Dionne c Canada (Procureur général)
Cette affaire porte sur le droit d’un plaignant de déposer un recours à la Cour fédérale en vertu de l’article 77 de la Loi sur les langues officielles (la Loi) lorsque le commissaire se dit satisfait des mesures prises par une institution fédérale lors du suivi de ses recommandations.
Contexte
En novembre 2010, André Dionne, dépose une plainte auprès du Commissariat aux langues officielles à l’encontre de son employeur, le Bureau du surintendant des institutions financières. Dans son rapport final d’enquête communiqué le 7 janvier 2014 à M. Dionne, le commissaire conclut que la plainte est fondée et prévoit des recommandations pour lesquelles il fera un suivi.
Le 11 mars 2015, le commissaire communique son rapport final de suivi concluant que ses recommandations ont été mises en œuvre de façon satisfaisante. Ne partageant pas l’avis du commissaire, M. Dionne dépose, le 8 mai 2015, sa demande devant la Cour fédérale en vertu du paragraphe 77(2) de la Loi.
Le procureur général du Canada (PGC) dépose subséquemment une requête en radiation de la demande sur la base, notamment, que l’avis de demande a été déposé tardivement. Le commissaire est intervenu pour faire valoir que les demandes en vertu de l’article 77 de la Loi peuvent être déposées à la suite d’un rapport final de suivi dans lequel le commissaire se dit satisfait de la mise en œuvre des recommandations.
Décision
Selon le PGC, la demande visée à l’article 77 de la Loi doit être déposée dans un délai de 60 jours suivant le rapport final d’enquête et non dans les 60 jours suivant le rapport final de suivi. De plus, ce recours ne peut être déclenché que lorsque le commissaire conclut, dans son rapport de suivi, que l’institution fédérale n’a pas donné suite à ses recommandations par des mesures appropriées dans un délai raisonnable.
La Cour est d’avis que le paragraphe 77(2) doit être interprété de façon large et libérale, tout comme les droits linguistiques en général. Ainsi, la Cour fait siens les propos du commissaire voulant que l’intention du législateur, aux paragraphes 64(2) et 77(2) de la Loi, n’est pas de limiter le droit de recours du plaignant aux situations où le commissaire est insatisfait de la mise en œuvre de ses recommandations. Il s’agit plutôt du droit pour le plaignant de saisir les tribunaux pour obtenir une réparation juste et équitable, après que le commissaire ait eu la possibilité de régler la plainte. C’est la communication du rapport final de suivi et non le contenu de ce rapport qui déclenche le délai de 60 jours pour former le recours en vertu de l’article 77 de la Loi. La Cour rejette la position du PGC voulant que le recours en vertu de l’article 77 doive être institué dans les 60 jours suivant le rapport final d’enquête du commissaire, soit avant d’avoir obtenu le rapport final de suivi. La Cour est d’avis qu’il s’agit d’une « approche dénuée de sens pratique
» puisqu’elle forcerait les plaignants à intenter le recours pour préserver leurs droits sans connaître les résultats du rapport de suivi.
La requête du PGC en radiation de la demande est rejetée.