R. c Caron (ordonnance de provision pour frais) (2011)

Année
2011
Cour
Cour suprême du Canada
Catégories
Bilinguisme judiciaire et législatif
Référence
2011 CSC 5
Province ou territoire
Alberta

Dans cette affaireNote de bas de page 1, la Cour suprême du Canada était invitée à déterminer si et dans quelle mesure les tribunaux devaient ordonner à l’État de financer des litiges qualifiés « d’intérêt public », notamment dans le domaine des droits linguistiques.

Dans le contexte plus particulier du présent litige, le ministère public a contesté l’ordonnance de provision pour frais rendue par la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta (une cour supérieure) pour financer la défense d’un accusé poursuivi pour une infraction réglementaire devant la Cour provinciale dans l’affaire Caron. Selon lui, la Cour supérieure n’a pas compétence pour rendre une ordonnance de provision pour frais et, même si elle avait eu une telle compétence, cette ordonnance était de toute façon irrégulière.

La Cour a d’abord rappelé que les cours supérieures ont le pouvoir inhérent de venir en aide aux tribunaux d’instance inférieure en vue de leur permettre d’administrer pleinement et efficacement la justice, mais qu’elles peuvent le faire uniquement en vue de prévenir une grave injustice qui va à l’encontre de l’intérêt public. Elle a ensuite précisé que, pour déterminer si l’intervention de la Cour du Banc de la Reine était nécessaire pour permettre à la Cour provinciale d’« administrer pleinement et efficacement la justice », trois conditions doivent être examinées : 1) la partie qui demande une provision pour frais serait incapable d’agir en justice sans l’ordonnance; 2) la demande vaut prima facie d’être instruite; 3) les questions soulevées dépassent le cadre des intérêts du plaideur, revêtent une importance pour le public et n’ont pas encore été tranchées.

Dans le cas présent, la Cour provinciale avait été saisie d’un litige relatif aux droits linguistiques, qui revêtent une grande importance, et lequel, après des mois de procès, risquait fort de ne pas aboutir. L’intervention de la Cour supérieure n’était donc pas une intervention habituelle. Elle s’inscrivait dans une opération de sauvetage visant à éviter que des mois d’efforts n’aient été en vain et que les frais engagés et les ressources judiciaires mises à contribution à ce jour ne soient gaspillés. La Cour suprême du Canada était d’avis qu’il serait contraire à l’intérêt de la justice que le litige ne soit pas tranché de façon adéquate sur le fond uniquement parce que le défendeur ne disposait pas des ressources financières nécessaires pour terminer ce qu’il avait commencé. Par ailleurs, elle a noté que les juridictions inférieures n’avaient commis aucune erreur manifeste en concluant que l’accusé avait épuisé ses ressources et qu’il n’avait pas les moyens de payer les frais supplémentaires qu’occasionnerait la poursuite du litige. Au contraire, le juge de la Cour du Banc de la Reine a dit avoir été impressionné par la « façon responsable » dont le défendeur s’y est pris pour rassembler des fonds en vue de ce qui risquait d’être un long procès. Ainsi, selon la Cour suprême, la prétention du défendeur était valable à première vue, l’affaire revêtait une importance pour le public et elle valait prima facie d’être instruite en tant que contestation visant tout le corpus des textes juridiques unilingues en Alberta. La Cour a donc confirmé la validité de l’ordonnance de provision pour frais rendue par la Cour du Banc de la Reine.

Notes de bas de page

note de bas de page 1

R. c Caron, 2011 CSC 5.

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