Lettre à l’éditeur – Le moment est propice pour parler du bilinguisme dans la fonction publique
Le 05 octobre 2017
Il a été question récemment de la prime au bilinguisme des fonctionnaires fédéraux, car celle-ci fait l’objet d’une recommandation dans le rapport sur la langue de travail dans la fonction publique déposé par le greffier du Conseil privé le 14 septembre dernier. Or, le rapport ne se résume pas seulement à la fameuse prime.
En publiant le rapport, le greffier du Conseil privé, Michael Wernick, a marqué un deuxième jalon dans la conversation nécessaire et utile sur la langue de travail dans la fonction publique fédérale.
La langue de travail au gouvernement fédéral fait l’objet de nombreuses controverses depuis plusieurs années. Le niveau de compétences linguistiques requis, l’accessibilité à la formation linguistique, la prime au bilinguisme et les difficultés qu’éprouvent de nombreux superviseurs à communiquer dans la langue officielle de choix de leurs employés sont tous des sujets épineux. Le rapport aborde ces enjeux de façon honnête, après des consultations menées par deux hauts fonctionnaires, Matthew Mendelsohn et Patrick Borbey.
Le rapport recommande notamment que le profil linguistique des postes de supervision bilingues soit au minimum CBC/CBC (niveau de compétence supérieur). Cela représenterait un rehaussement du profil requis dans plusieurs cas et répondrait à une recommandation faite par le Commissariat aux langues officielles en 2011.
Le rapport recommande aussi que le gouvernement recrute des personnes qui possèdent des connaissances de base dans leur seconde langue officielle et qui pourront atteindre un bon niveau de bilinguisme plus rapidement.
Ces changements proposés, de même que plusieurs autres, permettraient la mise à jour d’un système de langue de travail qui date de près de 30 ans. Beaucoup a été accompli : des milliers de superviseurs ont réussi à atteindre un certain niveau de bilinguisme. Selon le Secrétariat du Conseil du Trésor, plus de 95 % des superviseurs possèdent aujourd’hui le profil linguistique requis par leur poste. Fournir aux fonctionnaires des logiciels d’usage courant et des claviers dans la langue officielle de leur choix va de soi pratiquement partout dans la fonction publique.
Certains problèmes subsistent cependant et de nouveaux défis sont apparus.
De toutes les plaintes sur lesquelles le Commissariat aux langues officielles a enquêté, 18 % proviennent de fonctionnaires alléguant que leurs droits en matière de langue de travail n’ont pas été respectés. Après examen, la grande majorité de ces plaintes sont fondées, appelant des correctifs de la part des institutions fédérales.
Maintenir un milieu de travail où chacun peut utiliser la langue officielle de son choix est complexe, alors que se côtoient des professionnels ayant différents niveaux de compétence dans leur langue seconde et d’autres n’en ayant aucune. Cela demande un leadership affirmé de la part des dirigeants, une attention constante des gestionnaires et de la bonne volonté de tous.
Aux enjeux soulevés par le rapport devra s’ajouter celui des nouvelles technologies de communication en milieu de travail. Les employés travaillent maintenant entre eux et avec leurs superviseurs de façon virtuelle, ou au moyen d’instruments de collaboration tels que GCconnex. L’anglais étant actuellement utilisé presque exclusivement sur ces forums, on risque une détérioration rapide du bilinguisme au sein de la fonction publique, avec des répercussions prévisibles sur la qualité du service au public.
Le rapport déposé par M. Wernick n’est pas accompagné d’un échéancier de mise en œuvre, ce qui rend importante la conversation des prochains mois. Chaque acteur devra y mettre du sien pour s’assurer que la démarche mène à des mesures concrètes, pour une fonction publique plus efficace et respectueuse des droits linguistiques de ses employés.
Ghislaine Saikaley, commissaire aux langues officielles par intérim