
Photo : Matthew Mills
Enthousiaste, dynamique, les yeux pétillants, elle n’hésite pas à témoigner de sa passion pour sa communauté. À 26 ans, Megan Felix est de retour chez elle, au « Pays du bon Dieu », surnom donné à la péninsule de Port-au-Port, le berceau de la francophonie terre-neuvienne, située sur la côte ouest de l’île de Terre-Neuve-et-Labrador.
Il y a cinq ans, Mme Felix a fait ce que bien des Terre-Neuviens font à son âge: elle a plié bagage pour trouver du travail un peu plus à l’ouest. Il faut dire que Terre-Neuve-et-Labrador possède encore un des plus haut taux de chômage au Canada, et la péninsule de Port-au-Port n’y échappe pas. À la suite du moratoire sur la pêche à la morue des années 1990, l’importante baisse des revenus liés à cette activité a laissé une trace encore bien visible dans les petits villages côtiers. « Je n’ai pas eu le choix de quitter, mais je suis revenue parce que je m’ennuyais de ma famille, raconte Mme Felix. Je sens que je peux faire confiance aux gens de ma communauté. Tout le monde se connaît et on prend soin de tout le monde. »
Statistiques intéressantes
Les données de Statistique Canada sont alarmantes. Selon le Recensement de 2006, la communauté francophone avait perdu 335 membres depuis le Recensement de 2001. Ces chiffres ont des grandes répercussions, alors que la communauté représente un peu moins de 0,5 % de la population provinciale, soit 2 225 individus de langue maternelle française.
Megan Félix fait exception à la règle. La plupart des jeunes partent, mais ne reviennent pas. « On ne peut pas en vouloir aux jeunes; on veut tous plus d’argent et une meilleure vie. On croit qu’on peut faire plus d’argent en allant ailleurs, mais on oublie souvent que le coût de la vie est plus élevé et qu’on peut avoir de la difficulté à arriver », explique Mme Felix. Nouvellement embauchée au Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE) comme agente jeunesse, elle veut briser ce cercle vicieux qu’est l’exode de sa région : « Je veux aider les jeunes à trouver des emplois pour rester, leur donner le choix que je n’ai pas eu. »
Ce que fait Mme Felix n’est qu’un exemple d’une série de mesures prises dans la province. Gaston Létourneau fait aussi partie de ceux qui ont à cœur cette nouvelle génération. Ses cheveux gris ébouriffés traduisent son caractère dynamique et passionné. Depuis 4 ans, il s’engage auprès des jeunes de l’école des Grands-Vents, la seule école francophone de St. John’s, capitale de Terre-Neuve-et-Labrador. À titre d’agent de construction identitaire au Conseil scolaire francophone provincial, il multiplie les activités et les programmes pour favoriser la réalisation des jeunes en français. « Il faut leur faire reconnaître la richesse qu’ils ont en eux, affirme M. Létourneau. Si on peut leur transmettre cette fierté, peut-être bien qu’ils vont vouloir davantage rester. »

Christophe Caron, directeur du RDÉE de Terre-Neuve-et-Labrador
Christophe Caron, directeur du RDÉE de Terre-Neuve-et-Labrador, est bien conscient de cette situation. Originaire de la France, il est venu grossir les rangs de la francophonie terre-neuvienne, il y a deux ans, grâce au programme Destination Canada. Il est lui-même un produit des différentes tentatives pour freiner l’effritement de la communauté francophone. C’est grâce à la mise sur pied de projets faits sur mesure pour les francophones de Terre-Neuve-et-Labrador, comme la Journée Orientation & Carrière, Place aux jeunes de Terre-Neuve-et-Labrador, Faut que ça bouge! et PERCÉ, que M. Caron souhaite projeter un avenir un peu plus reluisant à cette nouvelle génération. Ces programmes aident non seulement les jeunes francophones à développer leur leadership et à constater les possibilités d’emplois dans leur milieu, mais aussi à promouvoir les récents diplômés francophones auprès des employeurs. Dans le cas de la Journée Orientation & Carrière et de Place aux jeunes de Terre-Neuve-et-Labrador, les rencontres avec les employeurs du milieu sont au cœur des activités. « Les jeunes ne sont souvent pas bien réseautés ou n’ont pas vraiment conscience des possibilités », constate le directeur du RDÉE. Selon lui, avec les nombreux départs à la retraite à venir, la relève est plus que nécessaire pour combler tous ces postes, autant francophones qu’anglophones.

Philippe Enguehard
Photo : Archives de l'organisme Franco-Jeunes de Terre-Neuve-et-Labrador
Heureusement, quelques jeunes sont déjà convaincus. Philippe Enguehard est l’un d’entre eux. Pour lui, natif de Terre-Neuve de parents Saint-Pierrais, quitter n’était pas une option, même s’il a dû faire ses études postsecondaires en anglais. « J’aime la province de Terre-Neuve-et-Labrador et je suis fier de mon héritage terre-neuvien et francophone; ça ne m’intéresse pas du tout de quitter de la province », répond catégoriquement M. Enguehard. Directeur de Franco-Jeunes de Terre-Neuve et du Labrador, il constate que la communauté est très petite et vieillissante et que cette situation est difficile pour la nouvelle génération. Raison de plus, selon lui, de mettre l’épaule à la roue et d’inspirer les jeunes. Pour M. Enguegard, « si on n’est pas capable de garder nos jeunes, la communauté va disparaître. Et c’est pour cette raison que le travail qui est fait est si important. En allant chercher les jeunes et en les engageant dans des projets comme les Jeux de l’Acadie ou la radio communautaire, on contribue à ce qu’ils s’approprient leur communauté, afin qu’elle reste vivante ».
Rafale FM, la radio-web communautaire francophone de Terre-Neuve-et-Labrador
Rafale FM est la seule radio communautaire francophone à Terre-Neuve-et-Labrador, et elle est en expansion. Créée au début des années 1990 par la communauté francophone de Labrador City, sous le nom de CJRM, sa mission locale s’est transformée, depuis 2009, en mission provinciale. CJRM est devenue Rafale FM et peut être écoutée dans les régions de Labrador City, de St. John’s et même dans la péninsule de Port-au-Port. La radio est depuis peu aussi accessible dans Internet, à www.francotnl.ca.
Place aux jeunes de Terre-Neuve-et-Labrador
En collaboration avec Place aux Jeunes du Québec, Place aux jeunes de Terre-Neuve-et-Labrador a pour but d’encourager et de faciliter le retour des jeunes professionnels dans la péninsule de Port-au-Port. Le programme permet un lien privilégié entre les jeunes déménagés à l’extérieur de la province et les employeurs de leur communauté. Le succès de ce programme amène le RDÉE, qui gère le projet, à étendre l’initiative à d’autres communautés francophones de la province pour la prochaine édition, l’an prochain.
Journée Orientation & Carrière
Le 24 février dernier se tenait la première édition de la Journée Orientation & Carrière. Elle a attiré plus de 400 élèves des écoles d’immersion et de l’école francophone des Grands-Vents, à St. John’s. Quelque 70 professionnels bilingues se sont déplacés pour l’occasion. Des représentants d’établissements d’éducation postsecondaire étaient également au rendez-vous, notamment du Collège Acadie Î.-P.-É., du Collège Boréal de l’Ontario et de l’Université Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse.
PERCÉ
PERCÉ est un programme panatlantique pour aider les étudiants d’un programme postsecondaire à trouver un stage rémunéré de douze semaines dans leur région natale. Cette occasion leur donne ainsi la possibilité de trouver une carrière chez eux.
Faut que ça bouge!
Le programme Faut que ça bouge! s’adresse aux adolescents de 14 à 17 ans des quatre provinces de l’Atlantique. Le but est d’amener les jeunes à mettre sur pied un projet dans leur communauté avec l’aide d’un mentor. Faut que ça bouge! comporte aussi quatre séances de formation de trois jours avec des activités de socialisation et de leadership.