Notes d’allocution pour la comparution devant le Comité permanent sénatorial des langues officielles

Le 7 juin 2021
Raymond Théberge - Commissaire aux langues officielles

Seul le texte prononcé fait foi

 

Début de dialogue

Étude du document de réforme des langues officielles

Monsieur le président, honorables membres du comité, bonjour.

Je vous remercie de me donner l’occasion de participer à l’étude du document de réforme des langues officielles.

Bien que la rencontre d’aujourd’hui se déroule sur une plateforme virtuelle, je tiens à souligner que je m’adresse à vous depuis le territoire du Traité no 1, soit le territoire traditionnel des peuples anishinabé, cri, oji-cri, dakota et déné ainsi que la patrie de la Nation métisse.

Le 19 février dernier, le gouvernement fédéral a publié son document de réforme intitulé Français et anglais : Vers une égalité réelle des langues officielles au Canada.

J’ai analysé attentivement l’ensemble des propositions formulées par le gouvernement. Je suis confiant que celles-ci devraient donner un second souffle aux efforts déployés pour protéger et promouvoir nos deux langues officielles, tout en renforçant la dualité linguistique.

La pierre angulaire de notre régime linguistique, la Loi sur les langues officielles, doit être revue en profondeur afin qu’elle soit actuelle, dynamique et robuste, et qu’elle évolue au diapason de la société canadienne.

Je suis satisfait que la stratégie du gouvernement reprenne plusieurs des recommandations que j’avais émises en 2019 quant à la modernisation de la Loi, de même que celles que vous aviez retenues dans votre propre rapport sur la modernisation de la Loi.

Par exemple, on accorde une place d’importance aux communautés de langue officielle en situation minoritaire, et on vient clarifier les obligations que les institutions fédérales ont à leur égard.

Aussi, les pouvoirs renforcés que le gouvernement compte accorder à la fonction de commissaire aux langues officielles me permettraient d’assurer un meilleur respect de la Loi par les institutions fédérales.

Depuis la publication du document de réforme, j’ai consulté des organismes clés qui soutiennent les communautés de langue officielle en situation minoritaire pour recueillir leur réaction concernant les propositions du gouvernement.

Dans l’ensemble, les propositions du gouvernement ont suscité des réactions fort positives de la part des communautés.

La proposition de codifier le principe d’égalité réelle au cœur de la Loi ainsi que la protection des communautés en sont de bons exemples.

Je salue d’ailleurs l’engagement du gouvernement à faire du principe de l’égalité réelle l’élément central de sa refonte de la Loi, de façon à favoriser le développement et l’épanouissement de nos deux communautés de langue officielle en situation minoritaire, tout en faisant la promotion des deux langues officielles au Canada.

Par contre, comme plusieurs autres intervenants, je suis très préoccupé par l’ajout de certaines composantes asymétriques dans la Loi. Cet ajout viendrait mettre l’emphase sur la protection et la promotion du français.

Bien que l’incidence de cette nouvelle approche ne soit pas encore connue, je crains que ces composantes asymétriques dans la Loi viennent justement miner le statut égal de l’anglais et du français. De plus, une telle approche est contraire au principe d’égalité réelle.

Pour protéger les communautés de langue officielle partout au Canada, je suis d’avis que le gouvernement doit préconiser l’égalité réelle plutôt que l’asymétrie législative.

Il est important de rappeler que le français et l’anglais ont un statut et des droits égaux, et que la Loi sur les langues officielles repose sur ces valeurs fondamentales, qui sont d’ailleurs inscrites dans la Charte canadienne des droits et libertés.

Le français et l’anglais sont confrontés à des circonstances et à des défis différents selon les régions du pays. Dans l'ensemble du Canada, le français est minoritaire, alors qu’au Québec et au Nunavut, l'anglais est une langue officielle minoritaire. Notre soutien aux deux langues officielles et aux communautés doit nécessairement tenir compte de ces diverses réalités à l’échelle du pays.

De plus, le principe de l'égalité réelle dicte déjà que les institutions fédérales doivent considérer les circonstances distinctes et les besoins spécifiques des communautés de langue officielle en situation minoritaire dans les différentes régions du pays.

Ainsi, la protection spécifique de l’une des deux langues officielles ou de l’une des communautés devrait se traduire dans l’application de la Loi ou dans d’autres instruments, plutôt que dans la Loi même. En effet, la Loi peut et devrait être mise en œuvre différemment, dans les différentes parties du pays, lorsque c’est nécessaire et approprié. Après tout, la Loi est – et doit demeurer – une loi qui défend l’égalité et qui s’adresse à l’ensemble de la population canadienne.

Enfin, certaines des recommandations que j’ai faites en 2019 et que vous avez retenues dans votre propre rapport ne se retrouvent pas dans le document de réforme. Elles mériteraient toutefois d’être considérées par le gouvernement lors de la rédaction du projet de loi, surtout en ce qui a trait à la partie IV de la Loi, qui, comme vous le savez, encadre les communications avec le public et la prestation de services.

Je pense entre autres aux obligations des institutions fédérales qui traitent tant avec le public voyageur qu’avec le grand public.

Le gouvernement pourrait également revoir la notion des communications à l’ère des nouvelles technologies afin de rendre la Loi technologiquement neutre.

J’avais également recommandé que des sanctions administratives pécuniaires soient imposées aux institutions fédérales qui ne respectent pas leurs obligations en matière de langues officielles. Ces mesures ont fait leurs preuves et pourraient s’inscrire parfaitement dans la gradation de pouvoir prôné dans le document de réforme.   

Enfin, j’avais également recommandé l’adoption d’un règlement régissant les droits en matière de langue de travail prévu sous la partie V, notamment afin d’assurer une cohérence avec les obligations établies sous la partie IV en matière de communications et de prestation des services offert au public. Cet aspect est d’autant plus important maintenant que le gouvernement envisage de créer une nouvelle série d’obligations pour les entreprises privées de compétence fédérale et ailleurs au Canada. 

Ce sont là des enjeux prioritaires que le gouvernement doit prendre en considération afin que le projet de loi que nous attendons tous depuis si longtemps soit à la hauteur des attentes et des besoins de l'ensemble de la population canadienne.

En terminant, je vous encourage à lire mon Rapport annuel 2020-2021, que j’ai déposé au Parlement la semaine dernière. Il contient des recommandations au gouvernement fédéral afin de réaliser des progrès à long terme en matière de langues officielles, notamment au sein de la fonction publique.

Je vous remercie de votre attention. Je suis prêt à répondre à vos questions dans la langue officielle de votre choix.

Merci.

Date de modification :
2021-06-07