humaines. De plus, elles sont confrontées à des difficultés importantes de recrutement de personnel. Le personnel du Secrétariat du Conseil du Trésor a également tenu à rappeler que le régime linguistique exige d’être pragmatique relativement à l’identification des postes et à la prestation de services dans les deux langues officielles et qu’un équilibre est nécessaire concernant l’exigence de bilinguisme pour les postes, selon l’article 91 de la Loi. L’objectif est donc de combler un besoin, et non pas de doter les postes d’exigences linguistiques trop élevées ou trop faibles.
- L’utilisation de la dotation non impérative
Questionné à savoir si le Secrétariat du Conseil du Trésor anticipait une augmentation de l’utilisation de la dotation non impérative, son personnel a souligné que la dotation non impérative existe pour de bonnes raisons, par exemple pour permettre à des membres du public de se joindre au personnel du gouvernement fédéral. Bien que l’apprentissage de la langue seconde soit encadré différemment selon la province ou le territoire, la fonction publique fédérale se doit de recruter son personnel dans toutes les régions du pays. Il faut donc avoir des politiques en place qui permettent aux gens d’intégrer le gouvernement fédéral, à condition que ces personnes soient d’accord pour apprendre la seconde langue officielle dans un délai raisonnable.
Toutefois, depuis 2004, la dotation impérative reste la norme. De plus, le Secrétariat du Conseil du Trésor considère les coûts de formation associés à la dotation non impérative comme un incitatif suffisant à ne pas y recourir de manière abusive et à doter les postes de manière impérative lorsque c’est possible.
- L’utilisation de descriptions de travail génériques
Le Bureau du dirigeant principal des ressources humaines encourage l’utilisation de descriptions de travail normalisées, ce qui entraîne une grande économie d’échelle. Bien qu’il existe des liens entre la classification et les langues officielles, la Directive sur la classification et la Directive sur la surveillance de la classification du Conseil du Trésor ne traitent pas des exigences linguistiques des postes, car cela ne relève pas du mandat du programme de la classification. Ainsi, déterminer les exigences linguistiques d’un poste n’est pas un élément inclus dans les normes d’évaluation des emplois. Par conséquent, la normalisation des descriptions de poste n’entraîne pas automatiquement la normalisation des exigences linguistiques, et les gestionnaires demeurent responsables d’établir les exigences linguistiques appropriées pour les postes.
Quant aux répercussions de ce problème sur les postes du groupe de classification CS (Systèmes d’ordinateurs), considérant que ces postes sont particulièrement visées par les plaintes concernant l’article 91 et qu’il y a souvent un écart significatif entre les tâches décrites dans la description de travail générique et les fonctions exercées par la personne qui occupe le poste, le personnel du Secrétariat du Conseil du Trésor a affirmé que le problème lui avait été signalé et que les institutions lui ont fait part de difficultés en matière de recrutement de personnel bilingue possédant les compétences techniques pour ce type de postes. Le Bureau du dirigeant principal des ressources humaines et le Bureau du dirigeant principal de l’information se sont associés pour mettre à jour un ensemble de descriptions de travail pertinentes. Le Secrétariat du Conseil du Trésor s’attend à ce que les organisations de l’administration publique centrale adoptant ces descriptions de travail veillent à ce qu’elles soient utilisées correctement, car elles constituent la base pour établir ou revoir les exigences linguistiques de postes.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor a toutefois affirmé qu’une bonne partie du travail des titulaires de postes de classification CS-03 est de donner des conseils à la clientèle et, parfois, d’assurer des tâches de supervision, tâches qui requièrent que la personne qui occupe le poste soit bilingue dans les cas où elle supervise une équipe bilingue (qui comporte un poste bilingue ou dont au moins un membre a le français comme langue officielle de préférence et au moins un membre a l’anglais comme langue officielle de préférence).
- Les exigences linguistiques au sein d’équipes de travail virtuelles
Au sujet de la question de la présence grandissante d’équipes de travail virtuelles, où du personnel de régions différentes peut être appelé à collaborer ou à être supervisé par un ou une gestionnaire qui se situe dans une région différente, le personnel du Secrétariat du Conseil du Trésor a affirmé que le milieu de travail est en constante évolution, mais que cela ne devrait pas avoir d’incidence sur le droit des fonctionnaires du gouvernement fédéral de recevoir une supervision dans la langue officielle de leur choix. En d’autres mots, la proximité géographique (ou non) entre un superviseur ou une superviseure et un membre du personnel n’est pas un facteur pertinent.
- La notion d’effectif bilingue suffisant dans les instruments du Conseil du Trésor
Le personnel du Secrétariat du Conseil du Trésor a souligné la possibilité pour une institution d’avoir du personnel bilingue et unilingue, à condition de pouvoir respecter le principe du bilinguisme institutionnel. Le Secrétariat du Conseil du Trésor laisse toutefois la discrétion aux institutions de déterminer, au cas par cas, en quoi consiste un effectif bilingue suffisant en s’appuyant sur la définition de capacité bilingue prévue à l’appendice 2 de la Directive sur les langues officielles pour les communications et services.
- La concurrence déloyale entre institutions
Le Secrétariat du Conseil du Trésor a mentionné avoir eu vent du problème de concurrence entre les institutions lié à des exigences linguistiques inconsistantes entre des postes, mais n’a pas effectué d’analyse sur la question.
- Le statut du suivi des recommandations contenues dans le rapport de 2017 du greffier du Conseil privé sur la langue de travail
Le Secrétariat du Conseil du Trésor a affirmé qu’il y a une augmentation du nombre de postes de supervision désignés « bilingue » avec un profil linguistique CBC/CBC depuis 2011-2012. Aucune révision des politiques en place à ce sujet n’a encore eu lieu et le Secrétariat du Conseil du Trésor en est actuellement à l’étape d’évaluer, en consultation avec le personnel des institutions fédérales, l’incidence que pourrait avoir le rehaussement des exigences linguistiques minimales pour les postes de supervision bilingues en régions désignées bilingues. Il est estimé que ce rehaussement toucherait environ 9 000 postes. Bien que les institutions aient indiqué, dans l’ensemble, leur appui à l’égard de cette proposition, plusieurs problèmes ont été soulevés. Le Secrétariat du Conseil du Trésor envisage donc une approche mitoyenne qui permettrait de rehausser les exigences en matière de langue seconde, tout en atténuant les problèmes soulevés par les institutions fédérales.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor a également amorcé un examen des normes de qualification relatives aux langues officielles.
5. Les constats : des lacunes importantes dans l’encadrement des institutions fédérales par le Secrétariat du Conseil du Trésor
Plusieurs constats peuvent être tirés de l’information ci-dessus en ce qui concerne le rôle du Conseil du Trésor dans la mise en œuvre de l’article 91 de la Loi.
De prime abord, les éléments présentés par le Secrétariat du Conseil du Trésor démontrent qu’il est d’avis que la mise en œuvre de l’article 91 de la Loi est la responsabilité des institutions, plus précisément celle des administrateurs généraux et des administratrices générales.
Alors que le Conseil du Trésor assume sa responsabilité de fournir de l’encadrement aux ministères et aux sociétés d’État, par exemple, par l’adoption de la Politique, de la Directive et des Normes, la surveillance qu’il effectue quant à leur mise en œuvre demeure toutefois superficielle. Bien sûr, les données statistiques colligées dans le cadre du Rapport annuel sur les langues officielles peuvent offrir une vue d’ensemble de certains facteurs relatifs aux langues officielles au sein de la fonction publique. Néanmoins, le Commissariat voit difficilement comment ce genre de données peut apporter autre chose qu’un aperçu quantitatif sur un problème qui est avant tout qualitatif. Par exemple, le nombre de postes désignés « bilingue » au sein de la fonction publique importe peu si ce ne sont pas les postes appropriés qui sont désignés « bilingue ». Au contraire, cela pourrait se montrer contreproductif et affecter les chances d’avancement de personnel unilingue. La même chose peut être dite des postes qui sont incorrectement désignés « anglais essentiel » ou « français essentiel » dans des régions désignées bilingues.
Pour ce qui est des bilans soumis par les institutions, qui demeurent avant tout un exercice d’auto-évaluation, le commissaire conçoit difficilement comment ils peuvent fournir un portrait fiable et entier sur la question au Conseil du Trésor, d’autant plus que cet exercice d’auto-évaluation a été élaboré selon la prémisse que les institutions maîtrisent les notions essentielles concernant l’évaluation d’exigences linguistiques de postes, ce qui a été mis en question dans le présent rapport. Il faut toutefois reconnaître que la validation des résultats à l’aide d’autres sources de données, de même que le fait de demander des documents ou des éléments de preuves à l’appui, sont des pratiques qui peuvent ajouter un degré de fiabilité à l’exercice tout en multipliant les perspectives d’analyse.
Il serait faux de dire qu’il y a une absence de leadership de la part du Conseil du Trésor sur le sujet de la mise en œuvre de l’article 91 de la Loi. L’information rapportée par le personnel du Secrétariat du Conseil du Trésor a révélé que cette institution dirige de nombreuses initiatives multilatérales avec les institutions fédérales et les sociétés d’État visant à assurer une collaboration pour résoudre les différents problèmes de parcours qui surviennent au sujet de la dotation, au cas par cas, par exemple des forums, des rencontres, des ateliers, etc.
Il ne faut pas non plus oublier que le Conseil du Trésor a la tâche ardue de traduire des obligations légales, souvent abstraites, en cadres généraux s’appliquant à une multitude d’institutions ayant des réalités et des besoins opérationnels différents. D’ailleurs, il doit assurer la conciliation de nombreux facteurs autres que les langues officielles, par exemple la diversité culturelle, les mesures d’adaptation, les compétences techniques, les possibilités de promotion, la pénurie de main-d’œuvre, le besoin de flexibilité en dotation, une gestion saine des finances publiques, etc. Il s’agit d’une responsabilité importante que l’on ne peut ignorer.
Il faut également porter attention aux besoins de flexibilité, de pragmatisme et d’équilibre évoqués par le Secrétariat du Conseil du Trésor en ce qui a trait à l’établissement des exigences linguistiques. Ce sont d’ailleurs ces besoins, semble-t-il, qui ont conduit le Conseil du Trésor à adopter un cadre moins contraignant entourant les exigences linguistiques de postes au sein des institutions. Le Secrétariat du Conseil du Trésor évoque également ce cadre moins contraignant lorsqu’il est question des autres problèmes soulevés, notamment les défis posés par l’utilisation des descriptions de travail génériques, la dotation non impérative, la notion d’effectif bilingue suffisant, etc.
La flexibilité, le pragmatisme et l’équilibre sont des principes qui doivent être encouragés, dans la mesure où ils permettent d’atteindre les objectifs de la Loi, c’est-à-dire que les droits linguistiques du grand public et des fonctionnaires sont respectés.
La présente analyse a toutefois démontré que la mise en œuvre de l’article 91 de la Loi est présentement incomplète et inconsistante dans l’ensemble de la fonction publique. Vu le problème répandu touchant l’établissement des exigences linguistiques des postes et considérant l’information obtenue lors des entrevues avec les institutions, on se doit de constater qu’il y a présentement des lacunes concernant les politiques, les normes et les outils offerts aux institutions par le Conseil du Trésor, qui datent d’ailleurs de 2012, afin de les aider et de leur permettre de respecter leurs obligations.
iii. La Commission de la fonction publique du Canada
Comme indiqué dans la section 1 du présent rapport, la raison d’être de la Commission de la fonction publique est d’assurer le respect de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique et de « promouvoir et de maintenir, en collaboration avec ses partenaires, une fonction publique non partisane, fondée sur le mérite et représentative, au service de tous les Canadiens10 » et de toutes les Canadiennes. C’est en raison de cette responsabilité sur la dotation, qui est étroitement liée à la détermination des exigences linguistiques d’un poste, qu’il a été jugé essentiel de rencontrer la Commission de la fonction publique pour en apprendre davantage sur leur rôle.
L’information qui suit a été fournie dans le cadre de deux rencontres : l’une avec une personne du Secteur des services et du développement des affaires et l’autre avec du personnel de la Direction des politiques et des orientations stratégiques.
1. La responsabilité d’assurer l’intégrité du système de dotation
Au départ, on nous a indiqué de part et d’autre que toute la responsabilité liée à la dotation appartenait aux administrateurs généraux et aux administratrices générales et que c’était à eux de déterminer les cadres de dotation s’appliquant à leur institution, notamment en ce qui concerne le pouvoir d’embauche. Ils ont d’ailleurs l’obligation de transmettre leur cadre à la Commission de la fonction publique et d’en effectuer leur propre surveillance interne.
La classification des postes, leurs exigences linguistiques ainsi que les qualifications requises sont toutefois la responsabilité du Conseil du Trésor et des administrateurs généraux et des administratrices générales. Bien que le pouvoir de la Commission de la fonction publique de procéder à des nominations soit délégué aux administrateurs généraux et aux administratrices générales, le pouvoir d’établir les qualifications essentielles requises pour un poste ne l’est pas et appartient de plein droit aux administrateurs généraux et aux administratrices générales et à l’employeur. Ce dernier pouvoir n’est donc pas délégué. À ce sujet, la responsabilité de la Commission de la fonction publique se limite à évaluer les compétences linguistiques du personnel et des candidats et candidates.
Depuis le 1er avril 2016, les institutions fédérales sont assujetties à la Nouvelle orientation en dotation, laquelle vise à optimiser la délégation des pouvoirs offerts par la Loi sur l’emploi dans la fonction publique aux échelons inférieurs.
2. L’appui offert aux institutions
Le président de la Commission de la fonction publique rencontre tous les administrateurs généraux et les administratrices générales, au moment de leur entrée en poste, pour discuter de l’instrument de délégation et pour leur donner un aperçu de l’information pertinente quant à leur institution pour qu’ils comprennent leurs responsabilités en matière de dotation.
De plus, la Commission de la fonction publique donne parfois des formations aux gestionnaires pour présenter la Nouvelle orientation en dotation et pour travailler avec les institutions fédérales sur cette question. Alors que la Commission de la fonction publique prescrivait autrefois de la formation obligatoire pour les gestionnaires, elle laisse maintenant le soin aux administrateurs généraux et aux administratrices générales de décider de leurs besoins en formation.
On retrouve également des équipes de conseillers et de conseillères au soutien en dotation au sein de la Commission de la fonction publique qui appuient les institutions et qui leur fournissent des conseils en matière de dotation. Ces conseillers et conseillères offrent également des séances d’information pour discuter de la dotation, par exemple des séances sur la Nouvelle orientation en dotation, sur la flexibilité possible en dotation ou sur d’autres sujets particuliers aux institutions. Toutefois, la Commission de la fonction publique ne joue pas un rôle d’interprétation auprès des institutions, particulièrement en ce qui concerne les principes entourant les exigences linguistiques de postes. Bien que les conseillers et les conseillères au soutien puissent fournir des conseils de manière anecdotique sur la question, notamment dans les cas plutôt communs où une institution confond la Commission de la fonction publique avec le Secrétariat du Conseil du Trésor, on redirige habituellement toutes les demandes relatives aux langues officielles vers le Secrétariat du Conseil du Trésor.
D’ailleurs, la Commission de la fonction publique collabore avec l’École de la fonction publique et le Secrétariat du Conseil du Trésor pour l’élaboration des formations en ressources humaines lorsque l’on aborde la dotation en général. Elle collabore également avec le Secrétariat du Conseil du Trésor concernant son rôle d’orientation, de coordination et d’élaboration des politiques qui s’adressent aux institutions fédérales.
3. Les mécanismes de surveillance
Conformément à ce qui est indiqué dans l’Instrument de délégation et de responsabilisation en matière de nomination de la Commission de la fonction publique aux administrateurs généraux, les administrateurs généraux et les administratrices générales s’engagent à faire leur propre surveillance et à s’assurer que les règles sont respectées. D’ailleurs, chaque institution fédérale a une personne responsable de l’appui à la dotation, qui devient le ou la spécialiste du ministère en la matière.
Cela étant dit, la Commission de la fonction publique surveille l’intégrité du système de dotation par l’entremise de plusieurs mécanismes. Alors que cette surveillance semblait autrefois se faire sur la base de vérifications organisationnelles cycliques, elle se fait maintenant à l’échelle du système qui repose sur divers mécanismes.
- Les enquêtes
Dans un premier temps, la Commission de la fonction publique effectue des enquêtes visant à assurer l’intégrité de la dotation, pouvoir discrétionnaire qui est exercé sur demande, que cette demande vienne d’une institution ou d’une personne. Elle peut également lancer une enquête de son propre chef. Les administrateurs généraux et les administratrices générales peuvent également effectuer des enquêtes à l’interne, sans l’intervention de la Commission de la fonction publique. Les enquêtes visent à déterminer s’il y a eu faute, omission ou conduite irrégulière entourant un processus de sélection et qui a influé sur le choix de la personne nommée, ce qui comprend les cas de fraude ou de favoritisme.
- Les vérifications de la dotation à l’échelle du système
Un autre mécanisme de surveillance est les vérifications de la dotation à l’échelle du système. D’ailleurs, la Commission de la fonction publique a terminé une telle vérification, dans l’ensemble de la fonction publique, en décembre 2018. Dans le cadre des vérifications de la dotation à l’échelle du système, la Commission de la fonction publique vérifie si les institutions ont un cadre en place et si les exigences minimales relatives à leur instrument de délégation sont respectées en ce qui concerne les gestionnaires, les cadres, les sous-ministres adjoints et adjointes, etc. La Commission de la fonction publique n’évaluera toutefois pas la qualité de la formation offerte par les institutions, car cela relève de l’École de la fonction publique.
- Les autres mécanismes de surveillance
D’autres mécanismes mentionnés par la Commission de la fonction publique sont les vérifications horizontales axées sur les risques ainsi que les sondages sur la dotation et l’impartialité politique. Ces sondages sont effectués tous les deux ans. Également, à chaque cinq ans, les administrateurs généraux et les administratrices générales doivent vérifier leurs systèmes et faire rapport à la Commission de la fonction publique sur les problèmes cernés. Tous ces mécanismes permettent à la Commission de la fonction publique d’avoir une vue d’ensemble du système de dotation, de manière cyclique et continue.
D’ailleurs, la Commission de la fonction publique doit elle-même faire rapport annuellement au Parlement de l’intégrité du système de dotation. Dans ce rapport, elle recueille et fournit des statistiques, par exemple sur le nombre de postes bilingues qui ont été dotés durant l’année, le respect des exigences linguistiques des postes par la personne qui l’occupe, le nombre de nominations faites sur une base non impérative, etc.
La Commission de la fonction publique recueille également des données lors des processus de sélection, y compris ceux menés dans le cadre du Programme fédéral d’expérience de travail étudiant, notamment sur les compétences linguistiques déclarées par les personnes. En collaboration avec le Bureau du dirigeant principal des ressources humaines, l’information sur la première langue officielle des titulaires de postes est aussi recueillie.
En ce qui concerne l’usage de la dotation non impérative plus précisément, la Commission de la fonction publique n’effectue pas de surveillance à ce sujet. D’ailleurs, elle souligne que c’est le Conseil du Trésor qui fixe les règles concernant l’utilisation de la dotation non impérative, car c’est lui l’employeur. La Commission de la fonction publique, de son côté, est seulement responsable de la surveillance des exemptions demandées en vertu du Décret d’exemption concernant les langues officielles dans la fonction publique et des délais à respecter en ce qui concerne la formation linguistique. Quant à savoir si la dotation non impérative était justifiée, c’est le Conseil du Trésor qui est responsable de cette question. Ainsi, les institutions font rapport annuellement à la Commission de la fonction publique quant à l’utilisation du Décret d’exemption concernant les langues officielles dans la fonction publique, mais pas sur la justification l’appuyant.
4. Les autres problèmes observés
Lors des entrevues, certains problèmes observables ont été mentionnés par le personnel de la Commission de la fonction publique en ce qui concerne la dotation, dont certains en ce qui concerne la mise en œuvre de l’article 91 de la Loi. Par exemple, les observations ont permis de constater que les gens confondent souvent les exigences linguistiques d’un poste avec les compétences du personnel dans sa seconde langue officielle. Il a également été mentionné que la vérification de la dotation à l’échelle du système effectuée dans l’ensemble de la fonction publique en 2018 a révélé que, de manière générale, les dossiers de dotation étaient mal documentés. Enfin, bien que les administrateurs généraux et les administratrices générales aient l’obligation de communiquer leurs cadres de dotation à la Commission de la fonction publique, ils ne le font pas toujours.
5. Les constats : une responsabilité limitée
On comprend de l’information fournie par la Commission de la fonction publique que sa responsabilité se limite au processus de nomination dans la fonction publique, notamment afin d’en assurer l’intégrité de même que le respect du principe du mérite et du respect des cadres de délégations en place au sein des institutions. Pour ce qui est des exigences linguistiques des postes, la Commission de la fonction publique ne fait qu’évaluer les compétences en langue seconde des personnes et s’assurer que les exigences linguistiques qui sont établies par l’administrateur général ou l’administratrice générale et par l’employeur sont respectées par les personnes embauchées, au même titre que toute autre exigence essentielle établie pour le poste.
La responsabilité quant à l’établissement des exigences linguistiques et des autres exigences essentielles est donc celle des institutions. Il est d’ailleurs important de préciser que, bien que le pouvoir de la Commission de la fonction publique de procéder à des nominations soit délégué aux administrateurs généraux et aux administratrices générales, le pouvoir d’établir les qualifications essentielles requises pour un poste ne l’est pas, car il appartient de plein droit aux administrateurs généraux et aux administratrices générales et à l’employeur, ce qui est confirmé par les articles 30 et 31 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.
La Commission de la fonction publique est d’avis que les conditions auxquelles est assujettie l’utilisation de la dotation non impérative relèvent des règles fixées par le Conseil du Trésor à titre d’employeur, notamment dans la Directive, et cet avis est raisonnable. Le rôle de la Commission de la fonction publique se limite à s’assurer que les conditions énumérées dans le Décret d’exemption concernant les langues officielles dans la fonction publique et dans le Règlement sur les langues officielles — nomination dans la fonction publique sont respectées, c’est-à-dire que la personne qui occupe le poste a signé un engagement de devenir bilingue et qu’elle a atteint le niveau requis de bilinguisme dans les délais convenus.
Il ne serait donc pas approprié de reprocher à la Commission de la fonction publique de ne pas mieux encadrer des fonctions qui ne relèvent pas de sa compétence. Cela étant dit, le commissaire invite fortement la Commission de la fonction publique à prendre note du problème et de son importance, et de prendre tous les moyens raisonnables à sa disposition, en considérant son mandat, afin de surveiller la mise en œuvre de la Loi par les institutions et d’offrir un appui au Conseil du Trésor ainsi qu’aux administrateurs généraux et aux administratrices générales dans leurs attributions respectives.
iv. L’École de la fonction publique du Canada
Compte tenu de ses attributions, il a été déterminé qu’une entrevue avec l’École de la fonction publique permettrait d’en apprendre davantage sur les efforts déployés pour former les fonctionnaires, notamment les gestionnaires, afin qu’ils possèdent les connaissances et les habiletés suffisantes pour établir des exigences linguistiques de postes de manière objective.
Le personnel de l’École de la fonction publique en a profité pour nous fournir des éclaircissements sur quelques notions essentielles relativement à la formation des fonctionnaires. Selon la Directive sur la formation indispensable, le Conseil du Trésor peut imposer des exigences en matière de formation jugée obligatoire. On parle alors de formation dite « indispensable ». Par exemple, les spécialistes en classification doivent suivre une formation indispensable pour devenir des responsables de classification. De leur côté, les administrateurs généraux et les administratrices générales des institutions ont le pouvoir de déterminer quelles sont les formations obligatoires à être suivies par leur personnel, groupes de fonctionnaires ou communautés fonctionnelles. On réfère à ces formations comme « cours obligatoires ». Toutes les autres formations tombent dans la catégorie des cours à option ou de la formation volontaire.
1. Les formations relativement à l’article 91 de la Loi
Quatre produits de formation possédant du contenu portant sur l'article 91 de la Loi sont offerts par l’École de la fonction publique. Ils sont tous disponibles sur la plateforme GCcampus.
- Le cours P312 : Série sur les langues officielles
Il s’agit d’un cours en ligne qui s’adresse aux gestionnaires responsables de programmes en langues officielles et au personnel en ressources humaines. On y traite notamment des responsabilités relatives aux obligations en matière de langue de travail, des étapes à suivre pour l’identification linguistique des postes ainsi que des conditions pour pourvoir des postes bilingues. Ce cours n’est pas obligatoire ni indispensable et peu de personnes le suivent. Parmi les personnes qui y participent, on compte principalement le personnel ou les spécialistes en langues officielles.
L’analyse de la documentation fournie par l’École de la fonction publique a révélé que ce cours est de loin le plus exhaustif parmi ceux offerts par l’École de la fonction publique en ce qui a trait à l’évaluation des exigences linguistiques des postes. On fait référence aux instruments et aux outils du Conseil du Trésor sur la question, et on y discute, entre autres, des éléments suivants : à quel moment effectuer la révision des exigences linguistiques d’un poste, comment déterminer le besoin ou non de bilinguisme pour un poste, les différents types de services pouvant justifier le besoin de bilinguisme (p. ex. : service au public, service central, etc.), comment établir le profil linguistique ainsi que les niveaux de complexité en matière de compétences linguistiques.
- Le cours G110 : Formation sur la délégation des pouvoirs – Module 7 – Responsabilités en matière de ressources humaines
Ce cours, qui s’adresse aux gestionnaires, aux directeurs et directrices, aux directeurs généraux et directrices générales et aux sous-ministres adjoints et adjointes et qui est désigné indispensable, est le cours le plus important destiné aux gestionnaires au sein de la fonction publique fédérale. Environ 10 000 gestionnaires suivent le cours annuellement et doivent le suivre à nouveau à chaque cinq ans.
Les objectifs du cours sont de définir les responsabilités des gestionnaires et du personnel en matière de ressources humaines, y compris pour ce qui touche les langues officielles, et de définir les responsabilités des gestionnaires relativement au droit du personnel en matière de langue de travail. On y aborde l’article 91 de la Loi au module 7, où l’on traite également des sujets liés aux ressources humaines et à la classification, le tout dans quelques diapositives. Il ne s’agit donc que d’un survol.
Une analyse de la documentation fournie sur ce cours révèle qu’il reprend essentiellement le contenu de la Directive, de manière sommaire, et qu’il fait référence aux Normes ainsi qu’à l’outil du Conseil du Trésor intitulé « Déterminer les exigences linguistiques d’un poste ».
- Les cours P911 : Organisation et classification : Outils et méthodes – Partie 1A et P930 : Introduction à l’organisation et la classification
Le cours P911 s’adresse aux spécialistes en classification. Une analyse du Manuel du facilitateur ainsi que du Manuel du participant révèle que le contenu pertinent relatif à l’article 91 de la Loi se limite à quelques lignes. Le cours P930, quant à lui, s’adresse aux gestionnaires. De nature introductive, il vise à les informer de l’essentiel en matière de classification. Le cours est obligatoire dans certaines institutions seulement.
- Le cours P901 : la dotation : un outil de renouvellement de l’effectif à l’intention des gestionnaires
Ce cours, qui est obligatoire dans plusieurs institutions fédérales, est le plus populaire des cours offerts en salle de classe, particulièrement auprès des fonctionnaires de niveau EX moins un. Quant au contenu, on aborde plusieurs sujets de manière générale et l’accent est mis sur la Loi. On y fait référence à l’article 91 de la Loi. L’analyse de la documentation soumise par l’École de la fonction publique sur ce cours, soit les manuels d’enseignement et de participation, révèle que, bien qu’on fasse référence, à plusieurs reprises, à la question des exigences linguistiques pour un poste, le sujet est principalement traité sous l’angle des compétences linguistiques requises par les personnes qui souhaitent accéder à un poste et de la façon dont leur évaluation à ce sujet doit se dérouler. La question à savoir comment évaluer les exigences linguistiques d’un poste n’est pas abordée, sinon que très vaguement.
On y retrouve toutefois un énoncé très pertinent relativement aux exigences linguistiques, soit que celles-ci ne peuvent être qu’une qualification essentielle pour un poste, jamais une qualification constituant un atout. Cela écarte la possibilité de recourir à la compétence d’une personne dans les langues officielles pour les décisions motivant une sélection faite de façon arbitraire.
2. La conception des cours et leur évaluation
Le personnel de l’École de la fonction publique a affirmé qu’un travail de collaboration a lieu entre les spécialistes en apprentissage de l’École de la fonction publique et les centres de politiques, par exemple le Conseil du Trésor, la Commission de la fonction publique et le Bureau du dirigeant principal des ressources humaines. D’ailleurs, l’École de la fonction publique a des ententes de partenariat avec ces organisations. L’École de la fonction publique a affirmé ne pas évaluer des personnes relativement aux produits de formation qu’elle offre. Toutefois, elle procède à l’évaluation de la satisfaction de la clientèle et de l’application des cours au travail, de manière à assurer un suivi de la qualité des cours et des besoins de révision.
3. Les constats : des lacunes dans la formation portant sur la mise en œuvre de l’article 91 de la Loi
L’information qui précède nous permet de tirer quelques constats de la formation portant sur la mise en œuvre de l’article 91 de la Loi. Dans un premier temps, une revue des produits de formation offerts par l’École de la fonction publique révèle que seulement un cours actuellement offert, le cours intitulé P312 : Série sur les langues officielles, traite concrètement du sujet, et que les autres cours ne font qu’aborder la question de façon succincte.
D’ailleurs, bien que ce cours s’adresse tant aux gestionnaires, responsables de programmes en langues officielles qu’au personnel en ressources humaines, il n’est ni obligatoire ni indispensable de le suivre. Il n’existe donc aucune obligation pour les personnes appelées à participer au processus d’évaluation des exigences linguistiques de suivre cette formation. De plus, comme l’École de la fonction publique l’indique, peu de personnes le suivent, à l’exception du personnel en langues officielles.
Le commissaire est donc d’avis qu’il y a actuellement des lacunes importantes sur le plan de la formation des gestionnaires, des responsables de programmes en langues officielles et du personnel en ressources humaines en ce qui concerne l’évaluation des exigences linguistiques de postes.
3. Conclusions
L’évaluation des exigences linguistiques des postes dans la fonction publique est une responsabilité importante qui repose sur les épaules des institutions fédérales, particulièrement les gestionnaires, et qui exige le même degré de rigueur et d’effort que s’il s’agissait de toute autre qualification essentielle requise pour le poste.
Lorsque l’évaluation des exigences linguistiques des postes n’est pas faite adéquatement, il en résulte un effectif bilingue qui n’est pas suffisant pour pleinement mettre en œuvre les obligations d’une institution envers le public. Aussi, cela mène immanquablement à un environnement de travail qui n’est pas propice à l’usage effectif des deux langues officielles et où l’une d’elles, par la force des choses, en vient tout au plus à être accommodée, comme c’est souvent le cas actuellement.
Cette question n’est qu’un des aspects d’un problème plus grand concernant la dualité linguistique dans la fonction publique. L’étude globale de 2017 portant sur la langue de travail dans la fonction publique fédérale du greffier du Conseil privé note des faiblesses des institutions fédérales dans la mise en œuvre de la partie V de la Loi, y compris le fait que des gestionnaires ne peuvent pas superviser leur personnel dans la langue officielle de choix de ce dernier, un lien évident avec les constatations du commissaire lui-même dans la présente analyse. Plus récemment, des lacunes importantes en ce qui concerne la capacité des institutions à respecter leurs obligations linguistiques en matière de communications et à offrir des services au public lors de situations d’urgence où il est question de la santé et de la sécurité du public ont fait l’objet d’une analyse approfondie dans le rapport intitulé Une question de respect et de sécurité : l’incidence des situations d'urgence sur les langues officielles, mentionné plus haut.
Or, comme l’a révélé cette analyse, il y a un écart important et répandu entre ce qui devrait être fait et ce qui est actuellement mis en œuvre au sein des institutions sur le sujet, particulièrement dans la région de la capitale nationale, et aussi dans les autres régions désignées bilingues. D’ailleurs, le fait que la plupart des plaintes concernant l’article 91 visent des postes situés dans la région de la capitale nationale et les constats faits par l’entremise des enquêtes démontrent que, non seulement les droits de langue de travail se portent mal au cœur même de la fonction publique du Canada, mais que l’égalité de statut entre les deux langues officielles n'est pas non plus respectée. Cela reflète mal l’engagement de la fonction publique fédérale envers les langues officielles.
Bien que ce problème s’explique par de multiples facteurs, l’analyse documentaire des enquêtes ainsi que les entrevues menées avec les institutions ont révélé qu’il est le symptôme de lacunes au sein du système qui encadre l’évaluation des exigences linguistiques, ce qui en fait un problème systémique. Dans un premier temps, il y a une disparité pour ce qui touche la gouvernance, les directives internes, les outils et les mécanismes de contrôle en place au sein des institutions fédérales. Cette disparité reflète des différences en ce qui a trait à la compréhension et à l’opérationnalisation de l’article 91 de la Loi et des règles du Conseil du Trésor. Également, les institutions n’offrent pas, en général, de formation interne aux gestionnaires sur le sujet, s’en remettant aux formations offertes par l’École de la fonction publique. La seule formation offerte par l’École de la fonction publique qui traite adéquatement de la question des exigences linguistiques de postes, laquelle n’est pas obligatoire et n’est pas considérée comme étant essentielle, est principalement suivie par le personnel en langues officielles et est peu suivie par les gestionnaires.
Ceci nous amène au constat selon lequel il n’est généralement pas obligatoire pour les gestionnaires de consulter le personnel en langues officielles de l’institution au moment d’établir les exigences linguistiques pour un poste alors que c’est lui qui possède les compétences et les connaissances les plus approfondies sur le sujet. D’ailleurs, lorsque le personnel en langues officielles est consulté, les conseils qu’il donne ne sont pas toujours suivis par les gestionnaires.
À cela, il y a lieu d’ajouter le constat selon lequel il y a des lacunes concernant l’encadrement offert par le Conseil du Trésor, notamment en ce qui a trait aux politiques, aux normes et aux outils offerts aux institutions afin de les aider à mettre en œuvre l’article 91 de la Loi de manière constante et efficace.
Nous aimerions également souligner deux autres facteurs importants qui ont été rapportés par plusieurs institutions rencontrées. Le premier est le manque de sensibilisation du personnel et des gestionnaires sur la raison d’être des exigences linguistiques ainsi que sur les droits en matière de langue de travail (partie V de la Loi) et sur les droits linguistiques du public (partie IV de la Loi). En ce qui concerne le deuxième facteur rapporté, il s’agit des difficultés auxquelles sont confrontées les institutions afin de trouver une main-d’œuvre bilingue qualifiée, notamment en ce qui concerne des postes qui sont spécialisés ou techniques.
4. Recommandations
À défaut d’adopter des mesures concrètes qui seront axées sur les causes des problèmes systémiques qui touchent la mise en œuvre efficace de l’article 91 de la Loi, le commissaire est convaincu que le problème perdurera. Afin de résoudre ce problème systémique qui touche la fonction publique du Canada et la capacité des institutions fédérales à respecter leurs obligations en vertu des parties IV et V de la Loi, le commissaire a décidé qu’il est temps de formuler des recommandations pour le Conseil du Trésor et pour les administrateurs généraux et les administratrices générales des institutions fédérales responsables de la mise en œuvre de la Loi.
Le commissaire aux langues officielles du Canada recommande au Conseil du Trésor du Canada, dans un délai de deux ans à partir de la date du présent rapport :
- de réviser ses politiques et ses outils portant sur l’établissement des exigences linguistiques de postes en prenant en considération les problèmes soulevés dans le présent rapport et les besoins exprimés par les institutions fédérales;
- d’effectuer, en collaboration avec l’École de la fonction publique du Canada, une révision des formations offertes par cette dernière sur l’article 91 de la Loi sur les langues officielles afin de s’assurer que l’offre est adéquate (nombre, contenu et audiences ciblées) en fonction des besoins déterminés dans ce rapport.
Le commissaire aux langues officielles du Canada recommande aussi aux institutions fédérales, dans un délai de deux ans à partir de la date du présent rapport :
- d’adopter des politiques, des procédures et des outils internes, ou de réviser ceux déjà en place, qui portent sur l’établissement des exigences linguistiques de postes en prenant en considération les problèmes soulevés dans le présent rapport;
- de mettre sur pied un mécanisme de contrôle pour s’assurer que les gestionnaires comprennent les politiques, suivent les procédures, utilisent les outils et consultent leur personnel en langues officielles lors de l’établissement des exigences linguistiques des postes;
- d’effectuer une évaluation périodique des exigences linguistiques des postes, des politiques, des procédures et des outils, et de corriger les lacunes observées;
- de s’assurer que le personnel en langues officielles et les gestionnaires délégataires suivent la formation pertinente;
- d’élaborer et de mettre en œuvre un plan de sensibilisation des gestionnaires et du personnel à l’article 91 de la Loi sur les langues officielles.