Si vous vous trouvez en Chine ou dans un quartier chinois au début de février, vous entendrez sans doute la salutation « xīn nián kuài lè », utilisée à l’occasion du Nouvel An chinois, l’événement le plus important du calendrier chinois. Les festivités, qui s’échelonnent sur 15 jours, incluent de vastes défilés qui serpentent dans les rues de la ville. De plus, les gens nettoient leurs maisons pour en faire sortir la malchance, et les familles se réunissent pour préparer et déguster des festins.
Bien que la tradition du Nouvel An chinois remonte à plusieurs siècles, les mots qui composent les vœux de joie et de bonheur adressés à cette occasion sont encore plus anciens. Il y a environ 3 000 ans, bien avant la tradition des dragons en papier mâché et des billets neufs glissés dans des enveloppes rouges, les personnes de l’Est de la Chine, gravaient des symboles dans des carapaces de tortue et des ossements. Utilisés pendant la dynastie Shang pour faire des prédictions dans tous les domaines, de la météo à la santé, en passant par la guerre, ces « os divinatoires » constituent aujourd’hui les plus anciens vestiges de l’écriture chinoise.
文言文 : la langue classique
Jusqu’au début du XXe siècle, toute la correspondance en Chine et, pendant quelque temps, en Corée, au Japon et au Vietnam, était rédigée en chinois classique. Ce système élaboré d’écriture idéogrammatique, c'est-à-dire fondée sur des symboles, a été établi au cours de la dynastie Zhou (de 1046 à 256 avant notre ère). Il fut employé pour la rédaction des Entretiens de Confucius et du Tao Te Ching, deux textes importants du canon littéraire chinois.
L’écriture chinoise a beaucoup évolué depuis ses débuts. À une certaine époque, la plupart des mots du chinois classique se composaient d’une seule syllabe, et l’usage des éléments du discours, comme les verbes et les noms, était très souple. De nos jours, les mots peuvent contenir plus d’une syllabe, et les éléments du discours sont assujettis à des règles plus strictes. Malgré sa transformation, le chinois classique est lu et compris par une grande partie de la population en Chine. Certaines conventions du chinois écrit contemporain, telles que les formules de salutations à la fin d’une lettre, s’inspirent d’expressions empruntées à la langue classique.

Une touche artistique
Le chinois classique et le chinois contemporain sont des langues idéogrammatiques; les objets, les idées abstraites et les modes de prononciation sont représentés au moyen de signes rappelant des images. Par exemple, les signes graphiques représentant les chiffres un, deux et trois se composent d’une, de deux ou de trois lignes respectivement, tandis que celui qui désigne une montagne rappelle la forme de trois pics.
La calligraphie chinoise se rapproche d’une forme d’art. Elle se compose de huit traits fondamentaux, qui sont combinés et utilisés selon un ensemble de règles dictant leur ordre et leur direction. Les caractères créés à l’aide de ces traits peuvent s’écrire à la verticale ou à l’horizontale. La République populaire de Chine et Taïwan ont uniformisé l’écriture, en 1955 et en 2004 respectivement, en décrétant que les caractères devaient s’écrire de gauche à droite et du haut vers le bas. Toutefois, il n’est pas rare de voir dans ces pays des plaques de rues ou des enseignes de boutiques comportant des caractères allant dans plus d’une direction.
Certains messages se passent toutefois d’explications : de nombreuses personnes célèbrent le Nouvel An chinois en suspendant à leurs portes des bannières rouges sur lesquelles sont inscrits des couplets de vers destinés à attirer la chance.
Pertes et trouvailles sur le plan de la traduction
Tous les messages ne sont pas aussi faciles à déchiffrer. À mesure que le commerce et la culture percent les frontières, les multiples interprétations possibles des idéogrammes chinois peuvent poser problème. Par exemple, lorsqu’une compagnie américaine de boissons gazeuses a lancé son produit en Chine, les commerçants locaux ont rendu son nom de plusieurs façons originales – y compris par une série de caractères pouvant s’interpréter « mordre le têtard de cire ». La compagnie a par la suite déposé la marque de commerce « Ke Kou Ke Le » (可口可樂), quatre symboles qui évoquent la saveur et la joie. Voilà un choix plus heureux que la suggestion faisant allusion à des têtards de cire!
Les Canadiens connaissent bien ce genre de situation. En effet, ils ne sont pas à l’abri des traductions parfois cocasses dans leur pays bilingue et multiculturel. Songez par exemple à l’erreur de traduction qui s'est glissée lorsque l'énoncé « Made in China », sur un emballage de nouilles, a été rendu, en français, « Fait en porcelaine »!
Êtes-vous ma mère?
Une partie de l’ambiguïté des langues chinoises sur le plan de l’interprétation, notamment pour les locuteurs de l’Occident, réside dans la nature tonale de la langue parlée. Les langues chinoises recourent au ton et à l’inflexion pour transmettre la signification et les renseignements liés à la grammaire. C’est le cas également des autres langues tonales, telles que le vietnamien, la plupart des langues de l’Afrique subsaharienne et les langues autochtones des familles athapascane et iroquoise. Les locuteurs non natifs peuvent donc se heurter à toutes sortes de difficultés. En mandarin, par exemple, le mot « mǎ » veut dire « cheval », mais « mā » signifie « mère »!
Un monde de mots
Jongler avec deux langues est un jeu d’enfant comparativement à ce que doivent faire les locuteurs chinois. En Chinois, les deux concepts linguistiques—la langue écrite et les langues parlées—sont distincts. Selon la source consultée, il y aurait environ 12 variantes linguistiques dans la famille des langues sinitiques ou chinoises. Les variantes sont particulièrement marquées dans le Sud de la Chine.
On peut se demander si certaines variantes constituent des langues à part entière ou de simples dialectes. Par définition, les locuteurs de dialectes devraient être en mesure de se comprendre entre eux. Or, certaines langues sinitiques diffèrent les unes des autres dans la même mesure que l’italien diffère du français. Étant donné ces différences énormes, bien que le chinois écrit soit compris par tous, bon nombre de personnes dans le monde qui parlent une langue chinoise ne peuvent pas se comprendre.
Les langues chinoises parlées vont du mandarin, qu’utilisent 836 millions de personnes dans le monde, au ping, un sous-dialecte du cantonais, parlé par à peine deux millions de personnes. Au milieu du XXe siècle, le mandarin a été désigné langue officielle et langue d’instruction de la République populaire de Chine et de Taïwan. C’est aussi l’une des langues officielles aux Nations Unies. Cependant, au Canada, le cantonais est la langue maternelle chinoise la plus commune. Le cantonais, à l’origine langue vernaculaire de la ville de Canton, dans le Sud de la Chine, est parlé par la plupart des habitants de Hong Kong, de Macau et des provinces du Guangdong et du Guangxi, dans le Sud-Est.
Quelle variante devriez-vous utiliser pour prononcer des vœux à l’occasion du Nouvel An chinois? Que vous défiliez sur le Bund, à Shanghai, dans l’avenue Spadina, à Toronto, ou dans la rue Pender, à Vancouver, en février pour acheter des pétards du Nouvel An ou pour y déguster de délicieux nián gāo, un « ni hao! » amical constitue une manière parfaite et toute simple d’entamer une conversation.

Quelles langues dans quelles régions?
- Putonghua ou mandarin : dans le Nord et le Sud-Ouest de la Chine.
- Yue ou cantonais : dans les provinces du Guangdong et du Guangxi, à Hong Kong, à Macau et dans d’autres parties de l’Asie du Sud-Est.
- Wu : à Shanghai et dans les provinces du Jiangsu et du Zhejiang.
- Min : dans la province du Fujian, à Taïwan et dans des parties de l’Asie du Sud-Est — la Malaisie, les Philippines et Singapour.
- Xiang : dans la province du Hunan.
- Hakka : dans le Sud de la Chine, à Taïwan et dans des parties de l’Asie du Sud-Est — la Malaisie et Singapour.
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Gan : dans la province du Jiangxi.