Jeunes (2021)
Sanjana Verma
Le programme Emplois d’été Échanges étudiants du YMCA recherche des jeunes qui brillent par leur détermination, leur curiosité et leur autonomie. Pas étonnant que Sanjana Verma ait été choisie. Espérant vivre une aventure mémorable, la Torontoise n’a d’ailleurs pas été déçue.
Sanjana Verma
Rares sont les jeunes qui oseraient passer six semaines loin de leur famille et de leurs amis. Sanjana Verma n’a pourtant pas hésité une seconde avant de s’inscrire au programme Emplois d’été Échanges étudiants du YMCA en 2015. « J’ai vu cet échange comme une excellente occasion d’améliorer ma langue française et d’acquérir de l’expérience de travail, et pour quelqu’un qui cherchait quelque chose d’amusant, j’ai pensé qu’il s’agissait de l’occasion parfaite pour cocher ma priorité numéro un à ce moment, soit d’avoir un été rempli d’aventures », explique-t-elle.
Enthousiaste à l’idée de sortir de sa zone de confort, l’adolescente de 16 ans se met donc en route vers Montréal, au Québec, où elle travaillera dans un camp de vacances. Sa confiance est toutefois ébranlée lorsqu’elle comprend les défis qui l’attendent dans la métropole québécoise. « Lorsque je suis descendue du train à Montréal et que j’ai entendu parler en français tout autour de moi, je me rappelle avoir voulu remonter à bord du premier train vers Toronto, où je pourrais comprendre tout le monde autour de moi », admet-elle.
De fait, la barrière linguistique à laquelle Sanjana est confrontée est d’autant plus intimidante, car la façon dont les personnes parlent le français à Montréal est bien différente des notions qu’elle a apprises à l’école. « Je me sentais prisonnière d’une bulle francophone et j’avais l’impression que je n’arrivais pas tout à fait à communiquer ce que je devais dire, ce que je ressentais ni ce dont j’avais besoin, et je n’arrivais pas à comprendre tout ce que les autres disaient (ce qui était particulièrement stressant pour le travail) », se souvient-elle.
La jeune fille ne se laisse toutefois pas décourager pour autant : « Je savais que je voulais persévérer au-delà de ces difficultés, et je l’ai fait. J’ai travaillé sur mon apprentissage pour mieux comprendre. J’ai eu plus de conversations avec des personnes et j’ai demandé de l’aide (de la traduction, principalement) lorsque j’en avais besoin. Assez rapidement, j’arrivais à bien communiquer avec tout le monde autour de moi et je passais un moment inoubliable. »
En effet, celle qui espérait vivre un été mémorable est comblée. Le programme offert par le YMCA lui offre la chance d’explorer et de découvrir une nouvelle partie du Canada tout en améliorant sa langue seconde officielle et en étant initiée au monde du travail. « Parce que tout était nouveau, tout me semblait trop excitant; que ce soit de prendre le métro ou de participer à certains des plus grands festivals dans la région avec de nouveaux amis, chaque moment était comme une aventure », raconte-t-elle.
Sanjana s’avoue ainsi fière des progrès qu’elle a accomplis, remerciant au passage sa famille d’accueil et les autres jeunes qui ont participé au programme, « qui ont vraiment fait en sorte que je me suis sentie comme chez moi, même à Montréal, pendant six semaines. » De fait, leur énergie positive et leur ouverture d’esprit ont grandement aidé la Torontoise à surmonter ses difficultés. « Tout cela s’est transformé en une expérience d’apprentissage réciproque au cours de laquelle nous enseignions à l’autre personne notre contexte et notre environnement chez nous, tout en apprenant à connaître les siens. J’ai ainsi été capable d’acquérir un différent type de confiance, grâce à laquelle je me suis sentie plus à l’aise de sortir de ma zone de confort », mentionne-t-elle.
D’aussi loin qu’elle se souvienne, la jeune fille a toujours trouvé important de maîtriser les deux langues officielles du Canada. Mais son immersion à Montréal lui a permis de voir à quel point le fait d’être bilingue pouvait être bénéfique dans sa vie. « J’ai constaté que j’arrivais à créer des liens plus profonds avec les personnes lorsque je pouvais communiquer dans leur langue, et je suis ainsi parvenue à nouer des amitiés incroyables que je chérirai pour le reste de ma vie […] Pouvoir parler en français et en anglais m’a également ouvert de nombreuses portes sur le plan professionnel. Je suis maintenant qualifiée pour beaucoup plus de perspectives de carrière et j’ai accès à plus de choix », souligne-t-elle.
C’est pourquoi Sanjana conseille à tout le monde « de relever ce défi ».
« J’encourage tout le monde à ne pas critiquer avant d’avoir essayé et de se lancer, car on ne sait jamais ce qu’il serait possible d’en retirer », renchérit-elle. « Et au minimum, un participant pourra avoir acquis suffisamment de compétences pour pouvoir commander un croissant dans un café. »
Enfin, impossible de passer sous silence la plus grande conséquence de son séjour dans la Belle Province : « Je suis tombée complètement sous le charme du Québec, de la culture, de la langue, de tout. Il s’est maintenant écoulé quelques années depuis cette expérience, et j’habite et je travaille désormais à Québec comme enseignante, tout cela grâce à un été qui a fait naître une étincelle. »
Clarie Ainsley
Deux fois plutôt qu’une, Clarie Ainsley quitte le nid familial dans l’objectif de perfectionner sa seconde langue officielle. De l’Île-du-Prince-Édouard en passant par l’Ontario, ces expériences sont des plus enrichissantes pour la Saguenéenne de 20 ans.
Clarie Ainsley
« Le français, c’est ma langue de cœur. »
L’attachement de Clarie Ainsley pour sa langue maternelle ne fait aucun doute. Native de la magnifique ville de Saguenay, au Québec, la jeune femme est d’avis que « le français doit être défendu, protégé et utilisé », non seulement parce que cette langue la ramène à ses racines, « mais aussi parce qu’elle témoigne d’un passé que l’on ne doit pas oublier. »
Il n’est donc pas surprenant d’apprendre qu’en 2019, Clarie déménage à Kingston, en Ontario, pour promouvoir le français en tant que monitrice de langue dans le cadre du programme Odyssée. Pendant six mois, la Saguenéenne met la main à la pâte afin d’aider les élèves à perfectionner leurs compétences en français : « J’ai adoré travailler avec les écoliers, leur faire faire des projets, des spectacles et des ateliers qui ont éveillé chez certains une flamme de passion ou bien d’intérêt. »
Mais son amour pour la langue de Molière n’est pas l’unique motif de son voyage.
En effet, la jeune femme est déterminée à perfectionner sa seconde langue officielle – c’est d’ailleurs ce qui l’a poussée, deux ans plus tôt, à participer au programme Explore afin d’effectuer un séjour intensif d’immersion linguistique à l’Île-du-Prince-Édouard. En tête de liste du classement des langues les plus parlées, l’anglais représente à ses yeux une ouverture sur le monde, une langue qui « favorise la communication et le développement de relations avec des [personnes d’]origines diverses. »
Avide de connaissances et de nouvelles aventures, Clarie prend donc part au programme Odyssée dans l’espoir de promouvoir le français, tout en améliorant ses compétences dans sa langue seconde en étant plongée dans un milieu anglophone. « Si je voulais un service quelconque, je devais le demander en anglais », raconte-t-elle. Son expérience s’avère ainsi des plus enrichissantes : « Quand on donne du sien, on reçoit beaucoup et c’est ce que j’ai mis en place. » De ce fait, le dévouement de la jeune femme est récompensé par la gentillesse des élèves et du personnel de l’école. « Une professeure […] était un véritable rayon de soleil. Chaque matin, elle arrivait avec son grand sourire [et] sa belle énergie », se souvient Clarie. Grande passionnée de danse, la monitrice se joint aussi à l’école du quartier, où elle a la chance de socialiser avec d’autres danseurs et danseuses dans sa seconde langue officielle.
Avec du recul, celle qui étudie aujourd’hui en cinéma admet non seulement avoir un profond respect pour le personnel du milieu de l’éducation, mais aussi avoir énormément grandi lors des six mois passés loin de la maison : « Je sais maintenant que je n’ai pas peur de beaucoup de choses et que je suis capable d’être une femme forte et indépendante. Je sais que je suis capable de m’adapter facilement et que j’adore les défis », mentionne-t-elle fièrement.
Il est vrai que « partir […] du nid familial à 19 ans, à 8 h de route de sa mère, ça fait [vieillir] rapidement », comme le dit Clarie.
Enfin, son expérience lui a aussi fait réaliser à quel point elle tient au Québec, l’endroit où elle se sent le plus chez soi. Après tout, rien n’égale les délices traditionnels du Saguenay!
Catherine Tanguay
Catherine Tanguay n’a que 24 ans, mais déjà, son parcours est impressionnant. L’Ontarienne de Mississauga œuvre pour les Programmes de langues officielles (PLO) dans la fonction publique. Tous les jours, elle promeut l’apprentissage du français et de l’anglais auprès des jeunes. Comment en est-elle arrivée là? En participant elle-même aux PLO.
Catherine Tanguay
« Je ne pourrais jamais retourner à une vie uniquement anglophone. Je peux finalement communiquer avec ma famille avec aisance et ça fait du bien », affirme Catherine Tanguay.
L’Ontarienne de 24 ans, dont une partie de la famille est québécoise, compte à son actif non pas une, mais deux participations aux Programmes de langues officielles. Après tant d’efforts pour perfectionner sa langue seconde, le français, elle récolte aujourd’hui les fruits de son labeur.
Tout a commencé lorsque, à l’occasion d’une foire aux carrières, Catherine fait la rencontre d’une agente de promotion du programme Explore. Cette dernière lui parle alors d’une incroyable possibilité : celle de voyager dans une autre région du pays pour vivre en français pendant cinq semaines. Et le meilleur dans tout cela est que le programme est financé par le gouvernement du Canada. L’étudiante pourra donc profiter pleinement de son expérience sans avoir à se soucier du budget. Pas besoin d’en dire plus! Catherine est plus qu’enthousiaste à l’idée d’améliorer sa langue seconde de cette façon.
À l’été 2017, la jeune femme se rend donc à Montréal, au Québec, où tout est magnifiquement préparé pour son arrivée : une chambre dans les résidences de l’université, des repas à la cafétéria, des cours de langue en matinée, et des activités culturelles en après-midi et durant la fin de semaine. Catherine visite le Musée des beaux-arts de Montréal, le Jardin botanique, le Stade olympique et l’Oratoire Saint-Joseph. « Et comme le campus et la ville étaient francophones, la vie au quotidien se déroulait en français. J’écoutais les personnes parler dans l’autobus, je lisais les publicités, je commandais mes repas en français. J’ai appris le français en le vivant et en m’amusant en même temps », mentionne-t-elle.
Le séjour de l’Ontarienne dans la métropole québécoise coïncide d’ailleurs avec le 150e anniversaire du Canada et le 375e anniversaire de Montréal. « La ville était animée », se souvient-elle. Catherine assiste à des évènements spectaculaires, comme le Festival Juste pour rire, l’International des Feux Loto-Québec (une compétition de feux d’artifice de calibre international) ainsi qu’à Montréal Avudo, un spectacle multimédia mettant en valeur le fleuve Saint-Laurent.
Mais ce qu’elle retient avant tout de son expérience, ce sont les amitiés qu’elle a créées avec des jeunes de partout au Canada. « J’étais très triste que notre aventure soit terminée et […] que chacun retourne dans son coin du pays. Chaque fois que j’écoute la chanson “Je rentre à Montréal” d’Ariane Moffatt, j’ai les larmes aux yeux », raconte-t-elle. Elle se réconforte toutefois en sachant qu’à l’avenir, peu importe où elle voyage au Canada, elle a un ami prêt à l’accueillir à bras ouverts.
N’empêche qu’après le programme Explore, Catherine se surprend à s’ennuyer du français. Prête pour une nouvelle aventure, la jeune femme décide alors de s’inscrire au programme Odyssée, qui vise à acquérir une expérience de travail rémunéré en milieu scolaire tout en étant entièrement plongé dans sa langue seconde à l’extérieur de la salle de classe. Pendant neuf mois, elle sera monitrice d’anglais et pourra, en retour, continuer de peaufiner ses compétences en français.
Celle qui admet avoir « beaucoup romantisé [son] retour au Québec » met donc le cap vers Dolbeau-Mistassini au Lac-Saint-Jean : « C’était très intimidant, car je n’étais pas certaine de ce à quoi m’attendre, mais par chance, j’ai été chaleureusement accueillie dans ma communauté. » Dès le premier jour, son enseignante associée — et ancienne participante des programmes Explore et Odyssée – l’invite à s’installer chez elle. Toutefois, malgré la gentillesse et la générosité de sa famille d’accueil, Catherine avoue avoir trouvé l’isolement difficile. En plus d’être loin de la maison et de ne connaître personne, la jeune femme est plongée dans un mode de vie bien différent du sien. « Les gens aimaient la chasse, travaillaient dans le bois, avaient leur propre accent et ils en étaient très fiers », explique-t-elle. Du côté positif, cela lui donne l’occasion d’essayer de nouvelles activités, comme la pêche sur glace, et surtout, de gagner en indépendance.
Quoi qu’il en soit, la participation de Catherine à ces programmes lui aura permis de parler français dans des contextes authentiques, de faire des rencontres mémorables et d’améliorer sa confiance en soi : « Je suis par nature une personne plus timide, mais je n’ai pas peur de me mettre à l’avant-plan, et je crois que les personnes aiment cela à propos de moi et que cela m’a aidé professionnellement. Ces échanges m’ont aidé à sortir de ma coquille. »
Reconnaissante d’avoir pu renouer avec une partie de son héritage et de son identité, la jeune femme souhaite maintenant redonner au suivant… en accueillant chez elle des jeunes en immersion linguistique!
Samuel Boutin
Être dévoué à l’apprentissage des deux langues officielles à seulement 15 ans, est-ce possible? Cette description correspond pourtant bien à Samuel Boutin. Souhaitant un jour se lancer en politique provinciale, le jeune homme est prêt à tout pour y arriver… même à se rendre jusqu’en Alberta afin d’améliorer son anglais.
Samuel Boutin
Samuel Boutin n’est pas un jeune homme comme les autres. À seulement 15 ans, il fait preuve d’une détermination inébranlable pour atteindre son objectif : entamer une carrière en politique provinciale.
Natif de Beauceville, au Québec, Samuel se sent choyé d’avoir le français comme première langue officielle. Comme il le dit si bien : « le français est une langue riche, très importante pour nous tous et pour notre avenir, elle fait partie de notre histoire. »
Or, Samuel ne croit pas pour autant que la maîtrise de sa langue seconde doit être négligée. L’élève sait qu’être bilingue est une compétence fondamentale pour répondre efficacement aux questions des journalistes, s’exprimer facilement lors de conférences de presse ou de débats et communiquer aisément avec l’ensemble de la population. C’est pourquoi en avril 2019 il décide de prendre les grands moyens.
Grâce à l’organisme Expériences Canada, Samuel s’envole vers Westlock, dans l’Ouest canadien, afin d’améliorer son anglais et sortir du même coup de sa zone de confort. Demandez et vous recevrez! Une fois arrivé en Alberta, le Québécois est hébergé dans une famille uniquement anglophone. Déstabilisant, certes, mais il n’y a pas de meilleur moyen pour renforcer ses compétences en langue seconde.
L’élève se prête donc au jeu en s’immergeant pleinement dans la culture de la province. Il prend part à différentes activités, notamment une sortie à Jasper, où il escalade une montagne et admire des paysages à couper le souffle. Samuel a également la chance de visiter une petite communauté albertaine indépendante qui se débrouille avec les ressources environnantes. « Ça a été un choc pour moi de voir cela, mais en même temps, ça m’a fait réaliser à quel point je suis chanceux dans ma propre communauté », affirme-t-il. Cela dit, le jeune homme constate que l’Alberta, une partie du Canada qui lui était jusqu’alors inconnue, ressemble étrangement au Québec : « Nous avons plusieurs points en commun qui font en sorte que nous sommes de grands partenaires économiques au sein du pays. »
Bien que Samuel n’ait pas de mal à apprivoiser son nouvel environnement, la communication avec sa famille d’accueil lui donne par moment du fil à retordre. « Je ne m’attendais pas à ce que ce soit si complexe de parler anglais pendant une semaine », admet-il. « Nous avons des cours d’anglais à mon école, mais c’est […] assez général comme enseignement et comme apprentissage; il était donc difficile de trouver des mots [précis] pour pouvoir m’exprimer. »
Le principal intéressé est toutefois rassuré de voir que les autres jeunes qui l’accompagnent se butent au même obstacle que lui. « Nous étions tous dans le même bateau », se souvient-il. Et heureusement, tous sont prêts à s’entraider afin de vivre ensemble une aventure riche en expériences et en émotions. « Je suis convaincu que nous nous sommes tous marqués positivement chacun à notre façon durant notre échange », raconte le jeune homme.
Outre les inoubliables souvenirs et les précieuses amitiés, Samuel revient donc à la maison avec une maîtrise de l’anglais plus forte qu’elle ne l’était à son départ, de même qu’avec la confirmation que son bilinguisme est avantageux, peu importe le métier qu’il souhaite exercer.
« Je crois que tous les bienfaits de cet échange vont me permettre, dans une future vie professionnelle, de mettre vraiment l’accent sur la belle complicité que chaque province canadienne a entre elles et à quel point c’est important qu’elles se serrent les coudes les unes les autres pour le bon fonctionnement du pays », souligne-t-il.
Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un début de carrière fort prometteur pour ce jeune Québécois.
Annalisa Tacchi
Native de Moose Jaw, en Saskatchewan, Annalisa Tacchi était loin de se douter que son échange à Granby, au Québec, aurait une telle influence sur sa vie. Maintenant presque aussi à l’aise en français qu’en anglais, la jeune fille voit cette évolution comme le résultat de plusieurs semaines de travail, de patience et surtout, de plaisir.
Annalisa Tacchi
Qui aurait pu imaginer qu’une immersion de quelques semaines à Granby, au Québec, allait convaincre Annalisa Tacchi d’y déménager? C’est pourtant ce qui est arrivé à la suite du séjour de l’adolescente de 16 ans dans la Belle Province.
Comment tout cela a-t-il commencé?
À l’école primaire, en 4e année, Annalisa assiste à une présentation qui a pour but de présenter aux élèves les possibilités intéressantes à leur portée s’ils poursuivent leurs études en immersion française. Aussitôt, l’une des activités pique la curiosité de la jeune fille : un échange linguistique à l’extérieur de la province. « Je me souviens d’avoir pris une brochure et d’avoir couru jusqu’à la maison pour tout dire à ma mère. Quelle chance pour elle, j’avais encore quelques années à attendre avant de pouvoir participer », raconte-t-elle.
L’étudiante admet cependant qu’au départ, la décision de parler français n’était pas la sienne, mais plutôt celle de sa mère. « Elle n’a jamais eu la chance d’apprendre le français, et elle a compris que les langues sont plus faciles à apprendre lorsqu’on est enfant », explique-t-elle. Et avec du recul, Annalisa lui est reconnaissante de ce choix imposé puisque le résultat va bien au-delà d’un simple élément qu’elle peut inscrire sur son curriculum vitæ; elle possède désormais les compétences nécessaires pour communiquer avec des personnes qui ne parlent qu’en français.
Transportons-nous donc à l’hiver 2020, alors qu’Annalisa se rend enfin à Granby afin de perfectionner sa langue seconde. Là-bas, elle est accueillie par sa jumelle d’échange, « […] de loin la fille la plus attentionnée et la plus gentille [qu’elle] ait jamais eu la chance de rencontrer. » Tout aussi chaleureuse, la famille de sa jumelle d’échange fait preuve d’une grande générosité pour aider la Saskatchewanaise à s’adapter et leurs petits gestes font qu’elle se sent comme à la maison. « On me réveillait le matin vers 7 h. Je descendais et je déjeunais avec la famille. Après m’être préparée, je prenais le repas que la mère de ma jumelle d’échange nous avait préparé, et son père nous conduisait à l’école », se souvient-elle.
Par contre, en plus d’être quatre fois plus grande que la sienne, l’école où elle effectue son échange a un programme d’enseignement secondaire bien différent, ce qui donne du fil à retordre à l’étudiante. Par exemple, alors qu’Annalisa s’ennuie dans le cours de sciences, la matière lui étant déjà familière, c’est une tout autre histoire dans le cours de mathématiques.
Malgré ces embûches, la jeune fille répèterait l’expérience sans hésiter. Pourquoi? Car, à ses yeux, « il n’y a vraiment pas de désavantages à parler une langue seconde. » En effet, en dépit des hauts et des bas pour y parvenir, être bilingue est souvent un atout essentiel, que ce soit pour décrocher l’emploi de ses rêves « [o]u, qui sait, peut-être quelque chose d’aussi simple que d’être capable de commander de la nourriture en vacances en France ou d’aider son enfant à faire ses devoirs. »
Et puis, avouons-le, elle n’aurait pas pu tomber sur une meilleure famille. « Étant donné que nous nous entendions si bien, toutes les expériences que nous avons faites étaient fantastiques », ajoute-t-elle. Séance de magasinage chez IKEA (il n’y a pas d’IKEA en Saskatchewan), dégustation de poutine chez Ben La Bedaine, sortie au Carnaval d’hiver de Québec et activités traditionnelles à la cabane à sucre… quoi demander de plus!
Le dévouement de la famille québécoise à aider Annalisa ne s’arrête d’ailleurs pas là. Chaque soir, friandises à la main, ils regardent ensemble leurs émissions de télévision préférées. « Mon travail consistait à tenir la télécommande et lorsque quelque chose m’échappait, je mettais l’émission sur pause, et tout le monde m’expliquait. C’était un bon système, et après quelques semaines, j’appuyais rarement sur pause », dit-elle fièrement.
De ce fait, Annalisa croit qu’elle n’aurait pas pu faire de tels progrès sans cette expérience. « J’ai appris beaucoup sur l’amélioration de mon accent, mais j’ai aussi appris beaucoup de langage joual. Des choses qu’on ne nous apprend pas dans une salle de classe », mentionne-t-elle.
Maintenant de retour de voyage, un nouveau projet attend l’ambitieuse étudiante : rien de moins qu’un déménagement au Québec, où elle a l’intention de s’inscrire à l’université. « Je voyais souvent le français comme ma langue professionnelle et l’anglais comme ma langue personnelle […] Mais je suis excitée de déménager au Québec après avoir obtenu mon diplôme d’études secondaires, où les deux langues seront complètement renversées », souligne-t-elle.
Voici donc les précieux conseils qu’Annalisa souhaite donner aux jeunes qui, comme elle, s’apprêtent à se lancer dans l’expérience d’une vie :
- « Ne faites pas trop de bagages, les sacs sont lourds et coûteux, et n’apportez pas de choses que vous ne comptez porter qu’une seule fois, cela ne vaut pas la peine. »
- « Tentez vraiment d’apprendre à connaître votre partenaire avant que cette personne ne vienne chez vous. Être des amis fait toute la différence. »
- « Sachez que parfois, vous n’aurez AUCUNE idée de ce que l’on vous dira, mais tentez de ne pas vous contenter de hocher la tête. Demandez de l’aide lorsque vous en avez besoin. »
Et enfin, pour les personnes qui hésitent encore à apprendre leur seconde langue officielle : « si l’on vous offre la possibilité, prenez-la […] Faites le saut […] ».
Mathilde Gosselin
Qui est Mathilde Gosselin? Une jeune Québécoise de 17 ans passionnée par les voyages, le sport… et les langues officielles! N’étant pas le genre de personne à dire non à une nouvelle aventure, sa participation à une immersion de trois mois au Manitoba n’a pas fait exception à la règle!
Mathilde Gosselin
« Je pense qu’être à l’aise dans les deux langues officielles du Canada permet d’augmenter le sentiment d’appartenance au pays et permet aussi de mieux comprendre ses enjeux », souligne Mathilde Gosselin.
Originaire de Plessisville, une petite ville francophone du Québec, la jeune fille de 17 ans est reconnaissante d’être bilingue. Au quotidien, sa maîtrise de l’anglais lui permet d’avoir accès à plus d’information et de choix, que ce soit pour faire ses travaux scolaires ou simplement pour écouter des séries télévisées et des films dans leur langue originale. D’ailleurs, elle envisage de poursuivre des études universitaires en médecine. Mathilde compte donc soumettre une demande d’admission à l’Université McGill, l’une des trois universités anglophones de la province, en plus des universités francophones, afin d’augmenter ses chances.
Et ce n’est pas tout! Son aisance dans la langue de Shakespeare facilite non seulement sa communication en voyage, mais lui permet aussi d’aider les autres dans plusieurs situations où l’anglais est nécessaire. Par exemple, elle donne souvent un coup de main à « [ses] parents quand il est question de parler au téléphone [ou] de réserver des vacances en anglais », car ils n’ont pas eu la chance d’apprendre l’autre langue officielle.
En ce début d’année, Mathilde se remémore l’expérience unique qui lui a permis de perfectionner sa langue seconde : une immersion de trois mois à Winnipeg, au Manitoba, grâce aux Échanges Azimut. En effet, en 2019, elle suit les traces de son frère et de sa sœur qui ont déjà participé à ce programme : « Quand j’ai constaté [l’effet] que l’immersion a eu dans leur vie, j’ai voulu la vivre à mon tour. » S’aventurer dans un milieu inconnu tout en ayant l’occasion d’améliorer son anglais et de créer des amitiés inoubliables? Pas question de refuser une offre aussi alléchante! « De plus, je pense qu’à mon âge, les jeunes ont un désir d’indépendance et ce programme me donnait la chance de combler ce désir », ajoute-t-elle.
Grâce à sa confiance en soi et à son autonomie, la Québécoise s’adapte rapidement à son nouvel environnement; une transition tout de même facilitée avec l’aide de ses camarades de classe, qui lui font découvrir la ville et ses trésors cachés. « Ma journée typique consistait à aller à l’école de 9 h à 15 h. Je suivais un horaire personnalisé avec les cours que j’avais choisis », explique-t-elle. L’étudiante profitait aussi de son heure de dîner pour participer à des sports intramuraux, « […] une belle activité pour se divertir et apprendre à connaître d’autres gens. » Puis, toujours prête à s’impliquer, Mathilde fait partie de l’équipe de volleyball de l’école.
Toutes ces activités lui rendent d’ailleurs un fier service quant à la fluidité de sa communication orale en anglais : « Comprendre n’a jamais été un problème pour moi, mais faire cet échange m’a permis d’augmenter mon vocabulaire, d’apprendre quelques “slang words” que les jeunes de mon âge utilisent là-bas […] J’ai pu observer un changement [important] dans la façon dont je prononçais certains mots et dans la vitesse à laquelle je m’exprimais entre le début et la fin de mon échange. »
À la hauteur de ses attentes, ce séjour dans la capitale manitobaine permet à la jeune fille de perfectionner sa langue seconde, de renouer avec un sport qu’elle pratique au Québec, en plus de faire des rencontres formidables. « Mais la principale personne qui m’a marquée est un ami que je me suis fait dès la première semaine, Simon », se souvient-elle. « Encore aujourd’hui, on se parle par vidéoconférence toutes les semaines. Simon est quelqu’un qui me ressemble et qui m’a mise à l’aise dès le début. C’était la personne à qui je pouvais me confier en sachant qu’il allait me respecter. »
Mathilde admet toutefois avoir fait face à certains défis, comme le fait de devoir partager une chambre avec sa jumelle d’échange. En effet, il n’est pas nécessairement évident d’être 100 % soi-même lorsqu’on se retrouve du jour au lendemain chez une parfaite inconnue. Heureusement, « […] l’ambiance [chez] ma famille d’accueil était agréable et j’ai pu vivre des moments mémorables avec eux en [leur faisant découvrir] ma culture, tout en découvrant la leur », mentionne-t-elle. Sans surprise, la jeune fille décrit la journée de son départ comme étant, elle aussi, empreinte d’émotions : « Toutes les belles amitiés et les beaux liens que j’avais réussi à créer avec la communauté et l’école devaient se rompre en une journée, alors c’est honnêtement le moment le plus difficile que j’ai eu à vivre pendant [ces] trois mois. »
Somme toute, Mathilde ne retire que du positif de son passage dans l’Ouest canadien. « Cet échange m’a permis de développer mon autonomie, mon indépendance et ma capacité d’adaptation, qui me serviront plus tard dans mes études et dans ma carrière. Aussi, comme je suis diabétique de type 1, cette expérience m’a permis d’être plus autonome dans la gestion de ma maladie et de sensibiliser les gens autour de moi à cette condition », raconte-t-elle.
Alors, en cas de doute quant à la décision de participer à un programme d’échange : « Vas-y, lance-toi, fonce et n’aie pas peur! », comme dirait Mathilde. « Même si tu ne te trouves pas bon ou bonne, ce n’est pas grave, tu vas t’améliorer! »
Lena Chown
Du Nunavut au Nouveau-Brunswick, Lena Chown traverse ciel et mer pour améliorer sa maîtrise du français dans un contexte immersif. Se considérant extrêmement chanceuse d’être bilingue, la jeune de 16 ans passe trois semaines à pratiquer sa langue seconde avec des personnes tout aussi passionnées des langues officielles qu’elle.
Lena Chown
Originaire d’Iqaluit, au Nunavut, Lena Chown décide, en 2019, de quitter sa ville natale pour passer trois semaines à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Son objectif? S’immerger dans un environnement avec des gens qui, comme elle, souhaitent améliorer leur seconde langue officielle, le français. « Je crois qu’il est important que je comprenne les deux langues officielles pour me permettre de mieux comprendre les autres personnes au Canada lorsque je voyage et aussi dans ma vie au quotidien », souligne-t-elle.
Venant d’une petite communauté nordique, Lena entrevoit le programme Explore comme une aventure rafraîchissante et stimulante. Par chance, lors de son séjour en Atlantique, elle fait la connaissance de Rachel, une Saskatchewanaise de son âge. Agréable surprise : toutes deux partagent un intérêt marqué pour les sciences. Pour Lena, rencontrer une personne ayant autant de points communs avec elle est non seulement inhabituel, mais contribue aussi à forger de façon positive son expérience néo-brunswickoise. « Le programme m’a permis de rencontrer des étudiants avec lesquels je pouvais m’identifier et m’a aidé à me faire des amis proches, comme Rachel, ce qui a rendu l’expérience beaucoup plus agréable », raconte la jeune de 16 ans. Un an plus tard, elle correspond encore avec certains d’entre eux.
Le programme Explore encourage justement le dialogue entre les personnes venant des différentes provinces et différents territoires du Canada. Chaque jour, Lena participe à des conversations en français qui lui permettent d’enrichir son vocabulaire et d’améliorer sa confiance en elle. Sans oublier l’horaire du programme qui favorise grandement l’apprentissage, comme l’explique la jeune fille : « Durant l’avant-midi, nous avions des cours qui étaient adaptés aux personnes qui parlaient différents niveaux de français. L’après-midi, nous faisions des activités structurées (yoga, cheerleading, peinture, sculpture) ou des excursions (tyrolienne, plage, montagne magique, zoo, piscine). » Enfin, les weekends sont réservés à l’exploration de la ville de Moncton et de ses environs. Ces incursions dans la communauté forment d’ailleurs ses meilleurs souvenirs : « Cela nous a vraiment donné la chance d’être immergés dans la culture francophone de la communauté qui nous entourait et de faire l’expérience de l’utilisation du français parlé dans un environnement public. »
Malgré un emploi du temps bien rempli, Lena avoue toutefois que les premiers jours du programme constituent une période d’adaptation, d’autant plus qu’elle n’a jamais passé autant de temps loin de sa famille. « Au début, c’était difficile, de devoir toujours parler en français, tout le temps, mais après quelques jours, c’est devenu comme une seconde nature pour moi et c’est devenu très agréable », explique-t-elle. De fait, la jeune fille affirme que cette expérience l’a amené à développer ses compétences interpersonnelles : des acquis qu’elle compte bien utiliser dans le futur.
Plus que jamais, Lena comprend le privilège qu’elle a d’être bilingue, tant sur le plan personnel que sur le plan professionnel : « Le fait de pouvoir parler anglais et français a été un avantage pour moi lors de mon voyage au Québec, car cela a grandement facilité la communication avec les serveurs, les commerçants, le public, etc. Je pense que le fait de pouvoir parler les deux langues sera également un avantage pour mes futures candidatures à un emploi. » C’est pourquoi l’étudiante de 11e année continue de suivre des cours de français et espère pouvoir pratiquer sa langue seconde davantage lorsqu’elle ira à l’université dans quelques années.
Modèle de curiosité intellectuelle, Lena encourage tous et toutes à sauter à pieds joints dans une expérience immersive comme la sienne. La recette gagnante, d’après elle, est d’être ouvert d’esprit et de vouloir parler, le plus souvent possible, dans sa langue seconde : « Au début, c’est peut-être difficile, mais cela finira par porter ses fruits à 100 %. »
À ses yeux,il va sans dire « qu’apprendre une nouvelle langue est toujours une bonne chose »!
Malango Mcumbe
Sous le signe de la nouveauté et de l’apprentissage, l’expérience de la pétillante Montréalaise dans la ville de Toronto, en Ontario, met en lumière sa grande capacité d’adaptation, son entregent et sa curiosité à toute épreuve.
Malango Mcumbe
Dans l’optique d’améliorer son anglais, Malango Mcumbe s’inscrit au programme d’échange Explore en 2018. Déjà à l’aise avec le français et le swahili, sa langue maternelle, la chance de devenir trilingue en est une qu’elle ne peut pas refuser. « Franchement, apprendre une nouvelle langue, c’est une richesse », affirme-t-elle.
Alors âgée de 24 ans, elle séjourne pendant cinq semaines à Toronto, en Ontario. Dès les premiers instants, la jeune femme est charmée par la population, qui est particulièrement accueillante et courtoise. En effet, à son arrivée dans la métropole torontoise, Malango se voit offrir de l’aide pour transporter ses valises et se fait saluer à maintes reprises. Surprise et reconnaissante de ce traitement, la Montréalaise s’intègre facilement à son environnement : « Cet échange m’a permis de sortir de ma zone de confort et d’affronter l’inconnu […] J’ai vraiment aimé le fait de ne connaître personne, puisque cela m’a permis de savoir briser la glace et ça m’a beaucoup aidé dans mon développement personnel. » Elle découvre, par la même occasion, qu’elle possède une grande capacité d’adaptation et qu’elle adore rencontrer de nouvelles personnes.
Cela dit, Malango ne cache pas que l’un des points forts d’une immersion linguistique réside en la possibilité d’explorer un nouvel endroit. La jeune femme, qui s’aventure à l’extérieur du Québec pour la première fois, profite ainsi de la proximité de son campus avec le centre-ville pour explorer la capitale de l’Ontario, connue pour sa Tour CN et ses multiples équipes sportives. « J’ai beaucoup aimé les activités et les sorties, surtout la visite guidée de la ville de Toronto. Nous avons pu découvrir cette belle ville à [l’aide d’] un jeu qu’avait organisé Explore », mentionne-t-elle.
Malango souligne d’ailleurs le travail exceptionnel des moniteurs et des monitrices du programme, qui sont aussi connus comme des adjoints culturels et des adjointes culturelles. Tout au long du séjour, ils guident les étudiantes et les étudiants dans leur apprentissage de leur langue seconde, tout en organisant des activités stimulantes, comme une soirée karaoké et un spectacle à la fin de l’échange. Ils créent aussi un environnement sain qui encourage des discussions axées sur le respect. Lors des périodes de cours, Malango échange avec d’autres jeunes qui ont le même niveau d’anglais qu’elle. « Donc, c’était moins gênant de faire des erreurs », se souvient-elle.
Fière de ses progrès, la Montréalaise sort grandie de son expérience, avec en poche un vocabulaire plus étendu et une connaissance plus approfondie des expressions anglophones. Plus concrètement, ses récents acquis lui permettent d’avoir une meilleure compréhension dans le cadre de ses études en gestion, notamment lorsque ses professeurs et ses professeures lui demandent de lire des textes obligatoires en anglais.
Il n’est donc pas surprenant d’apprendre que Malango trouve extrêmement important de parler et de comprendre les deux langues officielles du Canada. Le bilinguisme de la jeune femme lui permet de communiquer plus facilement avec les personnes qui la suivent sur les réseaux sociaux ainsi qu’avec ses collaborateurs et ses collaboratrices anglophones qui viennent d’un peu partout dans le monde. En effet, Malango est créatrice de contenu sur les médias sociaux! Des plateformes où elle aime mélanger son héritage culturel à sa passion pour la mode et le maquillage.
Bref, selon elle, ce qu’il faut garder en tête est que la clé d’un échange réussi est de toujours employer la langue que l’on souhaite améliorer, et de ne pas se laisser influencer par les autres, « […] et ce, même si eux décident de parler en français. »
Le mot de la fin : restez vous-même et soyez curieux!
Addison Shyluk
Du haut de ses 16 ans, Addison Shyluk fait preuve d’une fluidité impressionnante en français. Pourtant, la jeune fille est native de Saskatoon, en Saskatchewan, une province majoritairement anglophone. Comment est-elle parvenue à améliorer sa langue seconde? Grâce à un échange linguistique dans la région de la capitale nationale.
Addison Shyluk
Addison Shyluk vient d’une famille exogame; la jeune fille parle principalement l’anglais à la maison, mais sa mère est fransaskoise. Il s’agit d’ailleurs de l’une des raisons pour lesquelles elle fréquente l’unique école francophone de Saskatoon, en Saskatchewan. Malheureusement, mis à part le milieu scolaire, Addison trouve que les possibilités de pratiquer sa langue seconde ne sont pas aussi nombreuses qu’elle le souhaiterait dans son quotidien. « C’est pourquoi j’ai décidé de saisir l’[occasion] quand j’en avais la chance », mentionne-t-elle.
De ce fait, en mai 2019, Addison s’inscrit à un échange jeunesse d’Expériences Canada, qui repose sur le jumelage de groupes provenant de provinces ou de territoires différents. Accompagnée de jeunes de son âge, elle se rend à Ottawa, en Ontario, pour approfondir ses connaissances du français. Pendant une semaine, Addison explore la ville, fait des activités avec les autres membres du voyage et passe du temps avec sa famille d’accueil. En effet, elle séjourne chez Sophie, une adolescente avec qui elle a été jumelée en fonction de leurs champs d’intérêt.
« Toutes les personnes que j’ai rencontrées étaient incroyables et m’ont marquée positivement, mais une personne en particulier, Sophie, a changé ma vie », se souvient la jeune fille. « Quand je l’ai rencontrée pour la première fois, j’étais tellement nerveuse qu’elle me trouve ennuyeuse parce que j’étais timide. » L’ouverture, la patience et la compassion de Sophie ont toutefois vite estompé ses craintes. Et encore aujourd’hui, Addison est reconnaissante de l’accueil chaleureux de sa jumelle d’échange, qui l’a aidée à se sentir maintenant beaucoup plus confiante lorsqu’elle rencontre de nouvelles personnes.
En plus d’avoir formé de nouvelles amitiés, la jeune fille de 16 ans est sortie grandie de cette expérience, elle qui était souvent inconfortable à l’idée de parler en français, par peur d’être jugée en raison de son accent : « Les personnes que j’ai rencontrées pendant mon voyage m’ont aidée à prendre conscience que le français a mille couleurs, et les différences linguistiques sont ce qui le rend unique. » Ainsi, Addison est fière d’affirmer que les deux langues jouent toutes deux un rôle important dans son quotidien et font partie intégrante de son identité. « Je les parle tous les jours et je suis reconnaissante de toutes les [occasions] que j’ai de les utiliser », ajoute-t-elle.
Mais la principale intéressée avoue que sa vision n’a pas toujours été la même. En effet, à son entrée à l’école, elle ne comprenait pas pourquoi les élèves devaient parler en français alors que la majorité de sa province ne le faisait pas. « Mon échange m’a fait réaliser que je n’avais pas besoin de choisir entre mes deux langues, et qu’un avenir bilingue est non seulement possible, mais accessible », souligne Addison.
Force est de constater que son passage à Ottawa lui a ouvert les yeux : « J’ai pu pleinement apprécier la beauté de ma langue et de mon patrimoine. J’ai pu comprendre la richesse de ma culture fransaskoise et ça m’a encouragée à continuer mon trajet bilingue. Après mon voyage, je suis devenue membre du Conseil consultatif de la jeunesse d’Expériences Canada, la même organisation qui a organisé mon échange et ensuite, je suis devenue ambassadrice pour le Français pour l’avenir dans le but de promouvoir le bilinguisme. »
Addison encourage donc les jeunes qui souhaitent participer à un programme similaire à sauter sur l’occasion et à avoir confiance en leurs capacités à utiliser leur langue seconde. Après tout, de telles expériences sont propices à des rencontres mémorables.
« Être bilingue m’a donné plusieurs [possibilités] incroyables, notamment la chance de rencontrer des jeunes venant de différents coins du pays, d’être capable de connaître leurs histoires et de leur raconter la mienne. »
Níkolas Gómez
Impressionnant, voilà qui décrit bien le parcours de Níkolas Gómez. Originaire de la Colombie, l’étudiant a immigré à Montréal, au Québec, à l’âge de 17 ans. Maîtrisant aujourd’hui parfaitement les deux langues officielles du Canada, il ne rate pas une occasion de voyager afin d’élargir ses connaissances, et il est d’ailleurs l’un des rares à pouvoir parler sept langues.
Níkolas Gómez
Quelle place occupent les deux langues officielles dans la vie du polyglotte Níkolas Gómez?
À son arrivée au Québec à 17 ans, le jeune homme n’a que quelques connaissances de base en français. Pourtant, lors d’un bref passage en classe d’accueil, il remporte un concours de slam (une forme de poésie orale) grâce à sa composition intitulée « La vie d’un colombécois ». Les distinctions continuent de s’accumuler l’année suivante alors que Níkolas est récipiendaire de la Médaille académique du Gouverneur général (bronze) afin de souligner son succès scolaire exceptionnel.
Aujourd’hui âgé de 26 ans, l’étudiant utilise le français au quotidien, que ce soit dans ses travaux universitaires, avec ses amis ou dans le cadre de son emploi à l’Université de Montréal. « Même quand je suis dans les régions majoritairement anglophones au Canada, je me permets de glisser des mots en français [et] de demander si [les personnes] parlent français », ajoute-t-il.
Et l’anglais n’est pas en reste. Mordu de voyages, Níkolas utilise cette langue lors de ses nombreuses aventures autour du monde. Parlant aussi le portugais, l’italien, le catalan, l’allemand et l’espagnol, sa langue maternelle, le dévouement du jeune homme à promouvoir la diversité linguistique ne date d’ailleurs pas d’hier.
Alors qu’il est tuteur d’espagnol au centre de langues de son cégep, à Montréal, Níkolas fait la rencontre d’une monitrice d’anglais de passage au Québec dans le cadre du programme Odyssée, une expérience de travail à titre de moniteur de langues dans une autre province ou un autre territoire du Canada. Rapidement, leurs discussions lui donnent envie de se lancer, à son tour, dans cette aventure immersive offerte par le programme.
« Je me suis inscrit [au programme Odyssée], car je voulais découvrir une autre région de notre pays; parce que je voulais pratiquer davantage mon anglais; parce qu’il s’agit d’un programme du gouvernement canadien et je me disais que ça pourrait être bien sur mon curriculum vitæ; [et] parce que le concept du programme était attirant à mes yeux », raconte-t-il. « Mais la principale raison était que mon cœur me disait d’y prendre part! »
Quelques années plus tard, Níkolas met donc le cap vers Windsor, au sud-ouest de l’Ontario, pour enseigner le français aux élèves de l’école secondaire catholique E.J. Lajeunesse.
Comment résumerait-il son expérience?
- Une tonne d’activités en classe (spectacle de talents, concours de poésie, « fiesta latina », et bien plus);
- Une opération de ramassage de déchets autour de l’établissement dans le cadre de la Semaine de la Terre;
- La participation à deux concours nationaux, soit le concours IDÉLLO du Groupe Média TFO (link is external) et le concours de « flash mob » des Rendez-vous de la Francophonie (link is external), lesquels ont rapporté plus de 13 000 dollars en prix à l’école;
- Plus de 500 élèves engagés et vifs d’esprit;
- Et enfin, des membres du personnel prêts à le soutenir dans ses folies.
La confiance qu’on lui accorde permet d’ailleurs à Níkolas de laisser libre cours à son imagination. Il peut alors proposer aux élèves des projets stimulants et créer une ambiance amusante en classe. « Bien sûr, il a fallu que je fasse preuve de maturité et de responsabilité », précise-t-il.
Le jeune homme admet toutefois avoir eu besoin de quelques semaines pour se familiariser avec ses tâches, apprendre à connaître ses collègues et s’installer dans sa nouvelle ville : « Comme toute nouvelle aventure, on doit s’attendre à des péripéties […]. L’aspect logement a été une préoccupation au début, mais peu à peu les choses se sont arrangées […] Je me suis servi des apparentes difficultés pour développer une plus grande résilience mentale. »
En effet, Níkolas n’a pas peur de se retrousser les manches. Afin de faciliter son intégration, il déniche un emploi « à temps partiel dans un magasin de chaussures ». La principale langue de travail étant l’anglais, il s’agit du même coup de la parfaite occasion pour peaufiner ses compétences dans cette langue.
Cela dit, son expérience n’aurait pas été la même sans les amitiés forgées avec certains membres du personnel enseignant, dont Danielle, Mel et Linda. L’accueil chaleureux du personnel et des étudiants de même que leur grande générosité aident le jeune homme à prendre ses aises et à se sentir comme à la maison, à un tel point qu’à la fin des dix mois du programme, « l’école était une deuxième famille », se souvient-il.
Son séjour à Windsor, qui constitue un ajout précieux à son bagage d’expériences, lui aura donc permis de dépasser ses limites, mais aussi de mieux comprendre l’envers du décor. En dix mois, Níkolas découvre le fonctionnement d’une école, il apprend à gérer des conflits, il saisit l’importance de l’empathie et il élargit ses compétences communicationnelles.
« [Le programme] Odyssée m’a aussi permis d’améliorer mes connaissances sur la sociolinguistique canadienne, qui par la suite ont été utiles dans quelques travaux universitaires », souligne celui qui termine présentement une maîtrise en communication interculturelle à l’Université de la Sarre, en Allemagne.
Qui sait quelle sera la prochaine destination du grand voyageur? Mais ce qui est sûr, c’est que son parcours saura sûrement inspirer d’autres jeunes à élargir leurs horizons : « Le bilinguisme est un trait d’union entre nous tous, Canadiens et Canadiennes […] Il y a des ressources, des projets, des services, des initiatives à l’échelle fédérale [pour nous aider à y arriver]. Profitons-en! »
Joelle Lepine
Originaire d’Ottawa, en Ontario, Joelle Lepine n’a pas fait un, mais bien deux échanges afin de perfectionner sa langue seconde, le français. La jeune femme de 23 ans en garde non seulement de très bons souvenirs, mais aussi des compétences grandement améliorées.
Joelle Lepine
Certains jeunes peuvent être réticents à l’idée de se lancer dans un programme d’immersion linguistique. En effet, cela signifie de s’aventurer dans une région qu’ils ne connaissent pas, de vivre des expériences culturelles et sociales qui leur sont inconnues, et surtout, d’être entourés d’une langue qu’ils ne maîtrisent pas parfaitement. Mais aux yeux de Joelle Lepine, il s’agissait là de la meilleure façon d’améliorer ses compétences orales en français : « Je crois que la meilleure façon d’apprendre une langue est de s’y consacrer entièrement, d’où la décision de participer aux échanges. »
D’où lui vient ce désir de perfectionner sa deuxième langue officielle? La jeune femme de 23 ans est en fait consciente que « [c]ertaines choses peuvent être exprimées en anglais, mais ne peuvent l’être en français, et vice versa. Le fait de connaître les deux langues officielles peut élargir votre perspective et vous aider à comprendre pourquoi les personnes se battent pour préserver leur langue. » C’est pourquoi en 2017, Joelle prend part au programme Explore, qui lui permet de passer cinq semaines à Pointe-de-l’Église, en Nouvelle-Écosse. Elle est alors entourée de plusieurs autres apprenants ayant le même objectif : améliorer leur français. « Apprendre aux côtés d’autres personnes qui ont tous les mêmes objectifs peut être très motivant lorsqu’on apprend une nouvelle langue », ajoute-t-elle.
Curieuse de pousser son immersion française encore plus loin, Joelle s’envole vers Nice, en France, l’année suivante, dans le cadre d’un séjour linguistique de dix jours en famille d’accueil. Une expérience complètement différente, mais tout aussi agréable. « Je pouvais explorer la ville par moi-même et j’avais des leçons de français privées de la part de mon hôte », raconte-t-elle. « Le temps que j’ai passé en France a été beaucoup plus court que celui que j’ai passé au programme Explore, mais parce que j’y ai reçu une attention individuelle, mes leçons ont été conçues précisément pour moi pour m’aider à atteindre mes objectifs personnels. »
De ce fait, la jeune femme prend conscience de ses progrès considérables lorsqu’un après-midi, après s’être égarée en cherchant un musée, elle réussit à prendre son courage à deux mains et à demander son chemin à une passante. « La meilleure partie de l’histoire est qu’elle m’a comprise et que j’ai compris où elle me disait d’aller! J’ai été en mesure d’avoir une discussion détaillée avec une vendeuse (entièrement en français, bien sûr), qui m’a aidée à acheter une paire de chaussures. Ce sont des interactions au quotidien, mais le fait que j’ai pu les faire en français est ce qui m’a rendue si fière de mes progrès », se souvient-elle.
Joelle a toutefois dû surmonter certains défis pour en arriver là, comme le fait de ne pas être autorisée à faire quoi que ce soit en anglais : « Lorsque tu ne peux même pas regarder la télévision dans ta première langue, ton cerveau n’a jamais de pauses. Je crois encore qu’il s’agit de la meilleure façon de faire un échange, mais j’étais assurément épuisée mentalement à la fin de tout cela. » Une règle qui, au bout du compte, aura été d’une grande efficacité et qu’elle a même décidé de suivre de manière informelle lors de son séjour en France.
Conséquence de tout cela : ses compétences en français n’ont jamais été aussi bonnes. « Parce que je n’avais absolument aucune exposition à l’anglais pendant les deux programmes, j’ai commencé à penser et même à rêver en français. Dans le passé, je devais traduire de l’anglais au français avant de parler, mais en pensant en français, mes phrases n’avaient plus à être formulées en anglais d’abord », explique-t-elle.
Et sa confiance dans sa langue seconde est, elle aussi, meilleure que jamais. Ainsi, la jeune femme sait que, si jamais elle devait aller quelque part où elle ne pourrait que parler en français, elle serait parfaitement capable de se débrouiller. Cette confiance lui est d’ailleurs fort utile dans le cadre de son emploi au gouvernement fédéral, lequel exige la maîtrise des deux langues officielles. Joelle est en mesure de comprendre les nombreux employés francophones qu’elle côtoie et d’interagir avec ces derniers.
Bref, le moins que l’on puisse dire aujourd’hui, c’est que Joelle ne regrette pas du tout ses expériences immersives au Canada et à l’étranger, car le fait de connaître plusieurs langues n’a fait que l’enrichir et l’avantager, tant sur le plan personnel que professionnel.
« Si vous hésitez à participer à un échange linguistique et que vous avez besoin d’un dernier encouragement, considérez cela comme un signe! Si le temps nécessaire à y consacrer est une préoccupation, mes échanges prouvent qu’ils n’ont pas à être longs. Des échanges plus courts peuvent quand même vous offrir tous les avantages si vous vous y consacrez entièrement et si vous vous engagez à donner le meilleur de vous-même pendant votre séjour. Plus vous attendez, plus vous risquez de manquer une occasion. »
Fonctionnaires (2020)
Carolyn Veitch
Carolyn Veitch est conseillère principale en ressources humaines à Diversification de l’économie de l’Ouest Canada, dans la région d’Edmonton, en Alberta. Fonctionnaire depuis 20 ans, elle promeut la dualité linguistique sans relâche, une importante partie de son identité.
Carolyn Veitch
Carolyn Veitch fait ses débuts à la fonction publique fédérale en 2000, alors qu’elle obtient un emploi à la Commission de la fonction publique du Canada à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest. Déjà parfaitement bilingue, elle répond aux exigences linguistiques du poste sans problème.
De ce fait, comme plusieurs personnes de la population canadienne de l’Ouest, c’est au secondaire que Carolyn Veitch commence à apprendre le français langue seconde. Une matière qui compte parmi ses préférées : « J’avais des enseignants originaires du monde entier et ils avaient des histoires incroyables à raconter à propos de leurs aventures au sein de la francophonie. » Son passage à l’école secondaire est d’autant plus mémorable, car la jeune fille est choisie pour participer à un programme d’échange d’élèves Alberta-Québec. « J’ai vécu à Saint-Césaire, au Québec, pendant trois mois au cours de mon adolescence, ce qui était une expérience d’immersion incroyable. Je suis par la suite allée étudier au Cégep de Jonquière pendant un été en tant que jeune adulte », raconte-t-elle. « L’apprentissage de ma seconde langue officielle m’a réellement ouvert des portes afin d’explorer des parties du pays que je n’aurais peut-être pas eu l’occasion de voir autrement, en plus de me permettre de rencontrer tant de personnes incroyables. »
Mais sa découverte du français ne s’arrête pas là. « J’ai poursuivi mon expérience d’immersion en France, où j’ai vécu avec une famille en travaillant au pair en Normandie pendant un an. En plus d’apprendre la langue avec un nouvel accent et avec une nouvelle perspective normande, j’ai lu beaucoup de livres “Caroline au Canada”, j’ai mangé plus que ma part de foie gras et je suis tombée amoureuse du festival Jazz sous les pommiers », se souvient-elle. À son retour au pays, Carolyn Veitch s’empresse alors de terminer ses études en langue et littérature au Campus Saint-Jean, la faculté francophone de l’Université de l’Alberta. Comme quoi la langue de Molière aura su la charmer lors de ses séjours dans la Belle Province et outre-mer. « Ma passion pour la langue française et la dualité linguistique seront toujours une partie importante de mon identité », affirme-t-elle.
Cette passion se fait d’ailleurs sentir aujourd’hui dans son milieu de travail, à Diversification de l’économie de l’Ouest Canada (DEO). En effet, le rôle de Carolyn Veitch au sein de l’organisation va bien au-delà de son domaine d’expertise, les ressources humaines. La fonctionnaire d’Edmonton participe à une variété de projets des plus intéressants : « Par exemple, je suis la personne responsable des langues officielles pour DEO . Je travaille en étroite collaboration avec notre sous-ministre adjointe et championne des langues officielles et avec notre coordonnatrice nationale pour les langues officielles », explique-t-elle. « DEO peut compter sur une équipe dynamique des langues officielles qui collabore étroitement pour servir les communautés de langue officielle en situation minoritaire de l’Ouest, et les membres de l’équipe communiquent ouvertement leur passion pour la dualité linguistique avec leurs collègues de la fonction publique. En 2019, pour célébrer le 50e anniversaire de la Loi sur les langues officielles, l’équipe des langues officielles de DEO a reçu le Prix d’excellence et de leadership en langues officielles. Je ne pourrais pas être plus fière. »
Malgré tout, il reste encore du chemin à parcourir, et ce, dans de nombreuses institutions fédérales. En effet, Carolyn Veitch côtoie parfois des personnes plus sceptiques à l’idée de reconnaître l’égalité de statut du français et de l’anglais. « Les moments les plus difficiles de ma carrière, du point de vue des langues officielles, découlent du fait que j’ai dû essayer de convaincre un collègue, qui occupait d’habitude un rôle de direction, de la valeur de la dualité linguistique ou de l’importance cruciale d’offrir des services aux membres de la population canadienne dans leur langue officielle de préférence. La diversité et le caractère inclusif sont des valeurs qui me tiennent à cœur, et je peux devenir contrariée lorsqu’on me demande de préparer une analyse de rentabilisation visant à démontrer leur importance dans le milieu de travail, même en 2020! »
Heureusement, la valeur de la dualité linguistique est tout sauf remise en question dans sa vie familiale, puisque ses enfants sont inscrits à des programmes d’immersion en français depuis la maternelle. Grâce à son bilinguisme, la fonctionnaire peut les appuyer dans leur parcours scolaire : « Je peux les aider à faire leurs devoirs ou regarder une vidéo avec eux dans l’une des deux langues officielles. Je peux m’engager au sein de leur communauté scolaire et raconter des expériences culturelles, comme Les Rendez-vous de la Francophonie. Je suis tout aussi enthousiaste à l’idée de lire une recette ou un poème avec eux dans l’une des deux langues officielles. Et je suis une mère très fière lorsqu’ils me mettent au défi et qu’ils passent et réussissent les examens du diplôme d’études en langue française! »
Le moins que l’on peut dire, c’est que Carolyn Veitch ne voit absolument aucun inconvénient à apprendre une deuxième langue à n’importe quelle étape de la vie. « Est-ce beaucoup de travail? Sans aucun doute, mais cela en vaut absolument la peine », souligne-t-elle. « L’apprentissage d’une langue seconde ouvre la porte à tellement de belles possibilités : commencer une conversation, partager un repas, explorer le pays, la culture et la perspective d’une autre personne, etc. La dualité linguistique enrichit nos vies de tellement de façons. »
Jody Doyle
Jody Doyle fait son entrée à la fonction publique en 1989 en tant qu’étudiant, puis y décroche son premier poste à temps plein en 1991. Directeur de l’expertise opérationnelle, Intégrité et Services nationaux, à Service Canada, il travaille aujourd’hui à St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador).
Jody Doyle
Jody Doyle maîtrise-t-il déjà la langue de Molière à son arrivée au gouvernement fédéral? Pas du tout! « Je ne possédais qu’une connaissance de base du français acquise à l’école secondaire et en écoutant La Soirée du hockey (Go Habs Go!) », confie-t-il. Redoublant d’efforts, il prend donc part, en 2010, à un projet pilote d’apprentissage des langues : « J’ai eu la chance d’être l’un des six premiers participants. L’apprentissage s’est effectué en classe ainsi que de façon individuelle et autonome et a été renforcé par des sorties éducatives et une courte période d’immersion au Québec. »
Sa détermination lui permet de réussir ses évaluations de langue seconde et, surtout, d’avoir accès à une véritable fenêtre d’occasions. En effet, il a la chance de collaborer à une campagne de sensibilisation avec la Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador (FFTNL). « Le directeur général de la FFTNL et moi avons visité des communautés francophones aux quatre coins de Terre-Neuve et du Labrador, où j’ai présenté des séances d’information sur les services et les programmes de Service Canada, comme l’assurance-emploi, le Régime de pensions du Canada ainsi que les subventions et les contributions », raconte-t-il. « Grâce à ma connaissance des langues, j’étais en mesure d’animer les séances, de répondre aux questions et de donner de l’information directement aux membres de ces communautés, et ce, toujours en français. De plus, ces efforts ont permis de renforcer les liens entre Service Canada et ces communautés francophones. »
Et nul besoin de rappeler à Jody Doyle l’importance de la dualité linguistique. Il en est pleinement conscient, lui qui dirige des employés situés dans les quatre provinces de l’Atlantique, dont au Nouveau-Brunswick, la seule province canadienne officiellement bilingue. « Je dois utiliser les deux langues officielles et encourager activement leur usage afin qu’elles fassent partie intégrante de nos opérations, tant à l’interne que pour la prestation de services au public. Pour moi, il ne s’agit pas simplement de respecter la loi ou les obligations, mais aussi d’une question de choix et d’équité », souligne-t-il. En outre, dans le cadre de ses fonctions de directeur, il est responsable de la formation et du développement du personnel, y compris de l’apprentissage des langues : « Il est très gratifiant d’aider à garantir que la population canadienne reçoit un service de qualité de la part d’employés bien formés et bien appuyés. »
D’ailleurs, même si son poste exige qu’il soit bilingue, Jody Doyle considère cette exigence comme une occasion qui lui permet d’approfondir ses relations interpersonnelles. « Aussi, comme j’habite et je travaille à Terre-Neuve-et-Labrador, où la population francophone est relativement petite, j’ai été en mesure de bien démontrer qu’il est possible d’apprendre le français et de maintenir ses acquis dans tout environnement, à condition que les bons outils soient en place », ajoute-t-il.
Cette vision, il la doit notamment aux défis qu’il a dû surmonter au cours de sa carrière, comme son passage à l’administration centrale de Service Canada, à Gatineau (Québec). « À ce moment, je ne parlais pas français et même si j’occupais un poste désigné “anglais essentiel”, je me sentais toujours quelque peu désavantagé lorsque j’interagissais avec mes collègues », raconte‑t‑il. « J’ai suivi des formations linguistiques à temps partiel au travail et participé de mon propre chef à des cours du soir, mais je regrette de ne pas avoir eu l’occasion d’apprendre davantage le français lorsque je vivais et travaillais au Québec. Heureusement, j’ai pu devenir bilingue à mon retour à Terre-Neuve-et-Labrador et j’interagis maintenant régulièrement avec des collègues francophones de partout au pays. »
En plus d’occuper une place de choix dans sa vie professionnelle, les langues officielles font aussi partie de l’héritage du fonctionnaire, car son grand-père maternel était originaire des îles françaises Saint-Pierre et Miquelon. Alors qu’il n’avait jamais eu la chance d’explorer cette partie de son histoire, Jody Doyle éprouve désormais un tout nouveau sentiment d’appartenance envers elle : « Maintenant que je maîtrise les deux langues tant à l’oral qu’à l’écrit, j’ai l’impression qu’un tout autre monde s’ouvre à moi et je suis enthousiaste à l’idée d’en apprendre plus sur mes racines à Saint-Pierre et en France. »
Fait intéressant, l’un des trucs les plus utiles pour apprendre le français fut de trouver la version française des choses qui le passionnent en anglais : « Je regarde beaucoup le hockey et je suis l’actualité politique. J’ai donc commencé à faire régulièrement ces activités en français. » Grâce aux bons outils et à un environnement favorable, cet apprentissage, qui peut sembler inaccessible à première vue, est donc loin de l’être. « Honnêtement, apprendre une langue ne se fait pas en criant ciseau. C’est un processus rempli de hauts et de bas. Cependant, les avantages de maîtriser une deuxième langue et de découvrir d’autres éléments culturels du Canada sont immenses. Apprendre une deuxième langue m’a aussi fait voir différentes façons de penser et de résoudre des problèmes que j’utilise encore régulièrement », avance-t-il.
Alors, que dirait Jody Doyle à quiconque hésite à se lancer dans l’apprentissage d’une seconde langue? « Tout simplement : allez-y! »
Kevin Crombie
Fort de ses 18 années d’expérience à la fonction publique fédérale, Kevin Crombie est souvent reconnu comme le francophone de service de son équipe… bien que sa langue maternelle soit l’anglais! Conseiller principal auprès d’un sous-ministre adjoint à Services partagés Canada, il exerce aujourd’hui sa profession dans la région de la capitale nationale.
Kevin Crombie
Kevin Crombie l’admet sans détour : « Je ne suis pas particulièrement doué pour les langues. » Pourtant, cet employé de Services partagés Canada, dont la langue maternelle est l’anglais, s’exprime aujourd’hui avec une aisance déconcertante dans la langue de Molière. Comment s’y est-il donc pris? « Ce n’est pas bien compliqué », répond-il. « Quand tu veux apprendre une langue, il faut y mettre des efforts. »
Originaire de Lindsay, en Ontario, celui qui est aujourd’hui conseiller principal auprès d’un sous‑ministre adjoint a fait ses premiers pas en français à l’école secondaire et a poursuivi son apprentissage quelques années plus tard à l’université. Tout au début de sa carrière, lorsqu’il était journaliste, notamment pour La Presse canadienne, les notions de base qu’il avait acquises quelques années plus tôt lui sont alors d’une très grande aide : « J’étais souvent le seul journaliste à comprendre les deux langues officielles du pays; cela me donnait un atout considérable puisque j’avais une meilleure compréhension des enjeux touchant les deux communautés linguistiques du pays. »
Mais le véritable déclic s’opère lorsqu’il s’installe à Montréal alors qu’il est dans la mi‑trentaine : « J’ai réalisé que mon français était limité. Je pouvais commander à manger dans un restaurant, mais ce n’était pas suffisant pour me trouver un emploi. J’ai mis une annonce dans le journal dans laquelle je proposais d’aider ceux qui voulaient apprendre l’anglais à condition qu’ils m’aident à améliorer mon français. J’ai reçu des dizaines de réponses et je me suis fait plusieurs bons amis. » Pendant 18 mois, il paye par ailleurs de sa propre poche des cours du soir de français à l’Université McGill et insiste pour se faire servir dans cette langue partout où il va. Sans grande surprise, les résultats ne se font pas attendre. Lorsqu’il a obtenu son premier emploi dans la fonction publique fédérale à Transports Canada, il a obtenu un « E » à ses tests d’évaluation de langue seconde, ce qui signifiait que ses connaissances étaient suffisamment élevées pour qu’il soit exempté indéfiniment de passer à nouveau ces tests.
Son bilinguisme teinte, dès lors, sa vie professionnelle. À Transports Canada, il travaille sur un projet d’éducation et de sensibilisation du public et, grâce à sa maîtrise des deux langues officielles, il se voit envoyé dans les salons professionnels partout au pays, un travail convoité par plusieurs. Dans sa vie personnelle, le français occupe une place importante : des rendez‑vous chez le médecin aux émissions de télévision, tout se passe en français. Il partage d’ailleurs sa vie avec un francophone depuis plus de 20 ans. « En tant qu’adulte, j’ai découvert une culture riche et fascinante à laquelle je ne pouvais accéder qu’en parlant l’autre langue », confie-t-il.
Les avantages du bilinguisme, il ne les compte donc plus. Il encourage d’ailleurs toute personne qui souhaite se lancer à y aller les yeux fermés : « Il n’y a pas d’inconvénients à connaître une deuxième langue. Une chose qui m’a grandement aidé, c’est de me rendre compte que les gens ne vous jugent pas parce que vous essayez d’apprendre. Parfois, j’avais du mal à trouver mes mots et je me sentais stupide et gêné, mais tout ça était dans ma tête. »
Aux yeux de Kevin Crombie, s’il n’existe aucune formule magique pour apprendre sans effort, la clé de la réussite se trouve dans la répétition. Au cours de ses 18 années passées à la fonction publique, il s’est toujours mis un point d’honneur à parler en français à ses collègues francophones et à lire la documentation en français pour rester à jour dans son vocabulaire. À quiconque souhaite s’améliorer, ses conseils sont définitifs : « Pratiquez, pratiquez, pratiquez. Chaque occasion est bonne. Les conversations informelles vous aideront particulièrement. »
Il va sans dire qu’avec sa volonté affirmée, Kevin Crombie déboulonne les mythes. Nul n’a besoin de posséder un talent particulier ou de commencer dès la tendre enfance pour devenir bilingue : l’apprentissage d’une langue est à la portée de qui est prêt à y mettre des efforts. S’ouvre alors un monde de possibilités.
Martin Barakengera
Il y a un peu plus de huit ans, Martin Barakengera faisait son entrée à la fonction publique. Chef, Approbations fédérales de l’utilisation du sol et des transactions, à la Commission de la capitale nationale, il a de quoi être fier : il a réussi à apprendre par lui-même sa langue seconde, l’anglais, après avoir suivi un cours de base à l’école secondaire.
Martin Barakengera
Martin Barakengera est déjà bien au fait des avantages du bilinguisme, tant d’un point de vue social qu’intellectuel. En effet, en plus de lui donner accès à un éventail plus large de médias et d’œuvres littéraires, cette compétence lui permet d’interagir aisément avec les membres de sa famille, ses amis et ses connaissances qui ne parlent que l’une des langues officielles. Et ce n’est pas tout. « Avec l’anglais et le français, j’ai plus de possibilités d’emploi que les adultes monolingues et j’ai beaucoup de choix quand vient le moment de choisir ma prochaine destination de voyage », ajoute-t-il.
D’ailleurs, nul besoin de lui vanter l’utilité du bilinguisme en milieu de travail; le gestionnaire met à profit sa capacité de comprendre et de parler les deux langues officielles au quotidien, lui qui travaille dans la région de la capitale nationale. En effet, en tant que leader, Martin Barakengera considère comme important d’être capable d’expliquer des problèmes complexes, d’être persuasif, d’intervenir dans un conflit au travail, de superviser son équipe et de donner des conseils, quelles que soient les préférences linguistiques de ses interlocuteurs.
Comme il l’explique si bien, le fait d’être bilingue lui est aussi d’une aide précieuse lorsqu’il doit rapidement résoudre des problèmes touchant des employés : « Généralement parlant, j’ai observé qu’en situations tendues ou lors des moments de conflit, les gens ont tendance à se détendre et à baisser un peu la garde quand je commence à leur parler dans leur langue officielle préférée. Ceci me rappelle ce qu’avait dit Nelson Mandela, l’ancien président de l’Afrique du Sud : “Si vous parlez à un homme dans une langue qu’il comprend, vous parlez à sa tête. Si vous lui parlez dans sa langue, vous parlez à son cœur.” »
La considération que Martin Barakengera porte aux personnes qui l’entourent n’est guère surprenante puisque les relations interpersonnelles font partie intégrante des facettes de son emploi qu’il préfère, à savoir : « coordonner le travail de mes subordonnés directs pour m’assurer que les objectifs généraux de l’organisation sont atteints; donner plus de pouvoir à mes subordonnés directs et leur donner la possibilité de répondre à leurs objectifs de développement professionnel; et, enfin, créer des liens et amitiés à l’intérieur et à l’extérieur de mon organisation ».
Au cours de ses huit années de travail au sein du gouvernement fédéral, Martin Barakengera a dû relever plusieurs défis professionnels. Heureusement, le fonctionnaire a plus d’une corde à son arc, dont sa maîtrise des langues officielles. « J’étais responsable de l’examen, aux fins d’approbation fédérale de l’utilisation du sol, du design et des transactions, d’un projet d’infrastructure très important avec beaucoup d’enjeux pour la région de la capitale nationale, sans précédent pour me guider », raconte-t-il. « En plus, il y avait beaucoup d’intervenants à rencontrer, coordonner ou persuader, et la tâche était fastidieuse. Cependant, grâce à mes compétences techniques et personnelles, y compris ma compétence bilingue, j’ai pu résoudre la grande majorité des enjeux et mener l’examen du projet à bon port, avec des résultats impressionnants. »
Ainsi, force est d’admettre que les avantages sociaux et professionnels que procure l’apprentissage des langues officielles en valent la peine. Un apprentissage que Martin Barakengera encourage d’ailleurs sans hésiter : « Ayant en grande partie appris ma seconde langue officielle par autodidaxie, je n’ai pas trouvé en cela un défi énorme. Toute personne déterminée peut le faire. »
LeeAnn Haché
Agente des services frontaliers au tunnel Detroit-Windsor, un passage international qui relie Windsor, en Ontario, et Detroit, au Michigan, LeeAnn Haché assume fièrement son bilinguisme depuis son tout jeune âge.
LeeAnn Haché
Avant même d’avoir l’âge de commencer à travailler, LeeAnn Haché est témoin des avantages du bilinguisme. « Quand j’étais petite, j’ai vu comment la capacité de communiquer en anglais et en français était un avantage pour mon père, qui occupait un emploi dans le domaine minier. Je voulais donc faire de même »
, raconte-t-elle.
Cette mentalité ne tarde pas à lui rendre service. En effet, lors de sa quête d’un emploi d’été à l’adolescence, le fait d’être bilingue lui permet non seulement de se distinguer des autres postulants, mais également de remplir ses tâches plus efficacement : « J’aimais être capable de servir les clients dans la langue de leur choix, sans être obligée de chercher quelqu’un d’autre pour les servir. »
Mais, comment LeeAnn Haché a-t-elle réussi à perfectionner sa langue seconde? Fille d’un père québécois et d’une mère native de l’Angleterre, celle qui travaille à l’Agence des services frontaliers du Canada depuis maintenant 19 ans doit une fière chandelle à ses parents. « J’ai demeuré en Abitibi, une région francophone au Québec, donc mes parents ont voulu m’envoyer à l’école anglaise afin que je puisse bien communiquer dans les deux langues officielles du Canada »
, explique-t-elle.
Ce n’est pas un secret, être bilingue apporte son lot de possibilités, et LeeAnn Haché peut en témoigner. Lorsqu’elle a 17 ans, son employeur, une agence de location d’automobiles, annonce qu’un des employés aura la chance d’aller travailler à Baie-James, au nord du Québec, pendant deux semaines. À quelle condition? La personne choisie doit être bilingue afin de pouvoir servir la clientèle de l’entreprise. « Je me suis donc fait offrir l’occasion de travailler pour eux, et ceci n’aurait pas été possible si je n’avais pas été capable de communiquer dans les deux langues »
, se souvient-elle. Évidemment, sa capacité à très bien communiquer en français et en anglais a aussi contribué à son embauche comme agente des services frontaliers. Accueillir les touristes qui visitent le Canada, particulièrement lorsqu’ils ne sont jamais venus auparavant, représente d’ailleurs l’un des aspects de son emploi qu’elle préfère, sans oublier son devoir d’assurer la sécurité et le bien-être de la population canadienne.
Bien qu’elle n’ait jamais douté de l’importance d’être bilingue, LeeAnn Haché ne pourrait pas, aujourd’hui, être plus fière de sa maîtrise des deux langues officielles. En effet, en offrant un service aux membres du public dans la langue officielle de leur choix, l’agente leur donne le sentiment d’être les bienvenus à leur arrivée à la frontière canadienne. Plus encore, il s’agit d’une compétence qui lui permet d’aider à s’occuper des réfugiés et de les mettre à l’aise tout au long du processus de leur cas d’immigration dans lequel elle est impliquée.
Au-delà du travail, les langues officielles sont aussi bien présentes dans la vie personnelle de LeeAnn Haché. « Je suis fière d’être Québécoise et d’être Canadienne et je trouve non seulement important, mais nécessaire d’être capable de communiquer en français et en anglais »
, souligne-t-elle. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle a transmis ces valeurs à son garçon de 14 ans, dans l’espoir qu’il puisse lui aussi profiter un jour des nombreux avantages du bilinguisme.
Enseignants de langue seconde (2020)
Rhonda Fox
Rhonda Fox baigne dans le domaine de l’enseignement depuis près de 30 ans, dont plus de la moitié en tant qu’enseignante d’anglais langue seconde au Canada et à l’étranger. Empathique et à l’écoute, voilà des qualités qui décrivent bien celle qui travaille aujourd’hui à l’école secondaire catholique John Cabot à Mississauga, en Ontario.
Rhonda Fox
Pourquoi Rhonda Fox est-elle devenue enseignante? Parce qu’elle était passionnée par les langues. Cette passion l’a amenée à obtenir un baccalauréat ès arts en linguistique et un baccalauréat en éducation de l’Université Memorial de Terre-Neuve, puis à commencer sa carrière comme enseignante de littérature anglaise au secondaire.
Il y avait toutefois un morceau manquant. « J’aimais explorer la littérature avec mes étudiants; cependant, j’étais toujours attirée par les rouages de la langue et en train de discuter avec des étudiants des nuances de l’anglais et du pouvoir des mots. Cette passion fut le catalyseur qui m’a poussée à obtenir une qualification de spécialiste en enseignement de l’anglais langue seconde de l’Université York, une décision qui a changé le cours de ma carrière et de ma vie. »
En effet, Rhonda Fox a choisi de se consacrer à une profession qu’elle apprécie profondément, et qui en retour, la fait grandir quotidiennement : « En tant qu’enseignante d’anglais, j’accueille le monde dans ma classe tous les jours, ce qui est tout un honneur. »
En plus d’apprendre de ses élèves, elle a également le privilège d’assister à un échange de connaissances unique entre eux, « car la plupart n’ont jamais vécu dans une ville aussi diversifiée sur le plan culturel que Mississauga. Les élèves sont de fiers ambassadeurs de leur pays de naissance »
.
Être enseignant de langue seconde, c’est recevoir une constante dose d’humilité et se faire rappeler la chance que nous avons de vivre dans un pays comme le Canada. « Les raisons qui ont poussé bon nombre de mes élèves à quitter leur maison et à déménager en Ontario sont marquées par des difficultés inimaginables. C’est pour cela que des choses magiques se produisent dans une classe d’anglais langue seconde, lorsque des élèves se soutiennent les uns les autres, car ils sont liés par les tragédies et les triomphes qui les ont amenés au Canada. La classe d’anglais langue seconde est un endroit sécuritaire où ils peuvent faire leurs premiers pas en anglais et dans la culture canadienne en compagnie de compagnons de classe empathiques. »
Côtoyer ces jeunes donne ainsi souvent lieu à des rencontres marquantes.
« J’enseigne à de nombreux élèves qui ont déjà vécu dans des zones de conflit. Bien que je ne leur pose jamais de questions sur leurs expériences passées, je les informe des services de soutien offerts par l’école et par la communauté pour eux et leurs familles, et je leur fais comprendre qu’ils peuvent faire appel à moi en cas de besoin […] L’an dernier cependant, inspirée par une lecture faite en classe, une élève a pris la plume et a raconté pour la première fois les expériences traumatisantes qu’elle a vécues durant la guerre, et ce, non pas parce que je l’avais demandé, mais plutôt à sa propre initiative dans le cadre de son cheminement personnel et de son processus de guérison, raconte Rhonda Fox. Après avoir écrit plus de dix pages, cette élève m’a remis sa composition et m’a dit qu’elle était peut-être maintenant prête à commencer à raconter son histoire. Elle souhaitait que je l’aide à réviser son texte afin que les gens puissent bien comprendre ses expériences si elle décide un jour de le faire lire à d’autres. En me faisant le grand privilège de me confier son histoire, cette jeune fille m’a donné un aperçu du passé de bon nombre des élèves qui sont présents devant moi tous les jours, ce qui oriente depuis mes méthodes d’enseignement. »
Soucieuse de répondre aux besoins de ses élèves, l’enseignante de Mississauga s’est d’ailleurs donné la mission d’en apprendre le plus possible sur leur réalité en parcourant le monde. « Enseigner l’anglais au Mexique et en Chine, par exemple, m’a aidée à mieux comprendre à quel point il peut être difficile d’apprendre à connaître un pays et une culture lorsqu’on n’en parle pas la langue. »
Et son dévouement ne s’arrête pas là. Afin d’acquérir une perspective mondiale de l’éducation, Rhonda Fox a aussi pris part au Projet outre-mer, un programme international géré par la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants en collaboration avec les syndicats provinciaux d’enseignants. Ce projet constituait une occasion de développement professionnel inestimable à ses yeux : « Au cours de la dernière décennie, je suis allée en Mongolie, à la Grenade, à la Dominique et en Ouganda pour collaborer avec les syndicats nationaux d’enseignants à l’offre d’activités de développement professionnel aux éducateurs […] Pour les enseignants d’anglais langue seconde, les voyages sont des investissements qui font d’eux de meilleurs professeurs et citoyens du monde. »
Rhonda Fox ne saurait être plus fière du chemin parcouru par ses élèves, surtout lorsqu’on considère les lacunes comblées par certains d’entre eux qui, par le passé, « n’ont pas eu l’occasion de développer les capacités de lecture et d’écriture ainsi que de calcul nécessaires pour contribuer à leur réussite scolaire »
. Évidemment, le soutien et l’empathie de la part de leurs enseignants et de la communauté scolaire élargie sont aussi des facteurs clés de leur réussite.
Sa philosophie est d’ailleurs bien simple : « Je rappelle toujours à mes élèves à quel point ils sont chanceux de tous parler au moins deux langues, car pour les jeunes Canadiens, le bilinguisme est synonyme de possibilités. Plus d’options s’offriront à eux au Canada et à l’étranger puisqu’ils ont pris le temps d’apprendre une autre langue. Je leur rappelle également qu’il est payant, littéralement, d’être bilingue! »
Leah Marie Fornwald
Ancienne élève de l’École secondaire Weyburn Comprehensive en Saskatchewan, Leah Marie Fornwald y joue aujourd’hui un rôle complètement différent, mais ô combien essentiel : celui d’enseignante de français langue seconde.
Leah Marie Fornwald
Comme plusieurs autres jeunes à cet âge, Leah Marie Fornwald n’est pas enthousiaste à l’idée de suivre des cours de français lors de ses études secondaires. Elle décide donc de s’en passer en se disant que, de toute façon, ils ne lui seront jamais utiles mais, ironiquement, elle deviendra enseignante de français langue seconde quelques années plus tard. En effet, Leah Marie Fornwald se laisse séduire par la profession, car elle lui permet de combler son besoin insatiable d’apprendre. « Apprendre à enseigner, c’est le travail d’une vie complète, et l’apprentissage des langues, c’est un défi qui me tient à cœur. Le monde est fascinant et les langues nous permettent de découvrir ce monde ensemble. »
Elle connaît toutefois des débuts difficiles, qui la mènent à quitter l’enseignement après deux ans pour travailler comme agente des services frontaliers. Leah Marie Fornwald fait finalement son retour en salle de classe en 1998. « Avec une meilleure appréciation pour les professeurs comme membres de mon équipe, pour les élèves et pour la vie chaotique et heureuse du milieu scolaire », explique-t-elle.
Et l’enseignante de la Saskatchewan n’a jamais regardé derrière depuis. En effet, elle apprécie chaque moment, aussi banal soit-il, comme lorsqu’elle attend ses élèves à la porte de la classe à la sonnerie de la cloche. « Je les vois et je me dis “comme je suis chanceuse de pouvoir apprendre avec ces personnes intéressantes et curieuses” »
.
Leah Marie Fornwald s’efforce d’ailleurs de donner à ses élèves tous les moyens de réussir, que ce soit à travers la musique, les films ou les histoires. Elle est ainsi remplie de fierté chaque fois qu’elle est témoin d’un « light bulb moment »
comme elle les appelle, c’est-à-dire lorsqu’un de ses élèves fait une découverte ou voit le monde d’une autre façon. Au-delà de la matière, elle tient aussi à leur enseigner des stratégies, en lecture par exemple, qui leur seront utiles tout au long de leur parcours scolaire, tant en histoire, en anglais, en français qu’en mathématiques. Malheureusement, même avec la meilleure volonté du monde, la réalité de sa profession la rattrape parfois. « Ce qui est difficile, c’est qu’il y a tant de besoins, et les jours passent si vite. Nous voulons tout faire pour tout le monde, mais c’est impossible »
, avoue-t-elle.
Cela dit, Leah Marie Fornwald est déterminée à affronter ces défis afin de changer la vision des jeunes qui, comme elle autrefois, pourraient douter de l’importance d’apprendre une seconde langue. « Pour moi, l’apprentissage des langues, c’est une façon de bâtir des ponts pour que nous puissions partager nos expériences, nos histoires et nos intérêts. En partageant, nous découvrons ce que Maya Angelou dit dans son poème intitulé Human Family : “We are more alike, my friends, than we are unalike.” Ce qui est, pour moi, la clé de la vie. »
Stephen Hare
Avec 13 années d’expérience en enseignement des langues secondes, en français et en anglais, au Canada et à l’étranger, Stephen Hare possède une feuille de route impressionnante.
Stephen Hare
En 2003, Stephen Hare s’envole vers Paris pour enseigner l’anglais à nos voisins Français. Il nourrit alors l’espoir de transmettre aux élèves sa vision du bilinguisme, un concept qui « nous ouvre au monde autour de nous. »
Lors de son séjour, Stephen Hare prend toutefois conscience de son amour pour la langue de Molière. « Mes amis Français étaient très accueillants, et les élèves et étudiants étaient tellement motivés à apprendre l’anglais. Alors, je me suis dit qu’être enseignant de français en tant que langue seconde au Canada m’offrirait le même sentiment dans mon propre pays, et c’est le cas! »
, souligne-t-il.
Ainsi, depuis 2008, Stephen Hare enseigne le français langue seconde à l’école Madeline Symonds Middle School à Hammonds Plains, en Nouvelle-Écosse. Une profession qui le motive jour après jour. « Pour moi, l’enseignement est un acte social d’une haute conscience »
, explique-t-il. En effet, les enseignants ne cessent jamais de réfléchir à de nouvelles méthodes d’apprentissage pour encourager et motiver leurs élèves. Fait inusité, Stephen Hare garde toujours en tête le film Groundhog Day de 1993 lorsqu’il commence sa journée de travail :« Chaque jour, on a la possibilité d’améliorer quelques éléments par rapport à hier, et cela me motive sans cesse. »
Aussi simples soient-ils, les petits gestes de reconnaissance que reçoit l’enseignant lui font d’ailleurs chaud au cœur. « Cet été, j’ai reçu un courriel d’une ancienne étudiante. Elle constatait que chaque fois qu’elle pense ne pas pouvoir réussir, elle se dit que M. Hare croit en elle […] et que cela fait la différence »
, raconte-t-il humblement.
Mais Stephen Hare admet aussi avoir subi quelques coups durs au cours de sa carrière, comme la première fois où il a dû présenter ses excuses à une élève à la suite de ses commentaires trop abrupts. Une situation délicate qui « ne s’apprend pas dans la formation d’enseignement, et pourtant, c’est un savoir-faire si nécessaire. »
Ressentant le profond bouleversement de la jeune fille, l’enseignant savait qu’il avait eu tort, bien que son intention fût simplement de pousser l’élève à fournir un effort à la hauteur de ses capacités. « Après une nuit blanche remplie de réflexions, je lui ai fait mes excuses les plus sincères. Je n’oublierai jamais comment elle avait répondu avec “Je respecte ça, M. Hare.” »
« Il n’y a rien qui vaille plus chez les jeunes qu’un être authentique, ajoute-t-il. Ils savent intuitivement que tout le monde fait des erreurs, et les avouer nous rend humains à leurs yeux. »
Nicole Tryon
S’il y a une personne capable de se mettre dans la peau des élèves des classes d’immersion française, c’est bien Nicole Tryon. L’enseignante à l’École Campbelltown d’Edmonton (Alberta) a elle-même suivi un tel programme de la maternelle à la 12e année, puis pendant ses études universitaires.
Nicole Tryon
Nicole Tryon est initiée au bilinguisme dès son tout jeune âge par sa participation à un programme d’immersion française et grâce à l’influence positive de ses parents. Rapidement, elle comprend que la contribution d’une deuxième langue à notre culture et à notre identité est incontestable. « Je voulais exercer une profession qui me permettrait d’inspirer ce sentiment »
, souligne-t-elle.
Mais Nicole Tryon n’a pas choisi sa profession, c’est sa profession qui l’a choisie. En effet, après avoir travaillé avec des enfants pendant des années au camp d’été du YMCA et avoir pris part aux Cadets de l’Armée, son chemin vers le monde de l’enseignement s’est tracé naturellement. Sautant à pieds joints dans cette aventure, elle entame aujourd’hui sa deuxième année en tant qu’enseignante de français langue seconde. « J’aime l’imprévisibilité des élèves et de mes journées de travail. J’ai non seulement la chance de les voir tomber amoureux du français, mais également de faire partie de leur histoire avec cette langue. »
Pour ce faire, Nicole Tryon peut compter sur des conditions favorables à l’épanouissement de la langue française dans un milieu anglophone, ce qui n’est pas toujours le cas. « J’ai la chance de travailler dans un milieu où tout le monde a le bilinguisme à cœur et veille à favoriser son développement et sa promotion auprès de tous les élèves »
, affirme-t-elle.
Alors que ses parents ont autrefois fait confiance à des enseignants de langue seconde pour l’aider à devenir bilingue, c’est maintenant à son tour d’avoir l’honneur d’épauler les enfants dans leur apprentissage d’une nouvelle langue. Nicole Tryon prend d’ailleurs plaisir à les voir progresser lors des cercles d’échange qu’elle organise dans sa classe chaque semaine. « Un de mes élèves ne participait qu’en anglais ou répondait uniquement “jeux vidéo” lorsque je lui demandais ce qu’il avait fait la veille ou la fin de semaine précédente. Après avoir adopté ce comportement pendant un mois et demi, période pendant laquelle je lui ai suggéré des corrections et des mots en français, l’élève m’a souri, puis a souri à la classe et a dit : “J’ai joué les jeux vidéo.” Toute la classe s’est mise à applaudir. Non seulement cet élève a gardé son sourire pendant le reste de la journée, mais il a continué à utiliser et à améliorer sa phrase jusqu’à la fin de l’année. »
L’enseignante d’Edmonton tente également de donner une vitrine aux jeunes par l’entremise d’activités organisées sous le thème « montrer et raconter »
. Par exemple, elle a un jour demandé à ses élèves de présenter un objet qu’ils avaient rapporté d’un voyage familial ou d’une aventure à l’extérieur de l’Alberta. « Un élève a décidé de créer une vidéo qui intégrait de la musique, des photos et du texte qu’il avait écrit. Non seulement le texte, qui passait d’un côté à l’autre de l’écran, était en français, mais l’élève avait également fait la narration de sa vidéo, ce qui a exigé qu’il cherche divers mots en français qui ne faisaient pas partie de son vocabulaire courant. J’étais vraiment très heureuse de voir que cet élève avait déployé autant d’efforts pour raconter son histoire en Français à la classe. »
Pourquoi le bilinguisme est-il si important à ses yeux? « En tant que Canadienne, je crois que le bilinguisme est plus qu’une question de compréhension et de reconnaissance. Il faut plus particulièrement savoir reconnaître la valeur non seulement de nos deux langues officielles, mais également d’autres langues et cultures, et faire preuve de compréhension à leur égard. C’est ce que j’essaie d’enseigner à mes élèves »
, affirme Nicole Tryon.
Stephen Ferguson
Les langues officielles sont loin d’être étrangères à Stephen Ferguson, qui enseigne le français langue seconde à l’école régionale de Souris à l’Île-du-Prince-Édouard pendant l’année scolaire et l’anglais langue seconde à l’école secondaire Colonel-Gray à Charlottetown durant la saison estivale.
Stephen Ferguson
Enseignant chevronné, Stephen Ferguson a entamé sa carrière à Chicoutimi, au Québec, en 1986 alors qu’il apprenait lui-même les rudiments du français. Passionné par l’enseignement de l’anglais langue seconde, il s’inscrit dans cette discipline à l’Université Concordia.
Pour Stephen Ferguson, enseigner ne se limite pas au cadre linguistique : « Ce que j’aimais le plus de l’enseignement de l’anglais langue seconde, c’est que je n’enseignais pas seulement les principes de la langue, mais aussi des notions telles que la science, la littérature et les sciences humaines dans cette langue. »
Ainsi, pendant dix ans, il continue d’enseigner l’anglais au Québec, tout en poursuivant en français ses études de 2e cycle en littérature canadienne comparée.
Le fait de vivre en français et d’enseigner en anglais au Québec lui a donné une perspective unique lui permettant de faire le saut et d’enseigner le français au Canada anglais! « Vivre dans une langue officielle et enseigner l’autre semblait tout naturel, et lorsque j’ai déménagé au Canada anglais, j’ai commencé à enseigner le français et à enseigner en français »
, explique-t-il.
Ce que préfère par-dessus tout Stephen Ferguson dans son travail, c’est l’esprit de collaboration. « J’ai eu la chance de faire partie de communautés d’apprentissage professionnelles très solidaires tout au long de ma carrière »
, souligne l’enseignant. Ainsi, il s’est rendu jusqu’au Yukon afin d’étudier la méthode neurolinguistique de l’enseignement des langues secondes, sous la direction de Pascal Saint-Laurent, conseiller pédagogique réputé. L’enseignant a pu mettre à l’épreuve cette nouvelle vision lors de son passage à l’Île-du-Prince-Édouard auprès d’une équipe formidable à la Direction des écoles publiques, où il poursuit aujourd’hui sa carrière florissante dans deux écoles secondaires.
Certes, son cheminement dans les écoles francophones est parsemé de moments mémorables. « Ici, j’ai pu transmettre ma connaissance de la langue anglaise et des matières connexes tout en travaillant dans un milieu francophone. Il s’agit pour moi du mariage parfait de deux mondes. En tant que professionnel, j’avais l’impression que mes connaissances et mon expertise étaient valorisées et, en tant que personne, je me sentais en parfaite harmonie, car je pouvais participer comme membre à part entière de ma société d’adoption. »
Néanmoins, l’un des moments les plus marquants remonte à l’époque où il enseignait à Grise Fiord au Nunavut, ou Aujuittuq en inuktitut, le « lieu qui ne dégèle jamais »
. Là-bas, la fin du printemps coïncide avec la saison de chasse et les examens de fin d’année. Cette année-là, une harde de caribous de Peary s’était aventurée près du village, phénomène très rare dans cette région. Les élèves prévoyaient donc partir à l’aventure aussitôt leur examen d’anglais langue seconde terminé. Quelque temps auparavant, Stephen Ferguson avait lu un article à ce sujet dans une revue : la même chose s’était produite à Resolute Bay. Hélas, des chasseurs un peu trop enthousiastes avaient décimé tous les caribous, jusqu’au dernier. Puisque cet animal ne fait pas partie d’une espèce indigène, aucun quota de chasse n’est établi. Stephen Ferguson a donc profité de l’occasion pour intégrer ces questions dans l’examen final : « Croyez-vous en l’importance de transmettre la tradition de la chasse au caribou à vos enfants et vos petits-enfants? Si oui, comment comptez-vous y arriver s’il ne reste aucun caribou vivant? »
Après l’examen, les élèves sont partis chasser. À leur retour, l’un d’entre eux s’est confié à l’enseignant. « L’un des élèves de douzième année est venu me voir pour me dire qu’il avait réfléchi à la question de l’examen et que les élèves n’avaient pas tué tous les caribous. Cet élève est maintenant un agent de conservation au Nunavut »
, raconte-t-il.
Avide de nouvelles aventures, Stephen Ferguson s’est exilé en Corée du Sud pendant 12 ans pour enseigner l’anglais. De retour au Yukon, il s’est consacré à l’enseignement du français langue seconde au niveau primaire, ce qui comportait son lot de défis. Les méthodes d’enseignement et les besoins des élèves avaient bien changé. « Je me suis rapidement plongé dans le perfectionnement professionnel. J’ai mis l’accent sur l’apprentissage axé sur les projets et sur les ressources ainsi que sur les méthodes optimales pour reconnaître les besoins socioémotionnels des élèves. Ce ne fut cependant pas une transition rapide. »
Heureusement, fort de nouvelles compétences axées sur les besoins socioémotionnels et bien appuyé par ses collègues, l’enseignant a tôt fait d’établir et de tisser des liens avec ses apprenants.
Stephen Ferguson a contribué à l’apprentissage d’une seconde langue chez des milliers de jeunes Canadiens au fil des ans. Toutefois, qu’est-ce que le bilinguisme veut dire pour eux? « Je crois que le bilinguisme permet aux jeunes Canadiens d’ouvrir des portes, tant vers une communauté canadienne et mondiale plus vaste que vers de nouveaux volets de leur identité et de leurs passions qu’ils peuvent découvrir par le biais d’une autre langue. »
Il croit qu’en se dépassant pour apprendre une deuxième langue, les jeunes gagnent en confiance. Selon Stephen Ferguson, « maîtriser une autre langue et s’immerger dans une autre culture donnent l’occasion de voir le monde sous un angle différent, ce qui favorise la tolérance et l’acceptation des différences »
.
Lisa Deguire
Conférencière prisée et férue de technologie, Lisa Deguire est aussi professeure d’anglais langue seconde au Cégep de Jonquière à Saguenay, au Québec, où elle y enseigne depuis 1996 et occupe depuis peu le rôle de conseillère pédagogique. Depuis les six dernières années, elle collabore à des échanges virtuels avec des collègues d’autres régions, pays et continents. Cette semaine, faites la connaissance de Lisa Deguire!
Lisa Deguire
D’où viens-tu? Cette question, l’enseignante la pose souvent à ses étudiants afin de leur faire prendre conscience de leur propre histoire et culture. La réponse n’est toutefois pas si évidente pour Lisa Deguire, une Anglo-Québécoise, qui vient… d’un peu partout!
Née au Québec dans une famille linguistiquement mixte (anglais-français), Lisa Deguire se considère à bien des égards comme le fruit de la politique des langues officielles du Canada. Fille d’une famille de militaires, elle a « grandi dans un foyer qui valorisait et parlait non seulement les deux langues officielles, mais aussi la langue et la culture des endroits où nous étions affectés »
. Elle a reçu une éducation en anglais sur des bases des Forces armées canadiennes situées au pays et à l’étranger et elle a aussi appris l’allemand à un jeune âge. « Lors de récents échanges virtuels avec des étudiants et des enseignants d’outre-mer, j’ai tenté d’améliorer mes connaissances en espagnol et en hébreu, et je continue à apprendre et à améliorer mon français. D’une certaine façon, je souhaitais rendre la pareille, redonner ce que je recevais. »
Après des années d’exil et d’éducation en anglais, Lisa Deguire ne sentait pas qu’elle maîtrisait suffisamment sa deuxième langue officielle pour en faire sa langue de travail. C’est pour cette raison qu’elle a décidé d’utiliser sa langue maternelle, sa véritable force, afin d’aider les autres à apprendre une deuxième langue. « J’étais fière de mon héritage bilingue et je souhaitais le transmettre. »
Selon elle, l’enseignement et l’apprentissage des langues ont un côté rassembleur, car elles permettent de mieux se comprendre. Par contre, l’enseignement des langues est également une science, un art et une compétence. « C’est une science en ce sens que les éducateurs doivent rester bien au fait des meilleures pratiques et de la recherche cognitive pour mieux appuyer les étudiants dans leur processus d’apprentissage. De même, c’est un art dans la mesure où l’on communique nos passions et notre histoire par les mots, et la création de liens. C’est une compétence en ce sens que nous devons être capables non seulement de nous adapter aux besoins de nos étudiants, mais aussi de diversifier nos stratégies d’enseignement »
, explique-t-elle.
Ce que Lisa Deguire apprécie au plus haut point, c’est d’apprendre de ses étudiants, même si ça peut sembler un peu cliché. Pour elle, enseigner une langue revêt un côté multidimensionnel : « Notre profession est une combinaison complexe d’interactions, de communications, de mots, d’idées, de cultures, de règles et, surtout, de personnes. »
Passionnée par la « conception et le développement ainsi que par l’intégration efficace de la technologie en enseignement et en apprentissage »
, les débuts de l’enseignante coïncident avec les tout premiers balbutiements du Web en salle de classe. Aujourd’hui, la technologie n’influence pas seulement « comment nous enseignons, mais de plus en plus ce que nous enseignons à nos étudiants »
, ajoute-t-elle.
Récemment, l’Association québécoise de pédagogie collégiale a décerné une mention d’honneur à Lisa Deguire pour souligner sa contribution à l’enseignement. Elle affirme que c’est l’une des choses les plus gratifiantes et les plus stimulantes qu’elle ait jamais vécues. « D’une part, je suis heureuse que mes efforts soient reconnus, mais d’autre part, je pense à tant de collègues qui le méritent autant, sinon plus! »
Elle ajoute qu’elle a le sentiment de représenter « tous les membres de notre département d’anglais en acceptant cet honneur, car il est impossible de réussir sans des collègues inspirants. Aucun d’entre nous ne travaille seul; nous nous appuyons sur l’expérience et sur la créativité de nos collègues. »
Cependant, malgré les distinctions et les hommages, Lisa Deguire considère toujours qu’enseigner l’anglais langue seconde au Québec demeure un défi. Elle croit que dans une province majoritairement francophone, les enseignants de la langue officielle majoritaire au Canada doivent avoir une idée très claire de leurs objectifs : « En tant qu’éducateurs, nous pouvons choisir d’ignorer la politique partisane, mais la vérité est que nous mettons en œuvre des politiques gouvernementales et faisons donc partie du système. »
En tant que professeure de langue et personne bilingue, Lisa Deguire reconnaît le droit de toute minorité de protéger et de promouvoir sa langue et sa culture. Depuis quelques années, ce droit s’applique aux langues autochtones et elle s’en réjouit.
Interrogée sur la signification du bilinguisme pour les jeunes Québécois, Lisa Deguire affirme qu’elle préfère se concentrer sur les aspects positifs de la question : « Plus de 50 % des jeunes Québécois sont bilingues. Cela démontre l’ouverture de ces jeunes. Ils sont très conscients de l’importance, dans notre économie mondiale, de respecter et de reconnaître les langues et les cultures. Ils en savent souvent bien plus sur leur langue seconde qu’un locuteur natif. Somme toute, la langue est l’essence même de l’identité d’une personne. »
Niki Robichaud
L’école Smithers Secondary School, qui est située à Smithers, une petite ville dynamique au cœur de la Bulkley Valley, au nord de la Colombie-Britannique, compte parmi ses rangs une enseignante de français langue seconde dévouée, enthousiaste et ouverte d’esprit.
Niki Robichaud
L’étincelle de Niki Robichaud pour sa profession se produit lors d’un voyage en Europe à la fin de ses études secondaires. Elle est alors impressionnée par la facilité avec laquelle les Européens parlent plusieurs langues. « La maison de mon enfance était unilingue, et l’anglais était la seule langue parlée. J’ai compris que je voulais cette qualité que les Européens possédaient, de pouvoir passer d’une langue à l’autre avec fluidité »
, mentionne-t-elle.
À son retour au Canada, la jeune femme se met donc au travail : « J’ai commencé à me renseigner au sujet de tous les programmes incroyables dont nous disposons ici pour aider une personne à apprendre l’une de nos langues officielles. »
Son choix s’arrête sur l’Université Laval, à Québec, où elle y fait un baccalauréat pendant quatre ans afin d’améliorer ses compétences en français. « Mes années passées à Québec comptent parmi mes souvenirs les plus mémorables. Le fait de parler en français et de pouvoir être bilingue est un cheminement d’apprentissage continu pour moi »
, raconte Niki Robichaud. En plus de confirmer son désir de devenir enseignante, son séjour dans la vieille capitale lui permet de faire un constat important. « Je crois que ce que je considérais initialement comme une qualité européenne est aussi une qualité canadienne importante : le bilinguisme. »
Niki Robichaud est ainsi enseignante de français langue seconde depuis maintenant vingt ans. Vingt ans à montrer aux jeunes que le bilinguisme est une occasion pour eux « de grandir en tant que personne, de mieux comprendre leur langue maternelle et d’être de meilleurs apprenants de leur langue seconde. »
Plus important encore est le fait qu’ « avec le bilinguisme, on constate un engagement constant de comparaison et de contraste dans la structure de la langue et dans l’expression des idées, ajoute-t-elle. Par exemple, comment cette idée est-elle représentée en anglais et comment est-elle représentée en français? C’est amusant d’explorer. »
Même après toutes ces années, l’enthousiasme qui habite l’enseignante n’est pas près de s’essouffler. « J’aime aider les élèves à voir les possibilités qu’offre l’apprentissage du français, et comment le fait de parler en français va au-delà de la salle de classe. J’aide les élèves à comprendre qu’être bilingue peut aussi être une réalité pour eux, peu importe leur âge ou le programme dans lequel ils ont commencé le français : immersion ou de base. »
Et pas question de mettre l’accent sur la performance dans sa classe. En effet, pour Niki Robichaud, « l’apprentissage du français […] vise la création d’une expérience qui permet aux élèves de former et d’approfondir leur langue et leur sensibilité culturelle.»
C’est d’ailleurs ce que l’enseignante a tenté de faire en concevant un cours de cuisine en français. Une méthode créative qui « offre aux élèves une expérience individualisée en vue d’apprendre l’une de nos langues officielles et un format pour créer une relation avec la langue »
, explique-t-elle. De ce fait, Niki Robichaud avoue qu’il est difficile d’encourager les jeunes à poursuivre leurs études dans leur langue seconde. « Cela a constitué un défi particulier, surtout aux niveaux supérieurs dans les écoles secondaires. J’encourage les élèves à réfléchir à quelque chose qu’ils aiment faire, puis à l’explorer en français. J’aime cuisiner et faire de la pâtisserie, donc j’améliore mes compétences linguistiques et je les maintiens en participant à une activité que j’aime déjà faire. »
Le moins que l’on peut dire, c’est que le bilinguisme occupe une place de choix dans la vie de Niki Robichaud. « L’une de mes citations préférées à propos du bilinguisme est celle de Frank Smith, un psycholinguiste, qui dit ceci : “Une langue vous place dans un corridor pour la vie, mais deux langues vous ouvrent toutes les portes en cours de route”. »
Krista Guezen
Une chose est sûre, les 20 années d’expérience de Krista Guezen en tant qu’enseignante d’anglais langue seconde lui ont permis de découvrir plusieurs facettes de sa profession. Enseignante dans une école secondaire francophone de la région de l’Outaouais québécois depuis huit ans, sa passion et sa polyvalence ne passent pas inaperçues.
Krista Guezen
En s’inscrivant à l’université, Krista Guezen s’imagine devenir professeur d’anglais. Sa carrière prend toutefois un tournant inattendu lorsqu’elle décroche un contrat d’enseignante de langue seconde dans une école française. Comme quoi les défis ne lui font pas peur. « C’était trois jours avant le début de l’année scolaire et j’ai été jetée dans l’arène. J’ai adoré cela. Je ne peux pas dire que ça n’a pas été difficile, mais ça en a valu la peine, raconte-t-elle. Je n’ai jamais regardé en arrière. Je suis restée dans le système francophone, en tentant tous les jours de montrer à mes élèves à quel point l’anglais peut être important et amusant. »
L’enseignante polyvalente saute également sur toutes les occasions pour se perfectionner sur le plan professionnel, que ce soit en côtoyant des élèves de la première année du secondaire à la cinquième année du secondaire, en enseignant à Saint-Jérôme, à Lachute, à Outremont et même au Japon, ou en passant de la version normale du programme à celle enrichie. « Je suis devenue, comme bon nombre d’entre nous, un touche-à-tout. L’un des seuls aspects de cette profession que je n’ai pas encore essayés, et que j’aimerais bien essayer, est de travailler avec un stagiaire en enseignement »
, souligne-t-elle.
Au-delà de la variété de sa profession, Krista Guezen profite de la chance qu’elle a de pouvoir parler d’un sujet qui la passionne avec des jeunes aux opinions variées, en plus de la liberté de création dont elle dispose pour concevoir ses plans de cours. Comme elle le dit si bien, « chaque nouvelle année est un nouveau départ qui offre un potentiel illimité. »
« J’aime les débats, la formation, la communication et l’établissement de la confiance, ajoute-t-elle. J’aime les moments où les élèves croient enfin qu’ils peuvent le faire; lorsqu’ils parlent avec des phrases complètes ou qu’ils récitent un poème qu’ils ont écrit. J’adore pouvoir leur offrir des possibilités en leur enseignant cette langue. »
Questionnée sur les défis auxquels elle a été confrontée au cours de sa carrière, l’enseignante avoue que « celui qui me contrarie le plus en est un qui est toujours présent : la résistance à l’égard de l’apprentissage de l’anglais. »
En effet, Krista Guezen déplore « la perspective selon laquelle l’apprentissage de l’anglais n’est pas nécessaire »
, voire inutile. « Je me suis battue contre cela pendant toute ma carrière. »
Et ce n’est pas tout. La nature hétérogène des groupes est sans aucun doute l’un des plus grands défis auxquels les enseignants de langue seconde doivent faire face. « J’ai eu des élèves qui ne comprenaient pas un mot de ce que je disais assis à côté d’enfants bilingues prêts à lire leur prochain roman de Tolkien. Essayer de garder chacun de ces types d’élèves engagés est un défi quotidien. Je me rappelle certaines années où j’avais le sentiment d’enseigner à trois classes différentes en une seule. »
Toutefois, le bilinguisme est à ses yeux un élément essentiel de l’identité canadienne, d’où son travail acharné. Krista Guezen estime que « lorsque vous connaissez une autre langue, cela signifie que vous ne vous attendez pas à ce que tout le monde se conforme à vous. Vous avez la capacité de vous adapter aux autres. Cela équilibre l’égo et permet aux élèves de comprendre leur place au Canada. En outre, en Europe, de nombreux élèves apprennent trois langues, ce qui signifie que pour s’intégrer dans notre communauté mondiale, une personne doit au moins apprendre une deuxième langue. »
Kristie St Croix
Depuis septembre 2002, Kristie St Croix fait la promotion du bilinguisme auprès des jeunes. Comment? En étant enseignante de français langue seconde. Après un passage de six ans à Calgary, en Alberta, elle travaille aujourd’hui à l’école primaire Elizabeth Park, dans la communauté de Paradise, à Terre-Neuve-et-Labrador.
Kristie St Croix
L’histoire d’amour de Kristie St Croix avec le bilinguisme ne date pas d’hier. À l’âge de 12 ans, elle participe à un programme d’immersion française tardive au cours duquel elle apprend une seconde langue, mais surtout, où elle côtoie des enseignants inspirants. « Des enseignants qui m’ont donné envie d’en apprendre plus, de découvrir et de vivre la culture au-delà de ce qu’une salle de classe peut offrir »
, souligne-t-elle.
Une fois ses études secondaires terminées, la jeune femme n’est toujours pas rassasiée. Elle séjourne alors dans diverses communautés francophones pendant ses études postsecondaires, notamment à Montréal. Une expérience révélatrice à ses yeux : « J’ai commencé à réaliser à quel point mon identité canadienne était importante pour moi et ce que cela signifiait que d’être Canadienne. J’ai commencé à réaliser à quel point je m’identifiais, en tant que citoyenne, à ce magnifique pays, et que le fait de pouvoir communiquer dans ses deux langues officielles était très important pour mon parcours. »
Ce qui est loin d’être surprenant. Après tout, « le bilinguisme est un cadeau précieux de possibilité. Un cadeau qui offre de nombreuses aventures et des expériences de vie importantes »
, admet Kristie St Croix.
En vieillissant, l’importance du bilinguisme dans sa vie est de taille. Il lui ouvre plusieurs portes, tant sur le plan professionnel que personnel, en passant par la création de nouvelles amitiés à une meilleure compréhension des individus qui l’entourent. En effet, pour cette enseignante passionnée, le bilinguisme est, encore aujourd’hui, bien plus que la capacité à communiquer dans deux langues différentes. « Il s’agit du chemin que l’on suit pour acquérir cette langue et de toutes les choses que l’on apprend le long de ce chemin. Il s’agit de prendre des risques, de vivre et de faire l’expérience de cultures différentes et de comprendre et de reconnaître que nous sommes tous différents; c’est ce qui est beau »
, explique-t-elle.
L’envie de transmettre ces valeurs et de guider les enfants dans leur parcours scolaire ont ainsi poussé Kristie St Croix à devenir enseignante de langue seconde, en espérant qu’un jour ces enfants « seront en contact avec les autres et qu’ils comprendront la tolérance et adopteront toutes les différences parmi nous, en tant que citoyens du monde. »
De ce fait, grâce à son expérience, l’enseignante de Terre-Neuve-et-Labrador a vite compris que les jeunes, peu importe leur âge, ont soif d’apprendre et sont curieux. C’est pourquoi elle essaie de leur inculquer « la confiance de savoir qu’ils peuvent apprendre et faire de nouvelles choses dans la mesure où ils sont prêts à travailler dur et qu’ils aiment ce qu’ils font! »
Elle est toujours prête à aider ses élèves, et l’un d’entre eux l’a d’ailleurs particulièrement marquée. « Il y avait ce garçon qui avait de nombreux défis. Il avait de la difficulté à tisser des liens avec les autres et il avait également besoin de beaucoup de soutien en classe. C’était un garçon qui recherchait l’amitié, l’acceptation et qui cherchait à être rassuré. »
L’enseignante a travaillé avec lui pendant de nombreuses heures pour l’aider à développer sa confiance et sa curiosité. Se sentant soutenu par ses pairs, le jeune garçon a alors commencé à entreprendre ses propres projets d’apprentissage, à améliorer ses résultats scolaires et à entretenir des amitiés importantes. « J’ai été touchée par sa détermination à réussir et à faire des progrès. Son travail acharné et son attitude positive étaient inspirants pour toutes les personnes qui l’entouraient. Même lorsque les choses étaient très difficiles pour lui, il était prêt à essayer et il ne se décourageait jamais »
, se souvient l’enseignante.
Kristie St Croix tire ainsi une leçon importante de sa carrière jusqu’à présent : « Je crois qu’un enseignant a toujours la possibilité d’apprendre et parfois, la meilleure occasion d’apprendre vient des élèves qui nous entourent. »
Manon Jetté
Enseignante d’anglais langue seconde depuis près de 30 ans, Manon Jetté a toujours baigné dans le monde de l’éducation. Rapidement séduite par le métier, elle est aujourd’hui professeure à l’école primaire Sainte-Lucie à Val-d’Or.
Manon Jetté
Avec une mère orthopédagogue et des tantes enseignantes, Manon Jetté a rapidement su que le métier d’enseignante pourrait l’intéresser. Bien qu’elle ait hésité entre le domaine de l’éducation ou celui de la traduction, c’est son « besoin de pouvoir être en interaction avec des gens »
qui a guidé sa décision.
Après avoir obtenu son baccalauréat en éducation préscolaire et en enseignement primaire, Manon Jetté est devenue titulaire de classe. Deux ans plus tard, on lui offre un poste en anglais langue seconde au primaire. Elle était loin de se douter que ses passions pour l’éducation et la langue finiraient par se jumeler. « J’ai accepté en me disant que je ferais ça pour un an. J’ai eu la piqûre… solide. J’ai donc rajouté un certificat en enseignement de l’anglais langue seconde à mon parcours scolaire. “The rest is history!” »
, affirme celle qui travaille à la même école depuis plus de 20 ans.
La carrière de Manon Jetté est ponctuée de moments forts, comme son expérience en tant que professeure pilote pour le nouveau programme d’anglais au premier cycle du primaire dans la province. « Pendant deux ans, la petite équipe de profs que nous étions, dont cinq au Québec pour la première année, validions le programme, épaulée par l’équipe du ministère de l’Éducation. »
D’ailleurs, l’enseignante de Val-d’Or n’a pas à rougir de ses performances, elle qui a remporté le prix de la Société pour le perfectionnement de l’enseignement de l’anglais, langue seconde, au Québec en 2013. La principale intéressée avoue que « …recevoir cet honneur, donné par des pairs, c’est très valorisant et stimulant. »
Puis, en 2016, son travail lui a valu le prix H.H. Stern de l’Association canadienne des professeurs de langues secondes, remis chaque année à un enseignant de langue seconde ayant fait preuve de pratiques novatrices en classe.
Cela dit, le métier d’enseignante de langue seconde n’est pas de tout repos. « Il n’est pas facile d’être spécialiste et de passer d’une école à une autre. Ça prend de l’organisation […] »
, affirme Manon Jetté. Toutefois, elle soutient « qu’il faut voir les changements comme des défis. […] Oui, il y a des changements qui ont été plus demandant, comme l’arrivée des nouveaux programmes avec la réforme, mais lorsque l’équipe avec laquelle on travaille est soudée, ça fait toute une différence. »
En effet, l’enseignante s’estime chanceuse de côtoyer des individus stimulants et de travailler avec des directions qui croient en ce qu’elle fait.
De ce fait, Manon Jetté salue la variété de sa profession et en retire une grande fierté. « Prendre un élève de 1re année et le voir évoluer jusqu’en 6e année, ça n’a pas de prix. De plus, apprendre une langue est quelque chose de culturel pour moi. Ça nous permet de comprendre et d’apprécier notre propre culture et de nous ouvrir sur celle des autres. C’est un peu comme ajouter des fenêtres à notre vue sur le monde. »